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Citations de Ivo Andric (202)


L’estomac en feu, le foie calciné, les nerfs détraqués, négligés et pas rasés, indifférents à tout et insupportables à eux-mêmes, les buveurs de rakia passaient ainsi le temps à boire et attendaient en buvant qu’embrase enfin leur conscience cette lumière magique dont la boisson illumine ceux qui s’abandonnent à elle, pour laquelle il est doux de se damner, de se ruiner et de mourir et qui, malheureusement, avec les années, se manifeste de plus en plus rarement et éclaire de plus en plus faiblement. 
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Cet enfant qui , au terme de grandes vacances a retrouvé en septembre le chef-lieu de la Bosnie, vient de passer en Quatrième dans l'un de nos lycées anciens et froids de type autrichien. Il rentre le coeur lourd, après ces longues journées d'été, faites de liberté, de jeux et d'oisiveté, que les enfants aiment tant.

" Le livre"
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Ainsi, sur la kapia, entre le ciel, la rivière et les collines on apprenait de génération en génération à ne pas regretter outre mesure ce que les eaux troubles emportaient. C'est là que l'on s'imprégnait de la philosophie innée des habitants de Visegrad : que la vie est un prodige incompréhensible, car elle s'use sans cesse et s'effrite, et pourtant dure et subsiste, inébranlable "comme le pont sur la Drina".
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La plupart d'entre eux sont encore réveillés. Ils sèchent leurs chaussettes russes à côté du feu, tressent leurs sandales ou tout simplement regardent la braise. Parmi eux se trouve un Monténégrin. Les hommes d'Abidaga l'ont arrêté sur la route et il est à la corvée depuis quelques jours déjà, bien qu'il ne cesse d'expliquer et de démontrer à tous que cela lui est extrêmement pénible et ne lui convient nullement, que ce dur labeur bafoue son honneur.
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Comme tous ceux qui ont eu beaucoup de malheur, ont vu mourir beaucoup de gens de leur entourage, et vivent à l'écart des autres et repliés sur eux-mêmes, elle comptait surtout, en toutes circonstances sur les puissances de l'au-delà et du monde invisible, dont elle se sentait très proche.
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Ivo Andric
- Ce qui surprenait les gens de la ville et les emplissait à la fois d’étonnement et de méfiance, ce n’était pas leur nombre que leurs incompréhensibles et interminables projets, l’activité débordante et la persévérance dont ils faisaient preuve pour mener à bien les tâches qu’ils entreprenaient. P 152
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En Bosnie, villes et bourgades sont pleines d'histoires. Et dans ces histoires pour la plupart imaginaires, sous le manteau d'événements incroyables et sous le masque d'appellations souvent fictives, se cache l'histoire réelle et non avouée de cette contrée, des hommes vivants et des générations éteintes. Ce sont de ces mensonges à l'orientale dont le proverbe turc affirme qu'ils sont "plus vrais que la vérité".
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Un homme qui n’aime pas est incapable d’imaginer la grandeur de l’amour des autres, la violence de leur jalousie et le danger qui se cache en elle
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Dans l'esprit du garçon naissaient ces pensées qui jamais ne nous viennent en ville; une somnolence irrésistible, dorée, de la lourdeur de plomb d'un épais gâteau de miel séché au soleil, par intervalles effaçait, recouvrait tout.

