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Critiques de Joy Sorman (319)
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Comme une bête

Jusqu’à la Renaissance, aucune distinction n’était faite entre l’art et l’artisanat telle qu’elle est faite de nos jours. Aujourd’hui, la différence entre les deux nous paraît évidente. Pourtant Joy Sorman réussit dans ce très (trop) court roman à rendre aux métiers de la boucherie leurs lettres de noblesse surtout dans le contexte actuel où la consommation de viande est de plus en plus critiquée.

Bien entendu, si vous êtes un défenseur acharné du végétarisme, il va de soi que ce livre n’est pas pour vous et ne saura vous convaincre de la beauté de la viande et du travail de la viande.

Ceci dit, Pim, notre personnage principal, n’en était pas tout à fait convaincu non plus au départ. Et c’est un peu par hasard qu’il s’oriente lors de ses études vers la filière de la boucherie.

Il se découvre alors une passion, passion que Joy Sorman parvient à retranscrire d’une façon admirable. Une passion qui va d’ailleurs s’amplifiant et qui va mener Pim vers la folie.



Dans ce roman, on découvre les coulisses des métiers de la viande, de la ferme d’élevage en passant par l’abattoir, le marché de Rungis et les bancs de l’école de formation. Joy Sorman offre à son lecteur une véritable visite guidée jusque dans les détails et n’embellit rien.

Elle nous livre un texte remarquablement écrit. Le choix des mots, des tournures de phrase sonnent à chaque fois juste, certains passages sont presque poétiques, les descriptions parfois aussi minutieuses et colorées qu’une toile de peintre. Le travail de la viande devient sous sa plume un art à lui tout seul transformant Pim en artiste, ses gestes précis en ballet, les pièces de viande en dégradés de rouge.

Joy Sorman rend un bien bel hommage à ces métiers souvent méprisés et aussi à ces travailleurs des abattoirs à la besogne ingrate mais nécessaire.

De plus l’humour n’est pas absent de ce texte et le panache non plus.



Cependant, j’ai trouvé le roman trop court. J’en aurai voulu plus, j’aurais souhaité une histoire plus étoffée, plus fouillée. La fin m’a également déçue, je m’attendais à plus sensationnel. Pourtant c’est original et Joy Sorman évite de tomber dans la facilité. J’imaginais Pim virer psychopathe mais il n’en est rien et Joy Sorman sait ménager ses effets. On ne sait absolument pas jusqu’où la folie de Pim va évoluer, sa personnalité reste assez floue et énigmatique mais j’ai apprécié tout de même ce suspense et cette tension tout au long du récit.



En fait, ce récit me rappelle La leçon d’anatomie de Rembrandt, le sujet n’est certes pas très ragoûtant mais c’est du grand art. Et il en est un peu de même pour Comme une bête. Je souligne encore une fois le style de Joy Sorman qui m’a fait penser à celui de Patrick Deville en moins télégraphique.

Bref, j’ai aimé mais j’ai aussi été déçue. Ceci dit, je surveillerai à présent de près cet auteur.



Un grand merci à Lise et aux éditions Folio pour cette découverte.


















Lien : http://0z.fr/l3ADE
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Seyvoz

Un court roman à la lisière du fantastique, qui se lit avec la fluidité d'une eau sans barrage...Ecrit à deux mains, il nous plonge dans une double temporalité, le passé douloureux de la construction du plus haut barrage de France et le temps présent qui se rejoignent au fonds du lac de retenue. Un peu surpris par la chute qui aurait pu être vertigineuse, mais qui laisse le lecteur littéralement pétrifié...

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La peau de l'ours

Bonjour à tous, je vous parle aujourd'hui de ma lecture dominicale vraiment percutante qui laisse à réfléchir sur le comportement des humains envers les animaux.

L'histoire commence fort dans une grotte une femme est kidnappée et violée par un ours, en ressors un petit être mi-homme, mi-ours.

En grandissant la bête va prendre le dessus sur l'humain, hélas que de souffrances et de drames, son âme humaine va devoir subir jusqu'à l'instant où il finira par trouver la paix.

J'ai exploré sa vie l'accompagnant dans son voyage avec le montreur d'ours, sa vie dans le cirque où il était presque apaisé d'être en compagnie de curiosités comme lui.

