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Citations de Jean Dutourd (208)


Des liaisons peuvent durer longtemps malgré les malentendus qui les dégradent, grâce à la présence des partenaires; elle les dissimule, elle les noie dans le courant de la vie; passant de longs moments ensemble, causant, partageant de petits sentiments ou de petits espoirs, chacun voit en l'autre une quantité de nuances qui attachent et ce qui, dans un être, nourrit l'amour ou l'amitié, c'est la complexité. Le pouvoir destructeur de l'absence tient à ce que l'on cesse d'avoir cette complexité sous les yeux, que peu à peu les traits se simplifient et que l'on ne trouve plus, un jour, dans son souvenir qu'un schéma vulgaire, une caricature où deux où trois caractéristiques sont grossies jusqu'au ridicule ou à la laideur.
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Jean Dutourd
La lecture est un bain de jouvence ,ceux qui la négligent vieillissent plus vite .
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Cocteau prononça un discours de réception très brillant, plein de formules poétiques ou bizarre. Après avoir comparé la Coupole à quelque grotte marine enchantée, il s'écria, contemplant ses nouveaux confrères dans leurs habits brodés: "Vous êtes ici, messieurs, quarante sirène à la queue verte !
- Il sera bien déçu", chuchota le professeur Mondor à son voisin.
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(sous l'occupation), Paris, à sept heures du matin, au mois de juillet, offrait un spectacle ravissant. (...)Le ciel pâle, le soleil naissant, les portes cochères closes, tout conspirait à redonner à ces lieux une sérénité et une jeunesse qu'on est guère accoutumé à leur voir. L'Arc de Triomphe se dressait sur la Place de L'Etoile comme une meza au milieu du désert mexicain. On le contourna, puis les vélotaxis, en roue libre, descendirent les Champs-Elysées, large fleuve d'asphalte, calme Saône que n'encombrait nul esquif.
- Regarde bien, dit Charles-Hubert à son fils. C'est les Champs-Elysées. C'est la plus belle rue du monde et y a pas un chat.
- Ce que c'est mort, tout de même ! cria Julie en se retournant vers son époux qui la suivait à quatre ou cinq mètres.
Mettant ses mains en porte-voix, Charles-Hubert répondit :
- Te casse pas la tête, ça se remettra en marche avec le commerce !
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"l'accouchement dura dix sept heures...Non seulement elle souffrait mort et passion à mettre au monde un petit imbécile qui refusait d' y entrer, mais encore on la désolait en lui montrant de manière saisissante ce qu'elle manquait....La vie vous joue parfois de ces tours... N' y avait-il pas quelque chose de bourgeois, c'est à dire d'infâme, alors que Paris traversait des convulsions grandioses, à choisir les servitudes déshonorantes de la femme-esclave plutôt que les responsabilités de la combattante d'aujourd'hui ?
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Il serait injuste que les gens eussent en même temps du talent et des prix.[...]Ce sont les mauvais écrivains qu'il faut encourager, sinon ils se dégouteraient et n'écriraient plus. A quoi bon encourager les gens de talent? ils continueront toujours à écrire, malgré les empêchements, la misère, leur famille et les critiques littéraires. (p.77)
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Seize mille francs en 1941, c'était une somme. Un conseiller d'état ne gagnait pas cela en deux mois. Julie voyait enfin se matérialiser sa puissance. Le Bon Beurre n'était plus une modeste entreprise commerciale, mais le siège d'un gouvernement. La crémière régnait sur un petit peuple qui lui apportait chaque jour son tribut. Elle connaissait nommément chacun de ses sujets. Ils étaient inscrits chez elle. Eussent-ils voulu secouer leur joug, la loi les en empêchait. Ils étaient liés par serment au Bon Beurre, dont ils avaient librement choisi la domination. Du bon plaisir de Julie, suzeraine de la rue Pandolphe, dépendait la nourriture de plusieurs dizaines de familles. Quelle tête n'en aurait pas été tournée ?
