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Critiques de Jorn Riel (494)
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Des racontars arctiques

Quelque part sur cette planète doit exister une croisée des chemins où un panneau indique deux directions opposées, avec des distances mirobolantes derrière.

La première direction pointe vers le sud : Australie - Kenneth Cook.

La deuxième pointe vers le nord : Groenland - Jørn Riel.



Car Jørn Riel et Kenneth Cook partagent la même verve pour vous faire découvrir leurs expériences de vie extra-ordinaires et pour croquer les lascars croisés sur leur route. Dans les deux cas, l'isolement révèle les hommes et leur profonde humanité. Alors qu'ils sont exposés à un climat et une nature hostile, ces gars ne perdent jamais le nord (oui oui, même en Australie) et font preuve d'un pragmatisme à toute épreuve. Que ce soit face à un ours polaire ou un wombat (on a les némésis qu'on peut hein), ils perdent parfois leur calme mais leur flegme n'est jamais bien loin. Enfin... à condition bien sûr que le vertigo nordiste ne leur ait pas tourneboulé entièrement la tête, ou bien qu'ils ne soient encore poursuivis par quelque énorme bestiole australienne extrêmement têtue.



Ces hurluberlus me font penser aux branquignoles de Kaamelott d'Alexandre Astier, ce sont les mêmes gars complètement à la ramasse mais néanmoins attachants, dans des situations ubuesques requérant une bonne dose d'humour et de logique.

Si vous aimez le style Kaamelott et que le froid c'est votre dada, courez faire la découverte de Valfred, du Lieutenant, d'Emma, de Bjorken et des autres. Attention aux ours polaire et aux engelures, et aux chiens aussi. Ils sont parfois un tantinet ensauvagés. Ah et les corbeaux peuvent aussi être envahissants. Vous voudrez probablement aussi prendre avec vous de la vitamine D pour 6 mois, le soleil n'était pas très présent durant la moitié de l'année (ça n'aide pas avec le vertigo). Mais ne vous en faites pas, il très très envahissant les 6 autres mois (ça aide encore moins). Par contre pas de souci pour l'hygiène, les gars du nord-est du Groenland ne vous en voudront pas du tout si vous sentez la charogne.

Si vous préférez l'exotisme et un climat brûlant, allez plutôt au sud avec Kenneth Cook. Mais n'oubliez pas de prendre une batterie de crème anti-moustique et de crème solaire, de l'eau, un couteau de survie, des lunettes de soleil et un chapeau. La nature y est vraiment très peu accueillante. Et vérifiez que vos bottes ne sont pas colonisées par une veuve noire, ça serait dommage de finir si vite dans d'affreuses souffrances alors qu'il existe tellement d'autres bestioles qui veulent votre mort encore plus loin dans le pays !



En un mot comme en cent : j'ai adoré les racontars arctiques de Jørn Riel et les récits du bush de Kenneth Cook. Et je regrette que leurs éditeurs respectifs ne fassent pas paraître leur intégrale. Cela serait un réel délice ! :-)





Lu dans le cadre du Challenge Pavés 2015-2016
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Des racontars arctiques







Jubilatoire, admirable, jouissant, jouissif, réjouissant, sublime, voluptueux et désopilant, amusant, bidonnant, cocasse, comique, crevant, drôle, exhilarant, gondolant, hilarant, impayable, inénarrable, marrant, poilant, rigolo, risible, roulant, tordant.

… où l'on constate qu'il n'y a pas de bornes à l'altruisme

de Bjørken, à l'abnégation de Museau, ni à la naïveté de

Lasselille…



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Des racontars arctiques

Une de mes amies les plus proches m’avait offert ce recueil de nouvelles groenlandaises. Ma passion pour le Grand Nord et le froid n’a pas été déçue!







Ce recueil regroupe plusieurs ouvrages de Jorn Riel, La vierge froide et autres racontars, Un Safari arctique, La passion secrète de Fjordur, Un curé d’enfer



Toutes ces nouvelles traitent du quotidien des chasseurs et autres hommes du Groenland, du rapport à la femme, à l’amitié, bref à tout ce qui touche la nature humaine, avec beaucoup d’humour.







