AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Colum McCann (793)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Apeirogon

Qu'il va être difficile de parler de ce livre tant il est puissant, exigeant, émouvant.

Aussi puissant que la colombe de Picasso qui figure dans ces pages.

Il s'agit d'un récit remarquable sur la mort tragique, violente et insensée de deux enfants : une jeune écolière palestinienne tuée par des soldats israéliens et une adolescente israélienne tuée par des attentats-suicides palestiniens.

Leur père, Rami et Bassam se sont engagés en tant que « frères d'âme » au sein d'organisations oeuvrant pour la fin de l'Occupation et la résolution du conflit : Combattants for Peace et Cercle des parents endeuillés.

Les conditions d'adhésion ? Un enfant mort et la volonté de parler. Que pouvez-vous faire lorsque votre enfant meurt ?

Les pères endeuillés doivent survivre, doivent faire quelque chose de cette douleur indicible.

C'est une histoire racontée en mille chapitres fragmentés : un fait ici, un fait là, des évènements historiques, des sujets apparemment indépendants.

Chaque mot est important. Chaque mot, chaque phrase, chaque paragraphe est soigneusement introduit au bon endroit, juste au bon moment pour créer une grande mosaïque de l'histoire.

L' histoire a de nombreuses facettes. Il s'agit d'humanité et d'inhumanité, de bien et de mal, de choix, de courage, d'absurdité.

L'écriture est subtile, nuancée, puissante. On est parfois oppressé, bouleversé en tournant les pages.

L'auteur décrit la façon dont les oiseaux volent, de ce qu'ils font, de leur lutte pour comprendre et pour survivre ; comme les pères d'Abir et de Smadar.

On sort grandi en refermant ce roman.



Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle

Commenter  J’apprécie          192
Apeirogon

Il existe une multitude de très bons livres, sans qu’ils n’aient pourtant grand chose en commun. Certains vous touchent, appuient sur un point sensible, font écho à une histoire personnelle, et sont des coups de cœurs sentimentaux. D’autres vous glacent le sang, génèrent des palpitations, vous collent la chair de poule et vous accrochent jusqu’à la dernière page, la dernière goutte de sang, c’est maléfique mais c’est magique. Parfois, c’est la beauté de la langue qui enivre, ça tangue, ça chavire, vous vous laissez embarquer par les mots, vous les écoutez, les relisez, appréciez la justesse des phrases, la rotondité des formules dans la bouche, c’est savoureux comme un bon vin, et longtemps après la lecture vous pensez encore : quelle écriture !



Apeirogon est pour moi un roman extraordinaire par sa portée, son intelligence, pour sa thématique, sa façon de l’aborder, d’expliquer sans interpréter, de dire les choses qu’on ne veut pas entendre. C’est sa puissance, qui en fait un très bon livre, en plus de bénéficier d’un découpage atypique, fait de petits chapitres ciselés qui en rebuteront certains, c’est évident, mais qui m’ont permis de m’accrocher, de respirer quand ce fut difficile, douloureux, bouleversant.



Cette histoire, c’est celle mi-relatée mi-romancée de deux pères, Rami et Bassam. Deux pères que les patries opposent, que les conflits séparent, mais que le deuil réuni. Rami l’israélien a perdu sa fille Smadar dans un attentat suicide causé par un kamikaze palestinien, tandis que Bassam le palestinien a vu sa fille Abir mourir après qu’un jeune garde-frontière israélien lui ai tiré une balle en caoutchouc dans la tête juste devant son école. Ces deux pères endeuillés vont se retrouver dans Le cercle des parents, une association israélo-palestinienne qui réunit des parents des deux nationalités autour d’une même volonté : transformer leur deuil en énergie positive pour la paix entre leurs deux nations.



