AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jean-Paul Dubois (2006)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Hommes entre eux

Sommes-nous des animaux ou des hommes ?



C’est ce à quoi nous confronte Jean-Paul Dubois dans son roman peu commun « Hommes entre eux ».

Peu commun, en effet ! Car je suis habituée à ses histoires pleines d’autodérision, d’ironie mâtinée de tendresse, et ici, je suis tombée des nues !

Ca commence par une maladie grave, aux mâchoires tenaces qui entaillent la chair tendre du ventre d’un homme abandonné par sa femme depuis des mois, Hasselbank.

Ca continue par son arrivée au Canada, à la recherche de cette femme. A North Bay, plus exactement, et en plein hiver. C’est vous dire ! Tempête de neige effroyable, routes-pièges, et autochtones très bizarres, aimant les combats humains les plus violents possibles et le sexe dans toute sa crudité.

Mais où étais-je tombée...



Prête à refermer le roman, dégoûtée de l’animalité des hommes (et des femmes), j’ai quand même suivi à petits pas Hasselbank dans sa quête du repaire de Paterson, « l’homme entier » qui a vécu quelques mois avec sa femme. « Homme entier », car il lui donnait l’impression d’avoir trouvé sa place sur cette terre. Rassurant. Solide. « Sans une once de perversion ni d’obsessions », pas comme ceux rencontrés au début de son séjour.

A nouveau mordu, épuisé par une crise effroyable, où « fragments de désastres intimes, mères aux sentiments cannibales, fratries fratricides, morts qui ne vous lâchaient pas des yeux » hantent son esprit malade, il est obligé de se confier corps et âme à Patterson, dans son chalet perdu au bord du lac gelé, en pleine tempête.



Patterson le réconforte à sa façon, pour éloigner de lui l’animalité qui le guette. Qui les guette. Qui nous guette...

L’animalité ?

« Peu d’êtres vivants nous défient à la manière des animaux sauvages. Ils nous hantent en posant sans cesse pour nous les grandes questions de la détermination, du sens de la responsabilité, de l’importance de notre héritage génétique et du passé en général »



Mais le piège glacé se referme doucement, sur eux, sur nous et nos questions existentielles.

Finalement, « Hommes entre eux » m’a giflée dès l’abord, pour me talonner ensuite et me tourmenter à la fin.

Car qu’est-ce qui est mieux, finalement ? Un homme ou un animal sauvage ?



Merci à Guylaine pour notre lecture commune, peu commune !

Commenter  J’apprécie          590
L'Origine des larmes

Il ouvre les yeux en même temps que sa maman les ferme, en même temps que son frère jumeau se détache

"l'air est entré dans ses poumons au moment où leurs coeurs ont cessé de battre".

Une solitude glaciale remplacera la douce chaleur protectrice du ventre de sa mère, aux côtés de son frère.

Deux morts contre une vie : l'origine des larmes.

"L'origine des larmes se trouve là, au fond du ventre de ma mère".

Il sait déjà que la mort sera toujours à ses côtés,

Il ressent l'absence de son frère, la perte d'une mère inconnue

Son père n'est pas là pour l'accueillir

Il n'est pas là pour accompagner sa femme.

Ce père prédateur, toujours en chasse d'une proie, désaxé, dangereux, pervers se nomme Thomas Lanski.

Ce père monstrueux, sadique doublé d'un escroc hantera toute sa vie.

Il va grandir contre lui, apprendre à verrouiller de l'intérieur, ne rien attendre, ne rien espérer.



C'est l'histoire de Paul Sorensen cinquante deux ans.

Depuis le décès de sa mère adoptive Rebacca, il a hérité de l'entreprise Stamentum spécialisée dans la fabrique de housses mortuaires zippées, haut de gamme.

Il tire deux balles dans le crâne de son père déjà mort et allongé dans une chambre funéraire.

Un parricide post-mortem.

Peut-être une manière pour lui de traduire Lanski en justice !

Nous sommes en 2031, la pluie tombe depuis deux ans sur Toulouse: la ville rose se délave.

Le procureur de Toulouse, un homme magnanime et intelligent, le condamne à une détention avec sursis et une obligation de soins de douze mois auprès du Docteur Guzman. Une session par mois. Un sujet par séance.

Paul se conforme à la règle et se demande pourquoi il respecte les règles de ce jeu impudique, ouvrant ainsi tous les placards de sa vie.

"L'obligation de soins veut tout savoir, tout voir et sonder les coeurs et les pantalons"

Alors il va donner à savoir, à voir : se vider.

Sa vie : seul depuis la mort de son chien, pas de relation aux autres, pas de vie amoureuse, interagissant seulement avec une intelligence artificielle pour dialoguer. Une profonde solitude !

Le réconfort viendra de la compagnie d'un chien, un bâtard vagabond : son frère de naufrage.

Sa deuxième mère Rebacca, d'une infinie délicatesse lui donnera de l'amour, lui parlera de sa mère de neuf mois qu'il ne connaît pas, n'a jamais vu son visage sur une photo et n'a pas de sépulture.

Les échanges entre Paul et son psychiatre sont puissants et savoureux. Ce Dr Guzman très sensible, va explorer l'origine des larmes qui l'inondent depuis sa naissance, ce lourd fardeau.

Le comble de l'ironie étant que lui même souffre de conjonctivo-chalasis : l'oeil droit qui pleure sans cesse !

Il est attachant ce psy "la larme à l'oeil".

Il y a beaucoup d'humanité entre ces deux-là, c'en est très touchant.

Le peintre coréen Kim Tschang-yeul apporte la lumière

à ce récit : il a passé sa vie à peindre des gouttes d'eau !

Un écho aux larmes de Paul et Guzman ...



C'est un roman sombre, il touche à la mort, la perte, la violence et l'enfance. C'est aussi un très beau récit, un savant dosage d'ironie macabre et d'humour tendre.

Un roman déchirant ! On n'en ressort pas indemne mais pas désespéré non plus.

Entre tragédie et comédie .





« Au coeur des eaux viendra alors un moment fragile, délicat, décisif, depuis toujours guetté et redouté, où il faudra décider de continuer à vivre. Celui qui, alors, en aura le courage et en éprouvera l'envie ramènera l'autre vers le rivage. »



Commenter  J’apprécie          5844
Une vie française

Jean-Paul Dubois, dessine un tableau sombre teinté de mélancolie sur les chimères comme sur les valeurs qui agitent le monde. En parcourant "une vie Française", ou un demi-siècle d'une famille toulousaine, de ces années qualifiées parfois de glorieuses, il restera un parfum très particulier, indéfinissable, un quelque chose de totalement éphémère, car tout lasse, tout passe, tout casse.