Hélas le bonheur ne dure jamais longtemps, ça aurait été trop beau, il se retrouve en vitrine dans un zoo lugubre où il doit supporter la méchanceté des humains qui n'ont aucunes empathies pour les animaux.

Un roman que j'ai trouvé bizarre et un peu dérangeant au début car l'histoire me paraissait étrange vu que je n'imaginais pas trop une femme se faire grimper par un ours.

Puis en tournant les pages j'ai bien compris le message que Joy Sorman voulait faire passer en écrivant ce roman qui parle de la souffrance animale et de la haine envers la différence. Du plaisir que prennent les hommes à se moquer, à faire souffrir et à tuer que ce soit les animaux où leurs semblables.

Les hommes toujours en quête de se nourrir plus où de tuer plus, de se gaver sans limites.

Est-ce qu'un jour, l'humain pourrait redevenir raisonnable et avoir du respect pour la faune, la flore et les animaux terrestres où mammifères marins, les poissons qui se font très rares et aussi les oiseaux qui disparaissent.

L'ours étant un être différent dans cette histoire car il est un mélange incroyable que les scientifiques n'arriveront même pas à cerner. Toute sa vie ne sera qu'une lutte afin de rester vivant mais sans amour et sans bonheur, sa vie est mortelle et déprimante. Jusqu'au jour où il rencontre une femme mystérieuse qui va réveiller en lui, son instinct primitif d'ours, son dernier excès de confiance en lui.

Un mystère restera enfermé dans les pages de ce livre étonnant.

Ce livre est incroyable et laisse au moins le temps aux lecteurs de réfléchir sur la condition animale qui n'évolue pas dans le bon sens tout comme la condition humaine d'ailleurs.

Hélas, c'est de pire en pire jusqu'au jour où il n'y aura plus rien à tuer et que les hommes s'autodétruiront.

Bonne lecture à ceux qui ne l'ont pas encore lu, il n'est jamais trop tard je l'avais acheté au salon du livre à Metz en 2015 dédicacé par l'écrivaine.
Lien : https://sabineremy.blogspot...
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À la folie

Je n'ai pas lu ce livre, mais j'ai un témoignage à apporter :



Déconvenue au Marathon des Mots à Toulouse aujourd'hui 26 juin.



Je précise en préambule que la 17 ème édition de cet évènement littéraire annuel comporte pour 2021 deux thèmes : la Californie et la pop-culture.



Dans l'une de ses interventions à la bibliothèque de mon quartier, Joy Sorman devait évoquer son livre "Boys boys boys". C'est du moins ce qui était imprimé sur le programme du Marathon des mots ainsi que sur le site en ligne.



Je me suis inscrite, ai bûché le thème du livre et oh ! surprise, le débat a porté sur son dernier livre "À la folie".



Pas un mot d'excuse, ni de sa part, ni de la part de l'animateur. Qui était... Qui était-il au fait ? Il ne s'est même pas présenté.



Un sujet a été substitué à un autre, à savoir qu'il fut traité de l'immersion dans un hôpital psychiatrique de madame Sorman (en tant que visiteuse, j'ai cru d'abord que c'était en tant que patiente, mais même pas ! ) au lieu du thème attendu (l'appréhension par l'auteure de ce qu'est la féminité et sa revendication d'un féminisme "viril", concept nouveau pour moi et de nature à éveiller mon intérêt).



Je sais bien que les éditeurs souhaitent faire la promotion des livres qu'ils éditent et qu'ils passent pour cela des accords avec les auteurs.



Mais le programme du Marathon était fixé depuis longtemps. S'il est possible de considérer qu'il existe une relation entre la pop culture et le féminisme, puisque la pop culture n'a pas manqué de s'emparer de cette thématique, comme de bien d'autres, son lien avec l'hôpital psychiatrique n'apparaît pas clairement. Encore moins celui de ce dernier avec la Californie ( sauf à considérer que la Californie héberge sur son territoire quelques établissements de soins).



Par ailleurs Madame Sorman avait déjà fait une autre intervention à Toulouse sur le sujet de l'institution psychiatrique à 14h30 ; elle en fera une autre demain. On pouvait s'attendre à ce qu'elle tienne ses engagements pour cette séance qui devait être consacrée à un sujet plus ancien.



