Citations de Jo Walton (221)
Personne n’est célèbre, au début. On ne le sait que plus tard. Ces gens-là n’ont rien de particulier, en fait. Parmi ceux que vous connaissez, n’importe qui peut devenir célèbre. Ou pas. Comment savoir qui va se distinguer ? Vous-même, vous pourriez très bien le devenir aussi. Vous pourriez changer le monde.
Toute sa vie, elle n’avait eu droit qu’à des choses médiocres, des ersatz : de la crème glacée au lieu du gelato, des reproductions d’œuvres d’art, la nourriture fade et rationnée de son pays au lieu de la délicieuse gastronomie italienne. En Angleterre, seules la nature, la musique et la poésie l’avaient émue jusqu’au tréfonds de l’âme. Ici, tout la bouleversait. Le moindre caillou dans une ruelle, la moindre applique sur une maison, le toit doré du baptistère, les proportions de l’église San Lorenzo, le goût du melon et du jambon de Parme… c’était comme si ce rond de ciel dans le dôme du Panthéon l’avait aspirée jusqu’au paradis.
Aujourd’hui : confuse, lut-elle sur sa feuille de soins. Confuse, moins confuse, vraiment confuse… « Vraiment confuse » : deux mots que les infirmières notaient souvent, en abrégeant : VC. Ça la faisait sourire. « VC » comme « Victoria Cross », la plus haute distinction du pays. Son nom figurait aussi sur la feuille — enfin, son prénom, seulement : Patricia. Comme si en vieillissant elle était redevenue une enfant, comme s’il fallait la priver de toute dignité en la dépouillant à la fois de son patronyme et de son diminutif préféré.
(Incipit)
— Plus le temps passe, plus je suis convaincue que je n’ai pas besoin d’eux pour trouver Dieu. Il est partout dans la nature, partout dans l’univers. Il y a trop d’hypocrisie dans les religions organisées.
Souvent, dans les premiers romans, les auteurs se permettent des choses qu'ils s'interdiront par la suite.
LUNDI 24 DÉCEMBRE 1979
Les Russes ont envahi l’Afghanistan. J’éprouve un terrible sentiment d’inéluctabilité. J’ai lu tant d’histoires sur la troisième guerre mondiale qu’elle me semble parfois inévitable, comme s’il ne servait à rien de m’en faire pour quoi que ce soit, sachant que je n’aurai de toute façon pas l’occasion de devenir adulte.
SAMEDI 15 DÉCEMBRE 1979
Bibliotropes, a dit Hugh. Comme les tournesols sont héliotropes, nous sommes naturellement attirés par la librairie.
JEUDI 6 DÉCEMBRE 1979
Les souvenirs sont comme des tapis, je les garde empilés dans ma tête et n’y fait guère attention, mais si je veux je peux revenir en arrière, marcher dessus et me souvenir. Je ne suis pas vraiment là, pas comme une elfe pourrait l’être, bien sûr. C’est juste que si je me rappelle avoir été triste, en colère ou contrariée, une partie de ce sentiment me revient. C’est pareil pour les bons souvenirs, bien sûr, mais je pourrais facilement les user d’y trop penser. Si je le fais, quand je serai vieille, tous mes mauvais souvenirs seront toujours vifs à force d’avoir été repoussés, mais tous les bons seront usés. Je ne me souviendrai pas vraiment de ce jour avec Gramma, que déjà je ne me rappelle pas nettement, je ne me souviendrai que de ces courtes journées d’hiver à l’école où je sortais seule et où je me retournais pour regarder les fenêtres éclairées.
SAMEDI 13 OCTOBRE 1979
… et si huit livres semblent (et pèsent !) beaucoup, ce n’est pas comme s’ils allaient me durer toute la semaine. Je lis normalement au petit matin, si je me réveille avant la cloche, pendant les trois heures de sport collectifs, pendant les cours qui m’ennuient, en permanence après avoir appris mes leçons, durant la demi-heure de quartier libre après la permanence et une demi-heure avant l’extinction des feux. J’arrive donc à lire à peu près deux livres par jour.
SAMEDI 13 OCTOBRE 1979
Les bibliothèques sont vraiment géniales. Mieux même que les librairies. Parce que les librairies font des bénéfices en vous vendant des livres, alors que les bibliothèques attendent tranquillement de vous prêter des livres par pure bonté d’âme.
MERCREDI 5 SEPTEMBRE 1979
J’avais des livres, de nouveaux livres, et je peux tout supporter tant que j’en ai.
Le prêt entre bibliothèques est une des merveilles du monde et une gloire de la civilisation.
Un colis de Daniel ce matin, avec Demain, les chiens de Clifford Simak et Dune de Frank Herbert, dont aucun des deux ne me semble à première vue enthousiasmant.
Au petit déjeuner, nous avons droit à du pain avec
de la margarine à volonté, des œufs brouillés aqueux et trop cuits, et des tomates en boîte, que je ne mange pas
Un jour, de bon matin, une vieille dame partagea son café et ses croissants avec elle. C'était quelque part en France. "Je ne m'explique pas le rapport des Britanniques à la nourriture, lui dit-elle, consciente que personne ne la comprendrait. La première fois que j'ai mangé pour de bon, c'est ici, dans votre pays."
L’histoire avec un grand H est truffée de culs-de-sac et d’intrigues avortées. Les écrivains qui s’y intéressent ressentent immédiatement le besoin de tirer sur ces bouts qui dépassent, puis de les entremêler savamment.
J’ai été trop de choses pour les compter. J’ai été un dragon que chevauche un enfant. J’ai été savant, guerrier, amoureux et voleur. J’ai été le rêve et me rêveur. J’ai été une divinité. J’ai été près du verger battu par le vent et du rivage impétueux. J’ai été gardien de l’eau limpide.
Comparées à l’histoire, les oeuvres de fiction présentent le gros avantage de se terminer de façon satisfaisante pour le lecteur.
Sans même parler d'espace, y a-t-il simplement des fées en Amérique ? Et s'il y en a, parlent-elles toutes gallois là-bas aussi ?
Feux d'artifice et feu de joie hier soir à l'école. J'ai vu quelques fées du feu se grouper. Personne d'autres ne les a vues. On ne peut y croire que quand on y croit déjà, ce qui explique pourquoi les enfants sont plus susceptibles d'y arriver.