A nouveau, le style scandinave bien que très différent des autres auteurs que j’ai pu lire à eu raison de moi. On en apprend beaucoup avec humour sur la vie rude, soumise à la nature et si particulière du Grand Nord.



Le style est drôle et vif terriblement efficace même si on finit par se lasser et que la misogynie ambiante peut irriter, il faut les remettre dans leur contexte et on peut apprécier.
Lien : http://www.lesmiscellaneesde..
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Des racontars arctiques

Riel Jorn – "Des racontars arctiques : [recueil contenant "La Vierge froide (1974), Un safari arctique (1976), La passion secrète de Fjordur (1976), Un curé d'enfer (1977)" – nouvelles publiées en français en 1993-1994-1997]" – édition 10/18, 2012 (ISBN 978-2-264-05851-5



Il s'agit de la re-publication des textes traduits et publiés en français dans les années 1993-1997, dont les originaux danois furent publiés entre 1974 et 1977.



Cette précision est indispensable, car l'humour mobilisé ici fait appel à des ressorts qui peuvent paraître bien désuets (entre autres, la misogynie présente à toutes les lignes, l'exaltation systématique de la vie la plus "proche" de la nature, la dénonciation des "progrès" technologiques etc).



Ce recueil représente aujourd'hui un témoignage de ce qu'était une certaine vision du monde dans ces années-là, dans des cercles intellectuels délimités.



Sa lecture ne fait pas mal à la tête, c'est déjà ça.

Bof.

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Des racontars arctiques

Racontars : propos médisants ou sans fondements, commérages... Ce n'est pas tout à fait ce à quoi on pense quand on imagine un groupe d'individus dans l'arctique. Et pourtant des histoires désopilantes ...le livre en est truffé. Au fil de la lecture, on s'étonne à s'attacher à chacun de ses hommes. Ils sont pourtant, pour la plupart, un brin ivrogne, souvent vulgaires et peu loquaces mais on en viendrait presque à tenter l'aventure...enfin pour quelques jours parce que ce qu'on comprend surtout que la vie dans l'arctique n'est pas de tout repos !

Je retiendrai quelque chose qui ne nuirait pas à s'appliquer aussi à nos contrées : "Ils étaient, comme tous les individus de leur espèce gagneraient à l'être, modérément sociables et aussi éloignés des sociétés d'abeilles et de fourmis qu'un éléphant du virus de la grippe asiatique."
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Des racontars arctiques

Petites histoires venues du Groenland....Rires, humours, poésies, dureté de la vie...
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Des racontars arctiques

De beaux racontars qui annoncent le dégèle des zygomatiques...écrit pour nous faire vivre le quotidien de ces chasseurs plantés dans leur station du Groenland, portraits façonnés au vitriol, on aime être entraîner dans leurs histoires invraisemblables.

Des récits mouvementés mais tellement éclairant sur la nature humaine .

Bon voyage au pays de la banquise et sa dureté.
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Des racontars arctiques

Ce livre contient :

La vierge froide et autres racontars

Un Safari arctique

La passion secrète de Fjordur

Un curé d'enfer



Un gros volume de près de 600 pages qui rassemblent les quatre premiers tomes des racontars. Que dire ?



C'est une lecture rafraîchissante, drôle et plutôt saine. On s'attache peu à peu aux héros, qu'on apprend à connaître et que l'on voit évoluer. C'est peut être pour cela que j'ai le plus apprécié le deuxième et troisième volume, le premier pose un peu les bases, et le quatrième est un peu trop pour moi (l'histoire du boa par exemple). Mais peut être que je saturais, quatre d'un coup, cela fait quand même beaucoup.



Je vais sûrement y replonger un jour prochain....



