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Critiques de Elena Piacentini (295)
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Les silences d'Ogliano

Mais quel roman! On est saisi d’emblée par la beauté de l’écriture. La puissance du texte, sa tension dramatique et sa gravité de ton rappellent la tragédie antique, d’ailleurs le spectre de l’Antigone de Sophocle plane tout le long du récit car c’est le livre de prédilection d’un des personnages principaux. Elena Piacentini nous offre une histoire à la fois dure et lumineuse, lyrique et percutante. Dans un petit village imaginaire du Sud, qui pourrait se situer en Corse ou en Italie méridionale, dominé par l’imposant massif de l’Argentu on suit les aventures du narrateur, Libero Solimane, jeune homme de 18 ans en quête identitaire. Dans ce roman d’apprentissage une succession d’épisodes violents qui seront aussi mortifères que libérateurs changera Libero à tout jamais. Le récit s’ouvre sur l’enterrement d’un vieux tyran du village et sur la découverte du corps « d’Herminia la folle » alors que la fête bat son plein à la Villa rose chez le suffisant et riche baron Delezio. S’ensuit un enchaînement d’événements qui placera Libero dans la tourmente menant à une poursuite palpitante à flanc de montagne. Son seul refuge sera « la grotte aux fées » futur théâtre d’événements tragiques. Le récit de Libero est ponctué par la confession de certains personnages morts ou vivants qui ajoute à l’intensité dramatique, leurs voix brisant les secrets résonnent comme des testaments spirituels. Est-il possible dans « ce pays rêche comme des mains de berger » où « le seul pardon qui vaille sort de la bouche d’un fusil » d’échapper, entre omertà, loi du talion et guerre des clans, à la folie criminelle de ses ancêtres, à l’atavisme de la violence, au poids des secrets et à ses origines? De s’émanciper du déterminisme social pour trouver sa propre voie? En tout cas les personnages centraux mettent toutes leurs forces à s’affranchir d’un implacable destin. Libero s’éveillera à l’amour et à la sexualité de manière inattendue. On est touché par ces personnages tempétueux, torturés par le passé, fiers, irrigués par la colère mais aussi dignes et courageux. Un texte fort, des personnages profonds, une écriture poétique, un roman dense que l’on referme ému bref il faut le lire!

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Les silences d'Ogliano

Ogliano, le gradin des collines, les mystérieux contreforts de l'Argentu…. C'est beau, pourtant notre narrateur Libero Solimane ne rêve que de départ, car pour lui aucun mystère dans ces paysages, “mais au contraire la manifestation flagrante d'une vérité sans âge : aux bien nés, la poésie, aux autres, l'âpreté du réel.” A Oglione on se baigne toujours dans le même fleuve. Chacun a un rôle et une fonction bien précise. Qui s'égare est très vite mise à sa place. Libero et sa mère Argentina en sont « les originaux ». Tout simplement parce que le grand-père s'est obstiné à envoyer sa fille à l'école après qu'elle avait appris à lire et à compter, et que cette dernière a enfanté sans mari ou fiancé à l'horizon !

Dans ce sud ancestral probablement de la Corse, un drame est au coeur du sujet enseveli sous les silences des habitants d'Ogliano qui obéissent au fameux motto, « Tout le monde a un prix », suivi de la question de «  Ce que vaut la vie d'un homme ». Mais rien n'est aussi évident ni manichéen qu'il y paraît…..

Piacentini à travers les paysages splendides des montagnes de l'Argentu et les voix de personnages plein de charisme déroulent le tapis des secrets à travers des monologues magnifiques , « Moi, je crois que chacun possède son Argentu, un endroit où on se sent relié aux autres et à plus grand que soi, si grand qu'il ne sert à rien d'essayer de le comprendre. Il y a des gens qui n'ont pas cette chance, ceux-là, je pense qu'il leur manque quelque chose même s'ils ne s'en rendent pas compte. » Et au coeur de ce récit, de Raffaelle fils du baron du lieu, à Solimane en passant par Gianni, l'ami d'enfance devenu délinquant, il y a le mythe d'Antigone, celle qui va contre sa famille, contre l'ordre établi, où se pose l'éternelle question : “les lois de la Cité priment-elles sur les lois de la famille ? “

Un beau roman qui parle d'amour, d'amitié, de vengeance, d'honneur, et du doute sur le manichéisme de l'Homme, « Tout le monde ne réussit pas à trouver ses fils d'argents », et tant qu'on ne les trouve pas, cela ne laisse pas de place pour la vie. le bien et le mal ne sont pas gravés dans le marbre, “Entre le tout noir et le tout blanc, il y a large comme l'embouchure de la Fiumara ! Et puis les gens changent… Parle-lui, Libero… Parle-lui avant de la condamner.”





« La justice ne peut pas se contenter de condamner. Il est nécessaire de comprendre »

“Ne regarde pas en haut avec envie ou en bas avec dédain, Libero. Fais ta route, c'est bien assez.”
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Les silences d'Ogliano

Devenu médecin, le narrateur Libero Solimane revient à Ogliano, son village natal. La vue, sur les hauteurs, du pallazzo Delezio désormais abandonné aux ronces et à la décrépitude, le replonge dans la tragédie survenue ici, l’année de ses dix-huit ans.





Cerné par le massif de l’Argentu dont les montagnes le dérobent au monde tout en lui fermant l’accès à la Méditerranée toute proche, soumis aux bourrasques du libeccio bien connu des Corses et des Italiens, Ogliano, oublié du temps, semble toujours vivre comme au siècle dernier, selon les lois d’autant plus immuables du patriarcat et de la féodalité, que personne ne se risquerait à troubler l’omerta qui pèse sur cet assemblage de clans et de lignées soigneusement cloisonnés entre pauvres et riches, mais aussi par les haines rancies, la vendetta, et, de plus en plus, par les dérives mafieuses.





