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Citations de J.M.G. Le Clézio (1811)


Il découvre que le médecin n'est qu'un autre acteur de la puissance coloniale
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A aucun autre endroit, je n'ai ressenti cette impression famille, de faire partie d'une cellule
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Lorsque j’ai commencé à fréquenter les salles de cinéma, à l’âge de seize ou dix-sept ans, je suis entré dans un cycle qui m’a apporté beaucoup de plaisir et d’émotions. C’était à Nice, qui à l’époque s’enorgueillissait de posséder cinquante salles de cinéma. Il y en avait pour tous les goûts, pour tous les prix, pour tous les quartiers. J’allais au cinéma jusqu’à deux ou trois fois par jour. On m’objectera qu’il fallait avoir les moyens. C’était une autre époque.
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Retrouver les traces, presque impossible. Ou bien rêver. Retourner au premier temps, quand l'ile était encore neuve. Neuve d'humains, au bout de millions d'années de pluie, de vent, de soleil.
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J’ai sorti de mon sac les papiers du trésor qui me restent encore, les cartes, les croquis, les cahiers de notes que j’ai écrits ici et à Rodrigues, et je les ai brûlés sur la plage. La vague qui passe sur le sable emporte les cendres. Maintenant, je sais que c’est ainsi qu’a fait le Corsaire après avoir retiré son trésor des cachettes du ravin, à l’Anse des Anglais. Il a tout détruit, tout jeté à la mer. Ainsi, après avoir vécu tant de tueries et tant de gloire, il est revenu sur ses pas et il a défait ce qu’il avait créé, pour être enfin libre. Sur la plage noire, je marche dans la direction de la Tournelle et je n’ai plus rien. (p. 332)
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(...) Je reste couché sur le sol, si longtemps que je suis devenu comme une pierre brûlante. Puis je suis dans la camionnette qui cahote et zigzague pour éviter les trous des bombes. Dans le lazaret, à Albert, le médecin ressemble à Camal Boudou. Il regarde ma température, il palpe mon ventre. Il dit: « Typhus ». Il ajoute (mais je crois que j’ai dû rêver cela): « Ce sont les poux qui gagnent les guerres ». (p. 270)
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Lalla Asma prenait toujours ma défense. Mais elle était vieille et fatiguée. Elle avait des jambes énormes, cousues de varices. Quand elle était lasse, ou qu'elle se plaignait, je lui disais : "Vous êtes malade, grand mère ?" Elle me faisait tenir bien droite devant elle et elle me regardait. Elle répétait le proverbe arabe qu'elle aimait bien, qu'elle disait un peu solennellement, comme si elle cherchait à chaque fois la bonne traduction en français :" La santé est une couronne sur la tête des gens bien portants, que seuls voient les malades."
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Yaya, elle, est restée là où elle appartenait. Elle n'a pas voyagé. Elle n'a pas construit sa vie. Seuls les grands dimounes peuvent vivre dans leur maison, au milieu de leurs souvenirs. Yaya, elle, n'a eu que le dehors. La hutte au bout du jardin, le petit carré où elle semait ses lalos et ses oignons, le feu sur lequel elle faisait cuire ses brèdes et son riz, ses gâteaux manioc. Un jour, elle est morte. Elle a disparu. Sur une autre photo, glissée par inadvertance, dans le copieux album de famille, elle est assise sur le même fauteuil de rotin, à l'ombre de la varangue, ses yeux éclaircis par la cataracte regardant droit devant elle, sans nous voir. A côté d'elle, il y a les enfants toujours, mon père, son frère, sa petite sœur. Les derniers qui se sont souvenus d'elle. Les derniers à l'avoir entendue chanter. [...] Un instant saisi dans un temps figé, qui n'existera plus. Qui connaît la tombe de Yaya ? Est-elle, elle aussi, comme son bébé mort en bas âge, sous la terre au fond du jardin, dans un endroit où personne ne va, près du petit bois de goyaves de Chine, un secret qui s'efface ?
Mais j'entends sa voix, portée par mon grand-père, reprise par ma grand-mère dans l'abri souterrain, pour traverser la guerre. Pour s'arrêter au bord de la rivière Taniers, encore une fois.
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Je suis bientôt prête. Je vais descendre rejoindre Vincent, je vais me laisser aller sur son regard comme un moucheron porté par un rayon de lumière. Je vais plonger dans les galeries, je vais frôler mes fantômes.
Peut-être qu'un jour cela s'arrêtera. Peut-être qu'un jour les êtres humains deviendront complètement, magnifiquement visibles. Renault, Aminata, la jeune fille aux cheveux noirs. La petite voleuse au visage cuit, la dame employée de bureau, la fille aux yeux pâles qui a perdu son bébé, le pickpocket qui voyage de rame en rame. Peut-être qu'un jour l'amour sera partout, recouvrira chaque instant de vie d'une poudre de diamant. Peut-être qu'il n'y aura plus de solitude.