Sa motivation exclusivement promotionnelle n'en ressort que mieux.



Je n'ai pas du tout aimé me trouver dans la peau d'une consommatrice lambda à qui on essaie de vendre un produit pour un autre.



Cela manquait d'élégance.



L'intervention devait durer une heure ; ne voyant rien venir au bout d'une demie-heure, ni excuses, ni recadrage sur le thème initialement prévu, j'ai quitté la séance.



Les idées générales de madame Sorman sur l'institution psychiatrique ne m'intéressent pas. Leur présentation bien trop générale justement, mièvre, pétrie de bons sentiments, n'est pas de nature à donner envie de lire le livre. J'ai modérément apprécié le parallèle facile entre le sort des émigrés et celui des internés en psychiatrie. Les raisons de l'émigration sont multiples, celles des souffrances psychiques aussi. Il est bon de ne pas trop user d'approximations sur quelque sujet que ce soit.



L'auteure a voulu endosser le rôle de candide, elle a surtout endossé celui d'énonciatrice de lieux communs. J'ai vu les films "vol au dessus d'un nid de coucou", "girl" ; lu "Quatre ans dans l'enfer des fous" de Jean-Maurice Cervetto. J'ai une idée assez précise de ce qu'a subi Antonin Artaud. Il m'a été donné de me documenter sur l'évolution de la psychiatrie dans le secteur hospitalier récemment ; j'ai vu un reportage (récent aussi ) sur le fonctionnement du service des malades dangereux (pour eux-mêmes et autrui) à l'hôpital Cadillac en Gironde.



Pas besoin d'essayer de me convaincre de la violence institutionnelle en psychiatrie : on y retrouve en condensé la violence sociale en général.



On y trouve aussi des gens qui essaient de faire leur travail et des gens en souffrance, tant du côté des soignés que des soignants. Et aussi des gens qu'il ne convient plus de qualifier de "fous" même à l'oral.



Je recommande plutôt sur le soin le très beau livre, autrement qualifié et compétent de Cynthia Fleury "Ci-gît l'amer : guérir du ressentiment".

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À la folie

Pendant un an, tous les mercredis, l’auteure a pu circuler librement dans le pavillon 4B (hôpital psychiatrique) Deux particularités qu’elle notera d’emblée : odeurs et chaleur constantes …



Joy Sorman a interviewé, tour à tour, les résidents (Franck, Maria, Youcef, Robert, Julia, Bilal, Samantha, Esther, Arthur, Lucette, Adel, Jessica, Stéphanie, Asia, Thérèse, Viviane, Igor, Pauline, Megan, Jacques, Jordan) et le personnel (Catherine, Sarah, Miguel, Barnabé, Eva, Adrienne, Lea, Fabrice, Claudine, Anita, Danièle) en toute impartialité.



Les malades ont entre 18 et 82 ans, ils sont schizophrènes, bipolaires, en proie à des délires de persécution ou des hallucinations, dépressifs ou encore suicidaires.



L’auteure pointe du doigt – sans jugement aveugle – le manque de personnel, les traitements pas toujours appropriés, les privations de liberté basiques (téléphone ou cigarettes mis à disposition à heures fixes) promenades dans le jardin impérativement accompagnées, règles incompréhensibles au cours des repas, etc …) Une profonde détresse chez les malades – comme chez les soignants bien souvent dépourvus de moyens …



Un témoignage percutant, qui se veut le plus neutre possible. Une très belle écriture, un choix de mots mûrement réfléchi. Un récit à la fois factuel et puissant qui dénonce sans condamner vraiment – aussi paradoxal que cela puisse paraitre. Un très beau texte sur une triste réalité, qu’il faut être prêt à accueillir.
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La peau de l'ours

Lourde déception pour ce roman pourtant j'ai retrouvé la plume totalement génial de l'auteur mais l'histoire...Bof.



J'ai eu un énorme coup de coeur pour son avant dernier roman Comme une bête qui était totalement décalé par rapport à mes lectures habituelles. Un vrai délice au niveau de l'écriture et une histoire rocambolesque, tout ce que j'aime.



