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Citations de Elias Canetti (240)


"Les portes étaient encore ouvertes et les enfants étaient plantés dehors, pleins d'espoir et de patience.Ils sentaient qu'ils ne seraient pas chassés pendant qu'il racontait son histoire. Lui, qui avait commencé son récit avec un tel mépris à leur encontre, venait en un court instant de se rendre infiniment plus méprisable qu'eux. Qu'il les eût calomniés ou qu'il eût dit la vérité à leur sujet, il était maintenant enfoncé plus qu'eux. Je souhaitai qu'il existât un genre de punition qui l'obligeât à demander leur intercession." La calomnie, Les voix de Marrakech, extrait 1954.
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La pluie

En tous lieux, et surtout là où elle est rare, c'est, avant qu'elle tombe, l'unité de la pluie que l'on perçoit. Elle s'approche sous forme de nuage et commence par couvrir le ciel, qui s'assombrit avant qu'il ne pleuve ; tout se voile de grisaille. On a peut-être une conscience plus globale de l'instant où la pluie semble assurée que du phénomène lui-même. Car on la désire souvent très intensément, ce peut-être une question de vie ou de mort que la pluie tombe. Il n'est pas toujours facile de l'obtenir, et l'on recourt alors aux incantations ; il existe des méthodes nombreuses et fort diverses de l'attirer.
La pluie tombe en gouttes nombreuses. On les voit et l'on voit surtout leur direction. On dit dans toutes les langues qu'elle tombe. On voit la pluie en nombreuses raies parallèles, le grand nombre de gouttes qui tombent accentue leur unité de direction. Il n'est pas de direction qui impressionne l'homme davantage que celle de la chute ; toutes les autres ont en comparaison quelque chose de dérivé, de secondaire. La chute est ce que l'on redoute le plus dès l'enfance, et la première chose contre laquelle on soit armé dans la vie. On apprend à s'en garder ; à partir d'un certain âge, toute défaillance en ce domaine est ridicule ou dangereuse. La pluie, au contraire de l'homme, est ce qui doit tomber. Rien ne tombe aussi fréquemment et diversement que la pluie.
Il est possible que le nombre des gouttes enlève quelque chose de sa pesanteur et de sa dureté à la chute. On les entend frapper le sol, c'est un bruit agréable. On les sent sur sa peau, c'est un contacte agréable. Peut-être n'est-il pas sans importance que trois sens au mois participent à l'expérience de la pluie : la vue, l'ouï et le toucher. Tous ces sens la perçoivent comme multiplicité. Il est facile de s'en protéger. Il est rare qu'elle soit vraiment menaçante, et la plupart du temps elle enveloppe l'homme d'une bienfaisante épaisseur.
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Il était exact que je ne voulais pas apprendre comment vont les choses en ce monde. J’avais le sentiment qu’en jetant un regard compréhensif sur quelque chose que je désapprouvais par trop, j’en porterais une part de responsabilité.
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"" Le professeur Peter Kien, un homme long et maigre, savant sinologue [...], avait l'habitude de jeter un coup d'œil aux devantures de toutes les librairies devant lesquelles il passait. Il trouvait presque plaisant de constater que la mauvaise graine et l'ivraie gagnaient chaque jour du terrain. Lui-même possédait la plus importante bibliothèque privée de cette grande ville. Et il en emportait toujours une parcelle sur lui. La passion qu'il éprouvait pour elle, la seule qu'il se permît dans sa vie sévère et studieuse, le contraignait à des mesures de prudence. "

