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Critiques de Emmanuelle Bayamack-Tam (330)
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Arcadie

Il est toujours étonnant de constater le poids des idées reçues dans le choix des livres à inclure dans sa PAL, à plus forte raison, à lire. J’ai ainsi reculé le moment de lire « Arcadie » tant j’avais d’à priori sur le fil de l’histoire, porté par une communauté qui me paraissait, de loin, improbable. Pourtant, la littérature pour moi ne se résume pas à l’histoire, elle prend forme au plus près de la sincérité de l’auteur, dans son imagination, son intention, son écriture.

Et c’est bien ce que j’ai trouvé dans ce livre, bien au-delà de mes idées préconçues, le roman m’a touchée comme une œuvre personnelle et forte, portée par une imagination riche et une approche sensible et vraie du sens qui peut être donné à la vie, à la personne humaine dans sa réalité physique, morale, philosophique.

La sincérité de l’écriture tient au narrateur, Farah, au centre du roman car tout passe par ses yeux.

Du haut de son adolescence, elle est magnifique d’innocence et de maturité, portant sur Arcadie et ses adultes un regard tendre et lucide, elle rend crédible la communauté libertaire et ses personnages un peu loufoques.

Isolée du reste du monde, livrée à elle-même dans un univers clos, elle apprend à regarder les autres sans les juger, à apprécier la beauté des paysages qui l’entourent, à donner d’elle-même dans le plaisir et l’amour et à s’accepter telle qu’elle est : : « Le monde est beau, pas moi ».

Sensible et attentive, Farah décrypte la vie avec subtilité, à la hauteur d’un conte philosophique, l’humour en plus. Elle réussit à traduire la complexité de la vie, celle de la communauté, à la fois prison et terreau de liberté, celle de son identité, ni fille ni garçon, celle des bons sentiments parfois proches de la haine.

Un livre plein de vie, vibrant d’amour, hymne à la liberté, à la différence, à la générosité, à la vérité de chacun.

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Arcadie

Farah vit avec ses parents et sa grand-mère lesbienne dans une communauté en forme de refuge. Celle-ci accueille des personnes triées sur le carreau. Inadapté·e·s de toutes sortes s’extraient d’une société façonnée par la mondialisation, les réseaux sociaux et des normes – sexuelles notamment – rigoureuses, où chaque écart au modèle dominant paraît être une faiblesse, et s’installent dans cette zone blanche éclairée par la personne d’Arcady, un homme aux allures de gourou. Bref, Farah grandit et s’épanouit dans la nature et l’amour libre. Deux cailloux se glissent cependant dans les rouages de son paradis. Le premier est tout personnel et paraît surmontable quoique perturbant : la découverte d’une cupule en guise de vagin, et des traits qui se masculinisent très clairement et naturellement. Le second est l’arrivée d’un migrant qui perturbe l’équilibre du microcosme : acceptera-t-on de l’accueillir ?



Sur des sujets on ne peut plus sérieux et ambivalents, Emmanuelle Bayamack-Tam déploie un talent indéniable dans l’écriture. En donnant vie à des personnages aux systèmes de valeurs originaux et élaborés, elle ouvre un champ des possibles littéraires inépuisable. Elle interpelle, raconte, amuse, ébranle et émotionne avec un naturel confondant. Sa plume est dénuée de jugement, elle dessine un monde souvent cruel où la beauté parvient tout de même à élire résidence, un monde tout en couleurs et en nuances, où le noir et le blanc n’ont pas droit d’asile. Elle brode avec les mots et joue avec les codes sociaux, pour mon plus grand plaisir.
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Arcadie

Comme j’avais beaucoup aimé Les garçons de l’été de Rebecca Lighieri, autre nom de plume de Emmanuelle Bayamack-Tam, j’ai voulu découvrir ce qu’elle écrivait sous sa véritable identité et donc son dernier roman : Arcadie.



Arcadie, comme une terre promise. Le paradis sur terre existe-t-il ? Serait-il dans ce lieu près d’une ville jamais nommée ? Serait-il à Liberty House, dans une zone blanche que le monde, pour ceux qu’ils l’habitent, n’a pas abimée, qui est encore une terre vierge.



La narratrice, Farah, à 6 ans, s’y est installée avec sa famille de sang, composée de Bichette sa mère, son père Marqui et sa grand-mère Kirsten, elle vit entourée d’une autre famille, celle qu’ils se sont choisis.



Liberty House est une sorte de communauté, très libre dont le Maître et Inspirateur se prénomme Arcady, 50 ans, petit, grassouillet, en couple avec Victor. Car il faut tout de suite préciser que lorsque vous entrez dans cet immense domaine, vous entrez dans un autre monde. Non seulement vous êtes coupés du monde moderne (pas de portable, ni internet etc…) mais en plus tous les plaisirs charnels sont possibles, aucun frein, tout est consenti, rien de forcé. Les relations sont libres, sans complexe, sans jugement.



Depuis 10 ans c’est l’environnement de Farah, rien ne la choque, rien ne l’indispose et dès son arrivée elle va tomber sous le charme d’Arcady et en fera son mentor intellectuel mais aussi l’initiateur de sa vie sexuelle.