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Des racontars arctiques

Plongée sur la côté Nord-Est du Groenland. L'oeuvre se compose de mini récits autour des chasseurs locaux : Mads Madsen, William le Noir, Herbsen, On y découvre leur mode de vie très particulier, au milieu du désert arctique, avec pour seule connexion au reste du monde, l'arrêt annuel d'un bateau de ravitaillement, le Vesle Mari.

Plus que d'une simple transcription de leur quotidien, le roman dévoile leurs rêves, leurs illusions, leurs aspirations, leurs passions... Les personnages, tous un peu bourrus, tous anti-héros, deviennent au final très attachants. ****
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Des racontars arctiques

Quelques impressions sur cette lecture non choisie (le livre m'a quasiment été imposé).

Je ne connaissais pas l'auteur, et n'avais quasiment aucune notion de la région dont il parle (très au nord sur la côte est du Groenland).

Le livre s'ouvre sur une carte, mais Jørn Riel ne fait pas une description géographique générale. Il nous offre, dans ces quatre recueils de nouvelles, des visions fugitives des neiges et des glaces, mais aussi de la flore et la faune. Parmi la faune, une quinzaine de chasseurs se distingue, exilés par groupes de deux ou trois dans un monde inaccueillant. Les personnages se retrouvent d'une nouvelle à l'autre, d'un recueil à l'autre, habillés de leurs précédentes aventures, mieux cernés petit à petit, mais sans portrait psychologique avoué. Le lecteur les voit chasser pour se nourrir et pour vendre des peaux, distiller et boire abondamment pour supporter la solitude et les mois de nuit arctique, se porter secours et se battre, surtout pour garder leur mode de vie loin du monde sans se laisser imposer de loi extérieure.

Je ne crois pas nécessaire d'en dire plus sur la matière, car c'est la manière qui importe. Riel a une façon bien à lui de montrer l'humanité à travers ces personnages singuliers. Le courage et l'amitié en font la base, sur fond de poésie parfois, mais toujours avec un humour hénaurme. Le macabre, le scatologique, le misogyne même font partie de cet humour, avec des histoires patiemment construites jusqu'à des conclusions hilarantes.

Merci à ma sœur qui m'a mis ce volume en main quasiment sur le pas de sa porte ; puisse ce billet conduire quelques lecteurs à continuer son entreprise de divulgation de cet humour sanitaire.



Note : ce livre a-t-il des effets magiques ? Une nuit, au milieu de la lecture du chapitre « la puce », j'ai subi une dizaine de piqures d'un insecte probablement sauteur. Je vous recommande donc la plus grande attention autour de vous pendant la lecture des nombreux chapitres où paraissent les ours.
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La circulaire et autres racontars

J'aime beaucoup les racontars de Jorn Riel, tantôt tragiques, tantôt comique, et toujours savoureusement écrits.

De nos jours, et sous nos latitudes, nous parlerions de "reconversions professionnelles". Ici, les personnages se demandent avant tout comment ils vivront loin de ce qu'ils ont aimé. Avant de partir, d'aucuns réalisent leur rêve, d'autres trouvent un moyen (courageux) de revenir après être partis.

Ce qui pourra déranger certains lecteurs est l'absence de moral. Je ne pense pas que la manière dont Mads quitte ce monde ne choquerait pas sous nos latitudes, même si ses amis ne font que respecter sa volonté. Je ne pense pas non plus que la largeur d'esprit de William le Noir séduirait ici bas. Un auteur français aurait pu écrire, sur son histoire, un drame familial sur trois générations - minimum - faits de sang, de vengeance, de reniement et de passion. Autant dire que j'ai beaucoup apprécié la simplicité avec laquelle il résout ce qui aurait pu être un horrible conflit.

