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Critiques de Gabriel Garcia Marquez (1216)
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Mémoire de mes putains tristes

Je suis un vieillard d'à peine quatre-vingt-dix ans, écris quelques chroniques qui se veulent littéraires depuis des lustres même si elles ne passionnent guère de monde. Pour célébrer mon anniversaire, j'ai eu envie de me faire un doux plaisir. Une chose inhabituelle par les temps qui courent : une adolescente vierge. Difficile à trouver, même pour la maquerelle expérimentée qui me racole depuis des années. Mais la perle rare ne se négocie pas et elle finit par me trouver une jeune fille de quatorze printemps ; toute frêle, toute fraîche, travaillant dans un atelier de couture. C'est ma veine ! Faite que mon coeur ne lâche pas, le médecin dit que tant qu'il bat c'est que je ne suis pas encore mort ! Tant qu'il bat c'est que de l'amour vit encore en moi…



La belle vie, merde ! A cet âge-là, être encore capable de tirer son coup. Mieux, se voir proposer une jeune fille encore pure. Il fallait oser. Gabriel García Márquez l'a fait. Mais là où tu pourrais t'attendre à du glauque et de la perversion, sa plume possède cette aura qui transforme cet acte à la limite des moeurs de bonne conduite en moment de grâce dans la vie du vieux. Il ne fait pas l'éloge de la prostitution mais une ode à la vie, à l'amour. Parvenir à trouver le grand Amour sans sexe. Non pas qu'à cet-âge-là on ne peut plus (et je suis là pour le confirmer !) mais cette jeune fille, droguée au somnifère, est si belle et si pure endormie et nue sur le lit qu'elle ne mérite pas de se voir réveillée par la vieille chose que je vois dans le miroir. Ah, l'amour, à tout âge…



« Mémoire de mes Putains Tristes », un petit roman digne d'un prix Nobel qui d'une plume emplie de sensualité et de poésie donne une vision si belle du proxénétisme, de la prostitution et de la pédophilie. Il faut oser, oser baiser à tout âge, oser rêver à tout âge, et surtout oser aimer à tout âge. La vie n'est qu'amour aux temps du choléra ou d'autres maladies vénériennes. Surtout lorsque le sarcasme de la vie se mêle à la pudeur de l'amour. La vie d'un vieillard n'est pas cent ans de solitude et si la mort est annoncée, rien ne vaut les derniers instants de désir et de plaisir.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Chronique d'une mort annoncée

Lu dans le cadre du Challenge Nobel



Il ne manque pas d’air, ce sacré « Gabo ». Il nous annonce d’emblée l’identité de la victime et celle des assassins. Avouez qu’on aurait là un bien mauvais polar. Mais évidemment, ceci n’est pas qu’une histoire policière.

Ainsi donc, dès le début le narrateur nous explique comment ça va finir : le malheureux Santiago Nasar va périr sous les coups de couteau des jumeaux Pablo et Pedro Vicario, obligés de laver ainsi l’honneur bafoué de leur sœur Angela. Coupables et victimes sont connus, le mobile un peu moins, mais il ne tardera pas à être expliqué. Où est donc l’intérêt de ce livre ? Bizarrement, le suspense (parce que, oui, il y a malgré tout du suspense) se trouve là où on ne l’attend pas. En effet, quelques heures avant la tragédie, tout le village (à l’exception de la victime) sait ce qui va se passer. Mais personne ne veut/ne peut l’éviter. Un enchaînement invraisemblable de circonstances, de malentendus et de bonne ou mauvaise volonté a rendu la mort de Santiago inéluctable. Ce sont ces dernières heures que le narrateur retrace, à la façon d’une enquête, en recoupant les témoignages des nombreux protagonistes. Il délivre les pièces du puzzle, dans le désordre, remontant plus loin dans le passé à la recherche des racines du mal. Quelle est la cause première de ce drame ? l’arrivée de l’excentrique Bayardo San Roman, dont le seul objectif semble être d’épouser une fille quelconque du village ? l’étouffoir dans lequel Pura Vicario maintient sa dernière fille Angela, laquelle passe pour gourde dans toute la région ? ou encore l’indigence morale des habitants, enfermés dans leurs préjugés et leurs superstitions ?

Malgré un flot de personnages un peu étourdissant, le récit est captivant, hallucinant tant il est difficile de comprendre pourquoi ce gâchis n’a pu être évité.

Et puis, et c’est là la patte d’un grand, Garcia Marquez ne nous parle pas que de Santiago Nasar : causes, conséquences, effets, coïncidences, fatalité, responsabilité, vie, amour, mort, deuil, honneur, fierté, vérité et mensonges, petits et grands, tous ces enchaînements chaotiques, c’est la vie, c’est universel.

Et parfois ça vaut un Prix Nobel.

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L'Amour aux temps du choléra

Nous sommes aux caraïbes, à la fin du XIX siècle. Le soleil, au plus fort de la journée brûle tout ce qu'il peut atteindre. Mais Fermina Daza et Florentino Ariza s'en moquent, ils sont jeunes, se découvrent et s'aiment. A cette époque, il y a des convenances à respecter, et la voix du père est crainte. Bravant les interdits, en cachette, ils vivent par échange de lettres leur amour. L'histoire veut que Fermina rejette Florentino et épouse Juvenal Urbino, médecin méritant ayant fait ses études en Europe, issu d'une famille riche. Elle oublie un peu vite que Florentino lui avait dit qu'il l'aimerait pour l'éternité...