Et il en faut de l’amour pour ses enfants pour surmonter son réflexe primaire de haine, sa soif de vengeance, celle que les deux camps exploitent à dessein pour perpétuer la violence, légitimer le pire, sans jamais chercher à discuter et à dire : on arrête ? Il y sera question des origines des civilisations, de l’occupation des territoires, de leurs vies, des insultes reçues par leur propre camp, qui les voient comme des traitres. On y retrouve une humanité éblouissante, une amitié simple mais solide, la beauté de l’intelligence et du dialogue plus que de la haine et de la violence. C’est un superbe roman, il m’a embarqué en Cisjordanie et en Israël dans cette aventure singulière pour la paix. Sublime.
Lien : https://www.hql.fr/apeirogon..
Commenter  J’apprécie          190
Les saisons de la nuit

New-York comme on le voit rarement en littérature : dans ses tunnels creusés au début du siècle, ses souterrains glauques abritant un infra-monde, du haut des poutres des gratte-ciels en construction.

Je dois dire que cela a été pour moi le principal intérêt de ce livre, avec le personnage tellurique et solaire du jeune puis vieux Nathan également, car j'ai eu du mal à adhérer aux intrigues parallèles qui finissent par se rejoindre, en même temps qu'un roman que j'ai trouvé assez long, ou peut-être pas assez ramassé car on y aborde trop de thèmes :entre l'évocation des infrastructures de la ville, les déshérités qui les construisent, l'amour, la culpabilité, on perd un peu le fil conducteur.

Reste une langue très évocatrice, rêche et minérale.
Commenter  J’apprécie          190
Et que le vaste monde poursuive sa course f..

Un homme s'apprête à accomplir un exploit : traverser sur une corde raide l'espace qui sépare les deux tours du World Trade Center du haut de leurs 110 étages. En bas, dans la rue, dans des immeubles, à la radio, à la télé, chacun entend parler de l'évènement, le vit, l'interprète à sa façon. La vie de personnages qui y assistent de près ou de loin se croisent et s'entrecroisent, se font et se défont...



Sur fond de guerre du Vietnam meurtrière et décriée, sur fond de prouesse humaine captivante dans le décor de New York, Colum McCann s'attache à mêler le destin de personnages venus de tous horizons et que la vie s'amuse à réunir, pour le meilleur mais plus souvent pour le pire. le récit est décomposé, possède une construction propre qui a du charme et beaucoup d'intérêt. L'écriture est belle, et il faut reconnaître à l'auteur la capacité de l'adapter en fonction du narrateur, sans trop tomber dans des stéréotypes. Toutefois, les parties sont assez inégales, certainement en intérêt, sans doute un peu en qualité. Je pense notamment à toute la partie chez Claire, la bourgeoise qui appréhende la venue de ses copines dans son quartier huppé.

Le récit met du temps à s'installer, tout comme la dynamique, et la narration traine fortement en longueur. Si le destin croisé de tous les personnages prend tout son sens et intérêt à la fin, il n'en reste pas moins que ça reste un roman assez long, qui parle des pensées des gens et revient longuement sur leur vie. Pas forcément mon truc. Mais c'est un roman ambitieux, bien écrit, avec quelques moments vraiment appréciables.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
Commenter  J’apprécie          190
Transatlantic

1845, Frederick Douglass, « nègre marron »premier esclave à avoir publié ses mémoires est accueilli en Irlande par son éditeur. Le pays est frappé par la grande famine. Le « Dark Dandy »va changer le destin de Lily petite domestique qui croise son chemin.



1919, premier vol transatlantique entre Terre-Neuve et l’Irlande. Jack Alcock et Teddy Brown parcourent 1980 miles sans escale en 16h et 12 minutes .Dans la poche du blouson de Jack Alcock une lettre confiée par Lottie, jeune photographe de 17 ans, transmise de fille en fille elle sera le témoin muet de plusieurs existences.



1998, le sénateur américain George Mitchell chargé de négocier le processus de paix en Irlande du Nord rencontrera Lottie vieille dame de 96 ans.



Collum Mc Cann déroule le fil de l’Histoire qui lie les Etats-Unis à son pays l’Irlande, ce lien ténu qui uni les hommes et les femmes des deux cotés de l’Atlantique sur presque deux siècles. La campagne Irlandaise crevant de faim, une ferme de glace dans le Missouri, un hôpital de campagne en pleine guerre de Sécession, l’auteur excelle à nous raconter une vie, un destin en quelques pages bouleversantes. Posant un regard tendre sur les gens les plus fragiles, il affronte avec lucidité les problèmes politiques de l’Irlande du XXe siècle.



