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Citations de Henri Michaux (1638)


[L'aliéné] réalise la métaphore, il se laisse fasciner par elle. Martyr d'une analogie trop sentie, trop subie. Il ne sait pas se retenir, ce que savent si bien les poètes de profession qui passent de l'une à l'autre. Lui, il est dans le profond caveau d'une seule.
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NAISSANCE


Pon naquit d’un œuf, puis il naquit d’une morue et en naissant la fit éclater, puis il naquit d’un soulier ; par bipartition, le soulier plus petit à gauche, et lui à droite, puis il naquit d’une feuille de rhubarbe, en même temps qu'un renard ; le renard et lui se regardèrent un instant puis filèrent chacun de leur côté. Ensuite il naquit d'un cafard, d'un œil de langouste, d'une carafe ; d'une otarie et il lui sortit par les moustaches, d'un têtard et il lui sortit du derrière, d'une jument et il lui sortit par les naseaux, puis il versait des larmes en cherchant les mamelles, car il ne venait au monde que pour téter. Puis il naquit d'un trombone et le trombone le nourrit pendant treize mois, puis il fut sevré et confié au sable qui s'étendait partout, car c'était le désert. Et seul le fils du trombone peut se nourrir dans le désert, seul avec le chameau. Puis il naquit d'une femme et il fut grandement étonné, et réfléchissant sur son sein, il suçotait, il crachotait, il ne savait plus quoi ; il remarqua ensuite que c'était une femme, quoique personne ne lui eût jamais fait la moindre allusion à ce sujet ; il commençait à lever la tête, tout seul, à la regarder d'un petit œil perspicace, mais la perspicacité n'était qu'une lueur, l'étonnement était bien plus grand et, vu son âge, son grand plaisir était quand même de faire glou glou glou, et de se rencoigner sur le sein, vitre exquise, et de suçoter…

p.124-125

Extraits PLUME précédé de LOINTAIN INTÉRIEUR, Nouvelle édition revue et corrigée, GALLIMARD 1963
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LA STATUE ET MOI


À mes moments perdus, j'apprends à marcher à une statue. Étant donné son immobilité exagérément prolongée, ce n'est pas facile. Ni pour elle. Ni pour moi. Grande distance nous sépare, je m'en rends compte. Je ne suis pas assez sot pour ne pas m'en rendre compte.

Mais on ne peut avoir toutes les bonnes cartes dans son jeu. Or donc, en avant.

Ce qui importe, c'est que son premier pas soit bon. Tout pour elle est dans ce premier pas. Je le sais. Je ne le sais que trop. De là, mon angoisse. Je m'exerce en conséquence. Je m'exerce comme jamais je ne fis.

Me plaçant près d'elle de façon strictement parallèle, le pied comme elle levé et raide comme un piquet enfoncé en terre.

Hélas, ce n'est jamais exactement pareil. Ou le pied, ou la cambrure ou le port, ou le style, il y a toujours quelque chose de manqué et le départ tant attendu ne peut avoir lieu.

C'est pourquoi j'en suis venu presque à ne plus pouvoir marcher moi-même, envahi d'une rigidité, pourtant toute d'élan, et mon corps fasciné me fait peur et ne me conduit plus nulle part.

p.60-61
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X LIEUX, MOMENTS, TRAVERSÉES
DU TEMPS

À Micheline Phankim


…Flux, flux sans fin repoussant les restrictions, les
délimitations, plénifiant, plénifiant, mausolée qui
en plus coulerait. Sur ondes proposées, ondes
de moi, ondes de soi, ondes voyageant sur des
ondes.

Moments, moments sans route, sans à-côté,
sans revenir, sans se réunir, filants, indépendants.

Un moment tige, un moment désarmé, un
moment tout en prise passe. Un moment précède,
in moment se précipite, un moment appelle,
l'écho d'un moment.

Un moment repasse, abandonne, s'aligne, un
moment après, un moment s'enfonce, un moment
parent, un moment à revoir.
Un moment encore.

p.114

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Henri Michaux
Tu t'en vas sans moi, ma vie.
Tu roules.
Et moi j'attends encore de faire un pas.
Tu portes ailleurs la bataille.
Tu me désertes ainsi.
Je ne t'ai jamais suivie.
Je ne vois pas clair dans tes offres.
Le petit peu que je veux jamais tu ne l'apportes.
A cause de ce manque, j'aspire à tant.
A tant de choses, à presque l'infini...
A cause de ce peu qui manque, que jamais tu n'apportes.
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Henri Michaux
L’enfant sait ce qu’il en est de l’infini : il en vient.
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Ne me laissez pas pour mort, parce que les journaux auront annoncé que je n'y suis plus. Je me ferai plus humble que je ne suis maintenant. Il le faudra bien. Je compte sur toi, lecteur, sur toi qui me vas lire, quelque jour, sur toi lectrice. Ne me laisse pas seul avec les morts comme un soldat sur le front qui ne reçoit pas de lettres. Choisis-moi parmi eux, pour ma grande anxiété et mon grand désir. Parle-moi alors, je t'en prie, j'y compte.
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PHOTO (EN NOIR) D’UNE BEAUTE CREOLE