Se déroule alors sous nos yeux une fresque magnifique, où chaque personnage de premier ou second ordre est vivant, pétille sous une foule de détails pleins de lumière. Elle vit sa vie de femme mariée avec enfants, petits-enfants et drames du quotidien, sans amour. Lui passe sa vie à l'admirer de loin, à l'aimer en silence, tout en accumulant les maîtresses, en prenant soin de ne pas les aimer pour ne pas la trahir. Plus de 50 ans après, le docteur meurt en tombant d'une échelle... et lui vient simplement renouveler sa déclaration à Fermina. Est-ce que des personnes de plus de 70 ans peuvent s'aimer et retrouver ce qu’ils ont perdu?



L’amour aux temps du choléra est l’histoire d’un amour décliné mais aussi des déclinaisons de l'amour. Qu'un seul mot illustre autant de situations différentes est presque frustrant.

D'abord l'amour passionné, platonique, épistolaire, romancé et idéalisé de deux jeunes gens à la fin du XIX siècle. Puis l'amour raisonnable d'un couple qui grandit, qui se fortifie avec les années communes, quand chacun devient indispensable à l’autre. « Ils étaient comme un seul être divisé en deux...ensemble, ils avaient dépassé les incompréhensions quotidiennes, les haines instantanées, les mesquineries réciproques.... ce fut l'époque où ils s'aimèrent le mieux, sans hâte et sans excès, et tous deux furent plus conscients et plus reconnaissants que jamais de leurs invraisemblables victoires sur l'adversité. »

Il y a aussi les amours dissolus, charnels, sensuels, purement physiques de l'homme seul qui attend son élue. Et puis l'amour qui arrive à une époque de la vie qui n'espère plus, qui est censé ne plus rien attendre, amour considéré comme indécent et qui est, peut-être plus encore, capable de faire des miracles ou de folles actions.



L’amour aux temps du choléra est aussi un roman sur la condition de l’homme, un œil sans pitié sur les vicissitudes de la vie, qu’elle soit riche ou pauvre. Chacun est vulnérable ; pas de véritable grandeur, même celle du docteur Urbino, homme important dans la société mais qui s’effondre aussi dans le quotidien de la vie.



Garcia Marquez aborde ses personnages dans leur vérité, sans indulgence, sans concession mais sans cruauté et souvent avec humour, où la grandeur et la beauté côtoient la mesquinerie et la faiblesse, où il n’y a pas de héros mais des hommes et femmes pas tout à fait comme les autres soumis cependant aux misères ordinaires qui rejoignent celles de tout le monde. Il les regarde, profondément, sans les juger, avec un luxe de détails qui les rendent particulièrement humains et pourtant parfois pas forcément sympathiques…



Quelle extraordinaire façon d’écrire pour aborder la totalité du sentiment amoureux dans toute son imperfection mais aussi sa force et sa beauté !

Un livre rempli de poésie, d'espoir, d'Histoire où l'on retrouve les senteurs, les couleurs caribéennes dans une langue magnifique.

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Cent ans de solitude

Macondo aracataca ! Buendia ne croyait pas. Épouvantable. C’est la 2eme fois que je lis ce livre. J’ai du le lire en 1971. Pour moi c’est un siecle . Je me souviens d’une colombienne qui avait dit à Yves Voisine un copain l’acadien, le cousin de Roch, qu’elle s’était enfermée pour le lire tant ce livre parlait de chez elle. La mort le suivait partout. Si tu dois devenir fou deviens le tout seul. La mort le suivait partout. Il survécu à la pelagre en Perse. Personnage lugubre tout enveloppé de tristesse. Bien dis est un personnage désastreux . Un centavo traduit par Claude et Carmen Durand. Avec une barbe à tailler au couteau de cuisine. Au sud s’étendait un bourbier. Puis le grand marigot qui n’avait pas de limite. Macondo, une ville nouvelle a peine éclairé par la faible réverbération d’insectes phosphorescents. Je préfère la voie du nord.carajo ! Jamais ´nous ne pourrons nous rendre quelque part. Nous ne nous irons pas ! En sautant d’une île sur l’autre. Le versant occidental de la Sierra. Fondation de Macondo. Une indienne guajira chaussée de babouches. Melquiades se mit a enregistrer sur des plaques de daguerréotype tout ce qu’on pouvait enregistrer. Bon dieu ! Ce théâtre géant. Comme chez Homere ou Cervantes. Les 32 guerres du colonel Aurelanio Buendia. Trempez dans l’eau une poule couveuse. Car aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n’était pas donné de seconde chance.
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Chronique d'une mort annoncée

Gabriel García Márquez, auteur Colombien et prix Nobel de littérature en 1982, nous offre ici un récit court et intense qui nous relate comme son titre l’indique la mort de Santiago Nasar. Et si à la lecture du titre il vous subsistait encore un doute la première phrase du roman vous l’enlève : Santiago Nasar va mourrir, point à la ligne.



On suit ici l’enquête sur ce meurtre faite par un proche de la victime une bonne vingtaine d’années plus tard mais à l’opposé d’un polar on s’intéresse ici au mécanisme de mise en place du meurtre, aux circonstances environnantes nombreuses qui vont peser sur le déroulement des évènements et l’aboutissement pourtant improbable à la mort de Santiago Nasar.



Gabriel García Márquez développe aussi beaucoup les considérations sociales propre à l’Amérique latine pendant la seconde moitié du XXème siècle : la religion y tient un rôle fort, voir pesant, et associée aux valeurs morales d’honneur et de famille nous donnent les ingrédients qui aboutiront au meurtre.



C’est au final un livre très agréable à lire, intense et plein de suspens malgré une fin connue d’emblée, de la part d’un auteur que je ne connaissais pas.
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Mémoire de mes putains tristes

Le dernier roman qu'ait ecrit Garcia Marquez. A l'age de 77ans il pond une histoire sur un nonagenaire. Est-ce parce que lui-meme se sent vieillir? En tous cas ce n'est pas une de ses meilleures oeuvres.