J'ai donc plongé sauvagement dans son nouveau roman. Dès les premières pages, je suis déjà toute excitée: je retrouve l'écriture vive de l'auteur et le roman s'annonce une fois de plus haut en couleur et puis non tout ça tombe à plat.

Comme vous avez pu le lire dans d'autres critiques, notre ours est né de viols répétitifs d'un ours sur une femme. Pour moi, j'allais lire l'histoire d'un monstre, une chose mi-homme, mi-humain. Un être au physique ingrat mais doué de raison. De fait dans ce roman l'ours est bien un être pensant mais il ne sait pas l'exprimer donc pour finir cette histoire se résume à la vie d'un ours parmi les humains. Un animal de cirque, un animal de zoo.



Je peste contre moi-même car je voulais lire une certaine histoire et l'auteur nous offre autre chose. Je n'ai pas voulu de ce texte, je l'ai tout simplement rejeté. Manque d'ouverture d'esprit de ma part ou peut-être que le livre n'est pas son meilleur? Je ne saurai pas le dire, juste la sensation que je ressens pour le moment: je me suis ennuyée lors de cette lecture.
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Pas de pitié pour les baskets

Joseph veut des Mike Air les meilleures baskets de tout les temps mais quand ça mère lui ramène des moches baskets à scratches comme les bébés, c'est le drame !
Lien : http://latetedelart2.blogspo..
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Boys, boys, boys

Premier roman de Joy Sorman. 2005. La fin d'une époque ou l'annonce de celleux qui viendront réenchanter le monde ? Bien sûr à chacun.e son enfance, sa jeunesse, son centre et son milieu. Fille de bourgeois, ou fille d'ouvriers est-ce que les mêmes cartes sont distribuées. Mais là n'est pas la question, pas entre ces pages. La question c'est la place. La place que prennent les autres, les rôles qu'ils endossent, les fictions dans lesquelles on ne se reconnaît pas. Journal de recherche plus que de combat. 2005. Seize ans. Et la question devient publique : Qu'est ce que tu fais dans la ville ? Commence maintenant le débat.

Astrid Shriqui Garain

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À la folie

Joy Sorman signe ici son dixième livre. Pour en construire le contenu, elle s'est rendue chaque mercredi pendant un an dans deux unités psychiatriques française. Son projet était de dresser un état des lieux de la prise en charge dans le domaine psychiatrique dans notre pays. Son récit, sous couvert de fiction, se déroule dans un « pavillon B » créé de toutes pièces, dans lequel l'auteure nous propose de partager quelques heures d'échanges avec des soignants, mais aussi quelques patients…



« Des portes, des couloirs ; j'aurais bientôt la conviction de circuler dans un espace strictement délimité et organisé par ces deux éléments, qui signalent toujours l'institution, et activent une certaine anxiété. Pénétrer dans le pavillon 4B ranime confusément des images d'autres portes débouchant sur d'autres couloirs - prisons, internats, administrations en tous genres. » le lieu est intimidant, presque sacralisé. C'est vrai que la parole du médecin est sacrée. Pourtant, Joy Sorman la rapporte rarement, préférant récolter les témoignages du personnel en contact direct et quotidien avec les malades, ceux- là même que l'on qualifie de « fous ».



« L'inventaire forme avec le pyjama un redoutable diptyque, les deux faces de l'intronisation psychiatrique, un rite de renoncement et de soumission. » Là, le lecteur ne peut que sentir un noeud coulant se resserrer autour de son cou si jamais il pensait s'identifier à l'un des patients témoignant ici. Certains témoignages sont édifiants. Et les propositions susceptibles d'apporter une guérison le sont tout autant.



« L'esprit entraîne le corps dans sa chute, l'angoisse ralentit la course du sang dans les veines, le désamour de soi atteint les deux ventricules du coeur et tout leur être s'affaiblit. » Au final, on ressort comme « essoré » de cette lecture, comme « rassuré » de ne pas être soi- même interné dans ce pavillon 4B. Mais en même temps, j'ai eu l'impression de lire un témoignage trop désincarné, peut- être même trop « clinique ». L'auteure nous explique l'histoire de la psychiatrie en France, le DSM, Pinel et la loi de 2005. Elle nous confie les témoignages de soignants et de patients rencontrés durant cette année d'étude. Mais jamais elle ne montre d'empathie, ni ne fait part de ses impressions, de ses sentiments. Et personnellement, c'est ce qui m'a manqué pour apprécier ce livre.