Il faut entrer dans ce roman sans idée toute faite : le sujet peut sembler à priori un peu sensible, voir glauque. Le fait que la narration soit faite par une jeune adolescente d’une quinzaine d’années ramène le discours à sa hauteur. Il y a de l’humour, de la naïveté également, c’est une enfant livrée à elle-même depuis son plus jeune âge, les parents étant plus préoccupés par leurs vies que par l’éducation de leur fille.



Dans cette communauté assez libre, non repliée sur elle-même (les enfants vont à l’école à la ville voisine, sortent en boîte, ont leur fait confiance même si certains franchissent certaines limites) tous les âges sont présents de 0 à 96 ans, tous avec chacun ses particularités, ses différences, mais vivants en bonne intelligence. Tout n’est qu’amour et retour aux fondamentaux que sont la nature, le respect de toutes formes de vie.



Bien évidemment quand on parle d’amour, on parle également de sexe et ce récit est principalement un roman initiatique d’une enfant qui passe à l’adolescence, au réveil de ses sens, mais l’auteure a voulu amplifier le sujet en donnant à son héroïne une ambivalence quant à son sexe : féminin mais incomplète, évoluant vers le masculin. De plus Farah n’a rien pour plaire : pas très jolie, légèrement bossue, une allure assez virile et doute donc de son pouvoir de séduction.



Et plus elle grandit, plus elle s’ouvre à l’extérieur et au monde tel qu’il est. Elle va prendre conscience que les préceptes enseignés sont loin d’être appliqués, que l’amour peut survenir également de l’extérieur, qu’il va lui falloir faire des choix, être en accord avec elle-même, s’affirmer, se différencier et s’accepter.



Pour moi ce fut une lecture pas toujours facile. Les nombreuses scènes de sexe, très détaillées, peut être trop, m’ont gênée, je dois l’avouer même si je n’ai pas le sentiment d’être prude. On comprend très vite que l’auteure a laissé libre cours à son héroïne pour raconter son quotidien, ses émotions, ses sensations, ce sont ses mots, ses ressentis, ses impressions et elle les exprime comme elles lui viennent, simplement, sans aucune pudeur….. Pudeur : elle ne connaît pas, on ne lui a pas appris ce que c’était, elle vit sa sexualité comme elle vit, comme elle mange, comme elle aime.



Cette enfant libre qui parle sans frein, n’a aucune limite et ne s’en donne aucune sinon celles de son propre plaisir. Elle découvre, elle expérimente, elle nous le dit avec franchise et humour, les mots venant au rythme de ses pensées, de ses envies et croyez-moi elle en a beaucoup. C’est une enfant sans repère que ce soit familial, parental, environnemental. Elle ne connaît que la liberté qu’on lui a donnée depuis sa naissance.



J’ai de loin préféré la deuxième partie du récit, à l’arrivée de Angossom, un migrant, qui va agir comme un révélateur pour Farah, celui qui va lui ouvrir les portes sur le monde, sur sa conscience, sur un autre monde.



Jusqu’ici je n’avais pas compris que l’amour et la tolérance ne s’adressaient qu’aux bipolaires et aux électrosensibles blancs : je pensais que nous avions le cœur assez grand pour aimer tout le monde. Mais non. Les migrants peuvent bien traverser le Sinaï et s’y faire torturer, être mis en esclavage, se noyer en Méditerranée, mourir de froid dans un réacteur, se faire faucher par un train, happer par les flots tumultueux de la Roya : les sociétaires de Liberty House ne bougeront pas le petit doigt pour les secourir. Ils réservent leur sollicitude aux lapins, aux vaches, aux poulets, aux visions. Meat is murder, mais soixante-dix Syriens peuvent bien s’entasser dans un camion frigorifique et y trouver la mort, je ne sais pas quel crime et quelle carcasse les scandaliseront le plus.(…) Ils ne mangent plus de viande et ils ont peur de la jungle, mais ils tolèrent que sa loi s’exerce jusque dans leurs petits cœurs sensibles. (p314)



Il y a derrière toute cela une satire de la Société, de notre monde moderne. Il y a de l’humour oui mais aussi des grincements, et c’est cette partie, cette prise de conscience de l’adolescente qui devient femme qui m’a le plus touchée. C’est un récit à plusieurs couches, à plusieurs degrés : initiatique, drôle dans ses extrêmes, ses no-limites mais plus froid et cynique sur notre société, qui a parfois les traits de cette communauté.



Ne jamais oublier qu’il s’agit de la vision de Farah, une enfant puis une adolescente un travail d’écriture que de se glisser dans le personnage, abandonner ses propres repères d’ailleurs rien n’est dit sur les pensées des parents qu’on ne découvre qu’à travers ce que Farah nous en dit, d’ Arcady (sauf peut-être à la fin), les autres membres. Farah est le filtre de toute cette histoire.



L’amour est faible, facilement terrassé, aussi prompt à s’éteindre, qu’à naître. La haine, en revanche, prospère d’un rien et ne meurt jamais. Elle est comme les blattes ou les méduses : coupez-lui la lumière, elle s’en fout ; privez-la d’oxygène, elle siphonnera celui des autres ; tronçonnez-la, et cent autres haines naîtront d’un seul de ses morceaux. (p316)



J’ai longtemps tergiversé pour donner une graduation à mon avis, balançant entre 3,5 et 4 . C’est déroutant, parfois gênant, déstabilisant, c’est pour moi finalement un beau travail d’écriture mais je reste sur mon impression première en fin de lecture : Pas mal, original mais toute la première partie m’a réellement mise mal à l’aise par rapport à ses excès.