Un vieux loup solitaire veut une derniere aventure, une derniere salve, qu'il veut payer, comme il l'a toujours fait, mais il veut que ce soit avec une toute jeune fille, une vierge. Une entremetteuse aura vite fait de lui arranger cela et l'aventure commence. Une aventure ou son individualisme exacerbe, son egocentrisme, va etre battu en breche par une adolescente qu'il ne touchera meme pas et dont il tombera eperdument amoureux. A son age, lui qui n'a connu, qui n'a voulu connaitre que l’amour leger et remunere de compagnes d'occasion, va ressentir, va s'emporter en un premier, ardent et pur amour. C'est lui qui revient en adolescence, avec les jalousies obsessives, la passion et les chagrins extremes provoquees par l'absence, la disparition de l'aimee. Lui qui ne jurait que par du sexe sans surcharges sentimentales se fait pieger dans une relation toute platonique, comme un debutant, comme le debutant qu'il est en fait. Ce qui amenera la maquerelle a lui dire, mi-attendrie mi-narquoise: “Ne va pas mourir avant de faire l’experience de tirer un coup par amour”.





On a apparente ce petit livre aux Belles Endormies de Kawabata, et avec assez de raison. Moi je le rapprocherais aussi au Vieil Homme et la Mer de Hemingway. C’etait aussi le dernier roman publie de son vivant par Hemingway. La derniere prouesse d’un auteur, racontant la derniere aventure, la derniere prouesse d'un homme qui n'accepte pas pleinement sa vieillesse. Ce livre-ci est moins tragique, dispensant moins de suspense et plus d'humour. Mais c'est la meme vieillesse, poignante, meme quand elle se cache derriere l'ironie. Et cela donne un petit roman, si pas tres tendre a chaque page, attendrissant en fin de compte. Et c'est un peu dommage que ce soit tout. Parce que pour moi, malgre le traitement affute d'une vieillesse navrante, c'est loin du meilleur de son auteur. Mais cela garde quand-meme sa marque. Garcia Marquez.





P.S. Je ne sais pas comment a ete accueilli ce livre en 2004. Ce n'est pas si loin. A-t-il ete vilipendie comme une celebration de la pedophilie? Je souris en mon for interieur a la pensee qu'aujourd’hi il n'aurait pas rate les accusations, le denigrement de wokistes bien-pensants. Ah! Bonnes gens, dechirez ce livre! Censurez Lolita! Mettez Genet au ban! Et brulez le plus pervertissant de tous les livres, La Bible! Ne laissez rien corrompre la merveilleuse harmonie de notre nouvelle egalite, notre uniquement tolerable, notre conquerante mediocrite!

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Récit d'un naufragé

Un navire de guerre colombien, venant de Mobile aux USA, en 1955, est pris dans un ouragan à son retour au pays. Huit marins ont disparu en pleine mer Caraïbe, les recherches sont déclarées infructueuses.

Un moribond apparaît cependant sur le rivage : il a survécu sur un canot de sauvetage, après avoir dérivé dix jours sans boire ni manger.

A partir de ce fait divers, dans un pays torturé par la dictature, on célèbre l’héroïsme de Luis Alejandro Velasco, puis, rapidement, un ensemble d’interdits se dresse.



Car il n’y avait justement pas de tempête, mais surcharge : le navire de guerre a capoté à cause d’une charge de contrebande, mal arrimée de plus, ce qui a empêché le sauvetage des sept autres militaires.

Or, pas question que la dictature accepte de se mettre en cause. Une dictature, c’est une dictature.

Gabriel Garcia Marquez, journaliste, donc bien avant son prix Nobel de 1982, est en charge d’écouter le récit de l’unique naufragé , dont l’héroïsme est mis à mal par la publicité payante qu’il a fait sur sa montre, mais qui insiste pour raconter son aventure.

Ce naufragé, dit GGM , puisque c’est lui qui a parlé de la contrebande en surcharge, et de l’absence d’ouragan, non seulement a délaissé l’aura dont on l’avait entouré, en plus, avec courage, il a dynamité sa propre statue. En lisant le récit, le courage durant ses dix jours de lutte pour la vie est, enfin, indéniable.

Il perdra son poste de militaire, quand même.



Le récit jour après jour , commence par une sorte de prescience de Luis, une vague inquiétude, puis par le naufrage subit, la certitude que les secours sont en marche, les avions qui le cherche, puis l’aile d’un requin, de beaucoup de requins qui arrivent à cinq heures.

Désespoir, faim, soif, impossibilité de savoir où aller et de diriger la barque, espoir à la moindre lumière lointaine, désespoir, angoisse, désir de mourir, volonté de survivre malgré tout, hallucinations: tous les sentiments se chevauchent au long des jours de lutte contre les monstres marins, dont Luis ne sait même pas s’ils prendront fin, des nuits sans dormir, et la fatigue extrême.



Un peu comme dans un thriller, qui nous distille la peur, avec chaque jour la ponctuation des changements vécus par le futur rescapé alors que rien ne change, la charge émotive de cette solitude absolue et sans aucun espoir, les épisodes divers de l’aventure en pleine mer, le récit nous oblige à participer, alors au cours des pages nous essayons de survivre, puis, bien que connaissant l’heureuse issue, nous sommes submergés par l’angoisse, la certitude que nous n’en sortirons pas vivants.



Il faut, bien entendu, le génie de l’écriture de Garcia Marquez, lui qui a le don, quand il décrit la soif, de nous donner soif, seulement par sa force d’écrivain, pour que ce récit d’un naufragé nous atteigne autant.

