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Citations de Elsa Morante (224)


« Pour moi », déclara soudain David, « paradis ou enfer, c’est du pareil au même. Moi, je désire que Dieu N’ n’existe PAS. Je désire qu’au-delà il n’y ait plus rien, un point c’est tout. S’il y avait n’importe quoi, cela me ferait souffrir. Toutes les choses qu’il y a, que ce soit ici-bas ou au-delà, me font souffrir : tout ce que je suis, tout ce que sont les autres… Moi, je désire n’être plus. »
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Il n'est en effet point de retour de l'Oubli, sinon à travers son jumeau, la Restitution. C'est dans cet autre fleuve, que l'on reboit les mémoires perdues; mais comment s'assurer que ses eaux ne sont pas droguées, et polluées par des présages ou des séductions, des fabulations ou des leurres?
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Dans les derniers jours de ce mois d'avril (1945 NDL), des divers points d'Europe où les Allemands se débattaient encore, les destinées de la guerre prirent toutes ensemble un cours précipité vers la conclusion finale. Les fameuses "armes secrètes" du Reich avaient échoué; par ici la Ligne gothique avait cédé, de même que, ailleurs, toutes les autres lignes, toutes les autres fortifications et tous les autres fronts. En Italie, l'armée allemande, après s'être retirée de Milan, capitulait; et dans les ruines de Berlin, encerclée de toutes parts, entraient déjà les premiers soldats russes. A quelques heures de distance l'un de l'autre, Mussolini qui tentait de s'enfuir camouflé en Allemand était pris et fusillé près de la frontière d'Italie; et Hitler se tuait d'un coup de pistolet ( tiré par lui-même ou par autrui ) dans l'ultime domicile où il vivait déjà enterré, son bunker anti-aérien sous la Chancellerie de Berlin...
Environ une semaine plus tard, la reddition totale de l'Allemagne mettait fin, au bout de six années de massacres, à la guerre-éclair en Europe.
P 346
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"Le bonheur, moi, je l'ai toujours aimé!" avoua-t-il, "certains jours, quand j'étais enfant, j'en étais envahi à un tel point que je me mettais à courir les bras ouverts, avec l'envie de hurler: c'est trop, c'est trop! Je ne peux pas le garder tout entier pour moi. Il faut que je le donne à quelqu'un d'autre."
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La chambre à gaz est l'unique point de charité du camp de concentration.
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Elle se rappela, par exemple, avoir entendu en Calabre un émigrant américain dire que le sang noir l’emporte toujours sur le sang blanc. Il suffit d’une goutte de sang noir chez un individu pour reconnaître qu’il n’est pas blanc mais un croisement de nègre.
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Le silence, en réalité, était parlant ! Et même, il était fait de voix, qui, au début, parvinrent plutôt confuses, se mélangeant au tremblement des couleurs et des ombres, jusqu'au moment où cette double sensation devint une seule : et alors, on comprit que ces lumières tremblantes, elles aussi, étaient toutes, en réalité, des voix du silence. C'était vraiment le silence, et pas autre chose, qui faisait trembler l'espace, serpentant comme une racine plus profondément que le centre embrasé de la terre et montant dans une tempête énorme plus loin que le bleu du ciel. Le bleu du ciel restait bleu ou plutôt il était plus éblouissant, et la tempête était une multitude qui chantait une seule note (ou peut-être un seul accord de trois notes) semblable à un hurlement ! Mais dedans on distinguait, Dieu sait comment, une par une, toutes les voix, toutes les phrases et toutes les conversations, par milliers et par milliers de milliers : et les chansonnettes, et les bêlements, et la mer, et les sirènes d'alerte, et les coups de feu, et les toux, et les moteurs, et les convois pour Auschwitz, et les grillons, et les bombes, et le tout petit grognement du petit animal sans queue... et « tu me donnes un petit bécot, Usé ?... »
P 477
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Bien qu'elle fût si paresseuse, Donna Amalia n'avait cependant pas engraissé démesurément, comme beaucoup d'autres dames de son âge. Ses membres, qui n'étaient pas trop gros, étaient pourtant d'un dessin si noble, et son ossature si vigoureuse sous ses chairs si délicates, qu'elle apparaissait comme une géante sacrée, une statue peinte pour la Procession. La couleur de sa peau était d'un brun olivâtre, et sa tête, plutôt petite, avait de profil un aspect un peu rapace, à cause de son nez, fortement aquilin ; mais, vue de face, elle vous attendrissait le coeur, grâce à son sourire, où sa bouche, petite et charnue, montrait des dents qui ressemblaient au jasmin d'Arabie, et grâce à ses yeux qui (sous les sourcils très noirs et peut-être trop épais) étaient d'un ovale délicat, d'une couleur noire veloutée, luisante : ils reflétaient des pensées d'une gaieté si consolante qu'en regardant ces yeux, vous aviez l'impression d'entendre le dialogue de deux oiseaux. (Donna Amalia)
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Alors,exaspéré,il se mit à chanter comme un choeur immense,pour ne plus l'entendre,les hymnes fascistes;improvisant sur eux,pour aggraver les choses,des variantes obscènes. A cela,comme c'était prévisible,la peur anéantit Ida.Dix mille policiers imaginaires jaillirent de son cerveau dans cette chambre explosive,cependant que de son côté, Nino,fier de son succès,entonnait même
"Bandiera rossa" .