La violence est partout et le sang prompt à couler, selon cette loi du plus fort qui prend le dessus dès que la justice et le droit ont le dos tourné. Une violence qui n’en finit pas de ricocher, chaque mort en appelant une autre, dans une inextricable escalade que chacun subit dans la douleur et le silence. Dans ce contexte de tragédie grecque qui leur rappelle l’Antigone de Sophocle dont ils ont fait leur référence, Libero - de père inconnu - et son ami Raffaele – fils héritier du baron Delezio qui règne en maître sur le village – rêvent passionnément de justice. Ils vont apprendre qu’il n’est toutefois pas facile de démêler les culpabilités, qu’après tant d’iniquités, de violences et de torts infligés de toute part, le choix entre le bien et le mal n’est plus manichéen, qu’on peut même faire le mal pour un bien, et que, dans cet imbroglio dont ils vont peu à peu, au fil d’aventures qui mettront leur vie en péril, découvrir les insoupçonnables imbrications secrètes, les motivations des pires tueurs peuvent au final avoir trait à l’amour et à l’honneur.





Menée de main de maître par une auteur habituée des romans policiers, la narration joue avec efficacité de la curiosité du lecteur, entre vieux secrets de famille, poursuites dans le maquis et règlements de compte dont l’ensemble forme un tableau très plausible que l’on croirait tout droit sorti d’une Corse ou d’une Italie qui auraient troqué la féodalité seigneuriale contre celle de la mafia. Mais la plume, d’une grande beauté, d’Elena Piacentini ne se contente pas de nous tenir en haleine et de nous plonger dans des paysages méditerranéens avec une puissance d’évocation qu’expliquent sans doute ses origines corses. Alors que, dans ce drame, meurtriers ou victimes, tous ploient sous l’héritage d’une même et vieille douleur, cristallisée en haine et en désir de vengeance, elle nous interroge, au-delà de la peur et du sentiment d’impuissance, sur les moyens - et le courage – de briser ce fatal engrenage. Une gageure qui a déjà coûté la vie de bien des juges, et qui ne rend que plus admirable le sacerdoce de ceux qui, contraints de vivre sous protection, poursuivent leur mission coûte que coûte. Ce sont eux qui permettent l’espoir. Coup de coeur.


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Les silences d'Ogliano

On est en Italie, une Italie du Sud, ou peut-être est-ce la Corse, villages isolés, où souvent il n'y a pas de médecin. « Libero Solimane, fils d'Argentina Solimane et d'elle seule, petit-fils d'Argentu Solimane dernier des chevriers » est revenu s'installer dans son village de naissance, pour combler ce manque. Il en était parti une quinzaine d'années plus tôt, après un été qui l'a marqué à vie, le dernier de son adolescence.



Un roman à l'histoire tragique, aux personnages forts, âpres comme la vie dans ces terres pauvres, où il ne fait pas bon refuser la protection des mafieux, où des hommes meurent d'avoir voulu s'en libérer, où des adolescents se voient contraints de porter les armes, où une femme trop belle et trop jeune pour son mari va embraser le corps des jeunes du village et en rendre fou certain. Quelques jours, cet été-là vont révéler à Libero qui il est, il n'en reviendra pas indemne et ne voudra ensuite que fuir ces lieux, où pourtant il reviendra, fermant la boucle.



J'ai été emportée par ce roman, à l'écriture belle et sans fioriture, à l'égal des paysages qu'elle décrit. J'ai aimé ces personnages que l'on imagine sans peine, ces femmes gardiennes de la vie, rompues à la douleur, droites et fières :

« À force de coups du sort, les femmes d'ici devenaient plus dures que le granit, des Atlas condamnées à porter les vivants et les morts, trop de morts. Elles enfilaient les habits de deuil pour ne plus les quitter, finissaient par flotter dedans à mesure que l'âge les rabougrissait. Puis on leur ôtait leur croix en or, une alliance incrustée dans les plis de la peau et on les enterrait dans leurs robes noires. »



Et puis Libero et Raphaele, fils du baron qui règne sur le village, rêvent. Ils rêvent de partir, ils rêvent de renverser le cours des choses, ils rêvent d'un monde plus juste. Les évènements qu'ils vont vivre, réunis dans une folle épopée, qui les mènera dans la grotte des fées, vont les révéler à eux-mêmes.



Une narration efficace, ponctuée de quelques chapitres relatant les pensées de personnages vivants ou morts, qui ont tous un lien avec ces adolescents, qui laissent entrevoir secrets et réponses à certaines questions, une écriture poétique, une atmosphère oppressante et pourtant envoutante, où le drame se profile dès les premières lignes, tout cela ajoute au charme puissant de ce roman d'apprentissage où en toile de fond plane l'ombre d'Antigone, des extraits de la pièce de Sophocle venant ponctuer le récit.

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Les silences d'Ogliano

Chut !

Entendez-vous le chant des oiseaux sur Ogliano ? c'est une belle journée d'été qui s'annonce pour une promenade dans le maquis. Quel bonheur de pouvoir profiter de ces paysages magnifiques, de ces petits sentiers cachés qui mènent à des panoramas éblouissants connus, à des grottes -invisibles de la vallée- parcourues de labyrinthes féériques, à des rivières de montagne d'une couleur émeraude et d'une pureté sans égale. C'est le paradis …

Mais comme souvent en montagne, la météo peut changer très vite. Subitement, l'écho sourd de la détonation résonne à mes oreilles, suivi d'un cri.

Chut ! Regardez bien autour de vous ! Êtes-vous bien certain que personne ne vous a suivi ?