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Douze contes vagabonds

"Le fantastique n'a d'intérêt que parce qu'il surgit du réel et l'enlace."

(S. Rushdie)



Pero qué pasa ? C'est bien du Marquez, et en même temps, comme s'il manquait quelque chose.

Comment dire... ?



Garcia Marquez est un romancier avec un don de Dieu. Un écrivain qui a réussi à créer son propre univers, quelque part entre le fantastique et le réel - et c'est uniquement à vous de voir si vous vous y sentez à l'aise ou pas. Même si, chez certains auteurs, on peut parfois rencontrer une sensation de "déjà vu" ou "déjà lu", ceci ne peut tout simplement pas arriver avec Marquez. Il a toujours su rester que lui-même.

Mais il n'a jamais eu la prétention de devenir un maître incontesté en matière d'histoire courte; et il ne l'est jamais devenu.

Rien qu'en lisant la préface des "Douze contes vagabonds", on peut se rendre compte de la genèse longue et un peu laborieuse de ce recueil. Ce qui peut en partie expliquer ma petite déception.



Dans l'ensemble c'était une belle lecture, mais on est un peu loin du réalisme magique; de l'atmosphère verte et étouffante de Macondo, ou des mirages fantasmagoriques créés par la chaleur qui fait onduler l'air de la côte aride des Caraïbes. Ici, pas de Buendia, ni d'anges qui vivent dans un poulailler...

Les "Douze contes vagabonds" parlent de gens qui sont loin de leur pays : d'un ex-président, en passant par une ex-prostituée, jusqu'aux gens qui ont une mission à accomplir ou de simples touristes.

J'ai plutôt envie de qualifier ces histoires de "tragi-comiques". Au fond, il s'y passe très peu de chose, et leur force se trouve dans la poésie du texte. Mais de penser que Marquez va se contenter d'un beau texte, ce serait le sous-estimer. Il rajoute à chaque histoire une chute surprenante, un peu dans la veine d'Ambrose Bierce.



Parfois le dénouement était un peu évident, ou même décevant ("Epouvantes d'un mois d'août"), mais on se rattrape vite avec les histoires comme "Maria dos Prazeres" (qui parle du dernier client d'une très vieille poule de luxe), ou cette aventure d'un homme qui passe un long voyage en avion à côté d'une belle endormie. Amplement suffisant pour en faire une bonne histoire !

Le thème de "Un métier de rêve" fait penser à Borges; et vu que l'histoire se finit avec un hommage ouvert à celui-ci, ce n'est pas une coïncidence.

Mais ce n'est qu'à la fin que je suis tombée sur deux merveilles - "La lumière est comme l'eau" (la seule qui donne dans le "vrai fantastique" - il suffit de casser l'ampoule, et vous pouvez nager dans la lumière !) et la très fataliste "La trace de ton sang dans la neige", qui vous apprend que la bureaucratie française peut changer bien des destins.



Les "Douze contes" sont assez intimistes - les héros apparaissent et disparaissent dans la foule anonyme - Paris, Naples, Barcelone, Rome - et on les oublie presque aussitôt. Il n'y a pas cette démesure des "Cent ans de solitude", cette tension irréelle de la "Chronique d'une mort annoncée", la prosodie exaltante de "L'automne du patriarche", ni la folie onirique de "Candide Erendira". Peut-être parce que nous sommes en Europe ?



Mais finalement, j'ai trouvé ça bien. C'est peut-être le livre idéal si vous n'avez encore rien lu de Marquez, et si vous souhaitez commencer en douceur. Dans le sens inverse, il reste cette petite sensation de quelque chose qui manque.
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Douze contes vagabonds

L'écrivain voyage, conte et raconte ses contes. Je l'imagine dans son hacienda, l'ombre qui apporte un brin de fraîcheur à sa cerveza muy fresca. L'écrivain se pose ainsi, reprend des notes de jeunesse, évoque ses souvenirs, retriture de vieux textes. Gaby, après tout c'est notre troisième rencontre, je peux me permettre quelques familiarités, ce n'est pas un prix Nobel qui va m'intimider... enfin si, ce genre de prix ou d'honneur me fait un peu trembler, d'appréhension ou de peur... Gabi, Ô Gabi, donc aurait pu m'emmener dans son hacienda du côté d'Aracataca ; non, il commence par me promener aux abords du lac de Genève, à la rencontre d'un pauvre type, oh pardon monsieur le président, d'un ex-président déchu. Puis je file en Italie, en France, en Espagne... Rome, Paris, Barcelone... bref, je fais le tour de la Méditerranée, il y a moins de poussière qu'en Amérique du Sud, cependant...



Cependant, c'est l'heure de ma sieste, la sacralité de l'instant quand je pose mon regard sur la belle endormie. Elle est sublime, même quand elle dort je vois son sourire, sa pureté, sa crinière brune, son âme comme lorsque je transperce de son regard le mien. Je suis à l'écoute des effluves de son parfum de jasmin, comme des rythmes de son cœur, le sang coule et la trompette me réveille au son de l'Espagne.