" L'excursion"
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Le nouveau pouvoir, grâce à son bon appareil administratif, réussissait, de façon indolore, sans agression et sans chocs, à soutirer au peuple des impôts et des contributions que les autorités turques lui extorquaient par des méthodes irrationnelles et brutales, ou tout simplement par le pillage; et il lui en soutirait au moins autant, sinon plus, mais plus rapidement et plus sûrement.
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Les gens craignaient le pouvoir, mais de la même façon qu'ils craignaient la maladie et la mort, et non comme ils redoutaient la malveillance, la misère et la violence.
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Je me sens faible et malade, la mauvaise humeur me ronge à l'intérieur et me fige à l'extérieur, je trouve à peine la force de m'acquitter des tâches indispensables, je me fatigue et me torture à tout observer autour de moi, à penser à tout, le regard pénétrant, rapide, implacable – qui sait s'il est juste – comme si je devais tout faire, être lié à tout, responsable de tout. Tiens, cet colline à moité nue, ses jardins vert foncé, cette terre aride et brûlée, pierreuse et grise, se dresse là, seule, à l'entrée de la ville, comme une sorte d'accusée, de coupable. C'est l'endroit le plus venté et improductif de Dubrovnik. Pas de grands arbres, pas de végétation abondante et diverse comme ailleurs, mais de maigres pins aux branches désespérément rabougries, pliées au rythme et dans la direction du vent du nord. Sombres sur ce cap rocailleux, toutes penchées dans la même direction, elles ressemblent à une dernière rafale, pétrifiée, du vent d'hier soir, une sorte de signe musical, le sifflement noir qui a cessé juste avant l'aube. Elles sont difformes et solides. Leur vie ne vaut pas grand-chose, mais elles ne connaissent pas la mort.
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Parmi tous ces vizirs, ils [les gens de Travnik] en avaient vu de toutes sortes : des sages, des humains, des indolents, des indifférents, des drôles, des corrompus, mais aussi de si durs et de si méchants que l’histoire, d’elle-même, passe sous silence le principal et le pire les concernant, de même que le peuple, par superstition, n’aime pas nommer par leur nom les maladies et autres maux.
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[A propos des Autrichiens]

Les passants s’arrêtaient et regardaient ces gens à l’œuvre, non pas comme les enfants aiment regarder ce que font les adultes, mais, au contraire, comme les adultes s’arrêtent un instant pour regarder les enfants jouer. En effet ce perpétuel besoin qu’avaient les étrangers de construire et de démolir, de creuser et de bâtir, de créer et de transformer, cette aspiration sans fin à prévoir l’action des éléments, à leur échapper ou à les vaincre, cela, ici, personne ne le comprenait ni ne l’appréciait. Au contraire, les gens de la ville, surtout les plus âgés, y voyaient un phénomène malsain et un signe de mauvais augure. Si cela avait dépendu d’eux, leur ville aurait ressemblé à toutes les autres petites bourgades orientales. Ce qui se fissurait, on le réparait ; ce qui penchait, on l’étayait ; mais en dehors de cela, personne ne se serait sans réel besoin et de façon planifiée, inventé du travail, nul n’aurait touché aux fondations des édifices ni changé l’aspect immuable de la ville.


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[...] ... C'était là, sur l'eau, élément mystérieux, changeant et puissant, que des générations de Travnikois naissaient et mouraient. C'était là qu'ils grandissaient, malingres et pâles, mais résistants et capables de tout supporter ; c'était là que vivaient, le Konak [= la résidence] du vizir sous les yeux, ces gens fiers, élancés, hautains, exigeants et avisés ; là qu'ils faisaient des affaires ou s'enrichissaient, ou restaient dans l'oisiveté et la misère, tous pleins de retenue et de méfiance, ne riant jamais tout haut mais sachant persifler, parlant peu mais aimant médire en chuchotant ; et c'est là qu'ils étaient enterrés, le moment venu, chacun dans sa religion et selon ses rites, dans des cimetières inondables, cédant la place à leur descendance faite à leur image.

C'est ainsi que les générations se succédaient et se transmettaient non seulement des particularités physiques et mentales, mais aussi la terre et la foi, non seulement un sens héréditaire de la mesure et des limites, la connaissance et l'art de distinguer chaque sentier, chaque portail et chaque chemin de traverse de leur ville embrouillée, mais aussi une aptitude innée à connaître le monde et les gens en général. C'est avec tout cela que les enfants de Travnik venaient au monde, mais plus que tout avec la fierté. La fierté, c'était pour eux une seconde nature, une force vive qui les suivait et les poussait toute leur vie, les marquant d'une empreinte particulière qui les distinguait des autres gens.