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La peau de l'ours

Une femme, devenue la captive d’un ours qui la violera, sera retrouvée trois ans plus tard, un enfant à côté d’elle. On s’attend, pour la suite, à une perturbation avec ce mélange entre l’ours et l’humain. Seulement on a affaire qu’à l’ours et à son parcours : cirque, zoo, etc. Le seul point intéressant, pour moi, est l’exploitation des hommes sur les animaux. Le questionnement reste : Pourquoi la bête a peur des relations sexuelles ? Plus aucune nouvelle de sa mère et de son père. Pourtant le début était prometteur.
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Gare du Nord

Paris – Garde du Nord. Qu'est-ce qu'on aurait pu en dire de plus de ses visages ?

Est ce que des chiffres des horaires des sigles en besace en voitures en voilà, est ce que ça suffit à dire les instants d'un espace ?

La gare. Un lieu. Et si l'espace ce n'était que du temps. Simplement celui des gens.

Des milliers d'histoires. Des transporteurs d'ailleurs. Un lieu de passage, de transit, où rien ne doit s'arrêter.

Passer, glisser s'échanger.

Le point vectoriel du voyage. Un enchevêtrement de hasard au fil d'un carrelage blanc.

Je viens, je vais, je serai. L'itinéraire oublié et à jamais réinventé .

J' accoste ou je dérive. Je débarque là où se déposent les rames.

On ne reste pas dans la gare. Rien ne se fixe. Même plus le mobilier.

On évite les mendiants, on slalome entre les piliers. On voudrait un peu se faire oublier.

Qu'est ce qu'on pourrait dire de cette gare si ce n'est une histoire personnelle. Parce que nous avons tous pour finir notre histoire consignée dans une gare. Quelque part.

La gare du Nord je la connais. Je la connais suffisamment bien pour y ranger certains de mes chapitres. Beaux et parfois terrifiants. Tous différents. Différents parce que la gare un mercredi a vu passer des anges à la gueule cassée et aux ailes déchirées, parce qu'un dimanche elle a vu des yeux de compas, parce que des livres, parce que des retards, parce que des trains qu'on ne prend pas, et tous ceux qu'on ne reprendra jamais, parce que des wagons, des snacks, et puis dehors les kilomètres d'un trottoir.

Immobile la gare. Jamais l'écriture de la vie.

De l'enfance, à l'adolescence, de la travailleuse, à la l'errance, de la course contre la montre, aux petites vasques de l'âme qui se déversent un matin rue de Dunkerque, la gare c'est comme une ville. On ne la connaît jamais.

Y a bien un plan, mais pour le lire faudrait un peu s'arrêter.

Ne plus marcher, ne plus courir, ne plus errer, juste reprendre un peu le cours de son temps.

A contre courant.

La gare ? Elle est déjà le passé qu'on vient chercher ou déposer et qui a oublié de vous dire qu'on a plus besoin de ticket pour accéder au quai.

C'est pas banal, une gare. On y arrive et on en part.

On s'y reconnaît et on s'y effraie, on y accourt, on s'y retrouve, et puis on en disparaît.

On voit tous ceux qu'on pourrait devenir, ceux qu'on ne s'est pas laisser devenir, ceux à qui on croit ressembler.

Aujourd’hui cette gare, et puis demain une autre, la même adresse, la même verrière, le même guichet, mais une autre gare parce qu'une autre histoire.

D'où viens tu, où vas tu, passager de la gare?

Raconte moi une histoire, n'importe laquelle, invente là si tu le souhaites, la main sur l'aiguillage, le pied au bord du quai, le front contre la vitre, une ligne de larmes, une rame de rire.

Dessine moi une gare, s'il te plaît.

La gare je la connais. Mais la tienne comment pourrais tu me la dire ?

Qu'est-ce ce qu'on aurait pu dire de tous ces visages?

Qu'ils font leur temps à la mesure des voitures qui avancent sur le quai ? Au pas du dernier voyageur qui en descend ? Ou qu'ils font sourire à la mesure de la course folle que dessinent des mains qui se cherchent et qui ne veulent plus se quitter ?

