James Lovegrove

Même s’il ne montrait jamais le moindre intérêt romantique pour le beau sexe – pas même pour Irène Adler, cette ensorcelante Némésis qu’il admirait tant –, mon ami était d’une inébranlable galanterie avec les femmes. Les damoiselles en détresse faisaient vibrer sa fibre chevaleresque.

— On peut débarrasser son esprit de locataires indésirables en l’occupant à quelque chose de plus concret.

Il faut remercier le seigneur et les fabricants d’armes à feu, car nos armes réussissaient à venir à bout de ces monstres. Sinon, aucun d’entre nous n’aurait pu parvenir ne fût-ce qu’à mi-chemin de l’escarpement. Un coup de fusil ou de revolver bien placé suffisait à arrêter net nos squameux assaillants. Sur ce point, ils étaient aussi vulnérables que n’importe quel être vivant.

— Et pourtant, vous éprouvez toujours envers nous une rancœur frémissante. D’où vos fumeries d’opium. C’est votre petite vengeance contre l’Empire Britannique.

— Me jetterez-vous la pierre ? Quand je vois un Anglais abaissé par son addiction à l’opium, détruit par le besoin, dépensant tout ce qu’il a jusqu’à ne plus rien posséder que la chemise qu’il porte sur le dos, avili par la drogue même qui a plongé dans la misère la terre où je suis né, ne pouvez-vous m’accorder, fût-ce à contrecœur, un secret sourire de satisfaction ?

Aussi la Grande-Bretagne n’aurait-elle pas dû être surprise lorsque, la Chine ayant décidé qu’elle en avait assez, l’empereur agit en confisquant, pour les détruire, de vastes quantités de drogue. La Grande-Bretagne répliqua avec ses canonnières. La mèche des deux guerres de l’Opium était allumée.

— En la matière, vous êtes un produit typique de votre époque et de votre milieu. Le Victorien par excellence. Pour vous et vos semblables, tout s’explique. On peut tout rationaliser par la logique et la science. Tout doit s’incliner face à la puissance de l’industrie, aux miracles de la technologie et à la marche du progrès. Vous autres Britanniques avez bâti un empire fondé sur l’empirisme. Vous faites semblant de croire à la religion et aux mystères divins, mais ce que vous vénérez vraiment, ce sont les faits purs et durs. Vous regardez vers le haut avec vos télescopes, vers le bas avec vos microscopes, et c’est là, dans l’espace et les gouttes d’eau, dans les étoiles et les bactéries, que vous trouvez Dieu.
— Joli sermon.

— Élémentaire, mon cher Watson, dit Holmes. (C’était la première et la dernière fois que je l’entendais prononcer cette phrase aujourd’hui célèbre).

Autre fait troublant, le visage des victimes est systématiquement figé dans une expression qui, aux dires de plus d’un témoin, traduit une "extrême terreur".

On n’a établi aucun lien entre les victimes en dehors de leur état d’important décharnement.

— Je n’aurais pas cru que vous étiez homme à lire ce genre de sornettes, M. Holmes. Ces journaux s’adressent au fond du panier, à un lectorat irrémédiablement assoiffé de sang et de scandale.

— Et cependant, Police News, Famous Crimes, Police Budget et leurs semblables s’avèrent une ressource inestimable pour quelqu’un comme moi. Ils couvrent les crimes et méfaits que les périodiques plus intellectuels ont tendance à fuir. De bien des manières, ils brossent un portrait plus authentique de la vie britannique – violente, fruste, parfois scandaleuse – que les quotidiens grand format. En tout cas, pour un penny par semaine, c’est un investissement que je suis disposé à faire. Ouvrez en page deux, si vous le voulez bien, et lisez le deuxième article important.

N’est pas mort ce qui à jamais dort,
Et au fil des âges peut mourir même la mort.

Gregson nodded with feeling. "Sometimes I fancy that everyone else is sleepwalking through their lives, and we are the only ones awake. Even Mrs Gregson does not know about any of this, though I hate to keep anything from her. Equally, because I love my wife, I prefer that she remains oblivious, for her own peace of mind. It isn't just the monsters that infest this city and its environs; that is bad enough. It is the other things. The 'gods'."

