Eliza, une Américaine, débarque à Paris en 1950. Elle est en fuite, a quitté Chicago, son mari et son petit garçon,. Elle devient Violet Lee, du nom de son faux passeport. Elle n’a qu’une valise, quelques bijoux et surtout son appareil photo qui lui est très cher. Elle débarque par hasard dans un hôtel de passe, se fait voler ses valeurs et se lie avec Rosa, une prostituée.
La première partie du roman se passe à Paris, Violet craint d’être démasquée, sa nouvelle vie est un tissu de mensonges, mais elle trouve de nouveaux amis, du travail et peut développer sa passion pour la photo. Elle rencontre même l’amour avec Sam, un autre Américain, plutôt mystérieux. Les chapitres alternent entre sa vie présente à Paris et son passé à Chicago, on comprend peu à peu pourquoi elle fuit, quel danger la menace au point qu’elle ait choisi d’abandonner son petit garçon de huit ans.
La deuxième partie du roman narre son retour à Chicago, dix-huit ans plus tard. Elle n’est plus en danger et décide de quitter la France où elle se sent en exil même si elle connaît la célébrité comme photographe et l’amour avec Horatio, un pianiste de jazz aveugle et aussi exilé. Il a fuit le Sud des USA et la ségrégation. Violet veut avant tout retrouver son fils, devenu professeur de sciences politiques et militant pacifiste.
Ce roman est magnifiquement écrit, avec une langue riche et musicale, un pur bonheur de lecture. On est plongé dans le monde de Violet, l’auteur sait nous faire passer ses émotions, ses doutes et ses émerveillements.
Violet est née durant les émeutes raciales de 1919 à Chicago et c’est bien le thème principal du livre, mettant au second plan sa fuite. Le racisme et la ségrégation sont au coeur du livre. Le père de Violet était un sociologue qui lui a appris la tolérance, au grand dam de sa mère, issue de l’émigration allemande et petite bourgeoise. Violet voulait suivre les traces de son père, mais Adam est tombé amoureux d’elle et elle a fini par abandonner ses études pour se marier. Son mari est un promoteur immobilier aux dents longues qui profite des lois raciales pour s’enrichir en louant des espaces minuscules dans des immeubles insalubres aux Noirs, lorsqu’elle le comprend, Violet le quitte et craint à raison qu’il ait mis des tueurs de la mafia sur ses traces.
La deuxième partie est plus historique et politique, elle raconte principalement la semaine de protestation des pacifistes à Chicago lors de la Convention démocrate de 1968 et la répression sanglante instituée par Richard Daley, le maire de la ville.
Paris qui se remet lentement de la deuxième guerre mondiale et son monde ouvert représentent l’espoir et la vie. On y joue du jazz, c’est la grande époque de St Germain des prés, un monde aujourd’hui disparu et raconté de manière passionnante et très vivante par Gaëlle Nohant, j’ai beaucoup aimé ce voyage dans le temps. Malgré ses difficultés, Violet peut s’y reconstruire. Chicago est une ville partagée, il y a d’un côté les riches, les puissants, incarnés par Adam (le mari) puis par le maire Daley et de l’autre les Noirs opprimés depuis toujours. Ils fuient le Sud mais trouvent une autre forme de ségrégation dans le nord. Chicago est ville violente construite sur le sang des hommes et des bêtes. Plus tard les pacifistes seront aussi violemment combattus par l’élite dirigeante. Le roman est très documenté et son sujet tout à fait passionnant. Si l’époque de Kennedy est bien connue, les années qui suivent le sont moins . On a souvent l’image d’un mai 68 plutôt folklorique, la protestation aux USA n’a rien de farfelu et sympathique. Ce roman remet aussi en question la vision des USA pays de la démocratie et de la liberté. Ils n’entrent jamais en guerre par altruisme mais pour conquérir de nouveaux territoires et devenir une grande puissance. La deuxième guerre mondiale leur a permis de tourner la page de la Grande Dépression. L’époque contée dans ce roman éclaire aussi la période actuelle : le racisme semble être dans l’ADN américain et est toujours aussi vivace, même s’il prend d’autres formes aujourd’hui. Je suis aussi étonnée par la violence de la répression et le non respect de droits élémentaires, mais en même temps, ce pays fait la moral aux autres.
J’ai beaucoup aimé ce livre que j’aurais dû lire depuis longtemps. Un grand merci à Netgalley et aux Editions Grasset pour ce coup de coeur.
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