Visage plen de charme.
Il regarde, regarde encore, et tout à coup la voilà qui vit devant lui. Cependant qu’il la contemple sans pouvoir en détacher les regards, elle se livre au plaisir de vivre avec lui, de vivre pour lui, de le séduire comme si elle-même en coup de foudre avait été par lui séduite. Par de petits mouvements subtils, presque imperceptibles, elle lui parle le langage des yeux (et du cœur). Sans paroles, sans la plus vague indication de paroles, ses lèvres aussi à un moindre degré, de façon infiniment discrète, par de fines moues de désirs et de reproches expriment les sentiments intimes d’une personne possédée d’amour. Successivement elle sourit, elle stimule, elle taille, « elle fait des grâces », des reproches, des promesses, donne des encouragements et persuade et s’attriste, caressante, voluptueuse puis sentimentale, mélancolique, espiègle, joueuse, tentatrice, cruelle surtout amoureuse possédée de la transe qui la plonge en lui...
Visage également sans couleurs. Aucun bruit. Ou un bruit de fond extrêmement faible.

(Inutile de dire combien la jeune fille choisie pour ce rôle doit avoir les yeux expressifs et capables de séduction.)
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Aventure peu recherchée, quoique pour tous. Tous peuvent lire un tableau, ont matière à y trouver (et à des mois de distance matières nouvelles), tous, les respectueux, les généreux, les insolents, les fidèles à leur tête, les perdus dans leur sang, les labos à pipette, ceux pour qui un trait est comme un saumon à tirer de l’eau, et tout chien rencontré, chien à mettre sur la table d’opération en vue d’étudier ses réflexes, ceux qui préfèrent jouer avec le chien, le connaitre en s’y reconnaissant, ceux qui dans autrui ne font jamais ripaille que d’eux-mêmes, enfin ceux qui voient surtout la Grande Marée, porteuse à la fois de la peinture, du peintre, du pays, du climat, de l'époque entière et de ses facteurs, des événements encore sourds et d'autres qui déjà se mettent à sonner furieusement de la cloche.
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Images du monde visionnaire


Vision 6

 Bulles de savon envoyées en l'air. On ne voit qu'elles, non
celui ou cela qui les lance. Irisées, admirables, au vol incertain.

 Une surface d'eau calme, légèrement ondulante. On entend
les cris légers d'une poule d'eau dans les roseaux et le bruit de
l'eau venant clapoter contre le fond d'une barque amarrée.

 Un pêcheur placidement surveille le bouchon de sa ligne.
En rejetant sa ligne à l'eau de grands cercles se forment, mais
ils ne s'atténuent pas. Ils augmentent, se développent. L'eau
se creuse. Son bruit se fait bizarre. Le bruit augmente. Sou-
dain apparaît un hors bord chassant de grandes franges
d'écume et d'eau éblouissante, tirant après lui un skieur nau-
tique virevoltant, qui s'approche et tout à coup c'est lui, le
sujet, qui est dessus entraîné à toute vitesse, traversant des
tourbillons faisant un parcours à lui couper le souffle. Soudain
tout s'évanouit.

 Il reste une eau parfaitement calme et un petit bateau (cha-
loupe ou pirogue) à bec de canard passe lentement, un peu
de style solennel, grotesque, d'une ancienne pirogue d'apparat
maori.

 Il se retrouve dans un jardin beau, paradisiaque, aux fleurs
aux couleurs intenses. Végétation inattendue, belle. Il y a un
bruit d'eau mais fin, distingué, pur comme le son du cristal. Il
vient en effet d'un tout petit bassin sur lequel tombe l'eau
d'un mince mais assez haut jet d'eau. Extase.

 Variante : il fume une pipe d'où sortent de petits anges ou
des djinns qui se répandent dans l'herbe.

 Variante : Dans une pouponnière des centaines de bébés
horribles, côte à côte, plusieurs atteints de jaunisse….

p.242-243
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En rêve, il semble que je n'ai toujours pas appris que je prends de l'âge. Je ne sais pas quel âge j'ai. Aucune référence à ce sujet, et ainsi suis-je ordinairement à mon réveil, sans âge. Toutefois, pas enfant, et plus qu'adolescent. Ce n'est pas plus précis. Il faut que je m'enfonce dans la journée, pour faire les nécessaires rectifications.
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A Jean Paulhan

Novembre 1934

(...) Maintenant la photo. C'est extraordinaire, cette manie des photos. J'ai écrit pour qu'on puisse justement se passer d'une photo de moi. Me suis-je assez montré ! Eh bien qu'Est-ce qu'il leur faut encore ?
Je vais justement faire faire une radioscopie de mes poumons, car ça ne va pas fort là-dedans.
Je la lui enverrai, et un agrandissement de mon nombril. Soyez tranquille, c'est présentable, le cordon ne pend plus. On l'a coupé proprement, en temps voulu. (p. 32)
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En somme, je cherche un rôle pour continuer plausiblement et en moins pénible le roman que je suis tenu de vivre et que je ne suis pas maître d'arrêter. (D'autres fois, simplement, j'attends que "cela passe.")
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Dans un pays sans eau, que faire de la soif ?
De la fierté.
Si le peuple en est capable.