Par contre Emmanuelle Bayamack-Tam est une auteure que je vais continuer à lire, sous ses deux identités car je trouve qu’elle a le courage et la force d’aller au bout de ses styles de narration, quitte à choquer, à pousser plus loin ses limites pour une construction de récit intéressante.
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Arcadie

Le départ de ce livre est tonitruant, caustique et drôle, servi par la finesse et la justesse d'observation incarnées par la jeune Farah.

Ce récit d'une jeunesse dans une "secte" est sans concession pour les personnages hors normes et handicapés sociaux qu'on y rencontre et pour le modèle de ce genre d'organisation, mais le style bavard et les nombreuses diversions noient un peu le propos. C'est aussi une forme de critique par l'absurde de notre société matérialiste hypernormée, assez bien vue.

Beaucoup de sexe sous toutes ses formes et par moment vraiment trop envahissant : on aimerait en sortir un peu. La progression de l'héroïne (Le livre est écrit à la première personne) conduit à une fin apocalyptique dont on ne sait si elle est fantasmée, mais j'avoue avoir du m'accrocher pour terminer ce livre.
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Arcadie

Bon, je me suis laissée convaincre par la quatrième de couverture. le sujet de ce roman me paraissait intéressant.

Une jeune fille et ses parents vivent dans une communauté qui rassemble naturistes, électrosensibles, seniors riches et autres...

Farah a quatorze ans et vit une adolescence hors du temps: pas d'internet, pas de téléphone, pas de viande etc... Arcady Le "gourou" est un homme de cinquante ans, qui régulièrement donne à entendre des "sermons" sur des sujets divers, que toute la communauté écoute religieusement.

Farah n'est pas une fille ordinaire, elle découvre qu'elle ne peut avoir la certitude d'être de sexe féminin. Mais Farah est sexuellement très attirée par Arcady et vit avec cet homme de plus de trente ans son ainé une histoire d'amour et de sexe très passionnée, avec l'accord des adultes de la communauté.

Bien sûr, il ressort de cette histoire de grands principes comme l'amour et le sexe libres, l'écologie vécue au quotidien, le respect des animaux en refusant de manger de la viande, la tolérance ...

Oui MAIS, Même si le mot secte est tabou dans ce livre, même si Farah affirme haut et fort qu'elle est consentante dans les jeux amoureux avec Arcady, je n'ai pas été séduite par ce roman , dans lequel les scènes de sexe occupent une grande place, et dans lequel les dérives sont mises à l'honneur!



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La treizième heure

Farah est la fille de Lenny et Hind, mais aussi de Sophie, mère porteuse, mais pas seulement ! Un trio dont on découvre la vie intime racontée successivement par chacun d’eux, la vision d’ensemble n’émergeant pour le lecteur qu’après superposition des points de vue exprimés par chacun d’eux. Une histoire qui n’est pas sans rappeler « Arcadie », un précédent roman récompensé par le livre inter en 2019 et qui est portée par la magnifique plume de l’autrice qui virevolte avec les mots, les chansons et les poèmes
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Je viens

Trois thèmes ressortent : le racisme, la vieillesse, le physique. Trois voix en trois chapitres. Charonne, noire, grosse et adoptée. La grand-mère, ancienne star, obsédée par la beauté. La mère pas aimée ni par sa fille ni par sa mère. D’ailleurs, j’aurai aimé passer un peu plus de temps avec Charonne et un peu moins avec la mère.

Bien écrit, style cru. Les scènes de sexe peuvent rebuter. Bonne analyse sur l’absurdité de l’être humain. Le premier chapitre est un peu à l’humour grinçant façon Desprogres. Un petit bémol : le fantôme était-t-il nécessaire ? Parce que on a dû mal y croire (normal pour un fantôme !) Un bon roman avec beaucoup de choses.

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Je viens

"Je viens" de Emmanuelle Bayamack-Tam est un drôle de roman que je ne sais pas trop comment critiquer mais surtout noter.



Ce que je peux dire rapidement, c'est qu'il se lit bien, qu'il est parfois drôle, parfois très triste. Qu'il nous énerve mais qu'il nous fait également souvent réfléchir.

Car au travers des 461 pages réparties en 3 parties, on passe par toutes les couleurs et toutes les humeurs.



Roman polyphonique, on démarre d'abord avec Charonne, jeune femme abandonnée à sa naissance, puis adoptée par Gladys et Régis. Malheureusement pour elle, ses parents adoptifs l'ignorent tout autant et elle a du mal dans sa jeunesse. Noire, "grosse", abandonnée, elle traverse des moments difficiles. Heureusement elle se raccroche à ses rêves et à sa grand mère Nelly.

Cette première partie dans lequel le racisme est explicitement évoqué est émotionnellement compliquée.



Puis, vient le tour de Nelly la grand mère. Dans cette deuxième partie, c'est le refus de vieillir qui est au coeur du texte. La vie de Nelly, sa carrière illustre, ses deux maris nous sont racontés. Rien ne nous est caché. C'est direct, cash, voire trash. Pas forcément ce que j'apprécie dans une lecture...