Alors, entre deux bières ou deux verres de rhum, pour agrémenter deux nouvelles, je respire ces senteurs andalouses, celles du jasmin, celles de ces orangeraies qui longent la poussière de ma route. Celle qui traverse le désert de Monegros, celle qui suit la trace de ton sang dans la neige... En douze contes, je vagabonde avec l'auteur, des rencontres imaginaires, des nuances gothiques, des grands noms de la littérature, hommage à ses maîtres, de Kawabata à Neruda, en passant par Borges. Je prends mon temps, baigné dans cette irréalité littéraire, des êtres solitaires errant dans la poussière, comme sorti d'un rêve, comme plongé dans l'absurdité du monde. Je rêve de cette femme, je rêve de ce verre, je pense à ma vie, je pense à Gaby oh Gaby tu veux que j'te chante la mer...
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Cent ans de solitude

Il est hautement probable que malgré et même peut-être à cause du plaisir que j’ai eu à lire Cent ans de solitude je sois passée à côté d’un certain nombre de messages plus ou moins subliminaux cachés entre les lignes de cette saga qui retrace l’histoire hors du commun de la descendance d’un couple consanguin, créant une communauté villageoise quelque part en Amérique du Sud, si isolée du reste du monde que la gestion des règles de la communauté est extrêmement atypique, tant que le monde extérieur n’existe que par le biais du passage de troupes de gitans éblouissant les foules à l’aide de subterfuges de camelots



D’emblée pour ceux qui oseraient se lancer dans l’aventure, haute en couleurs, le problème des 3 prénoms utilisés pour tous les garçons, en les associant entre eux (Arcadio, Auréliano, José) est facilement contournable : il suffit de chercher sur wikipédia un arbre généalogique de la lignée des Buendia et de l’utiliser en marque page pour ne plus s’y perdre. Cela dit je n’ai utilisé ce subterfuge que dans le dernier quart du livre, ayant abordé entre temps une autre lecture, ce qui m’avait fait un peu perdre le fil.

Ces prénoms ont un rôle important, car ils conditionnent le destin et la personnalité de leur propriétaire. L’auteur facétieux ira jusqu’à inverser ceux d’une paire de jumeaux....



L’originalité de cette histoire familiale réside dans le caractère très entier des personnages, qui vont profondément influencer le devenir de la communauté initiale, en permettant l’intrusion du monde extérieur, à chaque fois source de déséquilibre (que ce soit par la guerre, ou par la visite de gitans, ou encore par l’arrivée d’une ligne de chemin de ferChaque crise marque une évolution spectaculaire du contexte.



Une autre singularité du roman tient à la présence ténue mais quasi constante de la magie qui donne au récit une dimension légendaire et mythique. Lévitations, spectres, chambres abandonnées préservées de la poussière, fécondations prolifiques du cheptel au rythme des copulations de leurs propriétaires...Mais tout n’est pas résolu de cette façon : José Arcadio ne parviendra jamais à transformer le métal en or.



Les personnages féminins mériteraient à eux seuls une thèse de troisième cycle! Ursula, la mère fondatrice de lignée, d’une clairvoyance hors norme gardera presque jusqu’à la fin une emprise remarquable sur les quatre générations qui suivent. Rebecca et Amaranta, éternelles rivales amoureuses, Remedios la femme enfant , l’austère Fernanda...



En filigrane enfin la guerre civile qui oppose conservateurs et libéraux, ces derniers conduits par Auréliano l’un des fils d’Ursula et José Arcadio. C’est l’occasion de mettre en évidence les agissements et manipulations pour le moins malhonnêtes des politiciens. L’on perçoit aussi,le désarroi du soldat quand la guerre n’a plus lieu d’être et le vide de l’existence privée de combats quand ceux-ci ne sont plus nécessaires.



Avant de se plonger dans cette oeuvre foisonnante, j’avais découvert l’auteur en lisant un recueil de nouvelles «L'Incroyable et triste histoire de la candide Erendira et de sa grand-mère diabolique». Cela permet de se familiariser avec l’univers de Gabriel Garcia Marquez et de se retrouver ainsi en terrain connu lorsqu’on aborde Cent ans de solitude. D’autant que l’on aura l’occasion de croiser des personnages déjà rencontrés dans les nouvelles, ce qui crée un climat de familiarité toujours très plaisant



C’est donc une oeuvre dense,complexe, mais aussi drôle, très bien écrite, et qui mériterait certainement plusieurs lectures, permettant de nouvelles découvertes à chaque fois
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Vivre pour la raconter

Quand on lit les mémoires du jeune âge de Gabriel Garcia Marquez, on pense lire un roman. En fait, on y retrouve tout ce qui a construit et nourri son oeuvre. Sa famille excentrique, ses débuts de journaliste, les femmes, l'alcool, la politique, les guérillas colombiennes sont des éléments importants de son inspiration. On y découvre aussi, et c'est passionnant, Gabriel Garcia Marquez racontant son travail acharné pour devenir un véritable écrivain. L'exigence tenace de chaque instant qui l'a hissé au plus haut niveau.



Vivre pour la raconter est un vrai plaisir de lecture à la découverte d'un merveilleux conteur, un auteur essentiel à la plume remarquable de simplicité, de clarté et de puissance.

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Pas de lettre pour le colonel

Toute ma sympathie pour le colonel. Je ne peux m'empecher de penser qu'avoir pitie serait percu par lui comme une insulte. Il enveloppe sa misere presente de la dignite du heros d'une guerre oubliee, qu'il a ete. Et il attend la pension qui lui a ete promise, qui lui est due, et qui n'arrivera jamais. D'autres que lui l'ont recue, grace a des appuis politiques que lui n'a pas, qu'il n'a jamais pu se rabaisser a demander. Son attente de la lettre qui lui annoncera la bonne nouvelle tient plus de l'entetement que de l'espoir.





Dire qu'il vit pauvrement serait embellir la realite. Il n'a pour tout bien qu'un coq, un coq de lutte qui appartenait a son fils decede. Il pourrait le vendre, pour une somme qui les sustenterait, lui et sa femme malade, quelques semaines ou quelques mois. Il ne le fait pas, il ne le peut pas, par respect pour la memoire de son fils et peut-etre par peche d'orgueuil. Et vite apparait le dilemme: nourrir le coq ou se nourrir soi-meme.

