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Citations de George Steiner (235)


Le commentaire est notre drogue. Comme des somnambules, nous sommes protégés du rayonnement, souvent dur et impérieux, de la présence nue par le bourdonnement soporifique du journaliste ou du théoricien. La beauté qui naît peut être "terrible"... (p.73)
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Connue avec la facilité qu'offrent les moyens électroniques de présentation, une bonne part de la musique et de la littérature demeure purement extérieure. La "consommation" remplace "l'ingestion". Le danger est que le texte ou la musique perdent ce que la physique appelle sa "masse critique", son pouvoir d'implosion au sein des chambres d'écho du moi. (p.30)
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Qu'il soit réaliste, fantastique, utopique ou satirique, l'univers que construit l'artiste s'affirme contre le monde tel qu'il est. Les moyens esthétiques représentent des interactions concentrées, sélectives entre les contraintes du monde observé et les possibilités sans borne de l'imagination. Un combinaison aussi intense d'observation et de spéculation est - toujours - une critique. Elle proclame que les choses peuvent être (ont été, seront) différentes. (p.31)
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Quels que soient l’intensité des griefs et le degré de macération de la discussion, la suprématie occidentale pendant deux millénaires et demi n’en demeure pas moins irrécusable. […] c’est un truisme, ou du moins ce devrait en être un, que le monde de Platon n’est pas celui des Chamans, que la physique de Galilée et de Newton ont rendu intelligible une grande partie de la réalité qui nous entoure, que les œuvres de Mozart vont plus loin que les battements de tambour et les clochettes javanaises, si émouvants et chargés de vieux rêves qu’ils puissent être. A cela s’ajoute que l’attitude même de remords et d’auto-accusation adoptée maintenant par de larges secteurs de la conscience occidentale est un autre phénomène culturel bien spécifique. Est-il d’autres races qui se soient tournées, dans un esprit de pénitence, vers leurs anciens esclaves ? D’autres civilisations qui aient désavoué, au nom de la morale, l’éclat de leur passé ? L’examen de conscience fondé sur des impératifs ethniques est, encore une fois, un acte proprement occidental et dans la lignée de Voltaire.
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Il n’est pas exclu que l’augmentation spectaculaire de la densité de population dans le nouveau milieu industriel urbain ait son rôle à jouer. Nous passons une grande partie de notre vie dans le coude à coude menaçant de la foule. L’espace vital, le besoin de s’isoler subissent la pression gigantesque du nombre. Il en résulte une tendance contraire à « dégager ». D’une part, la masse palpable de l’uniformité, les colonies d’insectes qui envahissent villes et plages rabaissent toute notion de valeur individuelle. Elles tuent le mystère irremplaçable de la présence. D’autre part, sentant notre identité mise en cause par le suffocant magma de l’anonyme, nous sommes saisis d’accès meurtriers, du désir aveugle de foncer pour faire de la place. Elias Canetti avance l’hypothèse curieuse que la réussite de l’holocauste fut liée à l’écroulement monétaire des années vingt. Les chiffres élevés ne conservaient plus qu’un fantôme de signification vaguement sinistre. Quand on a vu le pain ou les tickets d’autobus se vendre cent mille, un million puis un billion de marks, on perd tout sens de la démesure elle-même. Ces mêmes chiffres enveloppaient d’irréel la disparition et la liquidation de nations entières. Il est prouvé que les êtres humains sont mal faits pour vivre dans l’étouffante densité de la ruche industrielle urbaine. Au bout d’un siècle, l’accroissement du bruit, l’accélération des mouvements et des cadences de travail, la puissance multipliée de l’éclairage artificiel ont peut-être atteint un seuil pathologique et déclenché des instincts de dévastation.
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Le thème sur lequel je veux m’arrêter est celui de l’ennui. […] A l’usure des énergies dissipées dans la routine tandis que croît l’entropie. A des mouvements sans cesse repris qui, tout comme l’inactivité et pourvu qu’on les prolonge assez, empoisonnent le sang d’une torpeur acide. A une léthargie fébrile. A la nausée molle […] de celui qui rate une marche dans un escalier obscur. […] Le mot « spleen », tel que l’emploie Baudelaire, touche au plus près : il évoque la simultanéité –les similarités- d’une attente sans objet, exacerbée et vague, et d’une lassitude cotonneuse :

Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité, / Prend les proportions de l’immortalité.
-Désormais tu n’es plus, ô matière vivante !
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux ;
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.
Les Fleurs du mal, LXXVI.
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Rien ne surpasse d' " être un ami pour un ami ", suivant le mot radieux de Schiller.