Enfin, le roman se conclut avec le point de vue de Gladys, la fille de Nelly et la mère adoptive de Charonne. Cette partie traite davantage de la famille (et de l'adultère) , de la maladie (Celle de Charlie son beau père, père de son mari Régis) et du déni (elle n'a jamais accepté sa fille adoptive)... La encore, pas forcément évident comme partie. Gladys m'a souvent énervé avec ses réflexions, son comportement et son nombrilisme. On prend du coup facilement la défense de Charonne.



Mais parler de "Je viens", c'est avant tout parler du style.

Il est également original. On le qualifiera de contemporain tant il est cru, direct. Rien ne nous est épargné et les choses sont très explicitement dites (notamment dans la seconde partie, celle que j'ai le moins apprécié...). J'ai toujours du mal à voir l'intérêt de parler aussi ouvertement de sexe dans un roman "classique".

Mais il est aussi ancien tant il est poétique, doux, agréable à la lecture. L'utilisation de locutions latines donne encore plus de crédit à l'écriture de Emmanuelle Bayamack-Tam.



En conclusion, il est difficile de parler de "Je viens" tant il y aurait de choses à dire.

Je ne peux que vous encourager à le lire et on en reparle si vous le souhaitez ;)



3/5
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Arcadie

Attention : gros coup de cœur !

Emmanuelle Bayamack-Tam nous emmène à Liberty House, en zone blanche, fief d'une secte réunissant une trentaine de personnes inadaptés au monde, dont la jeune Farah, qui a 15 ans au début du récit.

Elle vit en communauté avec tout ce beau monde, ses parents et sa grand-mère, Victor, Daniel, la cuisinière italienne et bien sûr, Arcady, qu'elle vénère et aime sincèrement et qui est le gourou de la secte.

Les personnages sont hauts en couleur, à l'image de l'écriture de l'auteure, qui change de registre, tour à tour familière puis très poétique. C'est un régal de mots, de jeux de mots, de descriptions. J'ai adoré la lire.

Elle donne voix à Farah, donc, jeune fille très intelligente, élevée dans ce paradis perdu, écrin de verdure, où l'on vit à égalité avec les animaux, loin d'Internet et des réseaux sociaux.

C'est un peu un récit d'initiation. A quinze ans, Farah rêve de coucher avec Arcady, plus de trente ans son aîné, sorte de maître spirituel et père de substitution. Il est tout pour elle. Il lui accorde ce privilège à ses seize ans. S'ensuivent des ébats torrides et houleux en pleine nature, le tout dans la joie et le plaisir débridé. Farah découvre son corps et sa sexualité avec son amant et mentor.

Très vite, elle est étonnée. Elle se masculinise à vue d’œil, ses poils poussent et ses seins et fesses fondent. Suite à une visite chez le gynéco, elle apprend qu'elle est intersexe, ni vraiment femme, ni vraiment homme.

Malgré cette découverte, Farah est donc plutôt heureuse dans cet univers. La communauté est sa famille et elle a le sentiment fort de vivre dans l'amour et la liberté... jusqu'au jour où un migrant est aperçu aux abords de Liberty House et menace la tranquillité de la secte.

Une incursion loin des clichés, a travers le regard frais et innocent de Farah, dans le milieu sectaire. Comment le gourou fait autorité ? Qu'est ce que l'amour, le conditionnement ? Jusqu'où peut aller la liberté et la tolérance ? Tout n'est pas tout blanc ou tout noir, il n'y a pas les gentils et les méchants d'un côté, et c'est aussi pourquoi j'ai tant aimé ce roman.

De plus, le roman ne porte aucun jugement sur le phénomène queer et offre une réflexion intelligente.

J'ai hâte de découvrir les autres romans de l'auteure.

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Arcadie

Arcadie est un roman extraordinairement réussi et plaisant.

En premier lieu dans la forme. Emmanuelle Bayamack-Tam opère la prouesse de nous livrer un roman très littéraire, mais néanmoins très addictif.

Les phrases peuvent y être sophistiquées, à tiroirs, complexes, et la lecture est toujours fluide, facile, aérienne.

L'autrice se permet de reproduire les formes littéraires d'une légion de grands auteurs sans que cela ne paraisse.

J'ai apprécié le recours débridé à la forme romanesque. L'intrigue est placée dans un cadre précis. Les personnages sont atypiques, originaux, et interagissent jusqu'aux limites. On ressent une grande liberté dans leur création et dans l'agencement de leurs destins.

Et finalement c'est cela le grand enjeu de ce livre : la Liberté.

Emmanuelle Bayamack-Tam nous montre comment les marginaux de notre monde peuvent être des sources d'inspiration pour recréer une liberté que la modernité nous vole.

Bien sûr cette question n'est pas traitée si simplement et différentes facettes du problème vont être abordées comme la liberté de mœurs, et surtout la libération des contraintes liées au déterminisme de genre.

Tout cela pour répondre à ces questions : Qui aimer ? Quoi ? Comment ?

Cela se fait à travers la quête initiatique de la jeune Farah, ado transgenre qui devra apprendre à devenir libre en questionnant les limites de la société sans entrave dans laquelle elle a grandi.

La plongée dans cette communauté libertaire va aussi mettre sur la table les questions de base que pose la vie en communauté, et permettre d'aborder le problème de la crise migratoire.

Il est rare d'avoir l'occasion de lire un livre de cette qualité et c'est absolument jubilatoire.

Je salue le travail titanesque abattu par Emmanuelle Bayamack-Tam pour nous proposer une réflexion aussi profonde dans un si bel écrin.

