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Citations de Emmanuelle Lambert (82)


On croit qu'on gagne, on perd. Le sourire et la silhouette, le devoir conjugal et le bonheur domestique. On perd. Si l' on accepte la règle d'un jeu où nous sommes des denrées périssables, si l'on se plie à l'injonction qui tresse ensemble et dans un délire consumériste mariage d'amour, compétence sexuelle, procréation, développement personnel, c'est qu'on a déjà perdu.
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Mon père. Disséminé dans ma mémoire, ma chair et mon langage, il y restera déposé avant que, l'âge venant, moi-même je ne l'oublie, car sans doute je l'oublierai, les grosses mains, le visage. Alors il rejoindra mon grand-père qui s'efface peu à peu, et avec lui la cohorte des visages gris ou sépia dans les meubles de familles, ces anonymes émouvants dont on se souvient en disant " il paraît que", "on disait que". Ou encore, "c'était le père de".
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Ce livre n'est pas un livre de deuil. Le deuil, c'est après. Il travaille votre être, votre corps, vos rêves et peut vous arracher à la vie présente. Si l'on y sombre, on erre pour le restant de sa vie, contemplant les vivants de loin, sans désir aucun de les rejoindre. On est mieux avec ses morts, dans une éternité douce de chagrin. Les sensibles, les friables, les êtres trop usés pour porter la charge de la vie peuvent s'y trouver très bien. Pour les autres, le deuil prend son temps, puis pose la frontière.
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On oublie souvent que la déclaration de 1937 qui lui vaut jusqu'à aujourd'hui une suspicion de la Bible (Ecclésiaste, 9:4) : "Pour tous ceux qui vivent il y a de l'espérance ; et même un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort."
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Giono ,ravi de ses qualités de conteur, aimait beaucoup se raconter lui-même.Il avait la passion de l'invention , cette tendresse de l'esprit qui n'est pas exactement le mensonge,mais un endroit où la réalité qu'on raconte est tordue , à peine déformée par rapport à la vérité un tout petit peu plus belle , ou agréable.
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J’ai entrepris l’écriture de ce livre dans les derniers mois de mon travail pour l’exposition. Contrairement à elle, il a tous les droits. Il peut digresser, s’autoriser des embardées et des accélérations, glisser sur des chefs-d’œuvre et s’attarder sur des textes méconnus. Il est personnel, et j’aimerais qu’il soit comme un sentier cheminant librement entre les œuvres, la vie et les souvenirs. Mais il reste tenu par cette pensée obsédante, et toujours plus grande à mesure que mes lectures se sont accumulées : nous ne savons pas.
Cela m’incite à rester au bord d’une rive d’où je regarderais Giono comme s’il était lui-même une œuvre d’art. Très fragile et ancienne, issue d’un savoir-faire millénaire et qui, si elle venait à être cassée, ne serait pas réparable, même avec des fils d’or. Lui, le personnage principal de ce livre, a des droits que ceux dont je décide du sort, quand j’écris des romans, ne peuvent réclamer. Lorsqu’on s’empare d’un tel sujet, à la fois ample, étrange et familier, il y a donc une ligne de conduite à suivre. Elle consiste en une forme de courtoisie élémentaire non seulement vis-à-vis du fantôme dont on fait le portrait, mais aussi du passé, de l’épaisseur du temps et des époques enfouies d’où il émerge, et qui ne peuvent être saisies qu’imparfaitement. C’est pourquoi je me surprends parfois à souffrir d’une maniaquerie discrète et persistante pourtant assez étrangère à mon caractère. Ne rien reléguer des éclats multiples qui composent la mémoire et font luire le souvenir d’un reflet mouvant. Observer les détails, les traces dérisoires avec autant d’intensité que les morceaux de bravoure.