A la page 138 il lâche: je vois la vie comme un exercice solitaire, une traversée sans but, un voyage sur un lac à la foie calme et nauséabond. La plupart du temps nous flottons.



Il y a dans les pages de cette vie française comme un clin d'oeil à Spinoza.



En effet les bonheurs périssables, hasardeux, sont trop souvent la source de désillusions affirme Spinoza. Tel un élève scrupuleux, Jean-Paul Dubois soulignera avec finesse ces bonheurs factices. Il a pris chacun de ses bonheurs périssables et les a théâtralisés dans une vie Française, depuis leur apogée jusqu'à leur naufrage.





Le mirage de l'argent épouse la vie même de sa femme Anna. Anna Villendreux qui en héritant de la société de son père Atoll, va se ruiner et ruiner sa propre famille.

Dans cette épopée boursière, Paul Blinck le mari se délecte à célébrer les succès d'Atoll, ou à décrire le ridicule des patrons, qui ne pestent que sur les charges salariales. Sur sa propre ruine, il aura ce regard désabusé, tout cela pour s'envoyer

en l' air.





Côté ambition, Paul Blick devenu Photographe va nous conduire au plus sublime succès de librairie. Grâce aux photos d'arbres de l'homme tronc ( quolibet inventé par Libération) , jusqu'à la demande expresse de François Mitterrand de voir son portrait, élaboré et éternisé grâce à une photo prise par Paul lui-même, Paul Blick alors tutoie les sommets.

La descente aux enfers est aussi loufoque que les personnages mis en scène par Jean-Paul Dubois Visqueux et penaud notre vedette après son refus de tirer le portrait de Mitterrand se voit contraint d'arpenter les mètres carrés de l'ANPE.





Côté cœur le même scénario va se vitrifier par la conquête d'Anna Villandreux. Paul Blick le doux rêveur va épouser une princesse, c'est merveilleux. Il ira même jusqu'à éprouver les yeux doux de la mère de la princesse. Puis devenu homme au foyer, une belle dame au popotin hallucinant, va éprouver ses talents, "Laure Milot jeune maman sexy aux fesses équatoriales exerçait le même métier que lui",mère au foyer, elle lui fera toucher la piste aux étoiles..

La même descente va le gagner quand la belle dame lui apprendra qu'un rabbin lui avait enfin enseigné les mystères de la révélation, l'orgasme, enfin le plaisir. Douloureusement la perte de son épouse va sceller aussi son désenchantement amoureux.





Fallait-il que Jean-Paul Dubois se déguise en Spinoza. Paul Blink souvent solitaire avait l'idée de nous conduire vers d'autres réflexions. Quand ses propres enfants et sa propre mère prendront une place de plus en plus importante dans sa vie c'est un personnage plus dense, plus fraternel qui traversera ce livre.





la perte du frère, Vincent, quand Paul a 8 ans, est toujours là présente, Vincent est son double il l'accompagne. L'enfant devenu l'enfant unique croit en ses parents, il redécouvre sa mère, Claire, capable de se passionner pour la politique. Une famille se met à vivre, avec ses 2 enfants, Vincent et Marie.

Sa fille envahit les dernières pages, non par goût du mélodrame mais pour authentifier l'homme sincère qui se met à vibrer.





"Je n'ai jamais prié ni cru de bonne foi en quoi que ce soit. Je vois la vie comme un exercice solitaire", écrira Paul après la perte de son frère. Cette ligne de fond est là, souterraine mais la plus visible.

Une autre ligne à la hauteur de ses sarcasmes, défiant les mœurs étriqués de ses concitoyens, maintient Paul à la coque du bateau de son beau-père.

Le lecteur la découvre, sur le bateau, dans la tempête. Cette ligne qui le retient à la vie, va le sauver, celle de la solidarité, aussi ferme qu'une cordée en montagne.

Quand il tombe à la mer l'autre va dans la furie des eaux le ramener à bord.

Jean Villandreux se dévoile avec toute son humanité cachée. le renouveau est en marche.



Un livre à mâcher, dévorer, déguster, une avalanche de situations cocasses et vraies.

Le roman de la vie.

Commenter  J’apprécie          583
Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Non seulement je me faisais un devoir en tant que responsable de la petite bibliothèque pour laquelle je travaille de lire cet ouvrage pour pouvoir mieux orienter mes lecteurs en le leur conseillant - en plus du fait qu'il ait obtenu le prix Goncourt (ce qui n'est absolument pas un critère de choix en ce qui me concerne) - mais j'avais également envie de le lire, par curiosité, étant réellement intriguée par le titre et la renommée de l'auteur ! Eh bien, une nouvelle fois, Un Goncourt m'a plus (je tiens à le préciser car ce n'est malheureusement pas toujours le cas) mais; après des retours extrêmement positifs de la part de mes lecteurs, je ne pouvais que rendre hommage à cet ouvrage même si j'avoue qu'en le commençant, j'avais un peu l'appréhension d'être déçue !



Ici, nous plongeons au coeur de l'horreur carcéral (du point de vue hygiénique j'entends) où nous découvrons nos deux partenaires de cellules, Patrick et notre héros et protagoniste Paul Hansen. Si la vie ne pouvait pas les rendre aussi différents l'un de l'autre, la fait de partager une cellule de 9m2 rapproche. le lecteur découvre non seulement le quotidien de ces deux hommes et si il découvre, une parcelle de ce que fut la vie du premier en arrivant ici, il s'attache au second en découvrant non seulement tout ce qui fut la sienne et cette de ses parents mais jusqu'à ce jour où sa vie bascula !



Un roman fort et extrêmement puissant et comme dirait l'un de mes lecteurs auxquels je pique cette conclusion "que l'on ne peut pas lâcher" et je rajouterais, afin de ma la faire mienne, que l'on n'a pas envie de lâcher ! Je terminerai simplement en vous conseillant comme moi, de laisser tous vos a priori sur les Goncourt De côté (pour ceux qui en ont) et de vous plonger dans cet ouvrage sublime qui, à de multiples occasions, nous donne l'occasion de réfléchir au sens ou à la manière dont nous, lecteurs "aimerions habiter le monde et de quelle façon". Bonne découverte à tous !
Commenter  J’apprécie          571
La succession

Quel plaisir de retrouver l'écriture de cet auteur élégant !

Paul Katrakilis vit à Miami depuis quelques années où il tente de jouir intensément de la beauté du monde et de l'instant --la lumière du petit matin sur la mer ou le regard énamouré de son chien- dont l'auteur a l'art de si bien faire vibrer la fragilité et la grâce.

