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Citations de Clément Rosset (216)


Il ressort de ces lectures au moins ceci : c'est que le livre sur le malaise reste à écrire, comme reste à penser le problème du malaise en son entier. Je m'attacherais, pour ma part, bien volontiers à cette tâche, si je ne subissais pas moi-même, précisément les effets paralysants du malaise. C'est là un cercle vicieux, mais comment y échapper ? Ou bien on est en dehors du malaise, et on n'en écrit que des bêtises. Ou bien on est dans le malaise, mais on est alors hors d'état d'en écrire. L'unique solution consiste à étudier le malaise après en avoir été soi-même la victime et en avoir guéri. C'est d'ailleurs bien ce que je compte faire, plus tard, si je réussi à me tirer d'affaire.

Le malaise, p. 104
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D’où son intérêt majeur, comme le suggère le titre de l’essai, car la joie provoquée par la musique, comme la joie de vivre que l’on retrouve, là encore – et pour les mêmes raisons –, sous la plume de Rosset dans chacun de ses livres, est de nature paradoxale : puisqu’elle n’a pas de motif d’être.
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Pas de soi qui ne soit que soit, pas d'ici qui ne soit qu'ici, pas de maintenant qui ne soit que maintenant : telle est l'exigence du double, qui en veut un peu plus et est prêt à sacrifier tout ce qui existe - c'est à dire l'unique - au profit de tout le reste, c'est à dire de tout ce qui n'existe pas.
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La joie est un plein qui se suffit à lui-même et n'a besoin pour être d'aucun apport extérieur.
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La coïncidence du réel avec lui-même, qui est d’un certain point de vue la simplicité même, la version la plus limpide du réel, apparaît comme l’absurdité majeure aux yeux de l’illusionné, c’est-à-dire de celui qui, jusqu’à la fin, a misé sur la grâce d’un double. Un réel qui n’est que le réel, et rien d’autre, est insignifiant, absurde, « idiot », comme le dit MacBeth. MacBeth a d’ailleurs raison, sur ce point : la réalité est effectivement idiote. Car, avant de signifier imbécile, idiot signifie simple, particulier, unique de son espèce. Telle est bien la réalité, et l’ensemble des événements qui la composent : simple, particulière, unique – idiotès -, « idiote ».
Cette idiotie de la réalité est d’ailleurs un fait reconnu depuis toujours par les métaphysiciens, qui répètent que le « sens » du réel ne saurait se trouver ici, mais bien ailleurs. La dialectique métaphysique est fondamentalement une dialectique de l’ici et de l’ailleurs, d’un ici dont on doute ou qu’on récuse et d’un ailleurs dont on escompte le salut.
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... il y a dans la joie un mécanisme approbateur qui tend à déborder l'objet particulier qui l'a suscitée pour affecter indifféremment tout objet et aboutir à une affirmation du caractère jubilatoire de l'existence en générale.
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Il y a bien quelque chose qui existe et qui s’appelle le destin : celui-ci désigne, non pas le caractère inévitable de ce qui arrive, mais son caractère imprévisible. Il est en effet un destin indépendant de toute nécessité et de toute prévisibilité, indépendant donc de toute manifestation oraculaire […].
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Il est évident qu’il n’y a pas de destin, il est également évident qu’il y a, en l’absence de tout destin, ruse, illusion et tromperie. Celles-ci ne pouvant être imputées à un destin irresponsable puisque non existant, il reste à en chercher une origine plus responsable et plus tangible. S’il est vrai que l’événement a surpris l’attente alors même qu’il la comblait, c’est que l’attente est coupable, et l’événement innocent.
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Qui sait bien qu’il n’a jamais rien existé qui ressemblât à du destin et à de l’inéluctabilité – tel La Fontaine qui, reprenant la fable d’Esope, tire de l’apologue une morale inverse et assimile les effets du destin à des « effets du hasard » -, qui reconnaît dans toute fable brodant sur ces thèmes une reconstitution faite après coup et destinée à marquer du sceau de la nécessité ce qui n’a été qu’enchaînement occasionnel et hasardeux, celui-là n’en reconnaît pas moins dans ces peintures du destin l’écho d’une certaine vérité.