La fin de cette nouvelle est fatalement prevue d'avance (chronique d'une mort annoncee?): a la question de sa femme "et maintenant, qu'allons nous manger?" il repond, grossier et fatidiquement serein, "de la merde". Le colonel meurt mais ne se rend pas.





Cette nouvelle de Garcia Marquez, une des premieres qu'il ait publie (la premiere?), est empreinte a mon avis d'une acerbe critique des societes latino-americaines et de leur gouvernance. Sans les fioritures stylistiques du realisme magique qui caracteriseront beaucoup de ses oeuvres plus tardives. Cela accentue sa tristesse. Il n'y a pas d'expectative. Soeur Anne ne verra rien venir. Le facteur ne sonnera ni une fois ni deux fois, il ne fera que se gausser. Pas le lecteur. Garcia Marquez reussit a eveiller toute l'empathie du lecteur envers la superbe fierte de cet homme berne, trahi par sa societe. Mes hommages, colonel.





P.S. A tous ceux pour qui Cent ans de solitude semblait durer un siècle je conseille cette nouvelle. Il y est aussi question d'une certaine solitude, mais d'un unique personnage, et quelques decennies seulement.

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L'Atelier d'écriture de Gabriel García Márquez : ..

En 1986, quatre ans après avoir reçu le prix Nobel, Gabriel García Márquez crée une école de cinéma et de télévision à Cuba. Son idée est d'attirer et de former des jeunes talents d'Amérique latine mais aussi d'Afrique et d'Asie pour rivaliser avec la production d'Amérique du nord.



Dans ses ateliers, GGM, qui n'est pas seulement romancier mais aussi scénariste, enseigne à ses étudiants comment raconter une histoire. Pour ce faire, le ton est libre. Chacun peut exprimer ses idées, même les plus farfelues, mais pour que le travail de création soit fructueux, GGM insiste sur trois principes : la modestie pour oser se tromper, une énergie pour donner envie et une histoire digne de ce nom (pas simplement une idée). Et cela demande en autres de l'imagination, de la sensibilité et le sens de l'observation.



Dans ces ateliers, on découvre un Gabriel García Márquez humain et chaleureux, un artiste d'une extrême modestie qui doute de la qualité de son oeuvre, mais est convaincu que l'essentiel dans le processus de la création collective des scénarios de films, ou individuelle des romans, c'est avant tout raconter une bonne histoire.
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Nous nous verrons en août

Ana Magdalena est la mère épanouie de deux enfants à l'aube de l'âge adulte, et l'heureuse épouse depuis plus de vingt ans d'un homme aimant et complice.



Chaque année, le 16 août, Ana Magdalena se rend, seule, sur l'île où est enterrée sa mère, pour y déposer un bouquet de glaïeuls. le rituel est toujours le même : traversée en ferry l'après-midi, même vieux taxi, même hôtel vieillot, même fleuriste vieillissante, même restaurant, retraversée en ferry le lendemain matin.



Mais cette année-là, celle de ses 46 ans, sans l'avoir prémédité le moins du monde, elle passe la nuit avec un homme rencontré dans un bar. Cette aventure – c'est la première fois qu'elle trompe son mari – la troublera jusqu'au 16 août suivant, où elle passera à nouveau la nuit avec un autre homme de hasard. Un autre rituel, autrement plus sensuel que celui de la visite au cimetière, est-il en train de s'instaurer ?



Ce très court roman est un inédit posthume de Gabo, mort en 2014, alors qu'il était affecté depuis plusieurs années de graves troubles de mémoire. A en croire la postface écrite par ses deux fils, il ne voulait pas publier ce texte : « Ce livre ne marche pas. Il n'y a qu'à s'en débarrasser ».



Et de fait, ce roman du Prix Nobel García Márquez n'est pas des plus convaincants. Ce portrait d'une femme mature et adultère, tiraillée entre une promesse de liberté mais pleine d'incertitudes et le confort connu d'une vie conjugale mais moins satisfaisante qu'il n'y paraît, est trop court et manque de consistance. L'aspect psychologique n'est pas assez travaillé, et le dénouement m'a laissée sur ma faim, même si le texte est agréable à lire grâce à sa puissance narrative et au talent de conteur de l'auteur.



Fallait-il trahir la volonté (certes peut-être altérée par la maladie) de l'auteur en publiant ce texte qui tient davantage de l'ébauche que du roman abouti ?



Ses fils se justifient : « En le lisant une fois de plus presque de dix ans après sa mort, nous avons découvert que ce texte possède de nombreuses et délectables qualités. Il n'est, en effet, peut-être pas aussi poli que le sont ses grands livres, présente quelques faiblesses et de petites contradictions, mais rien qui empêche d'apprécier ce qui s'impose dans l'oeuvre de notre père : son inventivité, la poésie de sa langue, sa narration captivante, sa compréhension de l'être humain [...]. En trouvant le texte bien meilleur qu'il ne l'était dans notre souvenir, une autre possibilité s'est offerte à nous : la perte des facultés qui n'avait pas permis à Gabo de le terminer pouvait tout aussi bien l'avoir empêché de l'apprécier à sa juste valeur. Placer le plaisir de la lecture avant les autres considérations était peut-être le trahir. Mais si les lecteurs jugent le livre digne d'estime, Gabo nous accordera peut-être son pardon. C'est ce en quoi nous avons bon espoir ».



Coup éditorial, transmission de l'ultime oeuvre d'un géant des lettres pour le bien de la communauté des lecteurs ? L'un ou l'autre, ou peut-être un peu des deux.



