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Citations de Delphine Horvilleur (641)


Ce matin-là, elle avait probablement choisi minutieusement chaque accessoire, chaque élément de sa tenue, comme une petite fille qui se déguise pour emmitoufler son chagrin dans un costume de grande dame.
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Je dis toujours aux endeuillés, quel que soit l'être cher qu'ils perdent, qu'ils vont devoir, en plus de leur douleur, se préparer à vivre un étrange phénomène : la vacuité des mots et la maladresse de ceux qui les prononcent. Ceux qui vous rendent visite dans le deuil, ou tentent de vous y accompagner, vous disent souvent des bêtises et parfois même des horreurs, en pensant vous apaiser ou vous soulager. Des "les meilleurs partent les premiers" ou des "au moins, il ne souffrira plus", des "vous serez à la hauteur de cette épreuve qui vous est envoyée", en passant par d'autres tentatives de greffer du sens à l'insensé. Les endeuillés doivent s'y préparer.
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Toutes les légendes de notre enfance font souvent semblant de parler au passé simple pour dire un passé qui n'est pas si simple, qui est même très compliqué. Elles disent au passé ce qui n'est pas passé, ce qui résonne au présent et elles disent peut-être quelque chose de l'avenir à la nouvelle génération qui pourra s'en emparer. Voilà pourquoi "il était tait une fois" est toujours un verbe à l'imparfait. L'expression ne parle en aucune manière d'un événement qui a eu lieu une fois pour toutes. Il s'agit toujours d'une histoire qui s'est suffisamment répétée pour qu'elle soit encore pertinente aujourd'hui. Ce passé n'est pas révolu. "Il était une fois" fait dire : il est et il sera encore bien des fois.
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Les réseaux sociaux devraient permettre un dialogue sont de plus en plus souvent des lieux où les gens monologuent. Ce qui devrait créer des liens renforce parfois la solitude. Tel est peut-être l'enjeu de votre génération qui grandit avec ce mode de communication inédit : de penser et repenser autrement les réseaux, de les raconter autrement.
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Mal ancestral et odieux bégaiement de l’Histoire, la fureur antijuive semble constamment muter ou se réincarner d’époque en époque dans des contextes formidablement différents.

Historiens, sociologues, théologiens, psychologues : beaucoup ont analysé les racines de ce fléau, et tenté de comprendre les contextes politiques, économiques, sociaux ou religieux de son apparition ou de sa résurgence. Moins nombreux sont ceux qui ont exploré la littérature juive pour y lire comment celle-ci interprète le phénomène.

Ce n’est, certes, jamais à la victime d’une violence ou d’une discrimination qu’il revient d’expliquer les causes de la haine qui s’abat sur elle et d’analyser les motivations du bourreau. Faut-il rappeler cette évidence ? L’antisémitisme n’est pas « le problème des Juifs » mais toujours d’abord celui des antisémites, de ceux qui les tolèrent ou les nourrissent. Et d’ailleurs, pourquoi les interprètes des sources juives détiendraient-ils une clé particulière de compréhension de cette haine ?

Ils n’ont pas besoin de posséder ce trousseau pour déverrouiller tout de même quelque chose. La lecture que le judaïsme fait de la haine antijuive offre un point de vue inédit : la parole subjective de celui qui se transmet cette expérience à la manière d’une mise en garde et d’un avertissement aux nouvelles générations, sur la résurgence du mal, et la possibilité de s’en relever. Dans l’interprétation des rabbins, ne se profile pas simplement une grille de lecture de ce qui leur arrive en un temps spécifique de leur histoire, ou le récit de leurs douleurs passées, mais la façon dont ils pensent, à la fois l’origine du phénomène et le dépassement de ses conséquences pour le groupe qui en est frappé. La littérature rabbinique entend offrir aux Juifs la possibilité de redevenir acteurs de leur histoire face à ce qui pourrait encore arriver. Elle offre aussi une lecture originale de la psyché de l’oppresseur, telle que perçue par le vulnérable du système, en quête de protection. Elle n’enferme ni la victime dans sa douleur, ni (et c’est plus surprenant !) le bourreau dans sa haine et c’est le refus de cette fatalité qu’il nous convient d’explorer pour notre temps.

Comment les sages et les textes de la tradition interprètent-ils la colère dont ils font l’objet, et qui s’empare de l’autre de façon chronique ? Existe-t-il une réflexion juive sur la question antisémite ?