Saga familiale habilement construite, l’écriture épurée de Mc Cann transmet une émotion forte au lecteur captif de ce roman parfait.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          190
Les saisons de la nuit

New York, début du XXe siècle : les immenses immeubles et le métro sont en pleine construction . Nathan Walker, un jeune ouvrier fait partit de ces héros anonymes qui construisent au péril de leur vie la future mégalopole.

New York, fin du XXe siècle : de nombreux sans-abris vivent dans les entrailles du métro dont un certain Treefrog, homme mystérieux (il est victimes de TOC) dont chaque jour est une bagarre pour la survie (tenaillé par la faim, la drogue, malade etc).

Mais malgré les quelques quatre vingt années séparant les deux hommes, un lien les unis.

Le premier roman de McCann que j'ai lu, et j'ai été bouleversé par ce formidable roman avec en toile de fond la Grande Pomme. McCann donne la voix aux oubliés de la vie, ces gens sur qui on ne posent même plus un regard. McCann alterne les deux époques sans que le roman en patisse, bien au contraire. Il est difficile d'en rajouter sans rompre l'indiscutable charme du livre. Le livre aborde de nombreux thèmes et McCann les rend tous passionnants. Et même si certaines scènes sont difficiles, ne boudez pas ce grand romancier irlandais.
Commenter  J’apprécie          190
Et que le vaste monde poursuive sa course f..

Livre où se croisent différents destins et où le lecteur découvre à la fois la misère du Bronx, le sort des mères recluses dans leur chagrin suite à la disparition de leur fils pendant la guerre du Vietnam, le destin réservé aux émigrés...tout cela autour d'un fait divers : un funambule ayant décider de marcher sur un fil à travers les deux plus hautes tours de New-York. On y rencontre des personnages attachants, notamment un pasteur irlandais (récemment disparu) qui vit dans le Bronx et qui s'est fait le protecteur des prostiruées de son quartier. Livre absolument passionnant que je conseille fortement à tous et à toutes.
Commenter  J’apprécie          190
American Mother

En 2014 le journaliste Jim Foley fut pris en otage par Daech, décapité, et les images de son assassinat furent mises en ligne par les terroristes.

Colum McCann, revient sur ce drame qui sera vu essentiellement à travers le prisme de Diane Foley la mère de Jim, qui participa à la rédaction du livre.

Nous découvrirons Jim, enfant d'une famille catholique et démocrate engagée, qui se découvre peu à peu une vocation de journaliste à l'écoute de l'autre. C'est en exerçant son métier qu'il se fera une première fois enlever en Lybie avant d'être libéré. Il reprendra courageusement ses activités et sera une deuxième fois enlevé, en Syrie puis assassiné.

C'est le combat de Diane que nous suivrons, alors qu'il était encore possible de le faire libérer. Elle frappe à toutes les portes, et d'abord à celles de l'administration. La doctrine américaine sur ce sujet est de rien céder aux ravisseurs et de ne pas payer de rançon. Ce fut fatal pour Jim.

On découvrira à cette occasion un Barack Obama bien insensible.

Deux des ravisseurs seront finalement pris et on suivra les action en justice les concernant.

C'est écrit sobrement, le romancier s'efface devant une mère et une famille traumatisées, sans effet de style mais sans cacher l'émotion
Commenter  J’apprécie          180
Apeirogon

Dans ce roman, Colum McCann associe fonds et forme avec une rare intelligence.

Deux hommes, l’un israélien, l’autre palestinien, deux hommes dont la vie a été brisée le jour où leur fille est morte, Smadar (13 ans) dans un bus lors d’un attentat palestinien, Abir (10 ans) des balles d’un soldat israélien à la sortie de l’école. Et ces deux hommes, au lieu d’ajouter de la haine à la haine, n’auront de cesse de témoigner leur douleur pour contribuer à la paix.

