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Citations de Elsa Morante (222)


Parfois, lorsque, désœuvrée, je parcours l’appartement, mon image s'avance traîtreusement à ma rencontre, et, en voyant une forme se mouvoir dans ces funèbres eaux solitaires, je sursaute, mais, ensuite, quand je me reconnais, je reste là, immobile, à me regarder fixement, comme si je contemplais une méduse. Je regarde cette frêle et nerveuse personne, fagotée dans son éternelle robe rougeâtre (je ne me soucie pas de porter le deuil), avec ses tresses noires réunies sur le sommet de la tête d'une façon à la fois surannée et négligente, son visage souffreteux à la peau plutôt brune, et ses yeux grands et ardents, qui semblent toujours attendre des prodiges et des apparitions. Et je me demande : "Qui est cette femme ? Qui est cette Elisa ?¨"
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Comme toujours quand elle se réveillait de son malaise, il ne lui restait de celui-ci que l'ombre d'un souvenir; rien d'autre que la sensation initiale de vagues violences qui n'avaient duré qu'un instant.
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L'humanité, de par sa nature, tend à se donner une explication du monde dans lequel elle est née. Et c'est là ce qui la distingue des autres espèces. Chaque individu, même le moins intelligent et le dernier des parias, se donne dès son enfance une quelconque explication du monde. Et il s'arrange à vivre dans celle-ci. Et sans elle il sombrerait dans la folie.
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È curioso come certi occhi serbino visibilmente l'ombra di chi sa quali immagini, già impresse, chi sa quando e dove, nella retina, a modo di una scrittura incancellabile che gli altri non sanno leggere - e spesso non vogliono. Quest'ultimo era il caso per i giudii. Presto essi impararono che nessuno voleva ascoltare i loro racconti : c'era chi se ne distraeva fin dal principio, e chi li interrompeva prontamente con un pretesto, o chi addirittura li scansava ridacchiando, quasi a dirgli : "Fratello ti compatisco, ma in questo momento ho altro da fare."
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Un jour de janvier de l'an
1941
un soldat allemand marchait
dans le quartier de San Lorenzo à Rome.
Il savait en tout 4 mots d'italien
et du monde ne savait que peu de choses ou rien.
Son prénom était Gunther.
Son nom de famille demeure inconnu.
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Mais non seulement l’heure terrible qui avait précédé son accès, mais aussi
toute l’époque antérieure, son passé tout entier se présentait à reculons à son
souvenir comme un point en marche, encore brouillé par un immense
éloignement. Elle s’était détachée du continent plein de monde et vociférant
de sa mémoire, à bord d’une barque qui, pendant cet intervalle, avait fait le
tour du globe ; et à présent, remontant à son port de départ, elle retrouvait
ce continent silencieux et calme. Il n’y avait plus ni foules hurlantes ni le
moindre lynchage. Les objets familiers, dépouillés de toute affection,
n’étaient plus des instruments, mais des créatures végétales ou aquatiques,
algues, coraux, étoiles de mer, qui respiraient dans le repos de la mer,
n’appartenant plus à personne.
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Le pays était si sauvage et si âpre, qu'aucun étranger, jamais, n'était venu y habiter. Seuls des voyageurs de passage visitaient la très vieille Église, dont l'intérieur aux multiples colonnes évoquait les grottes de calcaire nées avec le temps. Cette grande Église était de pierre nue, et sa beauté se révélait vraiment aux jours d'hiver, lorsque le soleil était voilé ; alors, la façade noircie, aux hautes portes, les formes élémentaires et pures des bas-reliefs, la nef vide, et la découpe crue des vitraux, tout exhalait le prodige dans la blancheur étale de la lumière. Même l'autel était de pierre, et si austère que l'on pouvait croire que la Messe n'y était jamais célébrée ; il n'y avait pas de prie-dieu, et les fidèles devaient s'agenouiller par terre. Mais lorsque l'on entrait dans de cette grande architecture, parmi les figures enfantines sculptées, fières et extatiques, l'on était vaincu par une étrange et sauvage béatitude. (page 93, Une histoire d'amour)
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De plus en plus s'étend sur les territoires du monde le cancer industriel qui empoisonne l'air, l'eau et les organismes et dévaste les centres habités, de même qu'il dénature et détruit les hommes condamnés à la chaîne à l'intérieur des usines.