Poteaux d'angles, p.1044
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Face aux verrous
IX. L'étranger parle


Agir plutôt que subir.. Nous ne laissons pas tranquille
le Passé, le dangereux passé, qui se prépare insidieusement
ou éruptivement à faire de l'avenir. Nous le torturons et
nous nous torturons nous-mêmes afin de le modifier, de
façon que tout aille sinon bien, du moins cureté du mal
qui s'avançait vers nous.
Non, nous ne nous laisserons pas palissader sans rien
faire. Nous avons une machine à faire des remous dans le
Passé. Pas n'importe lesquels, n'importe quand. Ce pour-
rait être terrible. Nous ne prendrions pas ce risque, sûre-
ment pas.
Du haut de notre Mirador, nous observons l'effet, le
premier effet, attentifs, décidés. Même bon, on ne le laisse
pas aller, on le tient en « observation ». On est toute ten-
sion. Incomparable émotion de l'ordre que nous appré-
cions le plus, celles des « conduites ».

p.504
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Face aux verrous
VIII. Adieux d'Anhimaharua

L’IMPOSSIBLE RETOUR (EXTRAIT)


... et toujours on me retenait et je ne pouvais rentrer
dans ma patrie. On me tirait par mon manteau, on pesait
sur mes plis.
... et toujours on me retenait. Les habitants étaient
petits. Les habitants étaient sourds.

Il fallait faire la file. Il fallait ne pas se tromper de file. Il
fallait, au-delà des passages ouverts, se retrouver dans le
bon tronçon de la file disloquée, parmi les tronçons sans
fin d’autres files qui se croisaient, s’entrecroisaient, se
contournaient.

Les habitants étaient nombreux, étaient extrêmement
nombreux. Il n’y avait pas d’emploi, il n’y avait pas d’en-
droit, il n’y avait pas de repos pour tous ces habitants. Le
flot des innombrables habitants sans cesse nourrissait
toutes les files.

Il fallait sans quitter sa place, envoyer un message en
avant. Il fallait envoyer un messager à l’avance. Il fallait
l’avoir envoyé à l’avance pour, au débouché de sa file, à
une heure, à un endroit précis qu’il fallait avoir prévu, se
trouver devant la place même qu’on avait retenue.

Les habitants étaient rusés, les habitants étaient calcula-
teurs, les habitants étaient glabres.
Il fallait avoir l’œil aux écriteaux, aux nouveaux écriteaux,
aux changements d’écriteaux. Il fallait avoir l’oreille aux
directives, aux directives modifiées, au retour aux pre-
mières directives.
Il fallait patienter. Il fallait se contraindre. Il fallait
accepter. Il fallait pouvoir tout recommencer. Il ne fallait
pas montrer d’impétuosité.

p.496
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ANNALES


Alors commença la grande guerre des statues. Ce fut
dans l'année du cheval de feu et il y eut grande immo-
lation. Jeune ni vieux ne pouvait retenir sa vie. Il fallut
la sacrifier.
Pour statue, pour statue immobile.
Tribus du feu écrasèrent tribus du chêne.
Tribus de la flèche écrasèrent pays de la houe.
Le monde était tout spasme. Ce furent les années, où ils
durent vivre leur vie.

p.798
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Il devait retenir son œil avec du mastic. Quand on en
est là…


p.457
Extrait : Face aux verrous, III. Tranches de savoir
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Et ils prirent encore mes éclairs.
Ils m'ont arraché mes ongles et mes dents.
Ils m'ont donné un œuf à couver.
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Henri Michaux
UN HOMME PERDU

En sortant, je m'égarai.
Il fut tout de suite trop tard pour reculer.
Je me trouvais au milieu d'une plaine. Et partout circulaient de grandes roues.
Leur taille était bien cent fois la mienne.
Et d'autres étaient plus grandes encore.
Pour moi, sans presque les regarder, je chuchotais à leur approche, doucement, comme à moi-même : " Roue, ne m'écrase pas…
Roue, je t'en supplie, ne m'écrase pas… Roue, de grâce, ne m'écrase pas.
" Elles arrivaient, arrachant un vent puissant, et repartaient. Je titubais.
Depuis des mois ainsi : " Roue, ne m'écrase pas… Roue, cette fois-ci, encore, ne m'écrase pas.
" Et personne n'intervient !
Et rien ne peut arrêter ça ! Je resterai là jusqu'à ma mort.

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