C’est à ces questions que ce livre tente de répondre, sous la forme d’une enquête, d’une exploration littéraire dans les sources traditionnelles. Cette haine des Juifs, je l’appelle dans les pages à venir « antisémitisme » même s’il s’agit d’un anachronisme, la littérature rabbinique précédant de près de deux millénaires l’invention du terme dans l’Allemagne du XIXe siècle.
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Delphine Horvilleur
Les fils ressemblent toujours plus à leur temps qu'à leurs pères.
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la femme insoumise porte, dans la littérature rabbinique, des noms très révélateurs. Elle est parfois appelée Yatzanit, littéralement "celle qui sort à l'extérieur", l'extravertie, la dévergondée. Ailleurs elle est qualifiée de Moufkeret. L'adjectif, qui à l'origine définit une terre abandonnée, en friche et sans propriétaire, sert aussi à qualifier une femme qui n'est pas sous l'emprise et le contrôle d'un homme. Par extension, il définit une prostituée. Sans maître ni propriétaire, sa dignité est menacée, et avec elle, la paix sociale.
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Et si, demain, certaines espèces animales viennent à s’éteindre, ils seront évidemment les principaux coupables. Imaginez que les zèbres disparaissent, il faudra bien l’admettre : ce sera de la faute des Hébreux. Le monde est dans la mouise ? C’est la faute à Moïse !
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Par simple ajout de voyelles, de suffixes ou de préfixes, trois lettres donnent naissance à autant de mots liés par un sens qui n’est pas toujours obvie*.
[…]
Dans la Bible, l’écriture n’est que consonantique. C’est au lecteur d’y placer à la fois la ponctuation et les voyelles.
(p.36)
*obvie = évident
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Voiler, pour le judaïsme, au divin non incarné. c'est donc rendre accessible l'inaccessible, et visible I'invisible. C'est permettre la perception du désincarné et de l'infini par-delà les limites matérielles du monde.
De façon remarquable, les textes de la chrétienté déclinent à leur manière cette idée. Selon la tradition chrétienne, à la mort de Jésus, le voile du temple qui recouvrait le Saint des Saints s'est déchiré. Le Dieu de la chrétienté, incarné, ne rendait plus nécessaire le voilement du sacré, puisque le divin s'était enfin dévoilé.
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La mort est souvent une tragédie, en tout cas lorsqu'elle surgit en un temps où, pour nos consciences, elle est inconcevable, parce que l'heure n'était pas venue ou que la violence de l'arrachement anéantit tout sur son passage… mais il existe une façon de ne pas la laisser confisquer tout le récit d'une vie. Trop souvent, la disparition brutale kidnappe l'ensemble d'une existence qui ne doit pourtant pas se réduire à son dénouement.
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En français, comme dans la plupart des langues, il n’existe aucun mot pour désigner celle ou celui qui perd un enfant. Perdre un parent fait de vous un orphelin, et perdre un conjoint fait de vous un veuf. Mais qu’est-on lorsqu’on qu’un enfant disparaît ? C’est comme si en évitant de la nommer, la langue croyait en écarter l’expérience, comme si par superstition, on s’assurait de ne pas en parler pour ne pas risquer de la provoquer.
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Et le plus drôle, c'est que ceux qui me répète constamment que les peres fictifs, ça n'existe pas et qu'on est forcément l'enfant d'un homme, d'un vrai...ce sont des gens qui affirment tranquillement être les enfants de Moise, Jésus ou Lacan - des types dont l'existence n'a jamais été démontrée .
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[Aux Invalides pendant les obsèques nationales de Simone Veil]

A la fin de son allocution, Emmanuel Macron a annoncé que Simone Veil entrerait au Panthéon, et Marceline [Loridan] a applaudi bruyamment. "C'est formidable pour elle", m'a-t-elle dit, avant d'ajouter : "Je te préviens, moi, je ne veux pas qu'on me mette au Panthéon. On doit sérieusement s'emmerder, là-bas."
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Le judaïsme n’apporte pas de réponse ferme sur l’après-vie à ceux qui s’en inquiètent. Je ne compte pas le nombre de fois où, dans une conversation sur la mort qui approche, mon interlocuteur me demande : ”Où vais-je aller? ” et d'entendre en moi cette voix, qui voudrait lui répondre : "Aucune idée !” A la place, je lui renvoie une question digne de la plus ancienne sagesse rabbinique ‐ cet ancestral de toujours répondre à une question par une autre question: ”Et vous? Qu'en pensez-vous?”
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La laïcité dit que l’espace de nos vies n’est jamais saturé de convictions, et elle garantit toujours une place laissée vide de certitudes. Elle empêche une foi ou une appartenance de saturer l’espace.
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« Vanité des vanités, tout est vanité ! » Ce verset est l’un des plus célèbres de la Bible. Il est aussi l’un des plus mal traduits. En hébreu, Salomon l’énonce ainsi : « Havel Havalim Hakol Havel4. » Le roi de Jérusalem ne parle d’aucune vanité, mais dit littéralement : « Buée des buées, tout est buée. » Ou plus simplement encore : « Abel des Abel… tout est Abel ! »
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Les juifs affirment qu'ils ne savent pas ce qu'il y a après notre mort. Mais ils pourraient le formuler autrement: après notre mort, il y a ce que nous ne savons pas. Il y a ce qui ne nous a pas encore été révélé, ce que d'autres en feront, en diront et raconteront mieux que nous, parce que nous avons été.
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Tout au long de notre existence, sans que nous en ayons conscience, la vie et la mort se tiennent continuellement la main et dansent.
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Et tel est à mon sens le plus grand respect dû à la mort, se soucier de sa volonté mais plus encore de la possibilité pour ceux qui l'ont aimé de lui survivre et d'honorer dignement sa mémoire.
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