"Je prenais chaque jour comme un bonheur simplifié" écrit le narrateur tout en se souvenant de la parole apparemment anodine et prémonitoire de son oncle Jules qui ne l'a jamais quitté "Il ne faut jamais se tromper de vie.Il n'existe pas de marche arrière".

Las! Il devra s'arracher à cette vie vouée à un univers méconnu celui de la "cesta pinta" qu'il pratique en professionnel à Miami, pour retrouver la grande maison familiale en France , à la mort de son père, retrouvé écrasé , au pied d'un immeuble de 8 étages , le visage emmailloté de ruban adhésif, mâchoires et lunettes scotchées serré, comme s'il avait voulu voir jusqu'à l'ultime instant et ne pas crier........



Cette image , effrayante et grotesque irradie ce roman, masque hideux de la mort " Masque de pitre, De piètre père ."

L'auteur a l'œil et le verbe acérés , un sens aigu du dérisoire de l'existence.

Comment porter le fardeau de l'hérédité et ne pas sombrer ?

Il interroge avec un humour caustique , entre légèreté , rire, pleurs et gravité doublés d'une certaine cocasserie aussi: Paul le dernier de la lignée , le porteur intranquille d'un vécu où tous ont volontairement quitté" le théâtre avant la fin de la pièce" un vécu familial voué passionnément à sa propre extinction! .......



Un roman nostalgique, sensible et profond, sombre et grimaçant, mélancolique, entre humour noir et verve , sentiment de l'absurde porté au plus haut et quête existentielle .



L'écriture concise, sobre , allégre, entre éclairs permanents : deuil, fin de vie, filiation, folie, humour et humilité des personnages, surprise des secrets d'un père, nous livre une oeuvre douce- amère peu à peu grignotée par la nuit.......qui traite subtilement du délitement des choses, du poids de fantômes délétères ,de la douleur infinie liée à la tristesse de la perte !

Une très belle oeuvre sensible ,qui fait réfléchir !

Bravo l'artiste !
Commenter  J’apprécie          571
Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Paul Hansen est enfermé dans la prison de Montréal depuis deux ans, jour de la victoire aux élections de Barack Obama.

Sa cellule de 6 m² comprend deux lits superposés, une cuvette de toilettes, deux tabourets scellés au sol. Les rongeurs occupent les lieux avec les détenus... C'est glauque, glauque!

Son co-détenu, un ancien Hells Angels est accusé de meurtre et Paul aussi.

Entre eux, mis à part les côtés écœurants de la promiscuité, c'est la bonne entente. Paul se sent protégé dans le milieu carcéral grâce à cette armoire à glace qui est son voisin de cellule.

Paul est né à Toulouse, son père, pasteur, vient du Danemark. Sa mère gère un cinéma.

Avant les meurtres, il était responsable de l'entretien d'un immeuble à appartements tout proche de la prison. Coïncidence !

Tout se passait bien mais un nouveau gérant arrive.

Il vivait avec Winona , pilote d'avion qui l'emmenait en plein ciel .

Winona descend du peuple amérindien des Algonquins.

C'est avec une grande maîtrise de la plume que Jean-Claude Dubois nous emmène dans son récit . J'ai beaucoup apprécié son retour en arrière vers le pays d'origine de son père, le Danemark où les scènes sont très imagées.

J'ai eu plus de mal avec les scènes de promiscuité dans la prison.

Pendant toute ma lecture, je me suis demandé ce que cet homme faisait là enfermé pour deux ans. Il faut attendre les dernières pages pour le savoir.

Je me suis accrochée à ces dernières pages et je les ai épluchées.

J'avais un peu trop attendu ce dénouement.

La fraternité entre les deux détenus est bien mise en valeur ainsi que le désir de justice.
Commenter  J’apprécie          560
Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Ouvrir le dernier roman de Jean-Paul Dubois, et retrouver la plume d'un auteur dont j'ai lu quasiment tous les livres. En à peine quelques pages, se retrouver en prison avec Paul Hansen et ressentir la promiscuité, l'enfermement, l'ennui, la folie qui guette, la violence tapie.





Comment Paul s'est retrouvé en cellule pour une peine de prison de 2 ans ? Pourquoi, lui qui est né et a vécu à Toulouse et dont le père était danois, est-il au Canada ? Jean-Paul Dubois navigue entre présent pénitencier et souvenirs d'enfance pour nous raconter une vie sur plusieurs décennies comme il l'avait fait de façon si mémorable dans Une vie française.





Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon est à la fois sombre (la mort y est très présente) et drôle. On devine qu'il y a pas mal de JP Dubois dans Paul Hansen que ce soit dans son attachement aux chiens ou dans son regard ironique mais humaniste sur notre société atomisée. C'est sûrement pour cela qu'à chaque fois ses mots me touchent autant.





Dans la liste des plaisirs de ma vie, il y a celui qui consiste à entendre à nouveau la voix de Jean-Paul Dubois entre humour du désespoir, mélancolie et thèmes récurrents de l'auteur .



C'est toujours à regret que je vois arriver le mot fin. "Je ne parle pas souvent de ma mère. Peut-être parce que je n'ai jamais su pourquoi elle avait prématurément quitté l'orchestre.



Sur la table de nuit, une longue partition médicamenteuse, une cantate de molécules savamment dressées pour faire taire les battements des coeurs, et rien d'autre, pas même une note de bas de page adressée à son compagnon suisse, son ex-mari danois ou son fils hexagonal.



Jean Paul Dubois confirme son grand talent pour une littérature humaniste et romanesque qui n'appartient qu'à lui, et ce nouveau roman symbolise en quelque sorte toute son oeuvre romanesque.



Inspiré à l'origine de tout un pan de la littérature des américains comme Carver ou Mc Carthy, Dubois s'affranchit de plus en plus de ses modèles pour tisser une oeuvre singulière et épatante.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          560
Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Paul et son univers carcéral



Jean-Paul Dubois est de retour avec le roman au titre le plus long de cette rentrée. En nous démontrant que «Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon», il nous offre un chef d’œuvre!