En partenariat avec les Editions Grasset via NetGalley.

#Nousnousverronsenaoût #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Cent ans de solitude

Honte à moi ! Je suis sûre et certaine d’avoir lu Cent ans de solitude dans les années 80, et rien à faire, la seule chose dont je me souviens, c’est que j’avais adoré. D’ailleurs depuis j’ai lu d’autres livres de Gabriel Garcia Marquez que j’ai aussi adorés. Du coup je me suis attaquée à une relecture de ce pavé, et j’en ressors avec la même impression. Et cette fois j’espère que je m’en souviendrais. C’est l’histoire incroyable et rocambolesque de la famille Buendia sur sept générations dans le village imaginaire de Macondo. C’est aussi l’histoire de ce village, de sa fondation à son abandon, en passant par une période de prospérité. Dans cette gigantesque fresque familiale l’auteur emploie le ton et le style d’un conteur, il intègre et mêle des éléments surnaturels aux éléments réalistes et les personnages perçoivent tous ses éléments improbables comme normaux, voire banaux. Ce réalisme magique n’a pas été inventé par Gabriel Garcia Marquez, mais il en fait une utilisation magistrale. Je ne connais pas bien la littérature sud-américaine, alors cela m’a fait penser au Tambour de Günter Grass. Tous les personnages du roman semblent condamnés à souffrir de solitude, comme si c’était une caractéristique familiale (et le village lui-même est isolé). Ils sont seuls par manque d’amour, car d’amour, dans ce roman, il n’y en a guère, ni dans les nombreux couples, ni entre les enfants et leurs parents. Il n’y est question que d’amour physique. Pour le reste chacun est seul. La narration est grosso modo chronologique mais avec des moments du futur qui sont annoncés d’avance par le narrateur (dès la première phrase!) et des retours sur des moments passés. Ce qui donne une impression de temps circulaire, d’histoire qui se répète, d’autant que les prénoms des personnages se répètent de générations en générations (Arcadio, Aureliano, Amaranta,…), que les parcours des personnages se répètent ou au moins entrent en résonance, comme dans un cercle vicieux qui les conduit de l’appréhension due à la parenté du couple fondateur à des relations quasi incestueuses (frère et sœur adoptive, jeux incestueux, attirance d’une tante pour son neveu) puis à un véritable inceste commis avec l’ignorance d’un protagoniste sur ses origines. Cela donne un côté statique à l’histoire alors que pourtant elle est assez clairement situable dans l’histoire de la Colombie entre 1850 et 1950, avec les guerres civiles entre libéraux et conservateurs, la construction du chemin de fer (1906) et les grèves et le massacre des bananeraies de 1928. Le résultat est un roman truculent et baroque, dont la lecture n’est pas aisée, dans laquelle il faut lâcher prise pour se laisser embarquer dans le flot d’un récit à dormir debout. Un grand livre !
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Cent ans de solitude

La ville de Macondo et la famille Buendia ont dû forcément exister, sinon comment expliquer l'authenticité qui découle du récit, l'atmosphère unique et les personnages si bien construits ?



Cette fresque monumentale issue de l'imagination débordante de Gabriel Garcia Marquez est peuplée d'envolées mystiques, magiques et fantaisistes, mais aussi de réalités tels l'inceste, les guerres, les innovations.



Les auteurs puisent souvent leur inspiration dans les fameuses racines familiales. Ici on suivra la famille Buendia sur six générations ! Les répétitions persistantes de prénoms de naissance animent et embrouillent volontairement la lecture.

Dans cette famille les êtres solitaires sont victimes des inévitables répétitions. Telle une malédiction, la folie et la solitude rôdent autour, les générations se perdent entre rêves et réalités, délires et imagination exacerbée.

Tous les membres de toutes les générations sont dotés d'une énergie peu commune et d'une grande soif de découverte. Aventuriers dans l'âme ils sont capables de parcourir le monde mais complètement incapables d'apprécier les privilèges de la simplicité et incapables d'aimer véritablement.



Entre délires et situations loufoques, burlesques et fantasques, nous nous perdons allégrement dans le récit d'une lignée de fous de naissance à l'éternel air solitaire condamnés d'avance à la tragédie.





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Les funérailles de la Grande Mémé

Je recidive. Apres vous avoir induit a entrer dans la grande hacienda de Garcia Marquez par la petite porte du colonel, je vous propose aujourd'hui d'y penetrer par une autre porte derobee, celle de la grande meme.



C'est un recueil de nouvelles publie quelques bonnes annees avant son fameux siecle de solitude. On y voit poindre deja le legendaire bourg de Macondo, on remarque une apparition furtive d'Aureliano Buendia, et au moins une des nouvelles est deja teintee d'un realisme magique de bon augure. Mais pas toutes.



Le titre du recueil est prometteur et trompeur en un seul et meme temps. Les funerailles dont il est question dans la nouvelle eponyme ne sont pas tristes, elles sont au contraire un grand moment de liesse populaire, mais nombre d'autres nouvelles peuvent laisser au lecteur sinon une impression poignante, un arriere-gout un peu amer. Elles mettent toutes en scene l'enorme differenciation, l'abime qui separait en ces villages d'Amerique Latine la majorite des habitants, a la faim endemique, des quelques puissants qui s'etaient accapares tous les pouvoirs et toutes les richesses. Les pauvres, fatalistes, sont accules a voler des vetilles, et, attrapes, ils sont battus a mort ou carrement tues, moins comme punition que comme une facon de semer la terreur, d'assoir l'emprise, la totale domination des “caciques" hierarchiques. Alors ils se vengent comme ils peuvent: un dentiste sans diplome trouve une excuse bidon pour arracher une dent au maire du village sans aucune sorte d'anesthesie et “sans rancoeur, plutot avec une tendresse amere, il lui dit : — Vous allez payer ici vingt de nos morts, lieutenant”; tout un autre village (ou le meme? Macondo?) ignore les funerailles et plus tard la veuve d'un nanti, du petit “cacique" du coin. Toutes ces petites vengeances trouvent leur apotheose dans les funerailles de la Mama Grande. Elles sont pompeuses, a l'echelle nationale et meme mondiale (le pape y assiste!), signe d'une omnipotence qui asservissait toute une region, mais le peuple en fait une fete, au lendemain de laquelle tout est saccage, noye sous les bouteilles, les megots, les os ronges et autres restes de bouffe, les defecations et les flaques d'urine. Une grande dalle de plomb empeche la Grande Meme de ressortir de terre et le menu peuple peut enfin respirer un air moins malsain.