Des allusions sont faites à des précédents recueils, mais le texte reste parfaitement lisible. Je conseillerai simplement de lire ses racontars un à un, pour mieux les savourer.
Lien : http://le.blog.de.sharon.ove..
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La circulaire et autres racontars

Grande nouvelle dans les stations polaires groenlandaises : une circulaire annonce qu'elles vont fermer ! Difficile à admettre pour les trappeurs qui ont passé une partie de leur vie là-bas ! Que faire ? Se révolter ? Faire comme si on ne savait pas ? Se laisser mourir puisque de toutes façons on est très vieux, malade, et qu'on ne veut pas quitter cet endroit ? Ou trouver une femme dans le coin (ou plusieurs...) et rester là en changeant de métier ? On peut aussi ruser et continuer à chasser le phoque là-bas... dans un bateau, rien ne l'interdit !





Je suis une inconditionnelle de Jorn Riel donc je ne peux pas dire si ce recueil est meilleur ou non que les autres, ils sont TOUS excellents ! Les "racontars", histoires que l'on qualifierait de "marseillaises" si elles n'étaient pas au Groenland, sont truculentes à souhait et on n'a qu'une envie à la fin de chaque chapitre : partir pour le Grand Nord !

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La circulaire et autres racontars

Contrairement aux sept tomes précédents, celui-ci est triste dans un sens puisque la circulaire du titre annonce la fermeture de la compagnie de chasse et, de là, le rapatriement des chasseurs à la civilisation, nouvelle perturbante s'il en est une. On comprend que devant cette catastrophe tous ne réagiront pas pareil. Chaque racontar est consacré à un chasseur en particulier, ce qui permet de bien saisir ses états d'âme, de constater ses capacités d'adaptation, parfois surprenantes. Riel a toujours le don de rendre ses personnages aussi sympathiques qu'animés d'une force interne inépuisable et quelquefois déconcertante. On assistera donc ici à des conversions de carrière, à un retour aux origines, à des prêches islamistes, à une mort dans la dignités etc. C'est avec connivence mais aussi un certain motton dans la gorge que j'ai vu ces êtres d'exception se débattre devant l'injustice et réussir malgré vents et marées à rester fidèles à ce qu'ils sont profondément, c'est-à-dire des hommes fiers et dignes. Heureusement il reste un livre de racontars avant que la série ne s'achève définitivement.
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La circulaire et autres racontars

Les chasseurs du nord-est du Groenland sont avertis par une circulaire que le gouvernement danois a décidé de fermer toutes les stations de chasse et de rapatrier les chasseurs. Mais ces chasseurs, habitués à la vie en pleine nature, loin de toute agitation, ne se voient pas du tout vivre ailleurs. Tous n’auront de cesse de trouver la solution qui leur permettra de revenir vivre chez eux. Jorn Riel raconte avec beaucoup d’empathie les vies de ces chasseurs, leur désespoir de devoir changer de vie et surtout leur capacité incroyable de trouver des solutions pour finalement parvenir à leur fin.
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La faille

Hop, là, on est plus dans les terres froides mais en pleine papouasie… Très chouette roman qui démontre que Jørn Riel n'est pas que le chroniqueur amusé d'une bande de fameux chasseurs artiques…!

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La faille

La colonisation par les hommes blancs puis par les Indonésiens transforme la vallée paisible de Baliem et bouleverse la vie de ses habitants.

La faille est l'image que Jorn Riel donne aux fossés entre les différentes civilisations. Et pour certains individus la difficulté d'avoir un pied dans chacune de ces cultures et de devoir faire continuellement le grand écart pour trouver leur place dans ce nouveau monde .

Une jolie histoire.
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La faille

« Monsieur Blanc, jamais de repos,

sept heures du matin, déjà au boulot,

fatigué avec tout ce bruit,

n'a pas fermé l'oeil de toute la nuit.

Et là-bas, là-bas, tout là-bas,

dans une île grosse comme un p'tit pois,

Papous, papous, deux papous

deux papous gentils comme tout,

dans un coquillage d'argent,

écoutent chanter l'océan ».

Ah, Bourvil, la douceur des îles ! Et pourtant…

« Dans les guerres tribales en Papouasie Nouvelle-Guinée, les drones et les armes semi-automatiques ont remplacé les arcs et les flèches », dixit « Le Monde » il y a tout juste une semaine.

