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Citations de Henri Michaux (1642)


New York vu par un chien doit se baisser.


p.451
Face aux verrous - III. TRANCHES DE SAVOIR
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FILLE DE LA MONTAGNE / 1984
À Lokenath Bhattacharya.


Fille restée petite
sans fleurir
chapelet de jours
sans aurore

soignant les bêtes
dans un réduit sans air

rêvant fenêtres
une grande large fenêtre,
où les disparus
réapparaîtraient
pénitence terminée.

La saison de la feuillaison revenue
la voici au-dehors
menant les chèvres brouter

À nouveau sur les cimes, l'étrangère
immensités devant elle
immensités autour d'elle
grimpant
dévalant
remontant

Mais loin du pays de sa naissance
loin le Grand Continent
habité des dieux

Sur les hauteurs, les cieux sont proches,

de partout reviennent

Montagnes donnant courage aux courageux
persévérance aux persévérants
élévation à celles qui aspirent à l'élévation.

Espaces de toute sorte
reçus de toute part
toujours autres
un infini d'espaces
entretenant attirance, transports
attente . . .
attente . . .

p.1289-1290
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Au faite de lui-même, au sommet de sa forme, l'homme cherche à être culbuté. N'y tenant plus, il part pour la guerre et la Mort le soulage enfin.
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Poteaux d’angle


Une certaine araignée chaque matin fait dans la nature
et en tout lieu qui s’y prête une toile admirablement régu-
lière. Après ingestion d’un extrait de champignon halluci-
nogène — que par ruse on lui a fait prendre — elle
commence une toile dont petit à petit les spires ne se sui-
vent plus et partent de travers, et d’autant plus que la
quantité absorbée est plus considérable : une toile de folle.
Des parties s’affaissent, s’enroulent, Zygiella notata, c’est
son nom, ne s’arrête pas avant d’avoir obtenu la dimen-
sion habituelle mais, devenue incapable de suivre son plan,
un plan qui pourtant ne date pas d’hier, mais de dizaines
ou de centaines de siècles, passant intact et parfait de mère
en fille, elle commet des erreurs, des redoublements, ailleurs
laisse des trous, elle, si soigneuse, et passe outre. Les der-
nières spires sont un balbutiement, un vertige, c’est comme
si elle avait eu un éblouissement. Œuvre en ruine, ratée,
humaine.
Araignée si proche de toi maintenant. Nul sur la drogue
n’a plus justement, plus directement exprimé le trouble des
enchevêtrements. En frère, regarde ses ruines en fil. Mais
qu’a-t-elle donc vu, Zygiella ?”

p1062-1063
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La tristesse rembourse.
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Le monothéisme est une violence. L'Hindou même, qui croit à un Dieu, en admet plusieurs, il ne voudrait pas rétrécir quoi que ce soit : "Venez à moi", il médite les genoux ouverts.
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FACE AUX VERROUS
VIII. Adieux d'Anhimaharua


MORTE-MORONNE
J'étais désespérée. Est-ce que j'étais vraiment morte? Il
fallait le savoir à tout prix, même au prix de la plus grande
souffrance.
J'ai pris, j'ai ouvert le couteau à ouvrir les yeux...
Dieu! Comme on peut souffrir...
Mais attention, c'est, en plus, le couteau à changer le
caractère. Pourvu que je ne l'aie pas tourné par inadver-
tance... Les larves volantes passent sans cesse devant moi.
Morte-moronne, que peut-on contre elles ?
Reposer, dormir. Oh, non pas dormir. Assez de cauche-
mars. Qui mettra une cale derrière mes rêves terribles, afin
qu'ils ne reviennent plus ?

Comme vivantes nous sommes enviées. Comme mortes,
nous sommes tenues en suspicion. Ainsi sont les moronnes.
Pour me défendre, un glaive à mon flanc, un bon glaive,
un de ceux qui font les réputations, sachant couper le cou
des êtres faibles, qui ne sont pas sur leurs gardes. Mais
c'est un glaive qui meurt à la flamme d'une bougie.
Gare aux nuits, aux danses, aux réunions….

p.494-495
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Henri Michaux
SITUATIONS

Dans la situation, il y avait de l'effervescence.
Dans mon tempérament, il y avait sérénité.
Comment s'unir ?

Puis la situation changea.

Il y eut coagulation et appel à la coagulation.