Un bijou comme savent en produire les éditions P.O.L..
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Arcadie

Il est heureux que cette rentrée littéraire fasse un très joli accueil au onzième roman d'Emmanuelle Bayamack-Tam. La presse qui compte a mis le paquet ( de Télérama le mettant en tête de gondole aux Inrocks avec un portrait de l'auteure) et déjà, le roman apparaît dans les premières listes des futurs prix. Ce n'est que justice, car loin des prêches lassants de Jérôme Ferrari ou des copies encyclopédiques pouffantes de Maylis de Kerangal, "Arcadie" décoiffera sérieusement le lecteur et lui prouvera que l'on peut formidablement bien écrire et raconter une histoire aussi inventive qu'impertinente.

Emmanuelle Bayamack-Tam, c'est d'abord une écriture, une vraie, nourrie de mille références que l'on peut ne pas remarquer, qui ne sont jamais mises en avant mais ajoutent une profondeur à un style par ailleurs sarcastique, infiniment drôle, qui cherche à nous déstabiliser et donc à nous faire réfléchir. La lecture de ses romans s'avère délicieuse comme un mojito à qui on a mis une bonne dose de rhum.... et je pourrai dire jouissive pour ce nouvel opus !

Emmanuelle Bayamack-Tam c'est aussi, encore et toujours, une narratrice adolescente ingrate physiquement mais à l'esprit exceptionnellement affûté. Farah, sa nouvelle trouvaille, possède un corps massif ingrat, qui hésite entre fille et garçon. Elevée librement à Liberty House, une grande propriété loin des ondes électromagnétiques et du wifi, donc quasi coupée de ce qui fait l'essentiel de la vie des ados d'aujourd'hui, à savoir Facebook, Whatsapp ou les jeux vidéos, elle attend avec ferveur le moment où elle perdra enfin sa virginité. Et pour elle rien de plus facile, même vivant dans un monde clos, l'amour physique est considéré par tous les habitants de sa drôle de résidence comme aussi simple, normal et libre que de manger un radis ou de boire un café. Avec un homme, avec une femme, avec un paraplégique, un vieillard, peu importe tant que cela est consenti librement. La première partie tournera donc autour de cet apprentissage et mettra aussi en évidence la troisième thématique récurrente de l'auteur : le corps.

En plus de vouloir se faire déflorer, Farah se débattra avec un corps ni fille, ni garçon et passera son temps à questionner sur la féminité ( et donc la masculinité). Avec son langage à la verdeur tonique, elle provoque autant le lecteur que les autres personnages qui l'entourent. Attention quand je dis "provoque", il faut le lire dans les trois sens du terme ... Farah sera donc la cause d'un défi incitateur qui suscitera bien des désirs et bien des plaisirs charnels pour elle, mais aussi de lecture pour nous lecteurs.

Je ne dévoilerai pas plus de ce qui représente un des meilleurs romans de cette rentrée. On y parle aussi bien de naturisme, de la méthode de lecture Daniel et Valérie, de lesbiennes, de flux instinctif libre, de genre, de migrants, ...

Un peu plus sur le blog


Lien : http://sansconnivence.blogsp..
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La treizième heure

J'aime la liberté de ton et l'esprit anticonformiste d' Emmanuelle Bayamack-Tan et j'ai déjà à mon actif plusieurs de ces romans. J'ai apprécié celui-ci comme les autres, mais le solaire, le lumineux Arcadie me reste en mémoire et j'ai trouvé la Treizième heure plus triste, moins vivant, avec moins d'élans joyeux et positifs comme si la dureté de l'existence était passée par là.

Un roman moins féroce même s'il égratigne nombre de poncifs. Les thèmes favoris de l'autrice sont toujours présents, amour, sexualité, poésie, transidentité. Mais perso, l'Eglise de la Treizième heure reste beaucoup moins déjantée et ardente que la communauté d'Arcadie dont j'ai préféré l'impétueuse Farah et les autres personnages totalement hors-norme.

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La treizième heure

Plutôt bien écrit, mais quel ennui ! Je ne me suis attachée à aucun personnage. Bien au contraire, je les ai trouvés froids, et certains agaçants par tant d’égoïsme. Je n’ai jamais écrit une critique, je n’en ai pas le talent, mais je ne pouvais laisser ce livre sans qu’un seul bémol ne soit notifié à son sujet.



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Arcadie



Ce roman m'avait échappé à sa sortie, le Prix Inter me l'a fait découvrir ...

Je ferai donc partie des rares billets à peine étoilés.

Farah est une petite fille qui arrive avec sa famille à Liberty House(maison du jouir), tout est dit. C'est une sorte d'ashram en zone blanche qui héberge un éventail assez pittoresque d'individus. Maison cossue , et dirigée par Arcady, une sorte de gourou, pas maléfique, non ,cupide un peu tout de même,qui se dévoue sexuellement pour tout le monde sans distinction, mais Farah amoureuse de lui devra quand même attendre sa majorité sexuelle pour s'envoyer en l'air avec lui, avec beaucoup de bonheur d'ailleurs.

Mais Farah, petite fille disgracieuse voit son corps se transformer au masculin et ne sait plus de "quel genre" elle est.

Puis elle découvre un migrant bien noir dans la propriété, elle fantasme, mais il se fait jeter par toute la bande si généreuse et ouverte au monde entier de Liberty et ce au grand dam de Farah, qui, à 18 ans voudra respirer un autre air.