Les tribus les plus reculées des hauts plateaux sont contaminées par les technologies actuelles. Quelle drone d'époque !

Mais papi, les papous, c'est papaye et pagaille,

mais papi, les papous, c'est pagaie mais pas paix !



Glaçant, non ? Alors, il me faut rejoindre le spécialiste des racontars arctiques qui, installé désormais en Malaisie pour décongeler, a changé d'hémisphère jusque dans son lieu d'écriture, la paisible vallée de Baliem, en Nouvelle-Guinée.

Il a déserté le Groenland pour un autre pays vert, passant des Inuit aux Papous, un autre choc des cultures « primitives ».



« La nuit, elle avait senti les esprits gentils la toucher et, pendant qu'elle dormait, elle avait tenu un petit citron vert entre ses mains pour se protéger contre les mauvais esprits » .



Ah, Jorn Riel, la douceur du style ! Et pourtant…



Il y a comme une fêlure, le titre du livre en témoigne, la faille, ça vient de faillir, manquer. Il y a comme un manque, un défaut.

L'écrivain voyageur danois a l'ambition de nous montrer le fossé qui existe entre les différentes civilisations. La faille signifie l'écart qui se creuse entre les mondes « primitifs » et « civilisés ».



Aujourd'hui, c'est la rentrée scolaire. Il est question de tenue vestimentaire et d'arrondir les angles. Riel nous propose la description d'un Papou, l'exubérance dans toute sa splendeur.



« Sa parure de tête se composait d'un large bandeau de pandanus bordé de fourrure d'opossum brun. Une haute houppe de plumes se balançait sous la brise matinale, plumes de faucon et de perroquet, que dépassait la longue plume noire, d'un demi-mètre de long, de l'oiseau de paradis. Son visage, enduit de graisse de porc et de suie, était tout noir, mis à part les orbites blanches et deux larges raies de chaux qui couraient du front jusque sur ses joues. Dans les narines percées étaient accrochées les dents liées, tournées vers le bas, d'un verrat sauvage. Il portait un grand mikal ovale, lourd pectoral de coquillages qui entourait son cou comme un col et descendait jusque sur sa poitrine. Ses bracelets, serrés autour du poignet et juste au-dessus des coudes, étaient tressés avec les fibres coriaces des fougères à aigle et le horim, qui couvrait son pénis, pointait, comme sa lance, vers le ciel, le bout entortillé remontant jusqu'entre ses aréoles. »



Une faille, oh, un sacré décalage, à la manière d'« Un Indien dans la ville ».

Actuellement, on parle de végétaliser les cités, de démacadamiser les cours de « récréation ». Alors, le costume plutôt que le bitume ? Et si l'école se faisait vraiment en extérieur, on y apprendrait la nature autant que les coutumes ?



« Ils marchaient sous des arbres qui s'élevaient jusqu'à trente mètres de haut pour atteindre la lumière du soleil. Ils se frayaient un chemin à travers des réseaux emmêlés de plantes grimpantes, rampaient au-dessus d'arbres renversés à moitié pourris, à travers des marécages gris, où les sangsues se glissaient dans les oeillets des lacets pour s'accrocher sur la peau ».



Quatre espèces d'oiseaux dans la cour de « récréation », des dizaines sur le même espace en territoire « primitif ». La faille s'élargit, l'écart se creuse, mais on vit sur la même Terre, il n'y a pas de plan B. Et s'il y en avait un, ce serait B comme Blanc, ou B comme Baliem ?

Je viens de lire que des fluides s'échappent de la faille de Cascadia, il y aurait des sources chaudes au fond de l'Océan Pacifique. de source sûre, ça nous promet un séisme de magnitude 9.

Stop ! Non mais, c'est quoi cette chronique ? Elle nous livre rien sur le roman !

Ah, si on ne peut plus critiquer... 

Rassurez-vous, toutes ces digressions nous ramènent à « La Faille », celle de Jorn Riel.