Jean-Paul Dubois prend son temps pour construire un œuvre en tout point remarquable. On l’avait laissé avec en 2016 avec La Succession qui retraçait la vie de Paul Katrakilis, un jour de pelote exilé à Miami, revenu en France pour les funérailles de son père. Avec Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, il nous propose en quelque sorte le chemin inverse, en remontant la vie de Paul Hansen, «né à Toulouse, le 20 février 1955, aux alentours de 22 heures, à la clinique des Teinturiers» et que l’on retrouve dès les premières lignes dans une petite cellule de la prison de Bordeaux à Montréal. Qu’a-t-il fait pour mériter ce châtiment? C’est tout l’enjeu du livre. Mais n’anticipons pas et revenons à Toulouse où Paul grandit entouré d’Anna, sa mère, qui a pris les rênes du Spargo, une salle de cinéma «Art et essai» après la mort accidentelle de ses parents et de Johanes, son père, pasteur originaire de Skagen, au Danemark. Deux professions à fort potentiel d’incompatibilité et qui, après mai 68 et la diffusion de Gorges profondes vont provoquer l’éclatement du couple.

Johanes choisit alors de s’envoler pour une nouvelle mission, à la Methodist Church de Thetford Mines, au Québec où, contre toute attente, Paul va décider de le suivre.

Après avoir ferré son lecteur – qui se demande ce qui peut avoir conduit Paul en prison – l’auteur construit son roman en alternant le récit des jours qui s’écoulent dans une cellule infecte, où pourtant l’humanité et la fraternité entre les codétenus gagnent chaque jour du terrain, et l’autobiographie de cet homme pour lequel le lecteur éprouve d’emblée de l’empathie. Un lecteur qui ne va pas être déçu!

Je pourrais ici multiplier les citations, détailler le parcours de Paul, ses différents emplois jusqu’à celui de régisseur d’immeuble à Montréal, raconter comment il rencontré son épouse et comment avec leur chien Nouk, ils ont vécu heureux, mais je préfère vous laisser découvrir par vous-mêmes ce scénario aussi habile dans sa construction que limpide dans son style.

J’ai, en revanche, envie de m’attarder sur les trois raisons qui, à mon sens, font de ce roman un chef d’œuvre. Tout d’abord, parce que la phrase est d’une précision quasi-chirurgicale. Ici, point de fioritures, mais des précisions qui «font vrai», que l’on parle d’un voyage en NSU, de l’extraction de l’amiante, de la fiabilité d’un Hydravion De Havilland ou encore de l’entretien d’une piscine. Ensuite, de la propension de l’auteur à laisser le récit parler pour lui. Ici, il n’est jamais question de démontrer ou de donner des leçons, mais de relater des faits. Au lecteur d’en faire son miel, de donner sa propre définition de la fraternité ou de la justice. Et enfin, ce que j’appelle le «principe de frustration». C’est, au moment de refermer un livre, lorsque l’on éprouve la furieuse envie d’y revenir, d’en savoir plus ou d’attendre déjà avec impatience le prochain roman. Et comme il faudra vraisemblablement attendre jusqu’en 2022, je vous conseille, dans l’attente, de découvrir ses précédents romans. Car chez Jean-Paul Dubois tout est bon!


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          561
La succession

Une vieille voiture, un petit bateau, un ami cubain, un chien sauvé des eaux, la cesta punta et le soleil de Miami...Depuis quatre ans, Paul Katrakilis s'est construit une vie simple et heureuse, loin de Toulouse et de son père, le docteur Adrian Katrakilis. Mais quand celui-ci se jette du huitième étage d'un immeuble, Paul rentre en France. Dans la maison familiale déserte flotte encore le souvenir d'une famille mortifère qu'il a fuie sans vraiment réussir à s'en détacher. Ces êtres qui ont partagé sa vie sans qu'il les connaisse et qui ont tous mis fin à leurs jours : son grand-père Spyridon, un des médecins de Staline qui a quitté l'URSS en catimini avec dans ses bagages un petit bout du cerveau du Petit père des peuples, suicidé par arme à feu; sa mère, une femme éthérée et distante, plus proche de son frère que de son mari, suicidée dans les gaz d'échappement de la Triumph paternelle, son oncle qui vivait sous leur toit, suicidé au volant de sa moto. le seul bon souvenir de sa jeunesse, ce sont les vacances sur la côte basque, la pelote qu'il découvre et qui devient sa passion puis son métier. Paul est médecin mais n'a jamais exercé, préférant les frontons aux cabinets médicaux. Pourtant son père avait prédit qu'il prendrait un jour sa succession. Paul s'y refuse et pourtant...





Encore un Paul, encore Toulouse, encore la petite musique mélancolique de Jean-Paul Dubois et toujours le même phénomène d'addiction quand on ouvre un de ses livres. Ici, son Paul traîne son mal-être jusqu'en Floride, tentant d'échapper au déterminisme familial en profitant des petits riens de la vie, une promenade en bateau malgré le mal de mer, un lever de soleil, vivre de sa passion. Dans un monde souvent cruel, - et les joueurs de pelote basque sont une marchandise inter-changeable, corvéable à merci, sous-payés et exploités, - il reste tout simplement heureux, de pratiquer le sport qu'il aime, d'avoir mis des milliers de kilomètres entre lui et ses souvenirs. Pourtant, peut-on vraiment échapper à son héritage ? Peut-on fuir une succession toute tracée ? En revenant en France, Paul découvre toute l'étendue de ce que lui laisse un père que finalement il n'a jamais connu. Encore une fois, c'est un fardeau. Mais si son père l'assumait derrière une nonchalance de façade, lui ne sait pas comment marcher dans les pas de son géniteur...

Sombre mais émouvant, ce roman laisse son empreinte, une trace dans la mémoire du lecteur comme tous ces livres tellement touchants qu'on voudrait ne jamais les refermer.
Commenter  J’apprécie          564
Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

C'est une lecture qui a été très pénible pour moi.

J'ai failli arrêter au bout de 70 pages... Mais les citations reproduites par les membres de Babelio m'ont incitée à m'accrocher et à aller jusqu'au bout.

J'ai choisi ce livre chez mon libraire, bien éduqué, qui ne me donne pas son avis si je ne le lui demande pas. Mais, demain, c'est certain, je lui en parlerai.

J'avais lu des avis élogieux dont je ne me rappelais pas le contenu. Mais le livre était là, parmi les nouveautés, le titre était inspirant et je suis totalement passée à côté du bandeau BIEN VISIBLE indiquant prix Goncourt 2019... sans quoi je l'aurais immédiatement remis soigneusement sur le rayonnage.

J'étais intéressée de découvrir la description de l'univers carcéral. Après ma lecture, je suis convaincue que l'écrivain n'y a jamais mis les pieds avant d'écrire son livre... ou vraiment très peu !

J'ai été très étonnée du vocabulaire du co-détenu du héros, Canadien de souche, qui n'a rien du parler canadien.