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Incipit : Il y a deux mois déjà que ma mère adoptive, ma seule amie et ma protectrice, est morte. Quand, étant demeurée orpheline de mes parents, je fus recueillie et adoptée par elle, je venais à peine d'entrer dans ma dixième année, et depuis lors (cela fait aujourd'hui plus de quinze ans), nous avions toujours vécu ensemble.
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« les races, les classes, les citoyennetés sont des blagues : des spectacles d’illusionnisme montés par le Pouvoir. C’est le Pouvoir qui a besoin de la Colonne infâme du Pilori : « celui-là est juif, il est nègre, il est ouvrier, il est esclave… il est différent… c’est lui l’Ennemi !», tout ça, c’est des trucs pour masquer le véritable ennemi qui est lui, le Pouvoir !
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Mais non, au contraire, l'été aussi allait revenir immanquablement, semblable à l'été habituel. On ne peut pas le tuer, c'est un dragon invulnérable qui renaît toujours avec sa merveilleuse adolescence. Et l'affreuse jalousie qui me remplissait d'amertume, c'était la suivante : de penser à mon île de nouveau embrasée par l'été, sans moi !
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« Tous autant que nous sommes » proféra-t-il alors, désespéré, pour sa défense ou son rachat, « nous avons un SS caché en nous ! et un bourgeois ! et un capitaliste ! et peut-être aussi un monsignore ! et… et… un Généralissime, aussi orné de chamarrures et de crachats qu’un Mardi gras ! Tous autant que nous sommes ! bourgeois et prolétaires et… anarchistes et communistes ! Tous sans exception… Voilà pourquoi notre lutte est toujours une action avortée… un malentendu… un alibi… de fausses révolutions pour échapper à la vraie révolution, et conserver le réactionnaire qui est en nous ! Ne nous induisez pas en tentation signifie : aidez-nous à éliminer le fasciste qui est en nous ! »
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Je ne sais plus où j’ai lu l’histoire de quelqu’un qui, visitant un Lager, vit quelque chose de vivant bouger dans un amoncellement de morts. Et il vit une fillette sortir de celui-ci : « pourquoi restes-tu là, au milieu des morts ? » Et elle lui a répondu : « Avec les vivants je ne peux plus rester ».
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"Pauvre petit oiseau à ta maman, je crois bien que tu réussiras pas à grandir et que tu feras pas de vieux os. Cette guerre est le massacre des petits enfants.
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La pâleur opaque, noirâtre de la lumière ne permet pas de comprendre si, au-delà des cumulus, le soleil est, ou n'est pas, déjà levé; mais la ville d'Almeria dort inanimée et déserte ainsi qu'une nuit profonde.
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Cette grand-mère était sourde, et elle avait l'air d'être en bois. Une innombrable succession d'années l'avait lentement sucée, jusqu'au point de la réduire à un petit squelette en bois qui, peut-être, ne pouvait même plus mourir. Sa tête était presque chauve, ses paupières sombres étaient toujours baissées. Elle tenait immobiles, le long de ses côtés, ses mains dont les ongles étaient d'un bleu livide. A ma grande stupeur, j'avais découvert qu'elle se bandait la poitrine et les hanches, comme on le fait aux enfants, et, par-dessus toutes ces bandes, elle mettait d'amples haillons gris. On disait qu'elle était riche.
(Le voleur de lampes)
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Le fait est que l'adolescent (ce qu'il était en réalité) David Segré voyait l'humanité tout entière comme un seul corps vivant; et de même qu'il sentait toutes les cellules de son propre corps tendre vers le bonheur, de même il croyait que c'était vers celui-ci que se tendait l'humanité tout entière, et que c'était là son destin. Et qu'en conséquence, tôt ou tard, cet heureux destin devait s'accomplir!
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Ainsi, Wilhelm Gerace venait de m'attirer dans son ultime piège. A la vérité, eût-il, pleinement conscient et intentionnellement, cherché le moyen le plus malicieux de me reprendre sous son charme, il n'aurait pas pu inventer un jeu plus perfide que celui dans lequel il venait de m'attirer à son insu ! Maintenant, veux-je dire, il m'apparaissait clairement que, dans ses pèlerinages à la Terre Murée, rien d'autre ne l'attendait qu'une honteuse solitude ; que, là-haut, il était mortifié et répudié comme le dernier des esclaves. Et à cette découverte, je ne sais pourquoi, mon affection pour lui, que je croyais étouffée et presque éteinte, se ralluma en moi plus douloureuse et plus dévorante, presque terrible !
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A quarante ans révolus (elle avait des années de plus que mon père) elle vivait sa virginité sans amertume, en toute sérénité, presque heureuse dans sa chaste solitude. En complément de sa rente personnelle (fruit de l'héritage d'une grand-tante) elle se consacrait, en qualité de conseillère ou secrétaire, à des publications scolaires; et cette activité continuelle, en alternance avec son grand affairement chez elle, et sa terrasse et ses vêtements, outre qu'elle lui assurait une fort digne indépendance, suffisait à ses exigences d'utilité sociale et d'intégrité morale. Extérieurement, elle avait cet aspect caractéristique, et prédestiné, par quoi la typologie vulgaire a coutume de représenter les vieilles filles.
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