It was early one morning in the spring of 1895, and Sherlock Holmes and I were, as usual, running for our lives.

L'heure de lecture. La dernière de la journée. Celle où, après s'être imbibés de connaissances nouvelles, les élèves – et le professeur – pouvaient se détendre un peu. Depuis sa position dominante, Fen examina ces garçons et ces filles à la mine concentrée. Plus ils étaient jeunes, plus ils plissaient le front. Retour au calme, à la normale. Le silence ou presque. Quelques froufrous de vêtements. L'un renifle, l'autre toussote, se gratte un peu. Le ballet des pages qu'on tourne. Et puis, ces mouches qui continuent de foncer tête baissée sur la vitre.

Il se rend alors compte qu'il tient la mort entre ses mains. Qu'il détient un pouvoir insensé : celui de toucher cet homme à distance, de le changer, de lui faire abandonner son statut d'être humain pour celui d'amas de viande anonyme. C'est effrayant et excitant à la fois. Excitant parce qu'effrayant, effrayant parce qu'excitant.

Il importe peu que l’animal acheté fasse partie d’une espèce protégée ou, au contraire, soit aussi commun qu’un pou. Ce qui compte, c’est la satisfaction du client.

Les pays qui fournissent le magasin en matières premières et en produits manufacturés à bon marché sont aussi ceux qui, par une coïncidence malheureuse, interprètent avec le plus de liberté le mot "démocratie", et les frères rechignent à montrer du doigt les dictatures et autres juntes militaires qui les aident à faire des bénéfices. Les protecteurs des animaux, les défenseurs de l'environnement, les groupes de pression oeuvrant en faveur d'un désarmement généralisé sont immédiatement taxés de sensiblerie politique déplacée. Restent les handicapés, le mécénat artistique et le financement de vacances à la campagne pour les gamins des quartiers défavorisés, oeuvres qui, en plus d'augmenter le prestige de l'entreprise, lui permettront d'obtenir des réductions d'impôts appréciables.

Elle pourrait passer le restant de sa vie ici. L'abondance extrême, des marchandises, le respect avec lequel on la traite sans même la connaître,le sentiment d'être ( presque ) sur une pied d'égalité avec les grands de ce monde rendent, en comparaison, le monde extérieur bien terne et peu accueillant.Le magasin est si raffiné, si ordonné que le reste de la ville ne lui arrive pas à la cheville. Quelque part, dans les tréfonds de sa conscience, Linda vient de comprendre que sa place est ici et pas à l'extérieur, qu'elle a enfin trouvé son havre. Elle a l'impression d'être un petit oiseau arrivé à destination après une longue et éprouvante migration.

La voiture gronde dans la rue. Linda passe la tête par la fenêtre ouverte pour respirer un peu d'air frais, mais surtout pour laisser aux voisins une dernière chance de l'apercevoir. Elle est tellement excitée qu'elle a du mal à réfléchir posément. Days ! Ils vont chez Days ! Jamais elle ne s'est sentie aussi bien en trente et une année d'expérience. Pas même le jour de son mariage. Oh ! Elle devait pourtant être heureuse ce jour-là... Mais probablement tait-elle également trop nerveuse et tenaillée pas le doute pour en profiter pleinement. Contrairement à aujourd'hui, où elle est envahie par la délicieuse sensation d'être en train de faire ce qu'elle souhaite par-dessus tout.
Évidemment que c'est ce qu'elle veut ! Depuis qu'elle est toute petite elle rêve d'avoir un compte chez Days. Sa mère lui riait au nez lorsqu'elle lui assenait avec une convention absolue et inébranlable qu'un jour elle entrerai dans le premier et ( assurément ) le plus beau gigastore du monde avec une carte à son nom à la main.

N'est pas mort ce qui à jamais dort, et au fil des âges peut mourir même la mort

C’est là que la neige s’avère un merveilleux assistant pour l’enquêteur. Dans certaines circonstances, elle offre une abondance d’indices en conservant l’empreinte de tout ce qui se pose à sa surface, même si le poids est des plus minimes.