Le paradis, ah, non vraiment quelle bande de naïfs ! vous avez cru à cette carte postale ? Non, ici, c'est plutôt l'enfer qui vous attend ! Les grottes servent à cacher les cadavres, leurs labyrinthes ressemblent aux catacombes, et l'eau des rivières permet de laver le sang des morts …

Chut ! le silence ici c'est l'omerta…

Les secrets, les serments, les trahisons, la vengeance, les liens du sang, l'amour à mort, les meurtres et surtout l'honneur règnent. Ici nulle république, c'est la mafia des Carboni qui fait la loi.

Elena Piacentini insuffle vie avec talent à ses différents personnages et nous aide à mieux comprendre les relations complexes tissées génération après génération dans le massif de l'Argentu.

Araignée patiente, elle tisse sa toile, emmaillote son lecteur, qui n'a plus qu'à se laisser emporter pour être dévoré et découvrir l'initiation à la vie et à l'amour de Libéro, un jeune garçon natif de ce village imaginaire qu'est Ogliano.

À la fin de son livre, l'auteure rend hommage à Roberto Scarpinato, un magistrat italien spécialisé dans la lutte anti-mafia, qui a travaillé avec Giovanni Falcone et Paolo Borsellino.

Un combat toujours tristement d'actualité, partout dans le monde, puisque « le procureur du Paraguay spécialisé dans la lutte contre le trafic de drogue, Marcelo Pecci, a été assassiné le 10 mai 2022 en Colombie par des tueurs débarqués en jet-ski sur la plage paradisiaque d'une île des Caraïbes où il passait sa lune de miel. ». Et la réalité rejoint la fiction en un miroir troublant lorsqu'on apprend que sa jeune épouse venait de lui annoncer qu'elle était enceinte….

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Les silences d'Ogliano

Si le baron Delezio règne sans conteste sur la peine communauté d’Ogliano, d’une autorité assise sur le pouvoir que confère l’argent, Libero Solimane revendique un autre empire, celui de l’Argentu, et de ses trésors naturels. Il connait mieux que quiconque la faune et la flore et les nombreux abris que la roche sait offrir aux fugitifs.



Il lui brûle de répondre à l’invitation du baron à l’occasion de la fête organisée pour le baccalauréat de son fils. Même s’il est lié à Rafaello par une amitié sincère, c’est surtout la belle-mère de celui-ci qui l’attire, pensionnaire secrète de ses rêves les plus osés.



La fête est cependant ternie par le décès d’Herminia, que certains prétendant sorcière. Femme de peu, sa mort sera vite cachée, oubliée sans autre forme d’enquête. Et pourtant, cet événement volontairement ignoré, sera le déclencheur d’une série d’autres faits en cascade, et d’une traque sans merci au coeur de la montagne.



Libération de la parole, levée de l’omerta et révélations de filiations inattendues, les temps sont venus de lever le voile sur ce qui impose le silence de génération en génération.



Si le mal est révélé, il éveille aussi la conscience des sentiments amoureux, que rien ne peut entraver.



Très belle fresque romanesque, au coeur d’un pays imaginaire qui cependant ne laisse aucun doute sur la possibilité d’existence de telles emprises mortifères.


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Les silences d'Ogliano

Vraiment , un trés beau texte pour raconter l'osmose ou les différences qui lient ou séparent hommes et femmes dans ce village du Sud .Des descriptions incroyables où les éléments naturels jouent le rôle capital de complices , de refuges , de confesseurs , de témoins ...muets .

C'est dans ce lieu fascinant que se construisent les habitants , portés par l'amour , la haine , la fierté , le sens de l'honneur ou le mépris .Les classes sociales se heurtent , se cotoient mais ne se mélangent pas sauf ....

Il y a dans ce récit des réflèxions d'un profond humanisme , une volonté de paix et de sérénité bousculée par le poids ancestral de ce qui ne peut être que vanité , vanité placée sous le signe de l'omerta , voire de la vendetta .

La narratrice consacre certains paragraphes à une présentation profonde et personnelle des personnages .D'eux , nous ne saurons , et en aparté , que ce qu'ils veulent bien nous dire , nous révéler .Au vu de la société , chacun restera un élément qui , avare de paroles , se fondra dans une masse discrète mais ...attentive.

Un roman qui " prend " aux tripes .

A bientôt , les amis et amies ....

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Les silences d'Ogliano

Avouez qu’avec beaucoup de romans, on a l’impression de lire toujours la même chose ! Ma curiosité de lecteur en ouvre un de plus. Et, sans prévenir, enfin une pépite est là entre mes mains ! Pas trop envie de dévoiler l’histoire dont on ne devine pas les pages suivantes comme certains. Une écriture ensorcelante qui a pour personnage principal Libero qui vit seul avec sa mère, l’institutrice du village. À 18 ans, ses sens sont en éveil et il a la curiosité des autres. Mais tiens voici le fils du baron qui lit Antigone... Des pages sensuelles, la nature présente, une tragédie antique, les abus de pouvoir, choisit-on vraiment son devenir ?

Et si je partageais cette pépite ?
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Aux vents mauvais

Autant le dire d'emblée, j'ai adoré ce roman noir.Je connaissais un peu l'auteur pour avoir lu et apprécié "des forêts et des âmes "et j'avais été transporté dans ce récit par une écriture de grande qualité et très efficace, mais pas le moins du monde pompeuse.Il est donc tout à fait naturel de retrouver cette "facilité d'expression écrite "dans cet ouvrage et c'est un grand bonheur.

Ensuite,il y a l'intrigue ou plutôt les intrigues qui vont se démêler sous nos yeux.Pas des intrigues destinées à "noircir du papier",non,des intrigues sordides ou passionnelles, mises en place comme des notes de musique sur une partition.Malgré les déplacements,les changements de lieu,d'époque, de contexte,aucun risque de confusion tant la maitrise de l'auteur est parfaite,on quitte un chapitre pour retrouver son thème un peu plus tard, subjugué par ce qui vient de se passer,impatient de savoir ce qui va arriver.Du début à la fin....