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Il est intéressant de le noter : ni Julie ni Charles-Hubert n'aimaient beaucoup parler entre eux de leur commerce et des procédés qu'ils mettaient en oeuvre pour faire fortune. Une pudeur, qu'un observateur superficiel qualifierait d'hypocrisie, les retenaient de s'entretenir sans détours de leurs affaires. Quoi qu'ils se connussent parfaitement l'un l'autre et fussent bien d'accord sur leurs buts et les moyens d'y atteindre, la seule mention de ceux-ci leur eût semblé d'un cynisme insupportable. Au contraire, sans témoin, face à face, ils s'ingéniaient à trouver à tous leurs actes des justifications morales : "A périodes d'exception, actions exceptionnelles ; plus on accumule de nourriture, plus on pourra servir de clients quand la disette sera là ; on se donne tellement de mal, il est juste qu'on en tire un petit avantage, etc. " Ce besoin de légitimer ses actions est vraiment remarquable. Il ne quitta jamais les Poissonard. Ils furent, dans leur genre, des idéalistes : ces nobles propos, ces explications honnêtes dont ils paraient leurs gestes et auxquels ils finissaient par croire, leur permirent de traverser huit années dans un repos de conscience absolu.
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D’Henri IV à Jules Grévy, des colporteurs ont sillonné les campagnes françaises afin de vendre aux « petites gens », à « ceux qui n’ont pas connaissance des bibliothèques », à « la classe la plus modeste et qui lit peu » des livres à couverture bleue, imprimés sur du papier à emballer les pains de sucre.
Il y a là un trésor de littérature populaire qu’on ne connaît plus, qui n’a guère été étudiée et qui est pourtant passionnante puisqu’elle a nourri les rêves du peuple français pendant trois siècles. ‘’La Bibliothèque bleue’’ a été, pour des générations de paysans, d’artisans, d’ouvriers, de bourgeois de chez nous (et de personnes de qualité, car je suis bien sûr qu’elles aussi devaient l’acheter), l’équivalent de la télévision et de la radio.
Elle leur apportait ce que ces deux inventions propagent dans les foyers : des nouvelles, des aventures, des récits édifiants, des histoires de rois ou de brigands, des prévisions météorologiques, des recettes de santé ou de bien-être, des conseils pratiques, une espèce de sagesse quotidienne roublarde ou naïve et surtout un certain « esprit d’époque ». ‘’La Bibliothèque bleue’’ c’était le monde à domicile pour des gens qui ne bougeaient pas.

(Chapitre : LA SAGESSE DE LA NATION - Geneviève Bollème, ''La Bible bleue)
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La façon dont un homme lit renseigne à fond sur son esprit, plus peut-être que ce qu'il lit. Mon père connaît tous les romans policiers publiés depuis quarante ou cinquante ans, il a palpité aux tribulations d'une foule de détectives et de bandits, il a goûté de tous les styles qui ont illustré le genre : le douceâtre avec Agatha Christie, le féroce avec Hadley Chase, le baroque avec Peter Cheyney, le rapide avec Chandler, le lent avec Simenon, etc. Il est un familier de Lemmy Caution, de Miss Blandish, de Philip Marlowe, de Poirot, de Maigret, de cent autres. Moi qui ai lu fort peu de romans policiers, qui n'en ai pas ouvert un depuis quatre ans au moins, je sais tout là-dessus. Lui rien. Il a tout oublié. Je suis sûr qu'il oublie tout d'un bouquin à l'autre. J'allais écrire qu'il ne reste au fond de son esprit qu'une vague bouillie de crimes et d'aventures. Mais même pas : il ne reste rien. Il lit des romans policiers pour s'occuper la tête, pour tuer le temps parce qu'il y a des moments dans la journée où inévitablement on se retrouve seul, sans distraction, et qu'il importe de mettre quelque chose entre soi et les pensées qui pourraient surgir, d'élever une barrière, de construire un mur continu sans un trou, pour protéger une certaine tranquillité intérieure qui autrement serait à la merci de la première réflexion. La lecture, qui doit être une source de méditation, un enrichissement de l'esprit, une école de liberté, une forme d'étude, remplit l'office inverse pour mon père. C'est une drogue qu'il s'administre pour échapper à la vraie vie, un opium qu'il ajoute à tous les autres opiums que dispense la société moderne pour empêcher les individus de descendre en eux-mêmes, de saisir leur être propre, de se connaître, de penser à la réalité et à la mort. Il laisse courir ses yeux sur des lignes imprimées, il les y attache, il les y enchaîne, ce qui est d'après moi, le comble de la servitude. Il emprisonne son esprit dans les péripéties stupides d'un immense jeu de gendarmes et de voleurs réparti sur des milliers de volumes, afin que ce pauvre esprit n'aille surtout pas s'égarer dans des lieux inconnus et dangereux où il verrait des spectacles capables de l'attrister. D'ailleurs, avec ses quatre romans policiers par semaine, mon père a si peu le sentiment de pratiquer l'occupation appelée lecture que lorsqu'on lui demande ce qu'il pense de tel ou tel livre qui vient de paraître, il répond ingénument : "Je ne lis rien ; je n'ai pas le temps." Suivent quelques considérations qui ne manquent jamais de me faire sauter en l'air sur l'impossibilité de lire, de nos jours où la vie est si accaparante.