La même gare, les mêmes regards, les mêmes couloirs, le même espoir, le même amour, les mêmes secrets, le même ticket, les mêmes soupirs, les même paquets, le même été, la même année.

La même gare pour tous mais plus jamais la même pour ceux qui devront encore la traverser.

Alors, Paris Gare du Nord à vrai dire j'aurai bien voulu en connaitre un peu plus loin que ses grandes lignes.



Astrid Shriqui Garain



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La peau de l'ours

Déjà à l’issue de ma lecture de Comme une bête, j’étais restée dans une grande incertitude pour rédiger ma chronique. Joy Sorman reste pour moi une ambiguïté. Je me délecte de son style mais je reste en marge de ses histoires.



Avec force de descriptions, de détails, l’écriture de l’auteur met mon imagination en effervescence. Je vois de belles scènes ( celle de la tempête en pleine mer ou la jungle acoustique du zoo sont superbes) et surtout je ressens tant d’émotions.



Le narrateur est ici un ours, né de l’union de Suzanne, la plus belle fille du village et de l’ours sauvage qui l’avait enlevée. Vendu à un montreur d’ours, il sera ensuite vendu plusieurs fois, subira des voyages par mer, train ou roulottes souvent très meurtriers pour la race animale. De cirque en zoo, notre ours va connaître toutes les asservissements réservés par les humains aux animaux. » Les hommes ne nous laisseront donc jamais en paix. »

Seules les femmes conscientes de son origine, trouvent de l’intérêt à cet animal qui fut autrefois le roi des animaux avant d’être détrôné par le lion. Elles savent écouter son silence, son épaisse fourrure les réconforte.

» Voilà ce que j’ai découvert, que les femmes ont depuis longtemps abdiqué tout savoir définitif, qu’elles connaissent le silence et la relégation, ce pourquoi elles me suivent, légères et intrépides, dans un monde obscur, et se délectent de ma simple présence. »

Les conditions de vie des animaux au zoo sont peut-être les plus difficiles à vivre. Dans ce décor factice d’arbres peints, avec pour seul compagnon un rat errant, notre ours déprime. L’écureuil perd la raison, le singe se suicide.



Ce conte montre à merveille toute l’humanité des animaux et la bestialité des hommes.

» Les hommes aigris, mécontents du monde dans lequel ils sont nés et qui tracassent les bêtes désarmées pour se soulager » alors que l’ours ressent des émotions, sent son cœur battre fortement dans sa poitrine. » Assis en tailleur dans ma cage, je regarde ailleurs, mon cou pivotant dans une torsion exagérée, je tâche de me tenir à distance de toute émotion alors que mon cœur bat à m’en fendre la poitrine- c’est ma perspective de l’inconnu, mais l’inconnu est-ce cet homme ou l’océan? »



Ce récit se lit comme un beau chant triste, une fable sur l’attrait de la monstruosité, une réflexion sur la bestialité humaine et l’humanité animale.

Mais finalement, au-delà de la perfection de l’écriture, je reste un peu en attente sur l’histoire.



« Toi l’ours tu es tout ce que nous avons abandonné, tu es notre parent perdu dans les plis des siècles, nous ne sommes que ta version détériorée et ton ultime descendance... »
Lien : http://surlaroutedejostein.w..
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Comme une bête

Il n'y a pas de meilleur résumé de ce roman que celui qu'en a fait l'éditeur. Comme une bête, c'est purement et simplement "l'histoire d'un jeune homme qui aime les vaches au point de devenir boucher". En effet, Pim "rêve à la viande" alors que "s'épanche en lui un amour carnivore, une gratitude insensée pour les bêtes qu'il aime et mange, qu'il aime et tue" (p.169-170). *Un peu cinglé le bonhomme...*



L'enjeu de ce livre est de construire une réflexion sur le regard que porte Pim sur son métier. On peut aussi y voir une conceptualisation du paradoxe humain: on aime nos animaux mais ça ne nous empêche pas de les manger. J'ai des copines qui vivent dans un champ derrière chez moi et avec qui j'aime discuter de temps en temps. Ça ne m'empêche pas de me remplir le gosier de steak juste après.