L'un des grands thèmes abordés, c'est le "déplacement forcé "(!!!!) de jeunes réunionnais dans quelques départements français dont la Creuse,cadre d'une partie du récit. Déplacement officiellement réalisé pour repeupler des zones géographiques victimes de désertification, Officieusement,pour des raisons sans doute moins avouables...Etant creusois,ayant connu certains de ces jeunes,vous comprendrez mon intérêt pour ce douloureux sujet.

Enfin,il y a ces personnages,éblouissants ou odieux, en tout cas magnifiquement dépeints dans le rôle qui leur est dévolu. Léonardi,le Corse au grand coeur et son adorable grand-mère ,Rémi ,l'adolescent si proche de sa mamie Simone,dite "Pythagore" et,en écho,Jean Toussaint séparé sans vergogne par des lois iniques de sa tendre grand-mère Mamilouise....Et Thierry?ange ou démon?je garderai pour moi ma petite idée mais qu'il est difficile de rester objectif quand la fiction se confond avec sa propre histoire. Et quelle belle équipe de policiers...Et Eliane...

La qualité d'un roman noir est de mettre en avant l'homme dans tout ce qu'il a de pire et le challenge est relevé avec brio dans" ces vents mauvais".Ce roman n'est pas violent,brutal,il est plus que ça, humain....tristement humain,hélas.

Ne le laissez pas passer,ce serait dommage,car on en sort vraiment "enrichi",interpellé, questionné, bousculé dans nos convictions humanistes.

1960,c'était hier,j'avais 7 ans ,et des petits réunionnais .....





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Les silences d'Ogliano

J'ai été irrésistiblement attirée par la première de couverture: ce ciel bleu et cette maison , ainsi que le titre à consonance méditerranéenne laissaient présager une histoire intéressante.



Je ne connaissais pas l'auteure, qui vit à Lille, et a reçu plusieurs prix pour ses romans policiers. C'est ici sa première oeuvre de littérature générale.



Elle est d'origine corse, et même si le village d'Ogliano a été imaginé , on a vraiment l'impression d'être sur l'île de beauté: carabiniers, mafia, magnifiques paysages de montagne, habitants ardents et taiseux...



Au centre des désirs, des rancunes, des colères,des secrets: la Villa rose , lieu de vacances de la riche famille du baron Delezio. le récit de ces événements passés est fait à la première personne par Libero, le fils de l'institutrice qui avait à l'époque dix-huit ans. Il était obsédé par le fait de découvrir qui était son père, ce que lui cachait sa mère . Obsédé aussi par la jeune épouse du vieux baron...



C'est en suivant dangereusement des hommes suspects, semblant transporter un corps sur une mule qu'il va bouleverser son destin , sa vision des choses. Cela devient un roman d'initiation.



Il est écrit dans un style expressif, sensuel, la focalisation interne étant ponctuée en italiques par d'autres points de vue, enrichissant le propos. La tragédie de Sophocle"Antigone" est un symbole puissant du livre. J'ai beaucoup aimé le personnage de Libero, fragile et fort à la fois. Vraiment une belle découverte. Je le recommande!
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Les silences d'Ogliano

Les lourds secrets de famille



Après plusieurs romans noirs, Elena Piacentini se lance en littérature blanche. Et c'est une belle réussite! Les Silences d’Ogliano est un roman d’apprentissage puissant comme une tragédie antique.



Commençons par planter le décor, essentiel dans cette tragédie. Nous sommes dans le bourg d'Ogliano. Entouré des montagnes de l'Argentu, il laisse aux habitants l'impression que leur place ne peut être que modeste face à une nature aussi puissante. On n'en voudra pas à Libero Solimane, le narrateur, de vouloir fuir cet endroit. Pourtant il aurait quelques raisons de rester. Pour sa mère Argentina, qui a toujours refusé de lui confier l'identité de son père, mais surtout pour Tessa, dont il est follement amoureux. La belle jeune femme est l'épouse du baron Delezio, propriétaire du plus grand domaine de la commune. Il l'a épousée après la mort de sa première épouse, se moquant de leur différence d'âge de plus de 20 ans.

Comme tous les étés, le baron s'installe avec famille et domestiques. Mais cette fois, il ne trouve pas l'habituel comité d'accueil, car le village enterre l'un des siens, Bartolomeo Lenzani. Retrouvé le crâne fracassé au pied de sa mule, personne ne le regrettera, lui qui terrorisait sa famille et laissait voir sa noirceur à tous. Si Libero et sa mère n'assistent pas aux obsèques, c'est que ce sont des mécréants. Armé de ses jumelles, le jeune homme observe toutefois la cérémonie et remarque les cinq hommes étrangers venus accompagner le défunt jusqu'à sa dernière demeure. Et faire grandir la rumeur...

C'est à ce moment qu'un cri venu du domaine Delezio mobilise toute son attention. Une guêpe a piqué Tessa et l'on s'affaire autour de celle qu'il convoite. L'occasion de l'approcher va arriver très vite, car le fils de famille vient de réussir son bac et son père entend fêter l'événement en invitant tout le village.

La fête en l'honneur de Raffaele ne va pourtant pas se passer comme prévu. D'abord parce que Libero n'aura guère l'occasion d'approcher Tessa, mais surtout parce que l'on découvre le corps sans vie d'Herminia «la folle» et qu'il faut abréger les festivités. Le lendemain, le héros de la fête est enlevé dans le but de réclamer une rançon. Libero, qui a suivi les traces des ravisseurs pour secourir son ami, va être pris à son tour et le rejoindre au fond de la grotte dans la montagne où il est retenu. Le sort le plus funeste attend les deux compagnons d'infortune, car dans ce genre d'opérations, il ne faut pas laisser de traces.