Leur fierté n'avait rien à voir avec la naïve suffisance des paysans enrichis ou des petits-bourgeois qui, satisfaits d'eux-mêmes, se rengorgent avec ostentation et se vantent tout haut. Leur fierté, au contraire, était tout intérieure ; plutôt un lourd héritage et une obligation astreignante envers soi-même, sa famille et sa ville ou, plus exactement, envers l'idée insigne, noble et incomparable qu'ils se faisaient d'eux-mêmes et de leur ville. ... [...]
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[...] ... Déjà, depuis que les Turcs s'étaient retirés de Hongrie, leurs relations avec les chrétiens étaient devenues plus tendues et plus complexes, et la situation en général s'était détériorée. Les combattants du grand empire, agas et spahis, qui avaient dû abandonner leurs riches propriétés dans les plaines fertiles de la Hongrie et revenir dans leur pays pauvre et exigu, étaient mécontents et en voulaient à tout ce qui était chrétien, augmentant en outre le nombre de bouches à nourrir, alors que le nombre de bras qui travaillaient restait le même. D'un autre côté, ces mêmes guerres du XVIIIème siècle, qui avaient obligé les Turcs à quitter les pays chrétiens voisins et à rentrer en Bosnie, suscitaient dans le petit peuple des chrétiens de folles espérances et ouvraient des horizons insoupçonnés jusque là, ce qui influait inévitablement entre le peuple et "ces messieurs les Turcs tout-puissants." Les deux camps, si tant est que l'on pût déjà parler de camps à ce stade de la lutte, se battaient chacun à sa façon et avec les moyens qui correspondaient aux circonstances et à l'époque. Les Turcs combattaient par la pression et la force, et les chrétiens par la patience, la ruse et la conspiration, ou du moins étaient-ils prêts à conspirer ; les Turcs pour préserver leur droit de vivre et leur manière de vivre, les chrétiens pour obtenir ce même droit. Le peuple se rendait compte qu'il supportait de moins en moins les Turcs, et les Turcs constataient avec amertume que le peuple relevait la tête et qu'il n'était plus ce qu'il était jadis. Conséquence de ces conflits d'intérêts, de croyances, d'aspirations et d'espoirs si contraires, un écheveau serré s'était créé, que les longues guerres turques avec Venise, l'Autriche et la Russie n'avaient fait qu'embrouiller et resserrer encore. En Bosnie, il y avait de moins en moins de place et de plus en plus de problèmes, les conflits étaient plus fréquents, la vie plus difficile, le désordre et l'incertitude plus grands. Le début du XIXème siècle avait apporté le soulèvement en Serbie, signe évident d'une nouvelle époque et de nouvelles façons de lutter. L'écheveau en Bosnie se resserrait et s'embrouillait encore davantage.

Cette rébellion en Serbie causait avec le temps de plus en plus de soucis et de problèmes, de dégâts, de dépenses et de pertes à toute la Bosnie turque y compris Travnik, plus au détriment cependant du vizir, des autorités et des autres villes bosniaques que des Turcs de Travnik eux-mêmes, lesquels considéraient qu'aucune guerre n'était assez grande ni assez importante pour qu'ils y prennent part en payant de leur argent ou de leur personne. Les Travnikois parlaient de l'"insurrection de Karadjordje" avec un dédain forcé, de même qu'ils trouvaient toujours un mot railleur pour l'armée que le vizir envoyait combattre la Serbie et que les administrateurs indécis et brouillés entre eux regroupaient lentement et dans le plus grand désordre dans les environs de Travnik. ... [...]
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"Le soleil se lève le matin pour que nous, les hommes, puissions voir autour de nous et vaquer à nos occupations, et il se couche le soir pour nous permettre de dormir et de nous reposer des efforts de la journée."
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Il valait cent fois mieux n’être personne et n’avoir rien !
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Maîtriser la peur chaque fois qu’elle se manifeste en nous est bien, beau, louable, mais c’est au fond une tâche ingrate, un combat sans espoir, car la peur est nettement supérieure à la force dont nous disposons pour nous opposer à elle en permanence et, au final, il arrive régulièrement que la force nous abandonne et que la peur persiste. Le danger véritable, majeur, n’est pas dans les périls qui, effectivement, nous menacent, mais dans la peur qui est en nous. 
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[…] ceux qui gouvernent et doivent opprimer les autres pour gouverner sont condamnés à agir selon la raison ; mais si, emportés par leur passion ou contraints par leurs adversaires, ils dépassent les limites des actes raisonnables, ils s’engagent sur une pente glissante et déterminent ainsi eux-mêmes le début de leur chute. Tandis que ceux qui sont opprimés et exploités ont aisément recours à la raison comme à la déraison, car elles ne sont que deux armes différentes dans la lutte, tantôt sournoise tantôt ouverte, qu’ils mènent sans fin contre l’oppresseur.
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