On ne peut ni tout lire, ni tout dire : savoir qu’on ne saura pas incite à demeurer dans cet état d’alerte qui ne présuppose jamais de rien, et encore moins de ce qu’on croit savoir de ce Giono. Il est comme chacun d’entre nous, fait des plusieurs qu’il a été, eux-mêmes déformés dans le cœur de ceux qui le remémorent. Une chose est sûre, cependant. Il a été cassé, dès le début de la vie adulte, comme tant de garçons de sa génération qui eurent vingt ans en 1915, il y a plus de cent ans. En deux mots : il est lointain, et il est flou.
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Giono, dans cette histoire deux choses me dérangent. La première est que vous, qui êtes l'un des plus grands écrivains du mal de la littérature française, n'avez rien fait de ce mal que pourtant vous aviez sous les yeux. Dans un mouvement qui m'étonne chez vous, vous les avez fermés-je sais qu'il ne s'agit pas de lâcheté, mais plutôt de lassitude. Est-ce de les avoir trop ouverts pendant la Première Guerre mondiale ? Est-ce que vous considériez que, puisque les hommes avaient permis le retour de cette abomination, ils ne méritaient de toute façon pas de vivre, tous autant qu'ils étaient ? (p. 144)
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C'est ainsi dans trois brèves fictions, plus lointaines, qu'on lit ce que vous pensez de nous, au regard de ce que nous faisons à la terre, aux bêtes et donc à nous-mêmes. Disant peu, vous avez déjà tout dit de ce nous sépare des animaux. Et vous ne semblez pas nous aimer beaucoup.

Les êtres humains y sont présentés comme la plus grande menace jamais portée par la terre pour les autres êtres vivants. "Prélude de Pan", "La Grande Barrière" et "Destruction de Paris" sont tous trois écrits au tout début des années trente. (p.105)
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Peut-être était-il difficile de le [Giono ]saisir plus jeune. Les grands livres ont ceci que nous ne lisons jamais la même chose lorsque nous les relisons. Peut-être me fallait-il avoir empilé suffisamment d'épaisseur de temps, de joies, d'échecs et de lenteur pour comprendre ce que Giono dit, depuis son siècle lointain. (p. 36)
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Les mots que nous prononçons, Provence, bonté, humanité, ont pour lui un sens que lui seul, Giono, connait. (...)
Mais la Provence écrite par Giono provient de tout ce qui l'a construit lui, lecteur et écrivain né là-bas, qui a connu la dureté des êtres et des paysages arides, puis s'est trempé dans le métal fondu de la guerre avant d'en revenir tout raide, tout coléreux, et ne plus bouger. C'est une vérité , une vision grise. La Provence de Giono est une lumière de fer. (p. 26)
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Agitez trop la postérité, elle vous explose à la figure: caricature, dogmatisme, lieu commun sont les menaces qu'elle traîne à sa suite. La notoriété fige, et la fixité, c'est la mort. (...)(p. 26)
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Toute organisation humaine appelle une verticalité.
Toute association de personnes étant faite de leurs humeurs, de leurs incohérences, de leurs hauts et de leurs bas et de leur vanité et surtout, la plaie des plaies, de leur opinion, toutes ces personnes, lorsqu’elles sont réunies dans un but productif, ont besoin d’instances supérieures, rationnelles, décisionnaires, pour donner forme et nécessité à leur agrégat.
Il le croyait, il le savait.
Et quand bien même ces fonctions d’encadrement sont remplies par des êtres de chair, avec leur psychologie et leurs sentiments – avec leurs limites –, elles sont nécessairement inhumaines. Ou plutôt, non humaines. Ou encore, hors humaines.
Chaque matin, face au miroir, il se disait : « J’incarne l’ordre nécessaire à nos missions », avec une variante : « La mission est belle, elle est noble. » Et tous les matins, il se rêvait l’incarnant toujours plus, toujours moins humain, dissous dans l’idée de lui-même jusqu’à la disparition finale de son être réel.