La plupart des adultes sont pareils à lui, je crois, car ces propos n'éveillent chez eux que des hochements de tête désabusés. Je n'en ai pas entendu un seul répondre que ce n'est pas vrai, que, si l'on veut bien, on trouve chaque jour plusieurs quarts d'heure pour cela. Comment fais-je donc, moi qui ai lu des bibliothèques, dans le métro, dans l'autobus, dans mon lit, derrière mon pupitre pendant que Barragaud nous expliquait les beautés du marxisme, moi qui ai toujours un bouquin dans ma poche en prévision des attentes et des temps morts, moi qui ai l'esprit si affamé que je ne pourrais pas rester deux minutes sans lui donner à manger un peu de Dostoïevski ou de Balzac ? Faut-il croire que cet esprit s'arrêtera un jour ? Qu'après trente ans l'esprit se ferme comme une huître ou que la vie s'emplit de tant de choses qu'on n'a plus un instant pour se retremper dans cet univers exquis des livres où l'on ne fréquente que des hommes de génie qui s'adressent à vous comme si vous étiez un de leurs pairs ? Non, ce n'est pas possible. Je ne puis imaginer qu'à trente ans, à quarante, à cinquante ma curiosité ne sera pas aussi violente qu'aujourd'hui, que je n'aurai plus l'espoir de trouver au bout d'un auteur une vérité extraordinairement précieuse, inconnue de moi, qui éclairera tout le reste d'une lumière incomparable. Je ne puis imaginer que la découverte du monde, qui se fait pour les trois quarts par les livres, ne m'intéressera plus, que je serais devenu froussard et que je me cacherai comme un lapin derrière des piles de romans policiers.

Chapitre XII, p165 à 167.
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Moi c'est en 1515 que j'aurais aimé avoir vingt ans. Ou en 1792. Ou encore en 1830. Bref, n'importe quand sauf en 1974. Le monde n'a connu qu'une seule civilisation industrielle et le destin a voulu que je tombe à pieds joints dedans. A cent ans près, si j'étais né en 1854, j'y coupais. Je n'ai rien à faire de l'industrie, moi. Je suis à fond pour la civilisation agraire. Je suis à fond pour la littérature contre la science, pour les châteaux contre les usines, pour la guerre en dentelle contre la guerre atomique, pour la peste et le choléra qui dépeuplaient les pays contre l'hygiène qui les surpeuple, pour les loups qui apparaissaient en hiver et mangeaient les poules des paysans contre les moutons de Panurge qui submergent le monde. Je suis à fond pour la mortalité infantile contre les allocations familiales. Et je ne suis pas le seul de ma génération à penser de la sorte. Les adultes seraient foudroyés s'ils savaient quel intense regret des époques révolues occupe le coeur des jeunes gens de vingt ans. Ce "meilleur des mondes" qu'ils nous ont fabriqué, qu'ils nous proposent avec des mines gourmandes, enveloppé dans du papier-cadeau et noué de bolduc, nous l'échangerions avec des transports de joie contre une miette du vieux monde injuste, sans confort, mais si charmant, si intelligent, de Louis XV, par exemple.

Chapitre XX, p267.
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Je ne comprends pas qu'on représente la vérité sous les traits d'une femme nue sortant d'un puits. D'après moi, c'est plutôt un chat sauvage perché dans un arbre, qui vous saute à la figure.
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Je hais le genre plaintif, si répandu à présent, qui consiste à déclarer qu'on n'est responsable de rien, que c'est les autres qui ont tout fait, qu'on est victime de leur méchanceté.
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Jean Dutourd
J'aime recevoir des lettres anonymes parce que je n'ai pas à répondre.