L'auteur s'appuie lourdement sur des sujets sociétaux dans l'air du temps, l'écriture aussi.

Beaucoup d'obscénités inutiles entre autres.

Je me suis franchement ennuyée dès le milieu du livre, et l'ai terminé péniblement.

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Arcadie

Nous voici donc conviés à la maison du jouir, cette Liberty House repliée dans les collines de l'arrière-pays mentonnais. Arcadie, le nom du roman d'Emmanuelle Bayamack-Tam est évocateur à plus d'un titre. On se prend à rêver d'une contrée bucolique et paisible, d'une douce utopie, on revoit le magnifique tableau de Poussin, Les Bergers d'Arcadie, dont l'autre appellation est plus insidieuse : Et In Arcadia Ego. Bien sûr l'auteure qui est très cultivée n'ignore aucune de ces poupées gigognes dans lesquelles elle abrite son roman et qui en dressent dès lors les lignes de fuite.

Farah Marchesi est une enfant heureuse depuis que ses parents et sa grand-mère ont fait le choix de rejoindre une petite communauté installée dans un ancien pensionnat religieux du sud de la France. Liberty House, située en zone blanche, est un refuge pour sa mère Bichette qui souffre d'hypersensibilité électromagnétique. Tout un petit monde d'excentriques, de parias, d'êtres blessés gravite autour d'Arcady Gharineyan, le berger de cet éden. Quinze ans de bonheur et de liberté pour Farah qui grandit dans cette propriété où chacun fait ce qu'il veut à condition de bannir portables, ordinateurs, régime carné et sélectivité. En effet, la maison du jouir (clin d'oeil à Paul Gauguin) ne connaît qu'une seule orthodoxie, celle du droit à la jouissance sexuelle de tous, vieux comme jeunes, beaux comme laids, handicapés comme bien portants. Farah grandit avec l'obsession d'être un jour dépucelée par Arcady, son adoré. Mais, comme rien n'est simple, même au paradis, Farah souffre d'intersexuation. de petite fille laide, elle se transforme en un être doté de caractères sexuels hybrides. Bon, ce n'est pas trop grave car Arcady ne va pas s'arrêter à si peu et sa connaissance du plaisir pallie bien des désagréments physiques. Hélas, l'arrivée d'un jeune migrant dérègle le fonctionnement jusque là harmonieux de Liberty House et annonce la catastrophe à venir.

J'avoue m'être beaucoup ennuyée à la lecture de ce roman. Il est de mode aujourd'hui de citer, en fin d'ouvrage, un certain nombre de crédits. Parmi la liste de noms tirés du chapeau d'Emmanuelle Bayamack-Tam, j'en ai recherché un : Vladimir Nabokov. Comment ne pas retrouver dans Farah une bien pâle ressemblance avec l'Ada de Nabokov ? Et dans le livre un décalcomanie d'Ada ou l'Ardeur où bien des éléments sont transposés, les lieux tout d'abord, le château, la bibliothèque, le parc, mais aussi « l'innocence arcadienne », la jouissance juvénile, l'entourage baroque… Au-delà de ce détournement maladroit – mais la littérature abonde de dérivations plus ou moins réussies – l'auteure convoque à peu près tous les thèmes d'actualité : l'électrosensibilité, les migrants, l'intersexuation, le lesbianisme, le naturisme, le végétarisme, le véganisme, la sexualité précoce, l'influence médiatique, les oeillères de la justice. Preuve ultime de modernité, l'utilisation du verlan dans les dialogues entre jeunes : ça décoiffe même si on ne comprend pas la moitié des mots.

La modernité n'est pas dans les habits de la modernité, elle est dans le fond de l'histoire que l'on veut raconter. Emmanuelle Bayamack-Tam l'atteint dans les deux derniers chapitres de son livre enfin débarrassés du superflu.
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Arcadie

Une famille inadaptée fuit le monde contemporains, ses ondes électromagnétiques partout dans l'air, sa catastrophe écologique imminente, sa mondialisation dévorante, pour se réfugier dans une communauté auto-gérée aux mœurs libertaires et écolos dans le sud de la France, près de la frontière italienne.

Farah, fille de cette famille indolente, va grandir dans cet environnement et s'y questionner, à propos de sa sexualité, de son genre, de son corps, tandis que l'adolescence affleure.

Alors qu'un migrant s'introduit dans le domaine qui sert de véritable refuge à cette communauté, Farah va devoir repenser son monde-refuge face à celui qui, à l'extérieur, n'est que dangers et possibles.



Le roman est dense et aborde une foule de sujet : secte, écologie, sexualité, engagement politique, crise migratoire, tout en étant à la fois un roman d'apprentissage. Cette densité du propos, loin d'être brouillonne est servie par un répertoire de personnage haut en couleurs, dépeint au vitriol par Emmanuelle Bayamack-Tam qui emmène tout ce monde avec dynamisme. Le regard total porté sur notre monde à travers les yeux de cette adolescente pleine de courage et de questions est presque tendre, presque plein d'espoir.
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Si tout n'a pas péri avec mon innocence

Ils sont neuf ou onze, même peut-être quatorze dans cette famille : Charles et Claudette, les grands-parents, Patrick et Gladys, les parents, Svetlana, Ludmilla, Kimberly, Esteban et Lorenzo, (admirez la belle « bigarrure folklorique » des prénoms !) les cinq enfants, Fougère, Elvis, Bastardo, les chiens et (ils passent après les chiens mais tant pis), les beaux-fils : Fabien pour Svetlana et Marwan pour Ludmilla. Ouf, j’espère que je ne me suis pas trompée et que je n’ai oublié personne - j’ai volontairement omis Sven Marinello, le petit ami de Kim (Kimberly) qui ne mettra jamais les pieds à la maison. La maison ?