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Un autre soir, en revanche, ma mère se préparait pour la nuit et j'étais déjà sous les couvertures, assoupie, quand mon père rentra à la maison. Entendant bouger dans notre chambre, il comprit que ma mère était encore debout et, après avoir frappé doucement à la porte, il entra et la surprit en train de natter ses cheveux à la lueur de la veilleuse. J'entendis qu'elle lui disait de faire doucement pour ne pas me réveiller, mais lui, maladroit, heurta une chaise ou renversa un flacon sur le marbre de la commode ; de sorte que mes sens, déjà en alerte, furent presque totalement éveillés. Je voyais la silhouette de mon père enlacer celle de ma mère, avec des chuchotements fous, et ma mère porter les mains vers les cheveux qui lui restaient à natter, dans la tentative de poursuivre son activité interrompue, comme si un tel prétexte avait pu l'aider à se sauver. Pendant un instant, je vis ses yeux à lui réfléchir, telles des eaux noires, la flamme de la veilleuse et les doigts blancs de ma mère qui s'était remise à natter ses cheveux avec une rapidité fébrile. Tout à coup, elle abandonna la natte inachevée ; et, dans le silence, on n'entendit que leurs deux respirations, cependant que, la prenant par les épaules il l'entrainait, telle une blanche victime dans le salon.
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Sa voix rauque, entrecoupée de balbutiements, ne se lassait pas de cajoler la fillette, qu'il comblait de diminutifs et de compliments qui, plus qu'un amour paternel, semblaient exprimer une sorte de ravissement mystique. D'ailleurs, pour qui connaît les moeurs de notre population méridionale, tous ces mots doux et toutes ces appellations ne paraîtront pas étranges. "Mon coeur, lui disait-il, ma jolie sainte, chair de ma chair, mon sang, petite madone de ton papa", et il lui couvrait d'innombrables baisers les mains, et puis les doigts l'un après l'autre, et puis l'espace entre un doigt et l'autre, lui chatouillant doucement la paume pour la faire rire. "Ma petite colombe ! lui disait-il en l'entendant rire, et il composait même en son honneur des petits madrigaux tels que : "A qui est la plus jolie fille de cette ville ? Elle est à moi ! Les gens passent et disent : "Comme il sent bon ce jardin de roses !" Et papa répond : "Ce n'est pas un jardin, c'est seulement une petite colombe rose. C'est mon Anna.""
Elle aimait écouter son père quand il parlait ainsi, et elle aimait encore plus l'écouter quand, improvisant des airs et des thèmes, il lui adressait ses compliments sous la forme de chansons ; et la prenant sur ses genoux, il la faisait se balancer au rythme de ces airs. Anna, amusée, riait, renversant la tête en arrière, et son père chantonnait : Petite bouche de rose et dents de jasmin.
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Seule la mort prématurée peut exclure les corps adorés des sordides petites tombes régulières et sauver la vérité de l'absurde contre les faux de la logique.
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Si un voleur armé avait pénétré de force chez eux, dévastant et tuant, son père et sa mère auraient naturellement jugé que c'était un criminel infâme, digne des travaux forcés à perpétuité ; mais quand les voleurs fascistes agirent de la même manière contre le territoire éthiopien, ils offrirent leur or pour les aider.
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Et ces dernières années, je les ai brisées et défaites, désertant la fabrique du temps chaque fois que ses rythmes prescrits m'effrayaient, dans leur éternité chiffrée.
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Il est curieux que certains yeux conservent visiblement l’ombre de Dieu sait quelles images, jadis imprimées, Dieu sait quand et où, sur leurs rétines, telle une écriture indélébile que les autres gens ne savent pas lire – et souvent ne veulent pas lire. Ce dernier cas était celui qui se produisait en ce qui concernait les Juifs. Et ceux-ci apprirent vite que personne ne voulait écouter leurs récits : certains cessaient de les écouter dès les premiers mots, d’autres les interrompaient rapidement sous un prétexte quelconque, et d’autres encore les écartaient carrément en ricanant, comme pour leur dire : « Frère, je te plains, mais, en ce moment, j’ai autre chose à faire ». De fait, les récits des Juifs ne ressemblaient pas à ceux des capitaines de navire ou d’Ulysse, le héros de retour dans son palais. Ils étaient des figures aussi spectrales que des nombres négatifs, en dessous de toute vision naturelle et incapables de susciter même la plus banale sympathie. Les gens voulaient les éliminer de leurs journées, comme dans les familles normales on élimine la présence des fous ou des morts.
