Certains [livres] sont des tombeaux. Ils immobilisent le cours du temps, arrachent les êtres à l'oubli, les figent dans la pierre. D'autres sont des châteaux. On trouve, courant dans les couloirs, les morts épars à la mémoire, ceux dont la silhouette s'estompe sur la photo et dont le nom n'est plus qu'un mot transparent. Ces livres s'amusent du bruissement du souvenir. Ils n'ont pas enterré l'amour; ils ont simplement oublié d'être malheureux.
On n’est jamais prêt à la mort des autres, c’est même ce qui la définit, cette trouée brutale dans la vie.
Comme pour tout ce qui est compliqué il faut prendre son temps. La guerre, c’est d’abord beaucoup de confusion.
Pour tous ceux qui vivent il y a de l’espérance ; et même un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort. Bible (Ecclésiaste, 9 :4)
La mort est un éclair doré, une fusion, une joie.
Votre amour à vous, Giono, est cannibale.
La mort est présente, mais la vie gagne.
Il était bon. Ils l’ont su très vite. Il a été perdu.
Nous passions un temps considérable à marcher, entourés d’adultes centaures qui ne se déplaçaient qu’en voiture.
Il ne faut jamais prendre ce que qu’un écrivain dit pour argent comptant.
Littérairement, ils sont sans famille.
Tous les livres sont des tombes.
Chez lui, la nuit gémit, la forêt gronde. Le vent ne souffle pas. Il hurle.
Giono, ou l’Auteur. Le styliste extraordinaire. Le poète.
Il me semble que Dieu vous a envoyé sur terre pour m’essuyer.
D'ailleurs les éditions Grasset, au moment de la sortie de "Colline", présentaient Giono encore inconnu du public de ces quelques lignes efficaces, et vraisemblablement écrites par Giono lui-même : "Né à Manosque en 1895. Vivant. Sait lire et écrire. Ne sait pas nager."
Arrêter les morts dans leur effacement est a seule chose qui compte et l'art, ou la poésie, ou la littérature sont des manigances qui le permettent. Pour conjurer la menace du passé. Parce qu'on les a aimés.
En réalité, ce genre de portrait vient à la fin du voyage plutôt qu’au début,une fois qu’on a lu, relu, bien lu, assez lu, et qu’on pense avoir compris quelque chose. Ou bien, alors qu’on n’en peut plus et qu’il faut en finir, en choisissant, en tranchant dans le vif de l’auteur, car trop d’angles sont possibles. Trop d’attaques. Trop d’infini dans la littérature. Pour ne pas se perdre, on ramasse, on condense. On digère et on restitue le produit de cette digestion rapidement, avec la sécheresse de la synthèse et son caractère impersonnel. On perd les oscillations du temps, de la jeunesse enfuie, on perd ce tremblé qui est, aussi, la manière dont on vacille lorsqu’on lit.
La lecture, cette réaction chimique née du frottement de deux imaginations, celle du lecteur et celle de l’auteur, est en effet affaire de tâtonnement, d’hésitation, parfois de joie ou de colère, et même de déception. C’est une lutte dans le corps, entre la sensibilité et l’intelligence, et parfois un emportement d’enfant. C’est toujours un peu brouillon, parce que vivant. On lit, notre cœur s’emballe, bêtement, on veut que l’auteur qu’on aime devienne le nôtre, on se trouve des affinités avec ceux qui l’aiment à leur tour. On pourra même, dans un moment de faiblesse légèrement honteuse, souhaiter l’avoir découvert avant les autres. Et lorsque cette être imaginaire et pourtant si présent dans la chair de ses phrases s’incarne dans un homme qui faiblit ou qui chute, c’est en personne qu’il nous déçoit. La lecture nous emporte, nous élève et, dans un même mouvement, elle nous désorganise. Cela, vous le savez, je le sais, et mon éditeur le sait.
Il faut tout lire, se faire avaler par le siphon de l'évier, ramper le long du tuyau. Et s'en remettre.
Le potimarron avait porté le coup fatal au dîner.