Du petit monde des Européens qui tentent de vivre pacifiquement avec les multiples ethnies adjacentes, aux tribus conquérantes sur le pied de guerre, Riel nous propose à la fois une plongée dans un monde peu connu, un "dépaysement salutaire" - tant qu'il n'y a pas de groupes de touristes, tout va pour le mieux ! - avec un grand sens de conteur et des personnages d'une belle densité.

Le Docteur Julius Horton vit à Wamena, petite ville de la vallée de Baliem, en Nouvelle-Guinée. Depuis trente ans, l'île est devenue son univers, son pays. Pour rien au monde il ne ferait demi-tour vers l'Europe. Il en a vu, des curieux avides d'aventures, débarquer sur l'île, mais aucun ne résiste longtemps à la vie sauvage qui les attirait initialement. Horton, lui, s'occupe des habitants. Bien connu des tribus papous, il soigne les blessés, les malades, les victimes de guerres tribales. Il a appris à comprendre ces différents peuples qui vivent dans la vallée. On le respecte.

Tout commence lorsqu'un certain Louis Schultz débarque à Wamena.

Un être étrange selon Horton : on ne sait qui il est ni pourquoi il est venu jusqu'ici.



Contre toute attente, Schultz va rapidement s'habituer à sa nouvelle vie.



« Ce qui est bizarre avec ce type […], c'est qu'apparemment il peut tout supporter. Il ne paye pas de mine, mais quelle santé ! 

Il me déroute, cet homme-là […]. Il en sait plus qu'il n'en dit.

Qu'est-ce qu'il peut bien fuir ? »

Très vite, nous sommes plongés au coeur de l'action lorsque Schultz prononce une requête improbable à l'adresse de Horton.

 « Pourriez-vous m'aider à me rendre sur les hauts plateaux de l'intérieur, docteur Horton ? Là où il y a une tache blanche sur la carte ? »



 La réponse attendue de Horton ne traîne pas.

 « Vous ne survivrez pas deux heures sur les plateaux. D'ailleurs personne ne les connaît. Personne ne sait comment sont les tribus là-bas, sinon par quelques rumeurs éparses qui parviennent jusqu'à la vallée. Et je peux vous assurer que ce qu'on entend ici sur leur cruauté peut vous faire faire de sacrés cauchemars la nuit. Oubliez ! »



Schultz est malin et se tourne alors vers Georges Stilton, pilote d'un vieux coucou, comme il l'appelle lui-même. Lui demandant de l'emmener survoler les hauts plateaux, il convainc le pilote de se poser et en profite pour fuir dans la jungle, à quelques centaines de mètres d'une tribu inconnue...

En repartant, dépité d'avoir laissé l'homme dans cette contrée barbare, certain de son sort, le pilote raconte ce qu'il vit.

« Schultz ! Imagine, il s'était assis par terre et est resté planté là, à moitié caché par les hautes herbes, pareil à un vrai fossile. On aurait dit qu'il attendait quelqu'un. Planté là au milieu de rien, il attendait ! »



Les années passent, le sort de Schultz ne laisse aucun doute. L'âme du jeune homme plane pourtant et laisse perplexe. Horton en parle souvent. Que lui a-t-il pris ? Pourquoi cette folie ? Qui était-il ?

 

Wamena se transforme, se peuple, s'urbanise, se modernise. Les tribus continuent d'échapper à l'homme blanc et ses lois.

 

Dix-huit années après la disparition de Schultz, deux hommes d'une tribu des hauts plateaux se présentent, réclament Horton, en possession du médaillon autrefois porté par Schultz. Accompagné de Hahnmuller, Horton prend la route. Direction : les hauts plateaux, une tribu inconnue. Est-ce un piège pour s'emparer de lui ? Est-ce un véritable appel ?



Le face à face a lieu quelques jours plus tard : Schultz est vivant, se fait appeler Yonokma, et est le terrible chef de la tribu qui porte son nom.

Guerrier, stratège, fort, le chef Yonokma est redouté sur tous les territoires alentours. Comment en est-il arrivé là ? On ne le saura jamais.