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Avant de partir, elle a mis la main sur le front de la jeune fille, un geste léger et tendre, et sa bienveillance a rayonné dans toute la rue, sous les arcades, jusqu'au jardin de Babylone. Mais je crois que personne ne l'a vu, seulement moi et cette jeune fille perdue. Elle est partie dans l'ombre des arcades, sans se retourner, avec un mouvement lent des hanches, et sa longue robe jaune, vert et rouge brillait au milieu des passants, puis elle a disparu.
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Quand j’ai dit adieu à Laure, quand je lui ai parlé pour la première fois de mon voyage vers Rodrigues, elle m’a donné l’argent de ses économies pour m’aider à payer mo passage. Mais j’ai lu dans ses yeux cet éclair sombre, cette lumière de colère, qui disaient: nous ne nous reverrons peut-être plus jamais. Elle m’a dit adieu, et non au revoir, et elle n’a pas voulu m’accompagner jusqu’au port. Il a fallu tous ces jours en mer, cette lumière, cette brûlure du soleil et du vent, ces nuits, pour que je comprenne. Maintenant je sais que le "Zeta" m’emporte vers une aventure sans retour. (p. 162)
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Chaque soir, c’est comme un rite mystérieux que chacun observe. Personne ne parle. On écoute le bruit des vagues contre l’étrave, la vibration sourde des voiles et des cordages. Les marins comoriens s’agenouillent sur le pont, à l’avant du navire, pour faire leur prière vers le nord. Leurs voix me parviennent comme un murmure assourdi, mêlé au vent et à la mer. Jamais autant que ce soir, dans la mer transparente et pareille au ciel, je n’ai ressenti à ce point la beauté de cette prière, qui ne s’adresse nulle part, qui se perd dans l’immensité. (p. 134)
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Au fond du tombeau, sur la terre battue, le guide était étendu à plat ventre. Il touchait la terre avec ses mains, les bras allongés devant lui, ne faisant qu'un avec le sol. Il ne priait plus, à présent, il ne chantait plus. Il respirait lentement, la bouche contre la terre, écoutant le sang battre dans sa gorge et ses oreilles. C'était comme si quelque chose d'étranger entrait en lui, par sa bouche, par son front, par les paumes de ses mains et par son ventre, quelque chose qui allait loin au fond de lui et le changeait imperceptiblement. C'était le silence, peut-être, venu du désert, de la mer des dunes, des montagnes de pierre sous la clarté lunaire, ou bien des grandes plaines de sable rose où la lumière du soleil danse et trébuche comme un rideau de pluie ; le silence des trous d'eau verte, qui regardent le ciel comme des yeux, le silence du ciel sans nuages, sans oiseaux, où le vent est libre.

p.30
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Il connaissait toutes les étoiles, il leur donnait parfois des noms étranges, qui étaient comme des commencements d'histoires. Alors il montrait à Nour la route qu'ils suivraient le jour, comme si les lumières qui s'allumaient dans le ciel traçaient les chemins que doivent parcourir les hommes sur la terre. Il y avait tant d'étoiles ! La nuit du désert était pleine de ces feux qui palpitaient doucement, tandis que le vent passait et repassait comme un souffle. C'était un pays hors du temps, loin de l'histoire des hommes, peut-être, un pays où plus rien ne pouvait apparaître ou mourir, comme s'il s'était déjà séparé des autres pays, au sommet de l'existence terrestre.
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Ce sont les bruits et les odeurs qui manquent le plus à la mémoire, comme s'ils étaient les éléments les plus réels, la substance du temps perdu.
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La nuit est tombée d'un coup, noyant la vallée au-dessous de moi, effaçant la mer et les montagnes. C'est une nuit froide, minérale, sans bruits inutiles, avec seulement le vent sifflant dans les broussailles, le craquement des pierres qui se rétractent après la brûlure du jour, et, au loin, le grondement des vagues sur les récifs.
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Les garçons apprenaient à marcher, à parler, à chasser et à combattre, simplement pour apprendre à mourir sur le sable.
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Ici, sur ce port, avec les bouffées de fumée, l'odeur de poix, le pétrole lampant des braseros, la poussière qui lui piquait les yeux, Jean avait l'impression de voir avancer le monde, comme sous des nuages entraînés par un vent furieux, il sentait les soubresauts d'une histoire à laquelle il se sentait mêlé.
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Que dit-elle? Je ne sais plus. Le sens de ses paroles a disparu, comme les cris des oiseaux et la rumeur du vent de la mer. Seule reste la musique, douce, légère presque insaisissable, unie à la lumière sur le feuillage des arbres, à l'ombre de la varangue, au parfum du soir.
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Lullaby était pareille à un nuage, à un gaz, elle se mélangeait à ce qui l’entourait. Elle était pareil à l’odeur des pins chauffés par le soleil, sur les collines, pareille à l’odeur de l’herbe qui sent le miel. Elle était l’embrun des vagues où brille l’arc-en-ciel rapide. Elle était le vent, le souffle froid qui vient de la mer, le souffle chaud comme une haleine qui vient de la terre fermentée au pied des buissons. Elle était le sel, le sel qui brille comme le givre sur les vieux rochers, ou bien le sel de la mer, le sel lourd et âcre des ravins sous-marins.
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