Si on sent la patte de l'auteure de polars, on retrouve aussi la puissance de la tragédie dans ce roman qui, pour remplacer le chœur antique, nous livre les voix des morts et des acteurs qui viennent s’insérer entre les chapitres. Tous portent de lourds secrets, ont des confessions à faire pour soulager leur âme. Si Raffaele ne se sépare jamais de son exemplaire de l'Antigone de Sophocle, c'est parce qu'il sait combien ces pages contiennent de vérités. De celle qui construisent une vie, déterminent un destin. On passe alors du suspense au drame, puis au roman d’apprentissage. Quand une suite d’événements forts forge un destin.


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Les silences d'Ogliano

C'est une tragédie.





Les personnages principaux sont trois jeunes hommes vivant dans un territoire du Sud (la Corse ?) où règnent des codes d'honneur, de l'amitié, du désir, et la mafia.



Il y a Libero, un jeune garçon très sympathique, élevé par sa mère, qui ne connaît pas son père, et qui a été très proche de son grand-père qui l'a initié à la nature et à la montagne de l'Argentu autour de chez lui.



Il y a Gianni, un ami d'enfance, qui est élevé par sa mère lui aussi et dont l'oncle ne semble pas recommandable.



Il y a Raffaele, fils du baron local, riche héritier de la famille des Delezio, à la belle Villa rose : une demeure magnifique qui tranche avec la pauvreté des masures du village.



Et puis il y a des femmes : la belle Tessa, belle-mère de Raffaele qui fascine et attire irrésistiblement Libero, notre héros. Argentina, la mère de Libero, femme d'honneur qui cache le secret de la naissance de Libero et son lien avec César, une sorte de père par procuration, qui a aussi ses secrets. Ou encore Herminia la folle.



Et puis il y a surtout Antigone. La pièce de Sophocle, avec son sens du drame, comme en fil rouge du drame qui va se dérouler sous nos yeux de lecteurs. Placée sous le patronage de la tragédie grecque, on retrouvera dans ce roman le récit d'une « injustice d'être né dans un clan plutôt qu'un autre, de faire partie d'une classe, d'une lignée plutôt qu'une autre » et des personnages qui auront la volonté de changer le monde à partir de leur petit village emblématique.



Il y aura du drame, du sang va couler, certains vont mourir. Il y aura aussi de l'amitié, du désir et le surgissement d'un amour qui va surprendre ses protagonistes par la force du désir éprouvé. Il sera question de destinée et de rédemption. On parlera beaucoup de droit et de justice aussi.



Et puis il y aura les paysages, fortement inspirés de l'île de Beauté, avec une grotte aux fées où tout sera possible, et un village qu'il faudra finir par quitter.

Tout cela et bien d'autres choses.



Merci à Bookycooky qui a tiré mon attention sur ce roman, le premier de cette autrice issue du territoire corse et vivant à Lille. Le roman aurait pu s'appeler « la force du destin », si le titre n'avait pas déjà été pris.

Ce roman, qui a généré 66 critiques sur Babelio vaut le détour.







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Les silences d'Ogliano

Dans une région encaissée, entre montagne de l'Argentu et maquis, le village d'Ogliano...Un village qui concentre des tensions et de nombreux silences et secrets. Dominé par le Baron, un grand propriétaire avec son épouse en secondes noces Tessa, une jeune femme rousse particulièrement attirante, organise une fête dans son domaine la Villa rose, pour Raffaelle son fils qui vient de réussir ses examens. Libéro, le fils qu'Argenta, l'institutrice du village a élevé seule, s'est toujours senti à part, trouvant du réconfort auprès de son grand-père maternel, puis, à la mort de ce dernier, auprès de César un ancien carabinier. Quand Libero aperçoit Gianni, un de ses amis, s'éloigner vers la montagne, avec Raffaelle, il leur emboîte le pas, ignorant qu'il vient de réveiller les vieilles rancoeurs qui vont précipiter les protagonistes dans une tragedie qui s'apparente étrangement à l'Antigone de Sophocle.



Une lecture intéressante qui s'inspiré de la tragédie grecque de Sophocle et qui m'a fait penser à la mort du roi Tsongor, un récit inspiré d'une autre tragédie, où malédiction, secrets et vengeances se cumulent pour se jouer des humains. La construction du roman demande concentration car les récits s'enchevêtrement sur plusieurs générations, avec des retours en arrière pour chaque personnage.

Ce roman semble constituer un changement de registre pour Elena Piacentini, qui, jusqu'à présent se consacrait aux romans policiers. Je ne connais pas ses polars mais j'ai été séduite par ce récit tragique assez dense.

Je remercie Babelio et Actes sud pour cette découverte.
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Les silences d'Ogliano

Genre: Antigone chez les corses



Pourquoi corses, ce n'est pas très clair, Ogliano ça pourrait être un village perdu dans une vallée sarde, sicilienne ou monténégrine? Il n'y a pas de géolocalisation.

Mais parce que l'autrice l'est notoirement, corse !!! Et que tout concorde:

Les noms, les sonorités (on entend « Oglione »),la flore, la faune (chevaux sauvages par exemple), les lois propres au massif (on l'appelle l'Argentu), ses cimes, ses crêtes, ses pelouses d'altitude, la rivière (la Fiumara), les canyons, les grottes, l'aspect des villages, sa mafia, ses tyrans, ses saints, ses héros etc.

Et parce que la Corse est le lieu des tragédies les plus fortes, les plus belles et les plus récentes (sinon il y a la Grèce antique).