Composé de 1001 chapitres, numérotés de 1 à 500, puis 1001 et de 500 à 1 avec pour clés de voûte les témoignages reproduits tels quels de Rami Elhanan et de Bassam Aramin (chapitres 500), ce roman, inspiré de faits réels, de par sa forme est tout simplement vertigineux. L’auteur a construit tel un puzzle, le récit des deux hommes, le drame des deux filles, l’histoire du conflit israélo-palestinien avec de nombreuses anecdotes, rappels historiques et autres digressions. Et même si certains chapitres semblent a priori éloignés du sujet de base, on en comprend rapidement l’importance. Par cette construction (tout en restant très lisible), l’auteur décrit avec justesse toute la complexité d’un conflit qui semble se nourrir de la violence passée pour engendrer celle à venir.

Émouvant sans être larmoyant, touffu sans être étouffant, intelligent sans être hermétique, Apeirogon est une réussite totale et Colum McCann confirme ici une fois de plus qu’il est un auteur contemporain majeur de la littérature mondiale.
Commenter  J’apprécie          183
Apeirogon

Une bombe à fragmentation!

Construit comme un apeirogon, ce livre assemble en mille et un chapitres les mille et un fragments, les mille et une facettes d'un tout qui caractérise le conflit israélo-palestinien. Cette mosaïque convoque l'histoire du monde pour se définir dans de denses relations de causes et d'effets. Au centre de cette construction, se trouvent Rami Elhanan, Israélien, juif, père de Smadar, et Bassam Aramin, Palestinien, musulman, père de Abir. Bassam et Rami ont tous deux perdu leur fille à cause de la guerre qui déchire leurs pays. L'une avait 13 ans, l'autre 10. Tout les destinait à se haïr et pourtant, l'un et l'autre vont trouver un chemin pour dépasser la haine et le désir de vengeance. Dans la douleur et pour la transcender, ils deviendront les meilleurs amis en œuvrant pour la paix.

Une lecture poignante, une lame de fond qui bouleverse au plus profond, tant le texte nous amène au plus près des protagonistes, ouvrant notre conscience sur l'urgence de faire cesser ce terrible conflit, cette injustice.
Commenter  J’apprécie          180
Et que le vaste monde poursuive sa course f..

Après « Danseur » qui évoquait le parcours de Rudolf Noureev depuis Irkoutsk et sa Sibérie natale, Colum McCann situe ici son roman dans le New York des années 70.

Entre les twins towers, Philippe Petit, dont la renommée n’est plus à faire, a tendu un câble d’acier. Tout au long du livre, chacun, redoutant la chute, suit et commente, en filigrane, le cheminement du funambule.

Parcours périlleux, exploit inutile, inconsciente folie ou au contraire extraordinaire maîtrise de soi qui conduisent un homme à défier l’espace, le temps et les éléments… ne faut-il pas voir, dans l’éphémère tentative de surmonter la peur du vide, de se lancer des défis, de repousser ses limites et vaincre l’univers multidimensionnel, une allégorie de l’existence ?

Cette fois encore, je suis émerveillée par cette extraordinaire faculté (facilité) qu’a l’auteur de se glisser dans la peau de ses personnages, faisant siens leurs gestes et leurs pensées, leur passé, leur langage et leurs émotions.

Avec une compassion et une bienveillance qui forcent l’admiration.

Car sinon quelle empathie pourrait-on ressentir à écouter se raconter Tillie, une prostituée du Bronx ou Claire et Solomon, bourgeois de l’Upper East Side, Gloria, une Afro américaine du Missouri ou Lara, junkie bohème repentie torturée par une faute inavouée, ou bien encore Ciaran et Corrigan, frères irlandais à jamais liés par un amour inconditionnel et une complicité sans faille...

A travers le chemin de ces êtres meurtris qui se croisent et interfèrent sur la destinée les uns des autres, l’auteur nous délivre un message universel d’amour et de tolérance.

Vivre est le premier danger auquel est confronté n’importe quel être humain, à la fois soumis à la loi du hasard ou victime de ses choix. Chacun est à la merci d’une chute qui peut lui être fatale et on sait bien que, quelle que soit notre fin programmée, le monde n’ en continuera pas moins sa course folle.

