Le Lion, écrit dans une langue poétique, envoutante, ressemble à un conte. Il pourrait commencer par "Il était une fois, un lion et une petite fille qui s'aimaient tendrement..." Sans doute est-ce pour cela que ce livre fut souvent destiné à la jeunesse !
Conte ambigu en fait, propre à donner quelques cauchemars. Il commence certes par une apparition de rêve, celle d'un singe et d'une gazelle minuscules, par la description d'un Éden, celui d'un grand lac où s'abreuvent dans la paix de l'aurore toutes les bêtes de l'Afrique, gardées par une petite fille en salopette aux cheveux noirs coupés en boule. L'erreur serait de s'arrêter à ce tableau idyllique. Le Lion est un récit est bien plus complexe.
Car au fil des pages sourdent la violence des hommes et des bêtes, la tension entre les européens dominateurs et les africains méprisés, la névrose des parents de Patricia, l'amour exclusif de celle-ci pour son père et son lion - figure double de la puissance - et le sentiment d'intense jalousie qu'elle voue à sa mère.
Le narrateur lui-même n'est pas le spectateur neutre et bienveillant qu'il prétend être. Sa seule présence redistribue les cartes, il devient le confident, le messager, il cèle ce que l'observation extérieure lui permet de connaître et précipite ainsi le destin des protagonistes. Aussi la fin est-elle abrupte, sauvage et douloureuse.
Roman œdipien, métaphysique, fascinant, habité par l'Afrique, le Lion de Kessel mérite une lecture approfondie.
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