Elena Piacentini m'a complètement bluffé, j'avais boudé bêtement son livre à sa parution et j'ai eu bien tort. Ce livre est fantastique. Dans toutes les acceptions du terme.

“Ne regarde pas en haut avec envie ou en bas avec dédain, Libero. Fais ta route, c'est bien assez.”



Libero, c'est le narrateur. Devenu médecin, Il revient sur les lieux du drame vingt ans plus tard.

Il y a Argentina, sa mère, célibataire et institutrice du village. Elle est fille du pépé (mort depuis quelques années) que l'on surnomme « Argentu » (ce qui tombe bien), chevrier au coeur pur qui a élevé Libero et lui a donné son nom (Solimane)

Il y a un méchant baron, remarié à la sublime Tessa (aussi rouquine que retors), qui a un fils, Raffaelle (qui a perdu son jumeau dans des circonstances opaques) de sa première union.

L'ami d'enfance de Libero, c'est Gianni, un voyou.

Et puis il y a tout un tas d'autres personnages, secondaires mais essentiels ( dont le chien du narrateur, Lazare …), chacun étant le maillon indispensable d'une orfèvrerie narrative de toute beauté.

Le récit s'ouvre sur l'enterrement d'un vieux bandit du village et de son étrange cortège puis sur la découverte du corps « d'Herminia la folle » à la Villa rose chez Delezio, l'affreux baron, où l'on fête le bac et l'avenir de l'héritier ! Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

De circonstances en circonstances, tout ce petit monde ira au bout de son destin.

Il n'y a pas de choeur antique mais son équivalent, une succession de petits chapitres, perlés dans la tragédie, où l'on rentre dans la tête des principaux protagonistes .

Il faut revenir à l'

Antigone de Sophocle pour trouver la morale de l'histoire.

“les lois de la Cité priment-elles sur les lois de la famille ? “



J'ai beaucoup aimé ce récit plein d'ampleur, dense et souvent poétique où, de mon humble point de vue, il est surtout question d'amour et d'amitié, de courage et d'honneur, mais aussi de ce qu'on peut découvrir de soi si on écoute l'oracle ( ici plusieurs personnages l'incarne mais c'est César qui a ma préférence)

Elena Piacentini nous parle de l'infinie complexité des hommes.

Omerta, silences, secrets, tout volera en éclats flamboyants pour dénoncer manichéisme et prêt à penser.

On sera bien surpris de voir qui aime qui…

Et puis l'autrice rend un hommage appuyé à Roberto Scarpitano, le magistrat italien spécialisé dans la lutte anti-mafia. Il faut dire que c'est un combat d'actualité!



Un très beau livre, une immense tragédie !



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Vaste comme la nuit

Mathilde a gommé de sa mémoire une journée d'été traumatisante. Ce jour-là, trente ans plus tôt, elle est tombée de vélo, et sa professeur de musique (véritable 'grande soeur' pour elle, enfant unique) a disparu dans la nature. Mathilde avait neuf ans.



Depuis, elle a rejoint la police, au grand dam de son père architecte.

Elle est devenue très proche de Lazaret, son chef de groupe. Celui-ci semble avoir découvert pas mal de choses sur cette zone d'ombre. Mais la vérité implique tellement Mathilde, ses proches, les gens qu'elle a côtoyés et aimés durant sa jeunesse, qu'il appartient à la jeune femme de remonter le fil. Seul ce travail, qui s'apparente à une psychanalyse, peut lui permettre d'affronter l'inconcevable.



Je lis cette auteur pour la troisième fois.

Les sujets d'Elena Piacentini varient ; il est question cette fois de transgénéalogie.

Nous ne naissons pas vierges de toute histoire : nous avons hérité de drames, 'fautes' de nos parents et de leurs ancêtres - parfois tellement honteux/douloureux qu'ils sont indicibles, étouffés, transformés.

« C'est un putain de sac à dos que tu te coltines, mais... Mais la plupart des choses que tu as mises dedans ne t'appartiennent pas. Tu sais quoi ? On va l'alléger, faire le grand ménage de printemps. »

Où Mathilde a grandi, les rancoeurs entre familles sont tenaces, sur plusieurs générations. A l'échelle d'un village, les coups bas de la seconde Guerre mondiale restent bien présents dans les esprits.

Cet aspect rappelle les délicieuses ambiances (avec vieilles histoires, secrets enfouis, vengeances) de romans de Pierre Magnan, Sébastien Japrisot, Pierre Pelot...



La plume est riche mais sans ostentation, les propos pertinents, les images & odeurs sont évocateurs. Je serais presque d'accord avec l'accroche de Bussi sur la première de couverture : 'La plume la plus sensible du roman policier féminin'. Mais pourquoi 'féminin' ? Je dirais 'une des plumes les plus sensibles du roman noir'. Et je comparerais à la géniale auteur Séverine Chevalier (La Manufacture de livres).
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Aux vents mauvais

Excellente pioche que ce livre , trouvé d'occasion! Je ne connaissais pas son auteure, qui, comme le personnage principal récurrent, le commandant Leoni, est d'origine corse et vit à Lille.



Tous les critères qui, selon moi, concourent à offrir au lecteur un très bon roman policier sont ici réunis : des personnages fouillés et intéressants, une enquête passionnante, une belle écriture personnelle , et des thèmes sociétaux forts.



Je n'entrerai pas dans le détail de l'intrigue, comme d'habitude. Je vous livrerai seulement quelques aspects : la honteuse affaire des Réunionnais de la Creuse ( la responsabilité morale de l'Etat a été reconnue seulement en 2014) , la haine raciale, des disparitions inquiétantes mais des vies invisibles...