S'il a fait venir Horton, c'est pour une seule raison : Lalu.

Gravement malade, Schultz - Yonokma a une requête, tout aussi surprenante que la première : il eut plusieurs enfants de ses différentes femmes, mais Lalu est celle qui le comble. Elle lui ressemble. Il a décidé pour elle qu'elle devait vivre ailleurs que dans la tribu, redescendre dans la vallée, et c'est Horton qui en prendra la charge.

Le sort de l'enfant ayant été décidé par son père, elle ne peut refuser, et a accepté l'idée d'ailleurs depuis bien longtemps.

Accepté aussi le rituel pratiqué lors de la mort d'une personne, ici son père.



« Lalu s'accroupit devant le vieil homme et Horton s'aperçut que des fibres d'orchidées étaient serrées autour de l'un de ses bras. Elle en tendit un et posa la main sur un billot de bois. le guérisseur laissa ses mains glisser de doigt en doigt. Puis, soudain, il lui assena un coup paralysant sous le coude et, avec une solide hache de pierre, lui coupa deux phalanges de l'index ».



Nous suivons alors pas-à-pas les mois suivant l'arrivée de Lalu à Wamena, son adaptation à la vie urbaine, à l'école. La jeune fille se montre vive d'esprit, intelligente, sociable, elle parle anglais, chose extraordinaire ! Schultz lui parlait sa langue maternelle tout le temps dans son enfance, sans doute pour la préparer à son retour dans la civilisation. Mais Lalu fugue souvent. Indécise.

Je n'en dirai pas plus sur l'évolution de Lalu, son cheminement...

 

Ce roman, c'est une quête de soi.

Qui est-on lorsque l'on appartient à deux patries que tout oppose, qui s'entre-tuent même ? A qui s'identifier ? Comment, enfant du métissage, vivre ses deux cultures pleinement, sans regret, sans manque, sans faille ?

Comment allier Papou et Blanc, vie sauvage et civilisation ?

Comment vivre lorsqu'on ne se sent jamais chez soi, lorsqu'on a besoin d'être ici et là-bas ?



« L'élan était court, elle décolla tout près du bord et s'éleva haut dans les airs. Elle ressentit le saut comme une libération. Elle était l'oiseau des dieux que son père avait aimé. Elle flottait librement au-dessus de l'abîme, écarta les bras et resta un instant immobile dans les airs, comme un oiseau doré, avant de commencer à tomber ».





 



































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La faille

Une histoire émouvante, tendre, sensible, belle. Une écriture magistrale.
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La faille

J'ai beaucoup aimé l'histoire de Lalu, confrontée au monde civilisé et toujours déchirée entre son passé dans le village papou et la civilisation de la vallée de Baliem, entre les esprits de la forêt et le Dieu des Blancs. La faille qu'elle s'obstine à sauter chaque fois qu'elle va rejoindre les tribus papous est le symbole de sa déchirure entre deux cultures.
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La faille

Je découvre cet auteur, dont de nombreux titres nordiques attendent dans ma PAL, avec ce récit sous les tropiques et loin du ton léger des racontars. L'histoire de Lalu est touchante et intéressante: Lalu est si différente, elle déroute autant le lecteur que son entourage. On la voit gaie et pleine de vie, docile, volontaire mais aussi libre d'une liberté inconnue, prisonnière de règles parfois choquantes. Lalu est décalée et écartelée entre deux mondes finit par se perdre.



La déchirure est très bien racontée et le récit donne l'occasion de voir ce monde papou en train de disparaitre se confronter à la modernité envahissante . Il y a quelques années j'ai assisté à une conférence donnée par un chef papou qui parcourt le monde pour défendre sa forêt dont les arbres plusieurs fois centenaires sont coupés pour dégager du terrain pour l'huile de palme - il présentait en costume traditionnel, un traducteur à ses côtés. Je situe ce roman juste avant cette confrontation qui fait sortir un chef de sa forêt pour aller la défendre devant les présidents et assemblées du monde entier.
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