Mais lorsqu’une main secourable et une oreille attentive, qui sont le meilleur de la nature humaine, viennent adoucir les durs moments de l’existence, on se dit que cette course n’a pas été vaine.

Les tours jumelles ont disparu, rien n’est oublié, mais la vie continue, envers et malgré tout. Et dans le ciel le souvenir d’un homme qui trace sa voie en dépit du brouillard.

Commenter  J’apprécie          184
Apeirogon

Terminer l'année en beauté, avec ce livre extraordinaire. Rester longtemps immobile et silencieuse après en avoir tourné la dernière page. Chercher ses mots pour tenter de le qualifier. Les trouver tous fades, pauvres. Se sentir misérable face à l'intelligence de l'auteur, à sa façon brillante de transmettre son empathie. Reprendre le livre en mains, vérifier une ou deux intuitions. Le reposer, encore plus impressionnée. Penser à Bassam et Rami, Abir et Smadar, Salwa et Nurit. Savoir qu'ils feront désormais partie de vous. Grâce à Colum McCann. A l'édifice qu'il a construit sur la force des mots, comme une stèle, un monument censé rappeler aux hommes la bêtise de la violence, la vanité de la guerre, le courage de celles et ceux qui osent opposer le calme et la paix aux facilités meurtrières et vaines des conflits armés.



Protéiforme. Géométrique, mathématique, géographique, historique, philosophique, musical, théologique, mythologique, archéologique. Politique. La matière de ce livre est immense, dense, éclairante. Il n'en faut pas moins pour tenter de comprendre ce qui se joue sur ces terres irriguées par le sang d'innombrables conflits. Palestine. Israël. Territoires. Colonies. Occupation. Le mot est lâché, et c'est autour de lui que vont se rejoindre les défenseurs de la paix. Mais avant cela, il faut raconter. L'histoire de Rami, père de Smadar, 14 ans et soufflée par l'explosion d'un terroriste kamikaze en pleine ville. Celle de Bassam, père d'Abir, 10 ans et tuée par une balle en caoutchouc tirée par un soldat israélien devant son école. Des histoires qui ne sont pas simplement les leurs. Car tout est lié. Chaque acte influe sur le cours des choses, même le plus infime. C'est l'objet de l'exploration à laquelle nous convie l'auteur. Par une construction étonnante, subtile, qui agrège les pièces les unes après les autres, dans un parallèle impressionnant dont le paroxysme est le discours porté par chacun des deux pères endeuillés et déterminés à raconter. Toujours.



"Dans les années 1980, l'endroit où il se vendait le plus de drapeaux israéliens - en dehors d'Israël - était l'Irlande du Nord, où les loyalistes les brandissaient pour défier les républicains irlandais qui avaient adopté le drapeau palestinien : des quartiers résidentiels entiers aux couleurs soit bleu et blanc, soit noir, rouge, blanc et vert".



Avoir envie de dire merci. Pour l'intelligence. Pour l'expression de la complexité. Pour ce pavé envoyé à la face des extrémistes de tous bords, de ceux qui ne pensent qu'en tout noir et tout blanc. Pour le lien entre les composantes du vivant, cette immense chaîne dont chaque maillon compte. Pour montrer comment le diable se niche dans les détails et comment "dieu" est souvent mal compris. Ou comment les hommes en sont de bien piètres porte-paroles. En faisant de Rami et Bassam les phares qui peuvent éclairer le monde, l'auteur choisit de montrer que ce qui unit devrait être plus fort que ce qui divise. Sans jamais occulter la difficulté, la noirceur, le drame. Sans manichéisme. Et en veillant à conserver un équilibre parfait dans son récit.



S'engager dans la lecture d'Apeirogon est une expérience à nulle autre pareille. De celles qui vous marquent. Vous changent peut-être aussi. Une lecture importante. Particulièrement dans cette période de bascule vers une nouvelle année pleine d'incertitudes où il nous rappelle les vertus de l'écoute, de la conversation et de l'empathie. C'est un bon programme.