Là aussi, notre incompatibilité.
Mon noyau est dur, j'aime qu'il soit dur.
Cependant la vie suivait son inexorable chemin, court et réglé.

Puis il y eut une situation à touffes (et à fleurs).
Cela non plus ne me convenait et toujours le temps passait.

Enfin ces époques passées et bien d'autres encore qui suivirent, une situation se trouva, et dans celle-là il y avait calme.

Mais depuis longtemps toute tranquillité ayant disparu de moi, hésitant à présent et agité, je ne la reconnus pas, ou la reconnus pour une vieille connaissance avec
laquelle on sait qu'il y a quelque chose qui ne va pas.

Ainsi la situation fut comme si elle n'avait pas été et disparut à son tour avant que je l'eusse épousée.

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En marge de « Plume »
ELLE, MON AMOUR QU'ON M'A PRIS


Emportez le cadavre
Et s'il vous plaît de la garder, gardez-le.
Pour moi, durant les longues années que je l'ai connue
Je formai d'elle à son insu une petite boule.
Je la garde
Je l'élèverai dans ma campagne
Et peut-être elle vivra.

p.676
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En marge d'« Épreuves, exorcismes »

PENDANT QUE TU PARLES


Sèche
sèche
qui me sèche
pince
qui me pince
larve, pour t'accomplir qui t'accroche
qui t'accroche
qui croche en moi
Lianes de balivernes autoritaires
toi-même tu te balaies
Petit tas d'os maigres qui lutte
droguée par tes nerfs
qui luttes
brisée par tes cordes
qui luttes
qui t'émiettes
qui m'émiettes
qui te fait mal
qui me fait mal
tu te jettes en battements
tu te jettes en broderies
tu te jettes en volutes
Je ne te suis pas
je ne t'écoute pas
je ne t'écoute éperdument pas
parlant des heures durant
la tête toujours un peu de côté
les propos toujours un peu de côté
et blême
et qui t'accroches
et qui t'accroches
cascade qui parle
et qui parle
et qui parle
et qui parle…

p.830
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II – poésie pour pouvoir

À TRAVERS MERS ET DÉSERTS


[…]
Efficace comme le traître qui se tient à
l'écart entouré de ses hommes prêts à
tuer
Efficace comme la nuit pour cacher les
objets
Efficace comme la chèvre pour produire des
chevreaux
Petits, petits, tout navrés déjà

Efficace comme la vipère
Efficace comme le couteau effilé pour faire
la plaie
Comme la rouille et l'urine pour l'entre-
tenir
Comme les chocs, les chutes et les secousses
pour l'agrandir
Efficace est mon action

Efficace comme le sourire de mépris pour
soulever dans la poitrine du méprisé
un océan de haine, qui jamais ne sera
asséché
Efficace comme le désert pour déshydrater
les corps et affermir les âmes
Efficace comme les mâchoires de l'hyène
pour mastiquer les membres mal
défendus des cadavres
EFFICACE
Efficace est mon action

p.27-28
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VIEILLESSE

Soirs ! Soirs ! Que de soirs pour un seul matin !
Îlots épars, corps de fonte, croûtes !
On s'étend mille dans son lit, fatal déréglage !

Vieillesse, veilleuse, souvenirs : arènes de la mélancolie !
Inutiles agrès, lent déséchafaudage !
Ainsi, déjà, l'on nous congédie !
Poussé ! Partir poussé !
Plomb de la descente, brume derrière...
Et le blême sillage de n'avoir pas pu Savoir.
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Quelque part, quelqu'un


…Quelqu’un, plus d’échelles que de pensées
Quelqu’un, pour lui le réveil est une pistache
Quelqu’un, pour lui le réveil est une tasse
Quelqu’un, pour lui l’éveil est une médecine
Quelqu’un, pour lui c’est une glaire
Quelqu’un, pour lui c’est un clou
Quelqu’un, pour lui le sommeil est un melon
Quelqu’un dort dans un lac. Tantôt dans un lac, tantôt dans une citerne
Quelqu’un dort dans une turbine; tantôt dans une turbine, tantôt dans un carrousel
Quelqu’un, il a un sommeil d’agneau
Quelqu’un est de ceux qui se plaisent à gratter un chat sous une bâche
Quelqu’un est de ceux qui n’ont que leur peur à mettre sous le crâne
Quelqu’un est de ceux qui ont cinquante fois vingt ans avant de vieillir…