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Pour avoir été surpris en train d’essayer de boire en cachette à un robinet de notre prétendue « salle d’eau », robinet d’où naturellement rien ne coulait, je suis condamné à dix jours d’incarcération à purger dans une prison d’État, c’est-à-dire hors de l’enclave de Fort-Karko, en plein territoire espagnol.
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La jouissance de l’autre n’est généralement considérée comme admissible que pour autant que je reconnaisse, dans mon propre manque à jouir, les effets d’une interdiction ou d’une oppression qui ne regardent pas mon for intérieur, mais bien l’ordre politique et social.
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D’où, chez Lacan, la dénégation constante, d’allure inévitablement maniaque : le pénis est le phallus pour autant qu’il n’est pas lui, et vice versa ; l’être n’est pas l’être, ou plutôt ne l’est que pour autant qu’il n’est pas lui ; le blanc n’est le noir que pour autant qu’il ne l’est pas, ou alors ne l’est que dans la mesure où le noir est justement le blanc.
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[…] la pensée métaphysique se fonde sur un refus, comme instinctif, de l’immédiat, celui-ci soupçonné d’être en quelque sorte l’autre de lui-même, ou la doublure d’une autre réalité.
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Si le réel me gêne et si je désire m’en affranchir, je m’en débarrasserai d’une manière généralement plus souple, grâce à un mode de réception du regard qui se situe à mi-chemin entre l’admission et l’expulsion pure et simple : qui ne dit ni oui ni non à la chose perçue, ou plutôt lui dit à la fois oui et non. Oui à la chose perçue, non aux conséquences qui devraient normalement s’ensuivre. […] Coexistent paradoxalement ma perception présente et mon point de vue antérieur. Il s’agit là moins d’une perception erronée que d’une perception inutile.
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C'est pourquoi toute pensée raisonnable fait un arrêt obligatoire, dans la conduite du raisonnement, du moment où l'on atteint la chose même. Aristote et Descartes appellent ce moment du même mot : l'évidence, le directement visible, sans le secours et la médiation du raisonnement. Il y a un moment où cesse le domaine des preuves, où l'on bute sur la chose elle-même, qui ne peut se garantir d'autre part que de par elle-même. C'est le moment où la discussion s'arrête et où s'interrompt la philosophie : adveniente re, cessat argumentum.
Il est toutefois un domaine où l'argument ne cesse pas, parce que la chose ne se montre jamais : et c'est justement mon domaine, le moi, ma singularité Il me manque, pour m'arrêter raisonnablement à moi-même, d'être visible. Sans doute puis-je, si j'en crois sur ce point Aristote, décider que je suis un homme, mais je ne peux, en revanche, réussir à penser que je suis un homme, justement celui-là que je suis. L'idée selon laquelle je suis moi n'est qu'une vague présomption, encore qu'insistante : une "impression forte", comme dit Hume. Et Montaigne : "Notre fait, ce ne sont que pièces rapportées". Et Shakespeare : "nous sommes fais de l'étoffe des songes" - de songes dont l'étoffe est elle-même de papier : vienne le papier à manquer, comme dans l'histoire de Courteline, et le songe se dissipe.
Une solution, dans ce cas désespéré consiste à s’accrocher au papier : puisque ma personne est douteuse, qu'au moins les documents qui en font foi soient d'une solidité à toute épreuve. C'est la solution inverse de celle de Vermeer, qui abandonne le moi au profit du monde : ici on abandonne le monde au profit du moi, et d'un moi de papier. Le double effacera le modèle.