"Les bombes explosèrent non loin du croisement entre Ben Yehuda Street et Ben Hillel Street, également appelée Hillel Street du nom de Hillel l'Ancien, père, au 1er siècle av. j.C., de l'éthique de réciprocité : Ce que tu ne voudrais pas que l'on te fit, ne l'inflige pas à autrui".
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          186
Les saisons de la nuit

Deux histoires dans ce livre, deux fils entre-mêlés qui se rapprochent petit à petit :

- New-York, 1991, et la vie souterraine de Treefrog, un sdf dont nous découvrons la vie et les galères, lors d'un hiver sans fin qui pourrait changer le titre de l’œuvre en "LA saison de la nuit" tant on le sent, dur et glaçant, à la lecture de ces pages.

- New-York, 1916, et le labeur du jeune Nathan Walker, creusant sous l'Hudson le tunnel du métro ; un terrible accident va transformer sa vie.

On sent dès le début que ces destins sont liés, et la découverte parallèle de ces vies difficiles a quelque chose d'émouvant.

Cette lecture permet en tout cas d'appréhender la vie inimaginable d'un sdf. De ce personnage de l'ombre, sitôt croisé sitôt oublié, et de se rendre compte qu'il a un présent, un passé ; et s'il le peut, le veut, le rêve, le fantasme, peut-être... un futur ?

Je me sens tellement illégitime pour parler de cet univers, et ne prétends en aucun cas l'avoir cerné après une lecture de 300 pages. Ce que je sais c'est que j'ai vibré, compati et pleuré avec les personnages de ces histoires qui ne laissent pas indifférent.
Commenter  J’apprécie          180
Treize façons de voir

J'avoue une petite déception en refermant ce recueil dont j'attendais peut-être trop. Oh, ma lecture n'a pas été désagréable, loin de là, mais j'ai l'impression qu'il n'en restera pas grand-chose. D'habitude, dans un recueil de nouvelles, il y a au moins un texte qui m'interpelle ou m'émeut particulièrement et je me dis que, pour celui-là au minimum, ça valait le coup. Ici, je garde l'impression d'un boulot bien fait mais assez froid. J'ai souvenir d'écrits de l'auteur bien plus vibrants...



D'abord il y a un déséquilibre bizarre entre ce qui apparaît comme un court roman ou une novella - le texte qui donne son titre au recueil - et les quatre autres. J'ai peiné à y trouver une unité même si le thème des bouleversements du temps qui passe peut éventuellement tenir lieu de fil rouge et si l'Irlande est toujours évoquée même quand elle ne constitue pas le décor à proprement parler. On dirait presque que le premier texte (environ 150 pages) a été jugé trop court pour une publication et que le volume a été complété par les autres nouvelles afin de lui donner une allure plus imposante.



Cette première nouvelle, Treize façons de voir est d'ailleurs la plus intéressante (tant mieux, c'est la plus longue), notamment dans sa construction. On suit la dernière journée (mais ça, lui ne le sait pas) du vieux juge Mendelssohn désormais à la retraite et dont la mémoire n'est plus tout à fait aussi alerte que dans ses plus jeunes années. Si l'on sait très vite que le vieil homme va mourir c'est tout simplement parce que l'auteur bâtit son récit via les images restituées par les caméras qui ont été les témoins de ses dernières heures, chez lui, dans la rue, dans le restaurant où il déjeune. Cela donne des angles de vue divers et interpellant qui font le sel de cette histoire tragique. De quoi s'interroger sur ce qu'il reste d'une vie une fois qu'elle est passée, sur le destin, sur tous ces instants dont on n'a pas profité en ignorant qu'ils étaient les derniers... Intéressant donc, techniquement parlant. Mais pas bouleversant, comme si l'auteur avait tenu à maintenir le lecteur dans son rôle de voyeur devant ces images volées.



Des quatre autres textes, je n'en retiendrai qu'un intitulé Sh'kohl, mot hébreu qui désigne les parents en deuil d'un enfant. Un mot que j'avais déjà rencontré dans le très beau récit d'Angélique Villeneuve, Nuit de septembre, où l'auteur explique que l'hébreu est une des rares langues à proposer un mot pour désigner cet état particulier. Ici, Colum McCann livre peut-être sa nouvelle la plus poignante, mettant en scène une mère adoptive divorcée dont la relation exclusive avec l'enfant presque adolescent et souffrant de déséquilibres psychologiques est source de terribles appréhensions. La tension qui parcourt les pages est palpable, dans une ambiance qui rappelle Laura Kasischke.