A côté de cela, l'auteur nous assomme de détails sur des tas de sujets très divers sur lesquels il se sera sans doute documenté. Mais ça fait beaucoup : des caractéristiques des Harley Davidson à la conduite d'un aéroplane, en passant par les réparations techniques dans un immeuble à appartements pour ce qui est des digressions techniques...

Pour moi, il y a au moins 100 pages de trop dans ce roman de 246 pages... t les 20 dernières sont haletantes... Mais cela arrive trop tard pour que je dépasse les 2 étoiles.
Commenter  J’apprécie          552
Une vie française

Une vie Française : le récit de celles et ceux qui sont nés au début des années 50, adolescents en mai 68, adultes dans les années 70, socialistes au début des années 80

Un demi siècle offre un écho à nos propres souvenirs, nos illusions, nos déceptions, nos craintes et nos rêves ...

Cette génération qui dit souvent :

"C'était mieux avant ! "

La nostalgie d'un idéal

Qui s'est fait la malle !

D'un âge révolu

Et ... la peur de l'inconnu !



Jean Paul Dubois possède cet art de décrire une situation, une époque avec un rare talent. de son écriture vive, son humour jubilatoire, il égratigne, pose un regard ironique, acéré. Ce livre est un cocktail d'humour, d'intelligence et d'émotions !

J'ai savouré entre le rire et les larmes,

Cette histoire d'une vie au diapason de l'histoire de la Ve république, une articulation subtile de l'individuel et du politique.

Au centre du récit Paul Blick, indifférent à tout, agit en pantin mélancolique, spectateur de sa vie et fataliste.

Il observe le monde et a du mal à trouver sa place.

Il regarde défiler les années, hanté par le souvenir douloureux de son frère ainé Vincent mort à dix ans, alors qu'il en a huit.

Sa mère correctrice de presse, son père concessionnaire Simca à Toulouse, ne s'en remettront jamais.

Paul RépuBlick, adolescent timide, coincé entre Charles de Gaulle et Pompidou premier ministre se dit que "grandir dans cette France là n'était pas chose facile"

Aucune information, éducation sexuelle !...

C'est alors que David Rochas, même poste de demi de mêlée au rugby, et un volcan "spermique", prend son avenir en main ! Il lui révèle ses expériences "de pénétration".

Eté 65 : Sa révolution personnelle de jeune Français à Londres, A nous les petites Anglaises : le sexe, l'amour, le rock and roll, il se sent exister !

Et de Gaulle disait "vive le Québec libre"

67 : La mort de Che Guevara

Une prise de conscience politique encore balbutiante mais la naissance d'une génération avide d'équité et de liberté !

68 : L'assasinat de Martin Luther King

Il a dix huit ans est un étudiant qui n'étudie pas, adore le "bordel pour le bordel", traverse mai 68, balance des pavés dans la vitrine de la concession Simca .

Un guitariste amateur et gauchiste convaincu, il ne vote pas. Son baccalauréat bouffon est offert sur un plateau.

Dix neuf ans, l'armée, le service militaire qu'il refuse et obtient le statut d'exempté.

Mai 69 : il rencontre Marie "bâtie pour vivre des siècles et faire rêver les hommes pour l'éternité"

Il cherche sa voie, journaliste sportif par hasard, épouse la fille du patron. Il va l'aimer ... Lorsque fou de joie il lui annonce "Franco est mort" elle répond "et alors !"

Le monde s'écroule ...

Elle prend la décision de garder le bébé qu'elle porte

le jour de l'exécution de Christian Ranucci : dernier condamné à mort !

Leur fils Vincent fait son entrée dans le monde et par son prénom offre un sourire chez les Blick.

Puis viendra sa fille Marie ! Il déborde de fierté

"le plus beau cadeau que la vie puisse faire à un homme"

Il devient papa poule : son grand bonheur !

Se passionne pour les arbres qu'il portraiture, sera un photographe célèbre, sans le vouloir. Son talent : mettre en lumière la beauté de l'immobilité !

Il refuse la demande de Mitterrand : l'immortaliser ! sa réponse" il ne photographie pas l'humain "...

Des drames traversent sa vie, il reste imperméable un rien désabusé.

Mais il survit à tout !

Une sensibilité à fleur de peau et pourtant le sentiment que rien ne peut le toucher.

Un somptueux récit !

Une traversée du siècle à l'image du temps qui passe !

...........

Comme cette fleur gorgée de couleurs qui s'ouvre et s'étiole

Comme cet éphémère brûlé de lumière à l'unique envol

Je suis de passage

Comme cette flamme aux yeux d'une femme que souffle l'ennui

Comme ce silence corrodé d'absence, de Mozart aussi

Je suis de passage

Ne m'attendez pas

Je ne reste pas

Je passe dans le temps

Ne m'attendez pas

Je n'reviendrai pas

Je suis comme le vent

Je suis de passage



Yves Jamait

Merci à Judith, Jérome, Jipi pour ce merveilleux conseil !



Commenter  J’apprécie          5435
Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Il y avait longtemps que je voulais découvrir la plume de Jean-Paul Dubois, dont j'ai entendu le plus grand bien par des blogueurs que je suis et dont les goûts sont assez proche des miens (Jérôme, Violette, Keisha et bien d'autres) et bien sur les Babeliens dont on dénombre pas moins de 2000 lecteurs sur le site et 464 chroniques pour ce livre !



Prix Goncourt 2019 il n'en fallait pas plus pour que je me lance à la faveur de l'offre de la médiathèque et de ce mois de novembre 2020 qui n'en finit pas d'être privé de bien des plaisirs.



Je me lance dans cette lecture et en guise d'évasion voilà que je me suis retrouvée en prison avec Paul Hansen ! Et bien bravo pour l'évasion oki la prison est au Canada alors ça compense.



Oui, Paul écoule sa peine au pénitencier de Montréal et son meilleur moyen d'évasion c'est de repenser à sa vie et plus particulièrement à trois personnes ayant compté dans sa destinée : son père le pasteur Johanes Hansen, sa femme Winona et sa chienne Nouk.



On sent chez lui de multiples fêlures et ainsi ne pas savoir vraiment dès le départ pourquoi il purgeait une peine de 2 ans d'emprisonnement n'a pas été capital pour moi. Même si on le comprendra dans l'histoire rassurez vous.



J'ai eu pour ma part tout de suite confiance en cet homme, en me disant qu'il avait dérivé sans le faire exprès.



En fait Paul Hansen a attiré ma sympathie et j'étais intimement persuadée que c'était un homme bon et loyal, un homme avec ses failles et ses doutes.



