Citations de Delphine de Vigan (4408)
Même dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot à dire.
La nuit quand on ne dort pas les soucis se multiplient, ils enflent, s’amplifient, à mesure que l’heure avance les lendemains s’obscurcissent, le pire rejoint l’évidence, plus rien ne paraît possible, surmontable, plus rien ne paraît tranquille. L’insomnie est la face sombre de l’imagination. Je connais ces heures noires et secrètes. Au matin on se réveille engourdi, les scénarios catastrophes sont devenus extravagants, la journée effacera leur souvenir, on se lève, on se lave et on se dit qu’on va y arriver. Mais parfois la nuit annonce la couleur, parfois la nuit révèle la seule vérité : le temps passe et les choses ne seront plus jamais ce qu’elles ont été.
Il y a cette ville invisible, au cœur même de la ville. Cette femme qui dort chaque nuit au même endroit, avec son duvet et ses sacs. À même le trottoir. Ces hommes sous les ponts, dans les gares, ces gens allongés sur des cartons ou recroquevillés sur un banc. Un jour, on commence à les voir. Dans la rue, dans le métro. Pas seulement ceux qui font la manche. Ceux qui se cachent. On repère leur démarche, leur veste déformée, leur pull troué. Un jour on s’attache à une silhouette, à une personne, on pose des questions, on essaie de trouver des raisons, des explications. Et puis on compte. Les autres, des milliers. Comme le symptôme de notre monde malade. Les choses sont ce qu’elles sont. Mais moi je crois qu’il faut garder les yeux grands ouverts.
« Ceux qui croient que la grammaire n’est qu’un élément de règles et de contraintes se trompent. Si on s’y attache la grammaire révèle le sens caché de l’histoire, dissimule le désordre et l’abandon, relie les éléments, rapproche les, la grammaire est un formidable moyen d’organiser le comme on voudrait qu’il soit »
« Et puis maman s’est laissée glisser sur la moquette, elle s’est recroquevillée sur le bébé, à genoux, elle pleurait en disant non non non »
Les loyautés,
Ce sont des liens invisibles qui nous attachent aux autres - aux morts comme aux vivants - ce sont des promesses que nous avons murmurées et dont nous ignorons l'écho, des fidélités silencieuses, ce sont des contrats passés le plus souvent avec nous-mêmes, des mots d'ordre admis sans les avoir entendus, des dettes que nous abritons dans les replis de nos mémoires.
Ce sont les lois de l'enfance qui sommeillent à l'intérieur de nos corps, les valeurs au nom desquelles nous nous tenons droits, les fondements qui nous permettent de résister, les principes illisibles qui nous rongent et nous enferment. Nos ailes et nos carcans.
Ce sont les tremplins sur lesquels nos force se déploient et les tranchées dans lesquelles nos enterrons nos rêves.
Je suis une minuscule limace en Converse. Toute nue.
C'est toi qui vas choisir. C'est toi qui sauras. Mais je veux te dire une seule chose et après tu prendras ta solution : c'est ça, qui compte, qui compte plus que tout.
- C'est quoi ?
- Pour la première fois de mon avis, j'ai commencé à m'appliquer de quelqu'un d'autre, je veux dire de quelqu'un d'autre que moi. C'est ça qui change tout, tu sais, Marie. C'est d'avoir peur pour quelqu'un d'autre, quelqu'un d'autre que soi. C'est une grande chance que tu as.
- Tu vois tu as des mots.
Elle est flattée.
Après son départ, sous la photo, la directrice écrivit en rouge :
26 ans. VIERGE.
Puis souligna trois fois.
Vieillir, c'est apprendre à perdre.
"Big Brother avait été accueilli les bras ouverts et le coeur affamé de likes, et chacun avait accepté d'être son propre bourreau. Les frontières de l'intime s'étaient déplacées. Les réseaux censuraient les images de seins ou de fesses. Mais en échange d'un clic, d'un coeur, d'un pouce levé, on montrait ses enfants, sa famille, on racontait sa vie. Chacun était devenu l'administrateur de sa propre exhibition, et celle-ci était devenue un élément indispensable à la réalisation de soi."
p.236
"Mélanie était une femme de son temps. C'était aussi simple que cela. Pour exister, il fallait cumuler les vues, les likes et les stories."
p.235
on est ensemble No, on est ensemble !!
On est ensemble, hein, Lou, on est ensemble, est-ce que tu me fais confiance, t'as confiance en moi, appelle-moi quand tu pars, je t'attends en bas des marches, je t'attends devant le café, c'est mieux payé mais je travaille la nuit, laisse-moi dormir, je suis crevée, je ne peux pas bouger, Lou, si tu m'apprivoises tu seras pour moi unique au monde, j'ai dit je voudrais parler à Suzanne Pivet, si tu pouvais m'accompagner, tu te poses trop de questions tu vas finir par te flinguer les neurones, on est ensemble, hein, alors tu vas venir avec moi, je serais jamais de ta famille, Lou, qu'est ce que tu crois, alors tu vas venir avec moi, je vais chercher les billets, c'est pas ta vie, tu comprends, c'est pas ta vie.
L’avalanche d’émoticônes qu’elle recevait chaque fois qu’elle postait une image, les compliments sur ses tenues, sa coiffure, son maquillage comblaient sans doute une faille ou un ennui. Aujourd’hui, les coeurs, les likes, les applaudissements virtuels étaient devenus son moteur, sa raison de vivre: une sorte de retour sur investissement émotionnel et affectif dont elle ne pouvait plus se passer.
elle savoure ce petit vide lui rappelle l’ivresse du jeûn
elle se souvient surtout du dégoût
nous n’avons pas besoin de mourir pour renaître
elle a capitulé pour quelques kilos, pour conjurer le péril, pour pouvoir tenir, survivre c’est tout. Mais elle a renoncé. Elle ne veut pas perdre le contrôle.
anorexique. ça commence comme anorak, mais ça finit en hic. Dix pour cent en meurent à ce qu'il parait. Par inadvertance peut-être. Sans s'en rendre compte.