Cette oeuvre de jeunesse relative est empreinte deja de la conscience sociale qui caracterisera Garcia Marquez (et qui l'amenera a s'impliquer politiquement avec le regime castriste de Cuba). Mais sans trop d'acrimonie. Ses attaques aux depredateurs sociaux sont transmises par une satire ou tout est demesure, transcende. Chaque personnage, chaque action, en devient mythique. Et son style, colorie comme un perroquet, comme un ara de l'Amazonie colombienne, fait que chaque page est malgre tout source de plaisir, de pure jouissance. Ce n'est qu'une fois le livre ferme que le lecteur peut estomper son sourire et s'abandonner au message, qui, lui, n'est pas gai du tout.



Alors encore une fois: ce petit recueil est a mon avis une des meilleures portes pour entrer dans l'oeuvre de Garcia Marquez. Presque par infraction. Une fois dedans on pourra se sentir plus a l'aise pour visiter les grands salons de son imposante “hacienda”, les salons des amours choleriques et des morts annoncees pendant cent ans.

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L'Automne du patriarche

Avant d'aborder ce Garcia Marquez-là, un peu d'exercice de respiration s'impose : inspirez, expirez lentement. Prenez une grande inspiration...



Et c'est parti, plongez dans le maelstrom ahurissant de ce roman vertigineux, dans l'atmosphère fétide des pièces à l'abandon du palais présidentiel de ce dictateur – patriarche si vieux que l'on a oublié qu'il est déjà mort plusieurs fois. D'ennui, sans doute, même l'exercice de la terreur fini par lasser. Quant au pouvoir, voilà bien longtemps que notre potentat fantoche en a perdu l'illusion.



Continuez de bien respirer en autonomie car les points et les retours à la ligne se font rares pour poser votre souffle. de virgule en virgule, Garcia Marquez vous emmène, de force mais avec un brio envoûtant et un joyeux irrespect pour la chronologie, dans les méandres d'une existence de pacotille, glissant des derniers jours de délabrement du méchant pantin à l'arrivée au pouvoir orchestrée par d'angéliques puissances extérieures, d'un acte gratuit de brutalité crasse à la razzia sur les trésors nationaux, avec en points d'orgue des scènes hallucinées de vengeance culinaire contre l'ancien bras droit qui a trahi ou le spectacle fantasmatique de la mort de la madre du petit père du peuple. Le tout allègrement traversé de vaches, de poules, et de très jeunes demoiselles à la merci de l'ancêtre craint et vénéré.



Ce roman est fou, irréel, totalement improbable, et pourtant laisse une sensation de réalité historique incontestable, tant il réussit le prodige de servir par l'imaginaire un condensé des régimes dictatoriaux que l'Amérique latine a connu au siècle dernier, hissant de ce fait son auteur au plus haut rang des écrivains politiques engagés du continent. Bravo !

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Chronique d'une mort annoncée

Qu’est-ce qui fait que c’est prenant, que ça se lit si vite alors qu’il n’y a a priori aucun suspens?

C’est un peu un anti-polar, on sait très bien qui sont les assassins, mais on comprend beaucoup moins bien pourquoi ce meurtre absurde n’a pu être empêché, et plus l’enquête avance, plus le mystère s’épaissit, plus l’affaire s’absurdifie - Absurde de tuer quelqu’un parce qu’il a peut-être dépucelé une jeune fille avant son mariage. Absurde de marier sa fille à un homme qu’elle a à peine vu, qu’elle n’aime pas, et de pulvériser son argument par un « L’amour aussi, ça s’apprend! ». Absurde de répudier sa femme la nuit de noce parce qu’elle n’est pas vierge. Incompréhensible l’irresponsabilité collective qui laisse se produire de tels actes. C’est sans doute une des forces de ce roman, cette façon de nous renvoyer sans avoir l’air d’y toucher à toutes ces choses absurdes qu’on pourrait empêcher, qu’on laisse faire.

Et puis il y a l’écriture très particulière de Gabriel Garcia Marquez, simple et profonde, impassible, avec une sorte d’humour discret, de malice, qui vous capte et ne vous lâche plus avec sa façon de laisser penser qu’elle en dit plus qu’il n’y paraît.

Cette Chronique d’une mort annoncée est un roman étonnant, original, avec un singulier mélange de simplicité et de complexité.
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Mémoire de mes putains tristes

Une douceur acidulée qui parait politiquement incorrecte voire sulfureuse, de prime abord, que ce roman de Gabriel Garcia Marquez, un auteur que j'apprécie particulièrement. En effet, Mémoire de mes putains tristes déroule l'histoire d'un journaleux grand amateur de prostitués qui veut à 90 ans, s'offrir une dernière nuit d'amour auprès d'une adolescente vierge qu'il a commandé à sa mère maquerelle de prédilection...
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