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Rien de plus fragile que la faculté humaine d'admettre la réalité, d'accepter sans réserves l'impérieuse prérogative du réelle. Cette faculté se trouve si souvent prise en défaut qu’il semble raisonnable d’imaginer qu’elle n’implique pas la reconnaissance d’un droit imprescriptible – celui du réel à être perçu – mais figure plutôt une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire. Tolérance que chacun peut suspendre à son gré, sitôt que les circonstances l’exigent : un peu comme les douanes qui peuvent décider du jour au lendemain que la bouteille d’alcool ou les dix paquets de cigarettes – « tolérés » jusqu’alors – ne passeront plus. Si les voyageurs abusent de la complaisance des douanes, celles-ci font montre de fermeté et annulent tout droit de passage. De même, le réel n’est admis que sous certaines conditions et seulement jusqu’à un certain point : s’il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l’abri de tout spectacle indésirable. Quant au réel, s’il insiste et tient absolument à être perçu, il pourra toujours aller se faire voir ailleurs. (...)
Toutefois, ces formes radicales de refus du réel restent marginales et relativement exceptionnelles. L’attitude la plus commune, face à la réalité déplaisante, est assez différente. Si le réel me gêne et si je désire m’en affranchir, je m’en débarrasserai d’une manière généralement plus souple, grâce à un mode de réception du regard qui se situe à mi-chemin entre l’admission et l’expulsion pure et simple : qui ne dit ni oui ni non à la chose perçue, ou plutôt lui dit à la fois oui et non. Oui à la chose perçue, non aux conséquences qui devraient normalement s’ensuivre. Cette autre manière d’en finir avec le réel ressemble à un raisonnement juste que viendrait couronner une conclusion aberrante : c’est une perception juste qui s’avère impuissante à faire
embrayer sur un comportement adapté à la perception. Je ne refuse pas de voir, et ne nie en rien le réel qui m’est montré. Mais ma complaisance s’arrête là. J’ai vu, j’ai admis, mais qu’on ne m’en demande pas davantage. Pour le reste, je maintiens mon point de vue, persiste dans mon comportement, tout comme si je n’avais rien vu. Coexistent paradoxalement ma perception présente et mon point de vue antérieur. Il s’agit là moins d’une perception erronée que d’une perception inutile. (...)
Dans le cas de Boubourouche, le fait qu'Adèle ait dissimulé un amant et le fait qu'il soit cocu deviennent miraculeusement indépendants l'un de l'autre. Descartes dirait que l'illusion de Boubourouche consiste à prendre une "distinction formelle" pour une "distinction réelle" : Boubourouche est incapable de saisir la liaison essentielle qui unit dans le cogito, le "je pense" au "je suis", liaison modèle dont une des innombrables applications apprendrait à Boubourouche qu'il est impossible de distinguer réellement entre "ma femme me trompe" et "je suis cocu".
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C. R. : Ma phrase est un peu elliptique, elle signifie surtout qu’il est inutile de chercher à se connaître soi-même, pour la bonne et simple raison que c’est impossible.
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C.R : Rassurons-nous, tout va mal : c’est l’une de mes devises préférées.
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La force invulnérable de la pensée de l'ailleurs et de l'autrement consiste paradoxalement en son impuissance à se définir elle-même: à préciser ce qu'elle désire et ce qu'elle veut. Si ce qui est ici et ainsi peut donner à redire, ce qui se recommande de l'ailleurs et de l'autrement n'offre en revanche guère de prise à une critique qui, n'ayant aucun objet précis à critiquer, fonctionne nécessairement à vide. C'est pourquoi un propos contestataire est toujours, et par définition, incontestable.
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Dès qu’un homme, comme Karl Marx ou Lénine, se met en tête qu’il va améliorer le sort de ses semblables, soyez sûr que ça barder ! Les gens frappés par le virus du bien sont les plus dangereux pour autrui. Les utopies provoquent en général des désastres plutôt que les améliorations espérées. Le cas le plus remarquable dans notre actualité est celui des altermondialistes.
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