Il y a donc toute une partie hors de la prison mais il y a aussi la vie dans la prison avec l'inénarrable Patrick Hobson, son colocataire de cellule à la prison.



Si le récit aurait pu être limite plombant (la vie d'adulte de Paul n'est pas super excitante..., Jean-Paul Dubois en invitant le personnage de Patrick Hobson, vivant 24 h sur 24 avec Paul va distiller une bonne dose d'humour et de dérision dans son récit.



J'ai adoré et j'ai eu le sourire aux lèvres bien des fois. Patrick Horton porte un regard sur le monde pas piqué des vers !



Je crois que c'est la marque de fabrique de l'auteur et bien je suis heureuse de savoir que pleins d'autres livres de lui m'attendent !



La vie de Paul est déployée de sa naissance en février 1955 à sa sortie de prison et j'ai aimé connaître sa vie et celles de ses parents. Ses racines profondes vont le construire et le conduire de la France au Canada avec un retour au Danemark pays originaire de son père, bouclant la boucle. Tout son travail de superintendant à l'Excelsior et ses rencontres en tant qu'homme.



Une très bonne lecture que j'ai appréciée pour sa finesse d'esprit, son humour et sa nostalgie. Par sa peinture de l'univers carcéral par l'intermédiaire de Patrick Horton, ce compagnon de cellule qui m'a très souvent fait beaucoup rire et qui sans le savoir a été pour Paul un compagnon de cellule incroyable !



Je vous invite à faire la connaissance de tous les personnages qui jalonnent la vie de Paul. Je ne veux pas tout vous raconter ce n'est pas le but de ce billet



Je vous laisse ce plaisir de lecture !



Quant à moi je lirais Jean-Paul Dubois avec plaisir.



Portez-vous bien !
Commenter  J’apprécie          540
Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

« Fallait que j'oublie cette journée. Perdu dix dollars au champ de courses aujourd'hui. Quelle chose inutile. Ferais mieux de me fourrer la queue dans une crêpe au sirop d'érable. »



Charles Bukowski, Sur l'écriture.



On a toujours à apprendre des grands penseurs de notre temps. Je ne joue pas encore aux courses, mais j'ai du sirop d'érable. Putain, je n'y avais jamais pensé. Maintenant je sais quoi faire de mon sirop d'érable.



Après cette dérive culinaire ô combien passionnante et érotisante - oui je dois être du genre à être excité par du sirop d'érable, je retrouve Paul Hansen dans son nouveau condo à Bordeaux. Il neige, il fait froid, l’atmosphère est humide, les os gèlent et les majeurs deviennent bleus, des cafards se faufilent sous les draps gris d'un matelas puant la sueur et la pisse, bienvenue à la "Prison de Bordeaux". Je te présente également son coturne Horton, ex-Hell Angels, passionné des gros cubes, et philosophe à ses heures, surtout à heures fixes, quand il dépose de magnifiques étrons parfumant cette piaule, hôtel de luxe de l’île de Montréal, là où les trottoirs craquent sous le froid hivernal et la neige recouvre les chars.



J'ai beau réfléchir à la question - non pas celle où je me demande si je suis beau, mais pourquoi un type comme Paulo, mon ami Paulo, se retrouve en tôle. Paulo qui a tant donné dans sa vie, le "superintendant en chef" de l'Excelsior, une résidence où quelques êtres partagent un semblant de vie. Paul lui est à l'écoute de ces gens. Il officie dans tous les domaines, à la fois concierge, gardien et factotum mais surtout réparateur d'âmes. Un joli métier, ne trouves-tu pas. Qu’est-ce que tu voudras faire quand tu seras grand, petit ? Je voudrais être réparateur d’âme. Calisse, ça en jette sur un CV !



Mais parce que tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon, un événement viendra perturber la vie de Paulo. En profondeur. Parce que Paulo a son honneur, sa profondeur d'esprit et sa vision humaine de la vie à l'Excelsior. Alors que les rayons de la lune ont du mal à franchir les barreaux de sa cellule, il reviendra sur la vie de son père, pasteur nordique, et de sa mère toulousaine et cinéphile. Pendant que Horton chie une nouvelle fois sans condescendance aucune pour les lecteurs dont les effluves de sa merde remontent à la surface de ces pages, j'écoute en fond la playlist du pasteur, Stan Getz, Led Zeppelin ou Curtys Mayfield. Du bon cru, comme une bonne bière, Don De Dieu. Tout en priant qu'il n'y ait pas une épidémie de gastro au sein de l'enceinte pénitentiaire.



Jean-Paul Dubois fait une nouvelle fois dans la profondeur de l'âme – je l’avais si profondément aimé dans « La Succession », il me délivre une nouvelle histoire humaine, à la fois souriante et mélancolique. Le spleen du lecteur que je suis sourit à la dérive de ces vies, en gardant profondément ancré en mon for intérieur, la bonté d'âme et la générosité de certains êtres, vivants.



Qui veut une crêpe au sirop d'érable ?
Commenter  J’apprécie          542
La succession

Un père désaxé, une mère indifférente, un oncle collé à sa mère, un grand-père très spécial…Il n’a pas eu de chance, ce pauvre Paul, avec une famille pareille !

Après avoir fait des études de médecine comme son père et son grand-père, et le suicide de 3 membres de cette famille excentrique, il décide de partir de Toulouse pour Miami afin de s’adonner à sa passion, la pelote basque et d’en faire son métier. Passion pour laquelle il est rempli de talent. Ah, Miami, le paradis des parieurs, de l’océan ! (on y trouve même un chien en plein milieu). Paul y passe les 4 plus belles années de sa vie. Il nage dans le bonheur le plus total, et tombe même amoureux d’une Norvégienne beaucoup plus âgée que lui, mais « gorgeous » !

Ce bonheur prendra fin avec l’annonce du suicide de son père, dernier survivant des hurluberlus.

Survivra-t-il à cette lourde succession ?





Que voilà encore un roman de Dubois savoureux ! Bon, soyons honnête : les descriptions de parties de pelote basque m’ont franchement ennuyée, et le vocabulaire technique employé itou. Mais que j’ai ri durant la première moitié de l’histoire ! Quel ton caustique, quel humour noir ! Et quel style flamboyant, plein d’à-propos !

Bref, trêve de points d’exclamation, car passée cette première moitié, l’humour s’envole pour ne plus revenir du tout. Mais vraiment plus du tout. Nous tombons dans le noir le plus complet, dans le marasme psychologique. Cela m’a fait penser au seul roman de cet auteur que je n’avais pas adoré car vraiment trop désespérant : « Hommes entre eux ».