Il le savait, cela lui convenait. Sans ordre, pas de société, pas de progrès, pas de réalisations ; une bouillie dépourvue de destination ; une purée de chaos. Cela lui convenait, même, cela lui plaisait. Il était un Cavalier luttant contre l’Apocalypse de la confusion.
Il exultait à l’idée de bientôt se fondre dans le tout d’une vie (par vie, entendez la vie à la grande échelle, la vie sur terre et non ce qu’il tenait pour ses irruptions aléatoires, les êtres humains) dont les mouvements seraient tous prévisibles et donc, encadrés – par des gens comme lui, des fantassins de la raison. Croyant sans Église, il se savait répondre à une autorité supérieure lui conférant une puissance secrète. Sa fonction était sacrée. Sans lui, pas d’ordre. Pas d’organisation. Ceux qui l’avaient recruté ignoraient la part mystique de son être ; lui, avait des renseignements sur tous.
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Toute organisation humaine appelle une verticalité?
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Avant, la vie allait de soi, les jours, les heures et les minutes, parfois elle pensait même aux secondes, les instants, la vie coulait, le travail, les rares amis, mais surtout le travail, ses missions, son importance, sa noblesse, oui, sa noblesse, et les rituels de la routine, la vie coulait, rythmée par le déroulé des jours, la répétition des tâches et des lieux, des choses à faire, des choses qu’on fait, prendre un café, faire une pause, voir les gens, sortir, sortir pour des dîners, des soirées, des apéritifs, avoir des discussions, appeler la famille, sa vie coulait, réglée, sans heurts, elle allait de soi jusqu’au jour où elle la refusa et elle ne saurait pas pourquoi. Elle ne saurait pas car ce n’était pas la question ici, la question, c’est un mouvement de bascule, la vie coule et, d’un coup d’un seul, tout s’effondre, tout.
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Paul avait en effet abandonné toute enquête ; la foi se passe de compréhension ; elle laisse filer vers l’inconnu, sûre de sa justesse. Il avait donc renoncé à comprendre et se contentait d’aimer. Depuis qu’elle avait disparu, depuis cinq ans, un mois et vingt-huit jours, il persévérait dans son ravissement. Il l’attendait.
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Il s’était fait un café pour mieux réfléchir à la collision, disant tout bas : "Le présent. Il n’y a que le présent. C’est ici, c’est maintenant et après on meurt."
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Cela n’avait pas duré bien longtemps, peut-être une dizaine de jours, et un matin elle n’était pas venue, un jour, deux jours, une semaine, deux semaines, tout le monde s’était inquiété, on l’appelait sur son téléphone portable, elle ne répondait pas, on lui écrivait chez elle, les lettres revenaient. On s’était même demandé si elle était morte et comment on licenciait une morte sans certificat de décès, puis ils s’étaient repris : si l’annonce de sa mort n’avait pas été faite, elle devait être vivante, quelque part et loin d’eux, ce qui lui avait été confirmé par un mot qu’elle lui avait fait porter au bout de trois semaines d’absence. Franck Bourgoin avait alors été contraint de la licencier, ce que Marie-Claude avait pris avec une forme de résignation douce.
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On la recouvre,on l'isole dans une case, ça va bien avec la vie de son corps,ses manières abruptes,son non-conformisme.
On ignore au passage le raffinement extrême,la syntaxe parfois tendue jusqu'à l'abstraction la plus opaque, le vocabulaire qui claque,au milieu d'une phrase ordinaire,et la retourne, comme un manteau terne dont la doublure satinée fouette l'air.
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« […] je ne vois que la vie qui bat encore dans ses veines, à lui que je veux retenir près de moi, maintenant, pour toujours. »
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« Il irradie de la simplicité familière comme de l’extraordinaire portés en lui par tout individu. Mon père. Disséminé dans ma mémoire, ma chair et mon langage, il y restera déposé avant que, l’âge venant, moi-même je ne l’oublie, car sans doute je l’oublierai, les grosses mains, le visage. »
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