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- Mes idées M’INTERDISENT la violence. Tout le mal réside dans la violence !
- Mais alors, quel genre d’anarchiste est-ce que t’es ?
- La véritable anarchie ne peut pas admettre la violence. L’idée anarchiste est la négation de la violence. Et le pouvoir et la violence, ça ne fait qu’un …
- Mais sans la violence comment l’Etat anarchiste pourra-t-il se faire ?
- L’Anarchie nie l’Etat… Et si le moyen doit être la violence, pas question. Ce serait trop cher payé. Dans ce cas, l’Anarchie ne se fera pas.
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Et, de fait, Ida était restée, au fond, une fillette, car sa principale relation avec le monde avait toujours été et restait (consciemment ou pas) une soumission apeurée.
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« Du moins, les Pouvoirs pré-bourgeois », attaqua-t-il, s’élançant, avec une grimace, « en toges ou en perruques, sur le trône, sur les autels ou à cheval, bien que corrompus, conservaient peut-être encore une nostalgie posthume, disons, de la conscience totale. Et pour se racheter (en partie du moins) de leur infamie, ils laissaient quelques œuvres vitales, pouvant leur servir (en partie du moins) de rançon ou d’espérance de salut … Bref, avant de se putréfier, ils laissaient quelques traces lumineuses… Mais le Pouvoir bourgeois, sur son passage ne laisse qu’une trace répugnante, un pus d’infection. Là où il s’attaque, il réduit toute substance vitale – et même toute substance inanimée – à la nécrose et à la pourriture, comme le fait la lèpre … et il n’en a pas honte ! De fait, la honte est encore une manifestation de la conscience – et la conscience, qui est l’honneur de l’homme, les bourgeois l’ont amputée. Ils se croient des êtres entiers, alors qu’ils ne sont que des moignons. Et leur plus grand malheur, c’est cette ignorance obtuse, impénétrable … »
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Cette année-là, Nino avait beaucoup grandi. Et les formes de son corps se pliaient à cette croissance de façon incohérente, se modifiant sans ordre ni mesure : avec des effets de disproportion et de gaucherie, lesquels, pourtant, vu leur durée passagère, lui donnaient une autre grâce. Comme si les formes de son enfance se révoltaient, dans une lutte dramatique, avant de céder à son impatience de grandir.
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De la part de ses informatrices personnelles, la signora et la religieuse, Vilma avait toujours quelque nouvelle révélation, qu’elle communiquait à voix basse, en gesticulant comme une folle. Elle racontait par exemple qu’actuellement, dans toute l’Europe vaincue, les maisons où l’on soupçonnait encore la présence d’un Juif caché avaient leurs fenêtres et leurs portes murées et étaient ensuite réduites en poussière au moyen de certains gaz spéciaux nommés cyclones. Et que dans les champs et les forêts de Pologne étaient pendus à tous les arbres des hommes, des femmes et des enfants : non seulement juifs, mais tziganes et communistes, polonais et combattants.
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Ce phénomène des voix est assez commun, et parfois les gens en bonne santé le connaissent, le plus souvent au moment de s’endormir et après une journée fatigante. Pour Ida, ce n’est pas une expérience nouvelle ; mais dans sa présente fragilité émotive, elle en fut bouleversée comme par une invasion. Avant de se taire, les voix dans ses oreilles se mirent à retentir à tour de rôle, se chevauchant à un rythme d’émeute. Et dans cette hâte qui était la leur, il y avait, semblait-il un sens horrible, comme si leurs pauvres bavardages s’étaient exhumés d’une éternité confuse pour sombrer dans une autre éternité confuse. Sans savoir ce qu’elle disait, ni pourquoi elle le disait, Ida se trouva en train de murmurer son menton tremblant comme celui des petits enfants sur le point de pleurer :
« Ils sont tous morts ».
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