Ce roman n’est donc pas mon préféré, mais je reste une inconditionnelle de Dubois, il n’a pas son pareil pour nous trousser une situation absurde en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire.





« Enfant, je ne savais pas ce que je faisais parmi ces gens-là, et visiblement, eux non plus » : voilà le drame. Quand l’enfance a été flouée, l’adulte se sentira toujours flou.

Et Dubois, pour nous raconter cela, sera tout sauf flou.

Commenter  J’apprécie          5410
Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon est le titre du dernier roman de Jean-Paul Dubois. Cette merveilleuse phrase est citée au milieu du roman.

J'aime les livres de Jean-Paul Dubois, je suis cet auteur depuis de très nombreuses années, dès ses premiers romans. J'aime la fragilité qui se dégage de ses romans, la maladresse, le doute, les failles que nous portons, une autre manière d'avancer dans le monde et de le regarder, regarder ce que nous sommes, ce que nous pouvons devenir avec tous nos penchants, nos joies et nos fardeaux. Comme à chaque fois, Jean-Paul Dubois le fait, je trouve, avec simplicité et élégance.

Ici l'auteur ne déroge pas à ce qui tient lieu de son écriture. J'aime justement qu'un écrivain mette au cœur de ses romans les failles qui portent ses personnages, car ce sont justement dans les failles qu'entre la lumière qui éclaire leur pas. J'aime les failles et les interstices, je déteste ce qui est lisse.

Ici, donc je me suis régalé. Pas forcément tout de suite, car dans la première partie du roman je me suis senti un peu flotter sans trouver vraiment l'accroche, la porte d'entrée. Je lisais, je tournais les pages, j'aimais bien ce que je lisais, mais où était le déclic qui allait me porter aux nues ? Et puis brusquement, le roman bascule un peu après la moitié de ce récit. Et c'est là que j'ai été conquis, emporté, reconnaissant un de mes auteurs fétiches durant les années 90 et début 2000.

Le narrateur s'appelle Paul Hansen. Il purge une peine de prison, partageant sa cellule avec un Hell Angel incarcéré pour meurtre. On saura plus tard pourquoi Paul Hansen est ici. La première partie du roman décrit son itinéraire familial. La place du père est importante dans ce récit, elle offre des épisodes truculents. J'ai eu plaisir à retrouver l'humour de Jean-Paul Dubois, car c'est son ADN, dire tout le désespoir qui peut se déverser sur les épaules d'un homme et le faire avec une bonne dose d'ironie.

Nous apprenons tardivement les raisons de l'incarcération de Paul Hansen et je vous avoue que je suis entré en empathie avec l'accusé dès lors que j'ai connu le chef d'accusation. Pire, je pense que j'aurais pu être complice de Paul Hansen et que j'aurais éprouvé un plaisir indicible...

Paul Hansen, après nous avoir parlé de son père, pasteur protestant, itinérant en raison des événements particuliers de son histoire, de Toulouse au Québec en passant par le Danemark, nous parle de son métier de surintendant dans un immeuble qui est une résidence haut de gamme pour riches. C'est là que tout bascule. L'immeuble s'appelle L'Excelsior, c'est là qu'il déploie ses talents de concierge, de gardien, mais aussi de réparateur des âmes...

Lorsqu'il n'est pas occupé à venir en aide aux habitants de L'Excelsior ou à entretenir les bâtiments, il rejoint Winona, sa compagne. Aux commandes de son avion, Winona l'emmène en plein ciel. Il l'aime par-dessus tout, par-dessus les nuages.

L'Excelsior est un lieu un peu fermé, une sorte de petite société ou Paul Hansen apporte sa bienveillance auprès de ses résidents jusqu'au jour où un nouveau Président de L'Excelsior est nommé, avec des objectifs de productivité où la dimension humaine n'a plus trop sa place. Forcément, la fonction qu'occupe Paul Hansen sera recadrée.

J'ai aimé ce livre, c'est une forme de révolte contre les chiffres, les objectifs quantitatifs, la performance, la société qui broie l'humain... La maladresse, les gestes qui tâtonnent, les pas qui s'égarent, ont pour moi une portée à la fois poétique et philosophique jubilatoire.

J'ai aimé la relation de Paul Hansen et de son compagnon de cellule, un homme à la fois attachant et très violent, écorché vif. Il est fort, cruel, mais pleure de peur lorsque des rats envahissant les cellules, se promènent sur son corps la nuit...

Paul Hansen, convoquant le souvenir de ceux qu'il aime dans ses quelques mètres carrés de noirceur, apporte peut-être de l'apaisement à la douleur de son compagnon de cellule...

J'ai aimé ce roman car il se dégage une fraternité à plein d'endroits. L'empathie que porte le narrateur, sa façon d'avancer à contre-courant des normes que nous impose notre société, sa douceur, m'ont fait un bien immense. Ce n'est pas le livre que je préfère de Jean-Paul Dubois, mais sa plume est réjouissante, et surtout j'ai eu un immense plaisir à retrouver cet auteur. Rien que pour cela et pour cette idée de fraternité, j'aime ce roman...
Commenter  J’apprécie          544
Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Paul Hansen est incarcéré à la prison de Bordeaux, une petite ville près de Montréal. Il partage sa cellule de 6 m2 avec Horton, un gros dur au coeur tendre, un Hell's Angel, avec la carure d'une personne et demi qui a une peur bleue des souris.

On ne sait pas ce que Paul a pu faire pour être dans ce trou à rat. Il est calme, réfléchi, intelligent. Peu à peu l'auteur, Jean-Paul Dubois, nous livre sa vie, de son enfance jusqu'à l'âge adulte. On passe par plusieurs pays, la France (Toulouse), le Danemark et le Canada.

Toutes les émotions sont présentes, c'est un véritable roman humain.

Pour ma part, je dirais même que c'est un petit bijou

Commenter  J’apprécie          540
La succession

"Mon père, posé sur l'étagère, dormait dans son urne..."



Voici le genre de phrase un peu absurde qui résume bien la plume si personnelle de Jean-Paul Dubois et le plaisir que je retrouve intact à me plonger dans ses petites histoires.

Pourtant celle ci est engluée de tristesse et de morosité et son personnage, un clown triste qui passe à côté de sa vie jusqu'au final prévisible.



Entre Toulouse, pays basque et Floride, un fils expatrié se voit rattraper par le devoir filial, seul descendant encore vivant d'une famille de suicidés à répétition. Finie, la parenthèse enchantée de son statut de joueur de pelote sur les frontons de Miami Beach, la douceur du climat des Keys et la liberté d'un jeune adulte sans attaches. Il convient de rentrer, d'assumer l'héritage des fantômes familiaux et remettre en route un cabinet médical.