On ne va pas se mentir, l'ambiance est très sombre. Heureusement, des rayons ensoleillent le livre: l'humanité, le charisme de Leoni, la solidarité de son équipe. Et cette écriture! Originale, humoristique, incisive. En deux lignes, l'auteure sait rendre une atmosphère ou brosser un portrait saisissant de vérité. Voici, par exemple, ce qu'elle écrit à propos d'une femme , professeur de Mathématiques à la retraite, luttant pour la protection des oiseaux: " Colette Chabroux leva ses yeux clairs et scruta le ciel (...) Avec ses cheveux gris, coupés court sur son crâne à la complexion délicate, elle semblait une grue aux aguets ".



L'auteure parvient parfaitement à nous capter, nous interroger sur les cruautés du monde, au travers de ses personnages . Je garderai surtout ton image émouvante, Jean-Toussaint. La puissance de l'amour...



Je me réjouis de retrouver le commandant Leoni, car pas moins de cinq autres volumes lui sont consacrés. Cela me permettra de le connaitre mieux, notamment d'apprendre ce qu'il est advenu de certains membres de sa famille.
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Des forêts et des âmes

Starsky & Hutch sans Starsky, sans Hutch, sans voiture lancée à toute blinde, sans ville. Mais la même impression trépidante/stressante pour le lecteur qui n'aime pas les polars nourris d'action et de courses poursuites.



D'autant qu'ici, l'intrigue est très diluée. Les personnages se traquent et se tirent dessus dans la forêt vosgienne, essentiellement à pied, sans arrêt et sans fin…



Dommage car les souffrances des adolescents Matthieu, Juliette, Lucas, dans les premières pages, m'ont touchée. Et le sujet central du livre m'intéresse : le lobby pharmaceutique, les ‘maladies imaginaires' lucratives, la complicité du milieu médical, les citoyens qui en sont victimes… * (problématique bien explicitée en postface, en revanche).



Comme dit Renaud, ‘La médecine est une putain, son maquereau c'est le pharmacien'… ♪♫ **



Je n'ai pas retrouvé la vivacité et le suspense présents dans ‘Aux vents mauvais' de cette auteur. Les dialogues sont moins percutants, plus gentillets, et la grand-mère de Leoni, avec ses leçons de (sur)vie, fait pâle figure à côté de la Colette des ‘Vents mauvais', autrement plus rock'n roll…



Je ne suis plus si pressée de découvrir le reste de l'oeuvre d'Elena Piacentini, désormais… J'en remercierais presque la librairie D., de Brest, de ne pas avoir eu d'autres titres disponibles – tandis que l'E.C. d'Edouard était mieux achalandé, lui ! 😉

_____



* sur le sujet :

• un livre 'La quatrième plaie', Patrick Bard (2004)

• un film (adapté d'un roman de John Le Carré, 2001) : 'La constance du jardinier' (2005)



** 'Etudiant, poil aux dents', 1982

https://www.youtube.com/watch?v=0bPM2WWBjco

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Les silences d'Ogliano

C'est le dernier été de Libero, son dernier de jeune adulte et il nous raconte. Cet été là, sur les hauteurs de l'Argentu entourant son village d'Ogliano, Libero ne verra plus les grottes, les hauts plateaux de la même manière, n'entendra plus le chant des oiseaux comme lorsqu'il était petit, ne sentira plus cette chaleur d'été aussi intensément, il fut un temps où Libero aimait Ogliano. Mais, c'est la fin d'un monde, la fin d'une vie. Plus rien ne sera jamais pareil.

Libero vit seul avec sa mère, il ne connait pas son père, il croit que celui-ci est mort. Demande parfois à sa mère de lui révéler qui était son père mais toujours le silence. le silence sur ses origines comme sur bien d'autres choses dans ce village. C'est encore et toujours le règne de l'omerta.

Cet été là, le riche du village célèbre la fin des études de son fils Raffaele et tout le village est convié à une fête sans commune mesure. Libero ira, Tessa la belle et jeune épouse du riche du village éblouira comme d'habitude, César carabinier à la retraite et qui est une espèce de père pour Libero seront de la fêtes bien sûr d'autres aussi. C'est une belle fête jusqu'à ce que...

Et là, dès le matin, Libero, accompagné de son fidèle chien rescapé, suivra dans la montagne une drôle de caravane: deux mules, deux hommes et un corps entravé sur une des mules. Les événements, tragiques, se succèderont et certains n'en reviendront pas.

Petit récit intrigant (déjà, la couverture du livre m'a séduite) que l'on pourrait croire situé au coeur d'une société féodale, il nous raconte la douleur des hommes dans le silence. La douleur et les injustices. Ces injustices qui gardent le pauvre dans la pauvreté, soumis aux codes des riches. Que faire "quand on ne peut se fier ni aux lois ni aux hommes censés les servir" (P. 129) ? Alors dans le village et dans la vie de chacun c'est "chacun pour soi et les miens contre les tiens" (P.129). Il semble que ce soit comme ça depuis le début des temps. Les choses restent en l'état, rien ne bouge et on continue de servir les intérêts de quelques-uns. C'est aussi une société muette, pleine de secrets de famille . Être né dans un clan plutôt que dans un autre et traîner ce passif toute une vie sans jamais rien dénoncer, sans que rien ne change.

Elena Piacentini, avec élégance, poésie et finesse, a su recréer une atmosphère de tragédie grecque. En lisant ce titre, j'ai pensé au roman de Laurent Gaudé, "Le soleil des Scorta" pour lequel j'avais succombé. Pareil ici. Certains diront qu'Elena Piacentini n'a fait qu'un exercice de style, je passe outre et je vous avoue que j'ai passé un très très agréable moment de lecture. Lecture qui m'a transportée dans un monde qui pourrait être aujourd'hui ou il y a deux mille ans, dans un lieu d'une beauté indescriptible, dans un tout petit village isolé. Lecture qui m'a parlé de la jeunesse qui sera toujours la même partout et de conflits qui n'en finissent plus et de ces pères que l'on ne peut détester.