Aucun regret de ma part sur ce livre notamment pour les deux textes dont j'ai parlé. Un livre qu'on ne peut s'empêcher de rapprocher du contexte qui a entouré sa publication (l'agression de l'auteur dans la rue) comme s'il avait été rattrapé par la fiction, même si heureusement pour lui il n'a pas connu la fin dramatique de son héros. Vous avez dit hasard ?
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          180
Danseur

Danseur est un de ces livres qu'il est impossible de refermer et dont on se souvient longtemps après. Il raconte le destin du célèbre danseur Noureïev : son enfance, son travail, sa passion, sa folie "à mi chemin entre histoire et réalité", des forêts de l'Oural aux riches fêtes New-yorkaises. Tout est travaillé, le style, les personnages, la construction ; Colum McCann est un conteur de grand talent.
Commenter  J’apprécie          180
Apeirogon

Tant de choses ont été dites sur cet extraordinaire roman bâti comme un monument aux mille facettes qui viennent éclairer tour à tour les histoires de vie parallèles de Rami l'Israélien et de Bassam le Palestinien, deux pères qui ont chacun perdu leur fille tragiquement dans le conflit armé entre leurs peuples en guerre.

Leur amitié qui résiste malgré tout lance un espoir de paix à tous les endeuillés des pays en guerre.



Commenter  J’apprécie          170
Apeirogon

Plus d’un an après sa sortie, j’ai moi aussi été touchée par la grâce diamantine d’«Apeirogon », touchée en plein cœur indéniablement. Par l’histoire de ces deux pères meurtris, de leurs belles enfants sacrifiées, de leurs pays déchirés dans un conflit complexe et inextricable, et par la construction vertigineuse d’un roman qui illumine de sa poésie les récits tragiques qu’il donne à voir.

Déstabilisée d’abord puis totalement envoûtée par cette narration éclatée, comme autant de bris de verres d’une fenêtre qui finit par dévoiler ce que les hommes sont, le pire comme le meilleur. Et demeurent en moi les vies de Rami et Bassam, eux qui « vinrent à comprendre qu'ils se serviraient de la force de leur chagrin comme d'une arme. »

Un livre marquant, d’une force inouïe, celle des désespérés qui ne baissent jamais les bras, d’une constellation d’images et de mots qui restent ancrés dans la rétine de l’imaginaire. Celle d’un motard sur les routes sinueuses, d’une enfant qui écoute Sinead O’Connor dans son walk-man, d’un bracelet de bonbons achetés pendant la récrée, d’un voyage en Angleterre salvateur, d’un trajet à l’aéroport ou d’une ambulance qui ne parvient pas à avancer, et ce discours des deux hommes, celui qui est le cœur du récit, dans leur lutte pour la paix, enfin.

Un grand roman c’est certain, qui ne tombe jamais dans l'angélisme, qui raconte la vie de ses familles endeuillées, les check-points, Jérusalem, les attentats, ce conflit israélo-palestinien qui n'en finit pas de détruire dans les deux camps, et cette amitié qui ne devrait pas être improbable.

"Nous ne parlons pas de la paix, nous faisons la paix. Prononcer leurs prénoms ensemble, Smadar et Sabir est notre simple, notre pure vérité."
Commenter  J’apprécie          170
Les saisons de la nuit

Les Saisons de la Nuit n'a pas été seulement pour moi une première rencontre avec son auteur, Colum McCann, mais une révélation. Plus d'un mois après en avoir terminé la lecture, je reste marquée par cette oeuvre coup de poing, puissante, sombre, violente, d'une beauté tragique.



Le roman se déroule sur l'espace d'un siècle. Il est autant une étude sociologique qu'une aventure humaine car les histoires particulières qu'il nous relate s'inscrivent dans la grande Histoire des USA.