p.17
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« Les livres indispensables nous accablent avec plus de force encore que la mort de l’aimé. Ce qu’ils ont en commun, ce qui rattache les rares exemples profanes au canonique, c’est bel et bien leur statut de textes sacrés, de convocation et d’assignation à l’humanité....
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La critique littéraire devrait naître d'une dette d'amour. Le poème, la pièce de théâtre, le roman, d'une manière évidente et pourtant mystérieuse, s'emparent de notre imagination.Quand nous refermons le livre nous ne sommes plus pareils à ce que nous étions quand nous l'avions ouvert.
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Nous avons tendance à oublier que les livres vulnérables, peuvent être supprimés ou détruits.
Ils ont leurs histoire comme toutes autre productions humaines, une histoire dont les débuts même contiennent en germe la possibilité, l'éventualité d'une fin.
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En tant que professeur pour qui la littérature, la philosophie, la musique, les arts sont la matière même de la vie, comment puis-je traduire cette nécessité pour moi, en lucidité morale, consciente des besoins humains, de l’injustice qui rend à ce point possible une si haute culture ? Les tours qui nous isolent sont plus solides que l’ivoire. Je ne connais pas de réponse satisfaisante à cette question.
Et cependant il faut en trouver une
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« L’érudit, le vrai lecteur, le faiseur de livres est saturé par l’intensité terrible de la fiction. Sa formation le prédispose à ne s’identifier de la manière la plus intense qu’aux réalités textuelles, qu’à la fiction. Cette éducation, cette attention portée à ses antennes et organes d’empathie – dont la portée n’est jamais infinie – peuvent le handicaper dans son rapport à ce que Freud appelle le « principe de réalité ».
C’est peut-être en ce sens, paradoxal, que le culte et la pratique des humanités, la fréquentation du livre à haute dose et l’étude sont des facteurs déshumanisants. Ils peuvent rendre plus difficile notre réponse active à une réalité politique et sociale prégnante, notre engagement total envers les réalités circonstancielles. Un petit vent froid d’inhumanité souffle dans la tour aux livres de Montaigne, sur les règles éditées par Yeats, que l’homme doit choisir entre la perfection de la vie et celle de l’œuvre
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Malgré la révolution électronique, […] il n’y a aucune certitude que le nombre de livres imprimés aux formats traditionnels diminue. Il semble même que le contraire se produise. Il y a, en réalité, une pléthore incroyable de nouveaux titres […] qui constitue peut-être la plus grande menace qui pèse sur le livre, sur la survie de librairies de qualité, avec suffisamment de place pour stocker les ouvrages et pouvoir répondre aux intérêts et aux besoins de tous, même de la minorité. » Les livres qui ne se vendent pas très vite et sont ignorés par la critique disparaissent rapidement. « Il n'y a tout simplement pas de place pour le mûrissement, le goût de l’exploration à quoi tant de grandes œuvres ont vu leur survie.
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George Steiner
je suis un juif janséniste.

Magazine littéraire, 2004
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Or, il y a ceci de particulier que vivre avec avec les livres, en écrire parfois , relève à la fois du travail, et du loisir, cet otium dont parlaient les anciens , cette sphère du loisir hors de laquelle il ne se passe tout simplement rien.
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Des études sont déjà parue pour rendre compte du fait que les enfants nourris de télévision et d'internet pouvait éventuellement manifester des troubles de la volonté, ou manquer des qualités requises pour apprendre à lire au sens ancien du terme.
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A Londres, un premier roman qui n'attrape pas immédiatement le vent de la faveur médiatique, ou n'est pas acclamé par la critique, est retourné a l'éditeur ou soldé dans la quinzaine. Il n'y a tout simplement pas de place pour le murissement, le gout de l'exploration, à quoi tant de grand œuvres ont du leur
survie
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La révolution électronique, l'avènement planétaire du traitement de texte, du calcul électronique, de l'interface représente bien plus une mutation que l'invention du caractère mobile à l'époque de Gutenberg.
Ce que l'on appelle réalité virtuelle pourrait bien altérer le fonctionnement habituel de la conscience.
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Les vraies périodes de temps loisibles, dont dépend toutes lectures sérieuse et responsable, sont devenue l'apanage, presque la spécificité des seuls universitaires et chercheurs. Nous tuons le temps, au lieu de nous sentir chez nous.
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Au fur et à mesure que la civilisation urbaine et industrielle assoit sa domination, le niveau de nuisance sonore connait une inflation exponentielle, qui confine aujourd'hui à la folie.
Pour les privilégies, à l'Age classique de la lecture, le silence est encore un denrée accessible dont le prix cependant ne cesse d'augmenter.
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