Eh oui, tout ce beau monde (trois générations) vit (façon de parler) sous le même toit, au 27 bis, rue Trézène, et c’est… l’ENFER ! Surtout pour la narratrice Kim qui ne ressemble à aucun des individus cités ci-dessus et ne se sent proche de presque personne…

Ce qu’elle reproche à cette famille ? Son incurie. Les parents se sont très vaguement occupés des deux filles aînées (et encore, quand ils avaient le temps).

Kim a été lourdement moquée et critiquée. Quant aux deux derniers, les petits garçons, c’est comme s’ils n’avaient jamais existé : ils sont comme transparents. Du vent.

Kim est violente, ses mots sont crus. Son grand-père, espèce de vieux beau, est un « idiot aussi vaniteux qu’inculte » et son père « n’est pas un sujet de conversation. »

La mère, la pauvre Gladys, née avec un bec-de-lièvre et un « narcissisme insubmersible », est la reine de la vulgarité, de l’obscénité, de la bêtise et j’en passe. Elle n’aime qu’elle et ses deux filles aînées (et encore !). Enfin, ces dernières sont bien les filles de leur mère, il n’y a pas d’erreur possible.

Franchement, ces adultes ne donnent pas envie de grandir et pour Kim, alors qu’elle est en pleine adolescence, période périlleuse de mutations et de métamorphoses, elle va devoir se trouver des modèles… ailleurs !

Kim doit aussi s’occuper de ses frères Esteban et Lorenzo : en effet, ce dernier est quotidiennement harcelé et humilié à cause de ses taches de rousseur et de ses cheveux orange. Le pauvre gamin a bien tenté de se raser la tête (laissant apparaître l’étoile que le père tatoueur avait eu l’idée géniale de dessiner sur le crâne de ses cinq enfants !), puis de se laisser pousser les cheveux et enfin, d’offrir des cadeaux aux gros durs pour les attendrir.

Rien n’y a fait, il a fallu subir. Et à la maison, ce qui peut arriver à Lorenzo, tout le monde s’en f…

Alors Kim a décidé, à l’âge de neuf ans, qu’elle ne raconterait jamais rien à cette famille de dingues immatures, d’irresponsables défaillants et d’égoïstes névrotiques, qu’elle ne leur parlerait jamais de son goût pour Baudelaire, « le seul Charles qui vaille », de ses folles nuits avec Sven, de ses idées bien personnelles pour gagner de l’argent rapidement et de son amour illimité pour ses petits frères, ses petits agneaux.

Non, jamais. Ils ne sauront rien d’elle… Elle naîtra d’elle-même, se construira sans eux et loin d’eux si possible : « Si je dois avoir une famille, alors que Baudelaire soit mon frère et Janis Joplin ma sœur. Pour les parents, on verra plus tard, mais pourquoi pas John Lennon et Yoko Ono ? » imagine-t-elle, constatant que, pour le moment, elle est « entourée de porcs, de fauves sanguinaires ou de proies tremblantes, alors qu’elle aspire éperdument à l’humanité. »

C’est avec une écriture magnifique et enlevée qu’Emmanuelle Bayamack-Tam brosse le portrait d’une famille improbable - quoique… À mon avis, chacun y reconnaîtrait les siens…

C’est cruel, mordant, incisif, cru au possible et pourtant, plein de tendresse et d’amour !

A la fois terriblement monstrueux et en même temps drôle, burlesque et fou… Une vraie plongée dans le baroque !

L’enfer, c’est la famille, ne cherchez surtout pas ailleurs, messieurs-dames, vous y êtes, tout le monde descend ! N’empêche que, à travers ces pantins ridicules, ces personnages hauts en couleur, la sainte famille et la société en prennent un sacré coup !

Un récit d’apprentissage trash et sans tabous servi par une écriture explosive, poétique et percutante.

Un pur plaisir de lecture…


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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La treizième heure

On découvre un roman à trois voix pour trois personnages aux trois points de vue différents sur l’histoire qu’ils ont vécue.

Avant, pendant et après, c’est un rêve qui prend une réalité tout autre que celle qui avait été prévue. C’est une demande d’amour, de liberté sexuelle et de tolérance.

L’autrice traite de la transidentité LGBTQIA avec humour, provocation mais aussi avec une grande compréhension.

Le roman est dynamique, démontrant une volonté indomptable de jouir de la vie quelle qu’elle soit et ce, pour les trois protagonistes de l’histoire.

Ce livre bouleverse les idées reçues, le conformisme et une version binaire de la société. Les sentiments et les situations complexes ont été traités avec finesse, bien que frôlant parfois la caricature. Très moderne, il saura parler aux nouvelles générations. Lire plus sur http://anne.vacquant.free.fr/av/index.php/2022/10/13/emmanuelle-bayamack-tam-la-treizieme-heure/
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La treizième heure

Chaque famille a ses particularités, ses secrets, ses blessures mais il y en a certaines qui sortent de tous les cadres.