(4e de couverture)
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Il jeta un coup d'œil autour de lui – non, personne ne l'observait – et tira de sa poche un calepin long et étroit. Sur la couverture était écrit en hautes lettres anguleuses : SOTTISIER. Il arrêta d'abord son regard sur le titre, puis il feuilleta le carnet dont plus de la moitié des pages était écrite ; il inscrivait là tout ce qu'il voulait oublier. Il commençait par inscrire la date, l'heure et le lieu. Suivait le récit de l'événement, qui devait être une nouvelle illustration de la bêtise humaine. Une citation bien choisie, toujours nouvelle, servait de conclusion. il ne lisait jamais son recueil de sottises ; il lui suffisait de jeter un coup d'œil sur la couverture. Il pensait publier cela plus tard sous le titre : "Promenade d'un sinologue".
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Le véritable amour est toujours inquiet et se crée de nouveaux soucis avant même que les anciens aient disparu. Il n'avait encore jamais aimé ; il éprouvait les mêmes sentiments qu'un jeune garçon qui ne sait rien encore, qui saura bientôt et qui ressent devant les deux choses : savoir et ignorer, la même obscure angoisse.
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Il peut y avoir de nombreux inconvénients à être vieux. Les avantages sont incomparablement plus grands.
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Il désirait peut-être en savoir davantage, mais jamais vous ne ressentiez ses demandes de précisions comme des questions. C'était sa manière d'approcher un sujet, mais l'interrogé lui-même se voyait totalement épargné. [...] il était impensable que quelqu'un se sentît humilié en sa présence.

Elias Canetti, trad. Walter Weideli
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Pour les enfants, il faut se procurer une mère. Et si seulement une mère se contentait d'être mère ! Mais laquelle se cantonne dans le rôle qui est véritablement le sien ? Toutes ont pour principale spécialité d'être femme, et élèvent des prétentions qu'un homme savant ne peut songer satisfaire.
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J'étais à Londres au moment des élections. Le vomitif - la Thatcher - a été élu pour la troisième fois... Dickens, mort il y a cent dix-sept ans, se sentirait de nouveau chez lui. La même mentalité qu'à son époque, mais sans Empire. Les gens qui se sentent bien parce qu'il existe parmi eux une classe d'exclus, de chômeurs... (p. 367)
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Personne n'a d'ami pour tout ce qu'il est : ce serait de la corruption. (p28)
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La victoire, dans laquelle on sent la diminution capitale, sinon l'anéantissement, de l'ennemi, ôte de son poids à la lamentation de ses propres morts. On les a envoyés en avant-garde au pays des morts, et ils y ont entraîné bien davantage d'ennemis. Ils ont ainsi délivré chacun de la peur sans laquelle personne ne serait parti à la guerre.
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Être sage, c'est maintenir l'équilibre entre le savoir et le non-savoir. Il ne faut pas que le savoir appauvrisse son contraire. A chaque réponse donnée, qu'une question, même sans aucun rapport, surgisse donc de son sommeil, et que celui qui est le plus abondant en réponses soit également le plus riche en questions.
Le sage saura demeurer un enfant tout au long de sa vie. Il n'oubliera pas que les réponses, quand elles sont seules, dessèchent le sol et le souffle. Le savoir est une arme pour le pouvoir, pour les puissants, et il n'est rien que le sage méprise autant que les armes. Son désir d'aimer plus d'hommes encore qu'il n'en connaît ne le fait pas rougir, et jamais il ne s'isolera orgueilleusement des autres sous prétexte qu'il ne sait rien d'eux.
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[Elias Canetti sur Abraham Sonne] Ce qu'il avait à dire d'un sujet n'était pas seulement exhaustif et détaillé, mais on savait aussi qu'il ne l'avait jamais dit auparavant. C'était toujours nouveau, cela jaillissait à l'instant même. Ce n'était pas un jugement sur les choses, mais leur loi. Le plus étonnant était cependant qu'il ne s'agissait pas de matières où il se fût trouvé spécialement compétent. Il n'était pas un spécialiste, ou peut-être vaudrait-il mieux dire qu'il n'était pas spécialiste d'un domaine particulier, mais de tous ceux que je l'ai entendu aborder devant moi. J'appris grâce à lui qu'il est possible de se pencher sur les problèmes les plus divers sans tomber pour autant dans l'insanité ou le bavardage. C'est une affirmation plutôt énorme et elle ne deviendra guère plus crédible si j'ajoute que c'est la raison même pour laquelle je suis incapable de reproduire les propos de Sonne, car chacun d'eux serait une dissertation très vivante et sérieuse, et si complète que je n'arrive pas à me souvenir entièrement d'aucune d'entre elles. En livrer de quelconques fragments reviendrait à les falsifier gravement. Sonne n'était pas un aphoriste : appliqué à lui ce mot que je respecte prend une allure presque frivole. Il était trop complet pour faire des aphorismes, il lui manquait la partialité et aussi l'envie de surprendre. Quand il avait dit ce qu'il avait à dire, on se sentait éclairé, rassasié, c'était quelque chose d'achevé dont il n'y avait plus à parler : qu'aurait-on pu encore y ajouter ?

