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Ghérasim Luca
La Sainte communion Le 8 mai j’avais quitté l’usine effiloché comme d’habitude couvert de poussière dans les rues coudoyant des messieurs en pelisses parmi de belles femmes fatigué et effiloché et un humide dégoût emplissait ma bouche cette belle dame m’avait perçu du haut de sa voiture j’étais un gars pas mal – le crachat ça ne se voit pas elle avait des cheveux ondulés et une voiture ma présence là noyée de poussière éveillait en elle un suave frisson sous ses bas et jusqu’à la porte de son appartement luxueux la voiture légère a roulé où travailles-tu me demanda-t-elle pendant qu’elle enlevait son manteau depuis quelques jours à l’usine de gaz tu es un gars bien bâti et assez beau tu pourrais mieux gagner depuis six mois et jusqu’à hier je ne mangeais qu’une fois tous les deux jours notre discussion pouvait se prolonger à l’infini mes paroles à moi sentaient le pain le gaz elle gazouillait comme un piano ouvert des paroles de romances à la mode et pourtant la manière virile dont ma chair s’arrondissait sur les os faisait que nous nous entendions à merveille l’heure est avancée, couchons-nous le lit sentait moelleusement le chaud et le propre la dame savait mieux faire l’amour que discourir et moi j’aimais ses cheveux parce que j’avais besoin de les tirer. Le matin elle me dit au revoir mon cher (il était 5 heures et à 6 l’usine ouvrait) nous nous reverrons ce soir à 8 nous dînerons ensemble auprès de mes paroles sentant le pain le gaz je conservais une bouche pleine de crachats elle la vit elle s’en effraya cette belle dame avec laquelle toute nuit je me suis promené dans l’amour et l’automobile – elle disparut à sa place fumait une vieille ridée, ses lunettes sur son nez qui lisait assidûment les Saintes Écritures. (Publié dans « Meridian » N° 11,1927, puis traduit du roumain par Micaela Slăvescu et cité dans « La Réhabilitation du rêve », p. 510-511) + Lire la suite |