Avec aisance, l'auteur utilise le cocasse pour parler de désespoir, et sait manier les digressions, sans jamais perdre son lecteur. On passe de l'autopsie de Staline aux grandes grèves de la ligue américaine de pelote, avec un détour par l'histoire des succulents pastrami de Wolfie's et la rencontre avec une amoureuse norvégienne. Il nourrit son propos de personnages joyeusement décalés, maniant avec désinvolture un sens aigu de la formule et du dérisoire. Pour autant le propos reste grave et intime sur les thèmes de la filiation et de la recherche du bonheur.



Un excellent roman entre sourires et mélancolie.
Commenter  J’apprécie          540
Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

En cette année 2008, Paul Christian Frederic Hansen est incarcéré au Pénitencier de Montréal pour 2 ans.



Il partage sa cellule avec Patrick Horton, Hells Angel meurtrier, sensible balaise qui s'est fait tatouer l'histoire de sa vie sur la peau du dos.



Dans l'exiguïté de sa cellule et les incommodités de la promiscuité, il tente de revenir sur sa vie. Alors il convoque les absents, ceux qui sont partis, son père pasteur danois, sa mère féministe et gérante d'une salle de cinéma dans laquelle la diffusion de "Gorge Profonde" finira par achever leur mariage, sa femme pilote et métisse Algonquine, son chien...



...Et sa vie de superintendant à l'Excelsior, cet immeuble dans lequel il vient en aide aux retraités, où il est une sorte de "deus ex machina auquel on avait confié la charge, l'entretien, la surveillance et la bonne marche de ce condo de soixante-huit unités"...



...et dans lequel il commettra son forfait.



A mon avis :

C'est certain, tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon. Certains sont investis d'une mission, d'autres sont libres, d'autres sont convaincus ou d'autres encore sont étroits d'esprit...



Cela vaut-il simplement de l'évoquer, même si c'est autour d'une histoire familiale difficile mais somme toute assez plate ? Sans poésie dans l'écriture, pas sûr...



Heureusement donc que la prose de Jean-Paul Dubois est magistrale. C'est elle qui fait de ce livre ce qu'il est. Elle enrichie le récit et lui fait prendre du relief.



Mais c'est insuffisant à mon avis pour en faire le roman de l'année.



J'ai toujours tendance à juger sans doute plus sévèrement (enfin, "juger" c'est un bien grand mot... "donner un avis" serait plus juste) les lauréats de prix (ce roman a obtenu le prix Goncourt 2019) parce qu'on en attend plus qu'un roman "ordinaire". Et plus on en attend, plus on est déçu lorsque l'extraordinaire n'est pas au rendez-vous.



Dans ce cas précis, j'ai trouvé ce livre peu enthousiasmant. Il m'a manqué ce petit brin de folie et cette profondeur de sentiment que j'avais rencontré dans le livre d'Olivier Bourdeaut, "En attendant Bojangles", même si la douceur et la beauté de l'écriture sont également bien là.

C'est d'ailleurs justement ce qui m'a fait apprécier ce roman et en a accéléré la lecture, même si certains versants de l'histoire m'ont dérouté car je n'en ai pas vu le sens et l'intérêt.



Un avis nuancé donc pour ce roman, sans doute un peu plus sévère qu'à l'accoutumé parce que j'en attendais plus.



D'autres avis sur d'autres lectures, sur mon blog :

https://blogdeslivresalire.blogspot.com/
Lien : https://blogdeslivresalire.b..
Commenter  J’apprécie          533
Vous plaisantez, monsieur Tanner

Un livre léger de Jean-Paul Dubois qui donne le sourire et se déguste sur la plage comme un rosé bien frais durant les repas d'été. Tous ceux qui ont connu des déboires lors de travaux de rénovation avec des artisans, des travailleurs informels recommandés se reconnaitront un peu dans les péripéties de Monsieur Tanner. Certains en plaisantent, pour d'autres la plaie est encore vivace...
Commenter  J’apprécie          520
La succession

Paul Katrakilis aurait pu continuer à oeuvrer à des milliers de kilomètres des siens comme star reconnue de la cesta punta.

Homme complexe, presque inadapté au monde qui l'entoure, il trace son sillon en tentant d'échapper à un héritage familial particulièrement dérangeant.

Son égoïste de père, dans un dernier élan mortifère du 8e étage, se rappelle alors à son bon souvenir.

Un enterrement à organiser, une surprenante succession à assumer, le poids d'un passé honni qui le rattrape pour le meilleur, merci au paternel pour son amour absolu des voitures anciennes, mais surtout pour le pire.



Il n'y arrive pas, le Paulot.

Tel le sparadrap du capitaine Haddock qui vous colle aux basques, ce père, qu'il voua aux gémonies, continue de le narguer par-delà la tombe.

Deux carnets noirs accidentellement découverts dans la maison familiale et c'est une vision totalement biaisée de l'être répudié qui se désintègre au profit d'un parfait inconnu.



Il n'est jamais trop tard pour découvrir qui l'on est vraiment et ce qui a déterminé cet état de fait.

Les secrets, les non-dits, tout ce qui a pu gangrener une cellule familiale au point de la faire exploser et qui n'était que la partie immergée d'un personnage bien plus complexe.



Parfait combo entre cesta punta et filiation, cette succession séduit de par l'originalité sportive de son propos couplée à une découverte du "moi" profond particulièrement bien torchée.

Un cheminement insolite que notre héritier se fera fort d'effectuer pour enfin se trouver, lui qui semblait perdu pour sa pomme (aux pépins innombrables) et la société.



Le vernis craque, les fêlures apparaissent, la vérité vraie - dixit Enrico - se fait jour, cruelle, éclatante, insidieusement révélatrice d'un tout que l'on appréhendait vaguement sans vraiment pouvoir en définir les contours.



Dubois écrit sur l'Humain. Son héritage spirituel. Les secrets de famille et leurs conséquences dévastatrices. Mais avant tout, il écrit pour comprendre. Rien de tel qu'un orfèvre en la matière pour apprendre...
Commenter  J’apprécie          526




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jean-Paul Dubois Voir plus

Quiz Voir plus

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon

Paul Hansen, le personnage principal du roman, a été incarcéré à la Prison de Bordeaux à Montréal ...?...

Le jour de l'élection de Barack Obama
La jour de l'élection de Donald Trump

12 questions
123 lecteurs ont répondu
Thème : Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon de Jean-Paul DuboisCréer un quiz sur cet auteur

{* *}