On peut être jeune mais avoir un vécu si chargé qu'il pèse lourd sur nos épaules. C'est le cas de Maya, une jeune américaine comme les autres, du moins en apparence. Elle a 19 ans, et vient d'arriver à Chiloé, une petite île chilienne. Sa grand-mère, sa Nini, a fait jouer ses contacts pour l'envoyer là-bas, mais Maya n'est pas là pour les vacances. Elle est là pour se reconstruire, pour rebâtir sa vie, pierre après pierre. Elle est là pour survivre.
Au fil des pages d'un cahier, Maya va nous raconter sa vie, ses démons et parcourir le chemin inverse, sorte d'introspection de sa vie, pour tirer des leçons de ses erreurs.
C'est un parcours de vie que nous offre l'auteure, celui d'une enfant qui va trébucher, tomber jusqu'à descendre aux enfers, celui d'une jeune femme, au seuil de l'âge adulte mais qui n'arrive pas à se grandir, celui d'une survivante, que l'amour des siens va prendre par la main et aider à remonter ce précipice jusqu'à amorcer un nouveau départ.
Certains passages sont très durs, l'enfer n'est pas pavé de mots doux et bienveillants. Il est comme la morsure des drogues dans lesquelles elle sombre, tranchant, coupant, destructeur. Les mots utilisés par Isabel Allende sont bouleversants d'intensité. Par moments, j'ai détesté Maya, réellement, je lui en voulais de ce comporter comme ça, de ne pas être capable de faire autrement, de blesser les siens... Je lui en voulais d'être égoïste, de se murer dans ce silence méprisant, de ne pas se rendre compte que tout acte a des conséquences. Mais en même temps, je l'ai aimée, parce qu'elle n'est qu'une jeune femme blessée, qui gère comme elle peut ses émotions alors que les adultes eux-mêmes ne gèrent pas les leurs face aux drames de la vie, elle évolue, change, se remet en question.
Dans son récit, Isabel Allende dresse le portrait de personnalités fortes et attachantes, non dénuées d'excentricité et d'humour d'ailleurs (le couple formé par sa Nini et son Popo est particulièrement touchant, tout comme le Club des Criminels), et nous entraîne discrètement dans l'histoire du Chili, toujours présente en toile de fond de ses écrits.
Le rythme décrit parfaitement les deux facettes du roman : rapide en ce qui concerne les Etats-Unis, effréné finalement comme sa descente aux enfers, et plus lent quand on se trouve à Chiloé, aussi lent que cette vie qui a le temps, aussi lent que cette prise de conscience, que cette reconstruction qui ne se fait pas d'un claquement de doigts.
La plume d'Isabel Allende est toujours un délice, élégante, poétique, brusque aussi parfois... Elle nous immerge dans ce roman de l'adolescence et nous confronte à ses maux, ses obstacles, ses faiblesses en nous rappelant de rester vigilant. Porter un regard sévère sur l'attitude des autres est facile, mais comprendre d'où vient leur failles l'est beaucoup moins.
Nous ne sommes qu'humains, et les affres de la vie n'attendent que de nous faire chanceler.
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