Jean Frémon La Blancheur de la baleine éditions P.O.L où Jean Frémon tente de dire de quoi et comment est composé son nouveau livre "La Blancheur de la baleine" à l'occasion de sa parution aux éditions P.O.L et où il est notamment question de Michel Leiris, David Hockney, Emmanuel Hocquard, Bernard Noël, Alain Veinstein, Etel Adnan, Louise Bourgeois, Jannis Kounelis, Jacques Dupin, Claude Esteban, Samuel Beckett, Marcel Cohen, Jean- Claude Hemery, Jean- Louis Schefer, David Sylvester, Edmond Jabès à Paris le 2 février 2023
"Ce sont des écrivains, des peintres, des sculpteurs.
Aventuriers de l'impossible. Ce sont des bribes de leurs vies. Tous des chercheurs davantage que des trouveurs. J'ai eu le privilège de les côtoyer. Ce qu'ils poursuivent est ce qui toujours se dérobe. La grâce est une fieffée baleine blanche."
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L’aventure est étrange au fond des yeux.
Facteur Crésus
"Tu n'existes qu'au singulier
Je ne vis que pour t'attendre
Et je t'aime, à une lettre près
Où sont tes jambes véloces
Ton vélo aux rayons voilés
Qui faisaient le tour de la Terre
Avant d'éclater de joie...."
Dans la chambre des enfants tout est simple, et poignant. La fenêtre est ouverte. Elle bat, elle respire. L'eau de la pluie ruisselle sur les marches. Il faudrait d'autres paroles pour éponger une eau-mère si amère. D'autres musiques pour danser. Devant la fenêtre ouverte, transportée.
Les fleurs lorsqu'elles ne sont plus
leur fraîcheur gravit
d'autres montagnes d'air
et la volupté de respirer s'affine
entre les doigts qui tardent à se fermer
sur un outil impondérable
Là-bas c'est lui qui disparaît
sillon rapide, à l'aube, avant leur blessure
pour qu'elles s'ajoutent à d'autres liens,
fleurs, jusqu'à l'obscurité
lui, venu du froid et tourné vers le froid
comme toutes les routes qui surgissent...
(extrait de " Proximité du murmure ").
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La nuit grandissante
Malgré l'étoile fraîchement meurtrie
qui bifurque
— c'est sa seule cruauté le battement
de ma phrase qui s'obscurcit
et se dénoue —
il est encore capable, lui, de soutenir
la proximité du murmure
p.141
Bonheur de vivre à l’affût
d’être touché par l’infime.
Ouverte en peu de mots,
comme par un remous, dans quelque mur,
une embrasure, pas même une fenêtre
pour maintenir à bout de bras
cette contrée de nuit où le chemin se perd,
à bout de forces une parole nue.
(extrait de " La nuit grandissante " in " L'Embrasure ").
.
La pensée vivante qui s'élance d'un roncier mortel provoque l'élongation et la maigreur des figures. Elles ont perdu leur excès de graisse dans le feu qui les redresse. La terre froide découvre et révèle sa forme par la chaleur des mains qui la façonnent. Et le brouillard gris de la toile balayée laisse apparaître les traits saillants de la tête creusée dans le roc.
Ecrire en se gardant du spéculaire, du simulacre . de la déflagration . du glissement... autour des yeux, au fond de l'oeil, hors de portée du regard... écrire étant la traversée du souffle, l'impossible traversée... étant l'impossible...
Fragmes, "extrait"
LA LUMIÈRE N'EST PAS CONÇUE
Rien que pour toi, racine, pour toi, cyclone fourvoyé
dans cette strate du langage, le poète a favorisé I'épais-
sissement limoneux du sommeil où tu te ramifies. Le
livre dont il est l'otage et le garant, le livre incompulsé,
le livre intermittent, tourne sans hâte sur ses gonds dans
la terre, et chaque page à ton attouchement prend feu, et
sa substance se confond avec, le surcroît de ta sève, avec
le progrès de son sang.
Perfectibilité du vide, racine de l'amour. Cette équa-
tion, je l'ai vaincue avec un océan de terre ameublie par
mon souffle.
p.73