p.29
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CHEZ LES HACS

Comme j’entrais dans ce village, je fus conduit par un bruit étrange vers une place pleine de monde au milieu de laquelle, sur une estrade, deux hommes presque nus, chaussés de lourds sabots de bois, solidement fixés, se battaient à mort.
Quoique loin d’assister pour la première fois à un spectacle sauvage, un malaise me prenait à entendre certains coups de sabots au corps, si sourds, souterrains.
Le public ne parlait pas, ne criait pas, mais uhuhait. Râles de passions complexes, ces plaintes inhumaines s’élevaient comme d’immenses tentures autour de ce combat bien « vache », où un homme allait mourir sans aucune grandeur.
Et ce qui arrive toujours arriva : un sabot dur et bête frappant une tête. Les nobles traits, comme sont même les plus ignobles, les traits de cette face étaient piétinés comme betterave sans importance. La langue à paroles tombe, tandis que le cerveau à l’intérieur ne mijote plus une pensée, et le cœur, faible marteau, à son tour reçoit des coups, mais quels coups !
Allons, il est bien mort à présent ! A l’autre donc la bourse et le contentement.
« Alors, me demanda mon voisin, que pensez-vous de cela ?
— Et vous ? dis-je, car il faut être prudent en ces pays.
— Eh bien ! reprit-il, c’est un spectacle, un spectacle parmi d’autres. Dans la tradition, il porte le numéro 24. »
Et sur ces paroles, il me salua cordialement.

p.11-12
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Nuits interminables! Une lumière argentée et comme indépendante de sa source semble descendre les coteaux, fluvialement, immensément, paternellement vers la rivière et les pêcheurs. Le rivière, elle-même féminine, adoucit les hommes et les soustrait à eux-mêmes. Enfin, vers une heure du matin, une vraie obscurité s'établit. En quelques minutes, il n'y a plus personne. Chacun est rentré chez soi.
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EXTRAIT DE PASSAGES
DESSINER L'ECOULEMENT DU TEMPS

… Au lieu d’une vision à l’exclusion des autres, j’eusse voulu dessiner les moments qui bout à bout font la vie, donner à voir la phrase intérieure, la phrase sans mots, corde qui infiniment se déroule sinueuse, et, dans l’intime, accompagne tout ce qui se présente du dehors comme du dedans.

Je voulais dessiner la conscience d’exister et l’écoulement du temps. Comme on se tâte le pouls. Ou encore, en plus restreint, ce qui apparaît lorsque, le soir venu, repasse (en plus court et en sourdine) le film impressionné qui a subi le jour.

Dessin cinématique.

Je tenais au mien, certes. Mais combien j’aurais eu plaisir à un tracé fait par d’autres que moi, à le parcourir comme une merveilleuse ficelle à nœuds et à secrets, où j’aurais eu leur vie à lire et tenu en main leur parcours.

Mon film à moi n’était guère plus qu’une ligne ou deux ou trois, faisant par-ci par-là rencontre de quelques autres, faisant buisson ici, enlacement là, plus loin livrant bataille, se roulant en pelote ou ― sentiments et monuments mêlés naturellement ― se dressant, fierté, orgueil, ou château ou tour … qu’on pouvait voir, qu’il me semblait qu’on aurait dû voir, mais qu’à vrai dire presque personne ne voyait.

p.309
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Toi, de ton côté, n'interromps jamais un rêveur. Comment ne te haïrait-il pas?
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La pensée avant d'être oeuvre est trajet.
N'aie pas honte de devoir passer par des lieux fâcheux, indignes, apparemment pas faits pour toi. Celui qui pour garder sa "noblesse" les évitera, son savoir aura toujours l'air d'être resté à mi-distance.
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Garde ta mauvaise mémoire. Elle a sa raison d'être, sans doute

Faute de soleil, sache mûrir dans la glace.
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DANS LA NUIT

Dans la nuit
Dans la nuit
Je me suis uni à la nuit
A la nuit sans limites
A la nuit.

Mienne, belle, mienne.

Nuit
Nuit de naissance
Qui m'emplit de mon cri
De mes épis.
Toi qui m'envahis
Qui fais houle houle
Qui fais houle tout autour
Et fumes, es fort dense
Et mugis
Es la nuit.
Nuit qui gît, nuit implacable.
Et sa fanfare, et sa plage
Sa plage en haut, sa plage partout,
Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie sous lui
Sous lui, sous plus ténu qu'un fil
Sous la nuit
La Nuit.
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