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Quel dommage que la France, vers la moitié du XXe siècle, ait vendu son âme ! C'est un mauvais coup qu'elle m'a porté là et que, j'ose l'affirmer, je ne méritais pas. J'étais né pour appartenir à un peuple refermé sur lui-même, égocentrique, superbement ignorant de tout ce qui ne vient pas de son génie propre, de son histoire, de ses coutumes, des ténèbres de son passé, chérissant ses gloires et ne chérissant pas moins ses iniquités, susceptible, exagérément chatouilleux sur le point d'honneur, borné en un mot ; mais être borné de la sorte, c'est la première condition pour accomplir son destin. Je n'étais pas né pour appartenir à un peuple qui n'a plus envie d'être ce qu'il est, qui se renie, qui aspire à se noyer dans un autre peuple, pis encore : qui a remis son sort entre les mains de cet autre peuple. Je suis aussi attaché à l'âme de la France qu'à mon âme individuelle. Je sens que je suis un des éléments de cette grande âme ancienne. En aucun temps je ne lui ai été infidèle, pas même quand je l'envoyais au diable, ce qui m'est arrivé plus d'une fois et qui m'arrive encore souvent. Il va de soi que ces imprécations révèlent surtout mon amour ; mais un amour qui ne s'exprime que par l'injure, c'est fatigant, à la longue, moins pour qui est injurié que pour qui injurie. Je n'arrive pas à pardonner à la France de m'avoir lâché depuis la dernière guerre, qu'elle a perdue par un mélange de lassitude et de bêtise.
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J'aimais le général de Gaulle, qui m'apparaissait comme un homme de Plutarque, et ce n'était pas parce qu'il détenait le pouvoir suprême qu'il me séduisait, mais par sa sagesse, ses principes, sa grande âme. Pour la première fois de ma vie, j'avais rencontré un personnage qui sortait de la vieille histoire de France, qui était bâti sur le même patron que nos héros, et j'en étais émerveillé. Mieux encore, je trouvais que sa personne seule, à la tête de l'Etat, était un de ces "miracles" dont les Français bénéficient quelquefois, à ce qu'on nous disait jadis.
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"Ah ! dit Adeline, retrouvant bizarrement la langue française telle qu'elle la parlait avant d'être chercheuse au CNRS, si tu avais été comme ça autrefois, si tu m'avais aimé de cette façon !"...Le langage d'Adeline, pour quelqu'un qui n' y était pas initié, faisait l'effet d'un bal masqué ; on n'y reconnaissait personne mais, soit que les loups fussent un peu dérangés ou les déguisements mal ajustés, on devinait généralement qui était là.
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Le "Déjeuner du Lundi", que je n'ai pas cessé d'aimer tout au long de ma vie, n'eut guère de succès. L'éditeur fut bien déçu lorsque je le lui apportai. Il aurait voulu que mon second livre fut semblable au premier, qui avait eu beaucoup de presse et qu'on avait bien vendu. Un auteur ayant eu la chance de plaire au public et qui n'exploite pas une veine heureuse n'est pas un auteur sérieux. Mon éditeur éprouvait une telle répugnance pour mon pauvre manuscrit qu'il me lanterna dix-huit mois ou deux ans avant de le publier. En quoi son instinct ne le trompait pas. Le peu de critiques qui me lurent me traitèrent avec un extrême dédain, mais non sans quelque satisfaction cependant, car il est toujours agréable de constater que le second ouvrage d'un auteur est inférieur au premier. En l'occurrence, c'était l'inverse, mais j'étais le seul à le voir.
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Sous l'action du temps, les saucissons se pétrifiaient, les jambons vieillissants acquéraient un parfum quintessencié, qui transperçait l'étamine protectrice et troublait autant que l'odeur d'une femme désirée respirée à travers la chemise. le gruyère et le cantal prospéraient sous leur carapace comme des tortues paresseuses dans une grotte. Les légumes secs, sourdement travaillés par la vie, émettaient un murmure incessant : le riz répondait aux lentilles, qui dialoguaient avec les pois cassés et les fèves, et tout cela formait une harmonie de craquements légers, un chant imperceptible, une symphonie chuchotée, qui accompagnait l'évolution ralentie de ce monde immobile.
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Le premier précepte de la morale commerçante, qui dictait des actions des Poissonnard, est: "Quand on ne gagne pas d'argent, on est qu'un imbécile." Ils s'ensuit que, loin d'éprouver de la pitié pour les malheureux qu'ils plumaient, ils les méprisaient.
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