Documenté et poignant, il nous présente le quotidien de plusieurs générations, dont le point commun est d'avoir passé le plus clair de leur temps sous terre :

- d'une part, les gens de couleur et les immigrés exploités dans des conditions cauchemardesques pour creuser des tunnels dans les entrailles de New York, autour de 1910

- d'autre part, les exclus de la société vivant comme des rats dans ces tunnels en partie désaffectés, à la fin du 20ème siècle.



La structure de l'oeuvre est particulièrement efficace pour entretenir le suspense et soutenir l'intérêt du lecteur.

Si les différentes trajectoires de vie nous sont d'abord présentées de manière parallèle, sans que l'on sache où et comment elles vont se rejoindre, on pressent cependant qu'un lien existe entre les personnages et on attend impatiemment le moment de la révélation.

Comment alors, au stade où les différentes histoires finissent par converger, ne pas être frappé et bouleversé par l'espèce de malédiction transgénérationnelle qui semble avoir pesé sur tous ces destins?





Par un habile jeu de contrastes qui nous fait successivement passer des ténèbres profondes (tunnels) à la lumière éblouissante de l'extérieur (neige), du ventre de la terre aux gratte-ciel, des moments de douleur aux instants de tendresse et de solidarité, l'auteur donne du poids à son propos à la manière d'un négatif qui rendrait les ombres plus menaçantes et les blancs plus lumineux.

Ainsi se mêlent laideur et rédemption dans cette belle fresque romanesque à la prose percutante, sans fioriture, et tellement évocatrice que je l'ai trouvée presque physiquement palpable (la traductrice a fait un travail remarquable).



Que n'ai-je lu ce magnifique roman plus tôt ... mais il n'est jamais trop tard pour d'aussi belles découvertes !

Commenter  J’apprécie          173
Et que le vaste monde poursuive sa course f..

Un énorme coup de coeur ! Une lecture qui m'a subjuguée : dense, poétique, pesante, glauque par moments. De la grandeur dans la banalité, de la hauteur dans ce que l'humanité a de plus vil.
Commenter  J’apprécie          170
Et que le vaste monde poursuive sa course f..

7 aout 1974, New York entre les Twin Towers, un funambule s'élance. Un évènement extraordinaire dont de nombreuses personnes vont être spectateurs. Parmi celles ci : un curé des rues, des prostitués, des mères ayant perdues leurs enfants pendant la guerre du Vietnam, tout un ensemble de personnages dont Colum McCann va nous faire partager un bref moment de leurs existences.







Roman aux allures de recueil de nouvelles car au départ l'auteur semble ne prendre que le prétexte du funambule traversant sur son fil pour nous raconter les destins souvent cruels et même tragiques de personnages vivants a New-York.



Mais peu a peu, l'auteur nous dévoile sa trame et nous fait découvrir que toutes ces "nouvelles" sont en faite ingénieusement imbriquées pour former un superbe roman sur l'humain, sa fragilité et sa lutte au quotidien. Un puzzle de destins aussi divers que celui d'un curé aidant les prostitués, qu'une mère recherchant le réconfort d'autres mères ayant perdues leurs fils au Vietnam que d'un couple d'artiste cherchant a échapper a l'emprise de la drogue et de l'alcool. Des vies hétérogènes qui, pourtant au bout du compte, forment une même existence qui verra leurs destins se rejoindre.



Une qualité d'écriture parfaite qui donne le ton a ce récit où l'humain est le sujet principal. Un récit touchant porté par la plume pleine de poésie et de lyrisme de l'auteur qui sublime ces existences.



Un roman profond et touchant sans effet de style inutile. Une très belle réussite. Ma note 8.5/10.
Lien : http://desgoutsetdeslivres.o..
Commenter  J’apprécie          170




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Colum McCann Voir plus

Quiz Voir plus

Démasqué ! 🎭

"Le Masque de la mort rouge" est le titre d'une nouvelle écrite par ...

Oscar Wilde
William Irish
Edgar Poe

12 questions
139 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature française , critique littéraire , théâtre , littérature étrangère , carnaval , culture littéraireCréer un quiz sur cet auteur

{* *}