P. 36, trad. Walter Weideli
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" Je m'étais déjà trouvé ici (une place au mellah), il y avait des centaines d'années, mais je l'avais oublié. Et voici que tout me revenait. Je trouvais offertes la densité et la chaleur de la vie que je sentais en moi-même. J'étais cette place et je crois bien que je suis toujours cette place. "
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Nous partirons d'un phénomène familier à tout le monde, la joie de trancher. "Mauvais livre", dit quelqu'un, ou "mauvais tableau", et il se donne l'apparence d'avoir à dire quelque chose d'objectif. Toujours est-il que sa mine trahit qu'il le dit avec plaisir. Car la forme du jugement trompe, et ne tarde pas à se faire personnelle. "Mauvais auteur" ou "mauvais peintre", entend-on tout de suite après, du ton dont on dirait "un méchant homme". On a constamment l'occasion de prendre des amis, des inconnus et soi-même en flagrant délit de trancher ainsi; impossible de méconnaitre cette joie du jugement négatif.
C'est une joie dure et cruelle que rien n'égare; le jugement n'est jugement que lorsqu'il est porté avec une sorte d'assurance inquiétante. Il ignore la clémence, comme la prudence. il est vite trouvé; le plus conforme à son essence est de se former sans reflexion. La passion qu'il trahit tient à sa rapidité. C'est le jugement inconditionné et le jugement rapide qui se peignent en plaisir sur les traits de celui qui juge.
En quoi consiste ce plaisir? On écarte quelque chose de soi pour le mettre dans un groupe médiocre, étant admis que l'on appartient soi-même à un groupe meilleur. On s'élève en abaissant autre chose. On suppose naturelle et nécessaire l'existence de ces deux groupes distincts, représentant des valeurs opposés. quel que soit le Bon, il est là pour contraster avec le Mauvais. On détermine soi-même ce qui appartient à l'un et à l'autre.
C'est la puissance du juge que l'on s'attribue ainsi...
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Je traîne un lourd fardeau, j'aime vivre.
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Je ne veux pas parler du temps que je lui ai consacré car ce qu'il considérait, eu égard à la maladie du temps dont souffrent à peu près tous les Anglais, comme pure générosité de ma part envers lui n'en était pas en fait : durant les trente années et davantage que j'ai passées en Angleterre, j'ai donné mon temps à tout un chacun. J'en ai été prodigue, même là-bas je ne suis jamais devenu l'esclave du temps ; la perte du temps ne m'affecte pas, et tout le temps que j'ai pu consacrer à quiconque me parlait de soi a contribué à m'ouvrir et à me rendre heureux ; il m'était donné ainsi de ne pas rester seul avec moi-même, et je crois que le bonheur consiste à être avec d'autres plutôt qu'avec soi, à pouvoir se quitter sans qu'on ait été entraîné à cela et, même, sans que l'on s'en rende compte.
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Si tu écris ta vie, chaque page devrait apporter quelque chose dont personne n'a jamais eu vent. (p19)
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Son chagrin : ne pas s’être ouvert depuis toujours à toute manifestation de la vie, même la plus infime. Son chagrin : des dizaines d’années d’orgueil.
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