Les amateurs de littérature italienne du Sud seront, je crois, ravis. Quelques jours d'été racontés comme une tragédie grecque.

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Aux vents mauvais

Un commandant chargé d'enquêter sur le cadavre d'une jeune femme, un tagueur de seize ans, un petit ‘Réunionnais de la Creuse' * (selon la formule consacrée) et quelques autres personnages dans cette intrigue aux ramifications multiples.



Les trois premiers ont pour point commun d'avoir des grands-mères formidables, à qui ils doivent beaucoup. L'ado ne le sait pas encore, mais on va assister avec lui à l'éclosion d'une belle complicité inter-générationnelle. Et ce sont sans doute les moments en compagnie de Rémi et de son aïeule Colette (un peu vargassienne, la dame) que j'ai préférés dans cet ouvrage, très riche par ailleurs.



Je ne sais pas pourquoi je n'avais jamais entendu parler de cette auteur talentueuse, alors que nous sommes si nombreux sur Babelio à être friands de bons polars et que le bouche à oreille y fonctionne très bien.



Si j'étais l'éditeur, je n'aurais pas mis ce mot de Bussi en bandeau d'accroche, mais la recommandation d'un auteur un peu plus ‘rebelle', genre Ledun, Lebel, Norek (qui sont pour l'instant un chouïa moins connus, ceci explique cela ?).

Et plutôt que ‘addictif', j'aurais dit que ce roman était ‘politique, social, engagé'.



L'auteur dézingue nos dirigeants (et pas seulement les petits derniers en date, on fait un voyage dans les années 60, aussi), les libertés qu'ils prennent avec l'individu pour servir des intérêts généraux discutables. Elena Piacentini s'en prend aussi, parmi d'autres sujets d'actualité, à la banalisation de la haine et du passage à l'acte, et à notre éco-(ir)responsabilité.



« ‘Liberté, égalité, fraternité', hein… Ses lèvres s'étirèrent en un sourire désabusé. ‘Avec de vrais morceaux d'idéal dedans'. A quel moment la devise s'était-elle vidée de sa substance, il n'aurait su le dire. Ce matin, elle lui apparut comme un slogan publicitaire vantant les mérites d'un produit dont la formule n'avait jamais existé, que nul n'avait plus l'ambition de mettre en fabrication. L'arche de la république était vaste. Haut, son fronton. Mais le passage de plus en plus étroit. J-T., M., J. et tant d'autres ne l'avaient jamais franchi. Ils avaient grossi l'armée de ceux, toujours plus nombreux, condamnés à grignoter en périphérie du mythe. »



Vite, un autre ouvrage de l'auteur ! J'adore ces bouffées d'air frais via des discours désabusés, lucides, et paradoxalement porteurs d'espoir.

___

* pour un bon aperçu du sujet, ce roman jeunesse :

'L’île de mon père', Brigitte Peskine (Casterman, 2005).
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Les silences d'Ogliano

« L'été, quand vient la nuit sur le village d'Ogliano, les voix des absents sont comme des accrocs au bruissement du vivant. » J'ai trouvé que ça commençait bien avec ce magnifique incipit, de ces phrases qui donnent envie de les relire aussitôt et de préférence à haute voix… J'ai beaucoup aimé ce roman d'Elena Piacentini qui se déroule « au coeur d'un Sud imaginaire » comme le dit la quatrième de couverture. J'avoue y avoir vu et senti la Corse, ou la Sicile, ou la Sardaigne, mais forcément une île. Les Silences d'Ogliano, le pluriel est à noter, est un roman d'apprentissage, celui du narrateur, « Libero Solimane, fils d'Argentina Solimane et d'elle seule, petit-fils d'Argentu Solimane ». le village et ses habitants sont sous la coupe du baron Delezio, riche propriétaire et principal employeur auquel personne n'ose tenir tête, pas même son fils. le baron a épousé Tessa, une jeune et très jolie femme qui subjugue Libero. Elle est ainsi devenue la belle-mère de Raffaele, ami d'enfance du narrateur malgré l'écart de classe sociale. Un événement marque le début du roman : l'enterrement de Bartolomeo Lanzani, porte-flingue occasionnel pour la maffia, odieux personnage détesté par tout le village. Les langues vont-elles se délier maintenant ? Pas tout de suite : il faudra attendre un meurtre pour que, petit à petit, on ose briser les silences d'Ogliano.

***

J'ai beaucoup aimé la sensualité de l'écriture d'Elena Piacentini, sa manière de brosser un paysage ou de faire surgir un sentiment, l'importance et l'attention qu'elle accorde aux nombreux personnages secondaires, nous les livrant dans toute leur complexité. Pour donner au lecteur d'autres points de vue que celui de Libero, l'autrice a choisi de faire intervenir d'autres narrateurs. Les passages en italique nous livrent le délire d'Herminia, la folle, qui parle d'elle à la troisième personne, le baron Delezio qui se confesse avec morgue au curé de la paroisse, une lettre de Gianni, l'autre ami d'enfance de Libero, qui se confie à sa mère, Argentu, le grand-père qui s'adresse à son dieu personnel. Ils sont suivis par Dario, puis César, deux hommes dont je ne vous dirai rien. Pour lever tous les secrets, il faudra attendre et entendre la voix d'Argentina, la mère de Libero. Comme en contrepoint, on trouve la tragédie de Sophocle, Antigone, la pièce qui cristallise tous les combats que peuvent avoir à mener les humains, livre de chevet de Raffaele qui l'offrira à Libero et celui-ci ne manquera pas d'en découvrir toute la richesse. Un beau roman que je recommande avec chaleur.

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