Farah est une adolescente de 16 ans passionnée de romans policiers, son père Lenny est le fondateur d’une congrégation millénariste La Treizième Heure et sa mère Hind est maquilleuse pour le théâtre et le cinéma.



Mais dans cette famille, rien n’est ce qu’il paraît et ce roman nous entraîne dans un tourbillon d’illusions où l’anticonformisme est de mise.



Rythmée par les enquêtes romanesques de Farah, les messes poétiques de Lenny et les paroles de chansons de Hind, ce livre nous parle de transgenre, d’hermaphrodisme, de GPA mais aussi de secte, de manipulation et de prosélytisme.



L’autrice consacre une partie à chacun de ces trois personnages atypiques et construit progressivement l’histoire de cette famille en la faisant raconter de trois points de vue différents. Leur vécu s’éclaire un peu plus à chaque page et fait monter notre empathie pour ces êtres marginaux qui vivent dans un monde d’exclusion.



Ce roman d’Emmanuelle Bayamak-Tam monte crescendo en densité et nous parle de tolérance, d’acceptation de soi et de résilience, pour finir en une apothéose de sentiments parfois opposés mais toujours bouleversants.



Pourtant, seule la troisième partie consacrée à Hind m’a vraiment passionnée et j’ai éprouvé beaucoup d’empathie pour cette femme exubérante et excentrique mais fragile et blessée par la vie. J’ai découvert avec elle avec, tout ce que les personnes LGBT+ vivent comme rejet, haine et violence, dans une société qui manque encore cruellement d’ouverture d’esprit.



En mêlant deux sujets d’actualité sensibles, j’ai trouvé que l’autrice avait fait un mélange des thèmes contre-productif et, autant le sujet de la transidentité m’a semblé captivant, autant je suis restée dubitative sur celui des sectes qui est assez galvaudé et me hérisse souvent.



Un roman original que j’ai lu avec un intérêt inégal et pour lequel je conserve quelques réserves.
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La treizième heure

N°1677 – Septembre 2022



La treizième heure – Emmanuelle Bayamack-Tam - POL



La treizième heure c’est une église, une secte un peu spéciale qui tire son nom d’un poème de Gérard de Nerval dont on récite les œuvres ainsi que celles de Rimbaud et de Baudelaire au cours des offices. Sa philosophie, d’inspiration chrétienne et humaniste est aussi féministe et son but est l’acceptation de soi mais ne refuse pas une certaine forme de « paradis artificiels » et les chansons contemporaines. La Treizième heure c’est aussi celle de la révélation, du triomphe des laissés pour compte, pauvres et opprimés. Tout cela est un peu délirant et utopique.

C’est Farah, 16 ans qui en parle le mieux et en détaille la catéchèse, les rituels et la doctrine. C’est normal puisqu’elle n’a connu que cela, a été élevée par Lenny, son père, et participe activement à la vie spirituelle et au prosélytisme de cette église qu’il a fondée et dont il est le chef spirituel. Il l’ a crée à la suite de la fuite de son grand amour, Hind qui l’a abandonné à la naissance de Farah..

Farah est née intersexuée, un fille qui a des attributs sexuels d’un garçon et qui est élevée par son père à la suite d’une histoire un peu compliquée avec une GPA grâce à Sophie, de fuite de sa mère, d’une filiation un peu mystérieuse et une famille qui ne l’est pas moins, ce qu’elle combat comme elle peut. Sa vie jusqu’à présent a été difficile, faite de non-dits et de mensonges, incompréhensions de la part de ses parents, ce qui l’éloigne petit à petit de Lenny, elle comprend ce qui a présidé à sa naissance et, alors que Lenny se consacre à son éducation, Hind choisit, après sa fuite de faire prévaloir le plaisir des sens d‘une manière débridée, mais je ne suis ps sûr qu’elle rencontre l’amour qui toujours semble lui échapper.

C’est une fiction en trois partie où chacun des protagonistes, le père, la mère et la fille, s’exprime et s’explique, la fille se faisant le témoin d’une transformation christique paternelle assez surprenante.

C’est un roman très contemporain qui prend en compte le bouleversement des identités et des genres, parle de la solitude, de la dépression, du manque d’amour, de l’hypocrisie de notre société, de l’éclatement de la cellule familiale, d’ une certaine quête effrénée du plaisir, de la solidarité entre les membres de cette église marginale, de l’impossible rattrapage du temps perdu, bref des thèmes très actuels. Le style est fluide, agréable et facile à lire et j’ai également apprécié les nombreuses références littéraires, mais j’avoue que j’ai été quelque peu gêné par la longueur de ce texte et j’ai même eu un peu de mal à entrer dans cette histoire lue cependant jusqu’à la fin. Malgré tout j’ai eu plaisir à rencontrer cette auteure connue par ailleurs sous le nom de Rebecca Lighieri.



Le livre refermé, ce long texte me laisse perplexe à cause de cette saga quelque peu déjantée, conclue par les regrets de Farah, son pardon pour l’abandon de sa mère et les fantasmes spirituels et suicidaires de son père, une manière pour elle de tourner volontairement la page de cette tranche de vie ou singularité et solitude se sont conjuguées dans le mensonge et le malheur et lui a volé son enfance, cette vie qui s’offre désormais à elle et qu’elle veut différente, loin de cette parenthèse

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