Ce roman n'a donc pas d'intrigue à proprement parler (on aime ou on aime pas). Il est simplement l'aboutissement d'un questionnement sur la passion d'un homme pour les bêtes, d'un boucher pour la viande.



Voyez plutôt:



- Début du roman: Pim intègre le centre de formation des apprentis bouchers de Ploufragan

- Péripétie 1: un cochon s'évade de l'abattoir

- Péripétie 2: Pim reçoit le prix du "meilleur apprentis boucher des Côtes-d'Armor"

- Péripétie 3: Pim discute avec Culotte junior (vache, fille de Culotte 1ère)

- Chute finale: Pim est boucher



Joy Sorman exprime ses idées de façon très poétique. Ce livre se lit d'ailleurs bien plus pour la verve de son auteur que pour l'intrigue en elle-même, pour sa réflexion que pour son suspens. Il n'est pas ici question d'un roman narratif mais bien davantage d'une ode à nos amis les bouchers. Ma lecture n'a pas été sans me rappeler sur certains points celle de Bifteck de Martin Provost, plus vulgaire et moins subtile mais tout aussi intéressante.



> Hommage marquant à une passion dévorante, celle de ces composteurs de viande qui nous servent tous les jours, Comme une bête cherche bien plus à magnifier la relation qu'entretiennent ces hommes (et ces femmes) avec les bêtes qu'à juger notre appétit carnivore. A réserver aux vachophiles qui apprécieront cette peinture satirique d'eux-mêmes.
Lien : http://mariae-bibliothecula...
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Blob, l'animal le plus laid du monde

Tombée sur cet album dans les rayons de ma bibliothèque, je n'ai pas pu m'empêcher de l'emprunter, incapable de résister aux illustrations d'Olivier Tallec.



Il illustre ici avec son talent habituel un texte de Joy Sorman sur l'animal le plus laid du monde. Car figurez-vous que les animaux repoussants, comme les miss, concourent afin d'être élu représentant de leurs pairs. Et voilà Blob parti pour une année VIP, privilège qui lui monte légèrement à la tête.



Le discours sur les animaux moches, mais aussi sur la précarité de la célébrité est plutôt bien vu. D'autant que les illustrations ne lésinent pas sur les clichés, très drôles.
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Popville

Comment se construit une ville ? Tout commence souvent par la construction d'un édifice religieux avant que se placent autour d'autres bâtiments.



Ce magnifique livre pop-up nous permet de voir en accéléré les différentes phases de l'édification d'une cité.



On voit peu à peu disparaître les arbres au profit du béton et de l'envahissement des batiments.



La figuration des engins de chantier sur la maquette permet de réfléchir aux futurs édifices et à leur destination.



Les auteurs dessinent en parallèle les voies de circulation avec les routes et la voie ferrée et ils n'oublient pas les aménagements nécessaires au confort moderne avec les pylônes électriques ou encore le château d'eau.



Joy Sorman nous offre en dernière page un récit en texte de cette aventure. Et les auteurs nous proposent une planche à détacher pour se lancer dans l'expérience du pop-up en mettant en relief un arbre, des voitures et des engins à déplacer sur les pages.



Un beau livre à partager pour mieux comprendre notre environnement !


Lien : http://www.nouveautes-jeunes..
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La peau de l'ours

Tout au long de ce livre, le lecteur se demande où cela peut bien se passer. Jamais l'auteure ne le précise et c'est très bien comme cela puisque ce qu'elle raconte avec simplicité et talent, est une fable révélatrice de la nature humaine, de toutes ses contradictions et surtout de ses rapports avec les animaux, êtres si proches que nous maltraitons tellement.

L'histoire commence dans les montagnes, dans un village où un pacte a été conclu avec les ours : au moindre problème, on chasse et on abat. Interdiction donc, pour l'ours, de s'approcher des enfants et des jeunes filles… mais il y a Suzanne que tous les hommes veulent épouser et qui ne pense qu'à s'occuper de la ferme et de ses 50 agneaux. Voilà qu'un soir, elle ne rentre pas : elle a rencontré l'ours, un ours brun de 3 m : « un lutteur trapu et massif, un monstre de robustesse : un torse, un dos, des pectoraux extraordinairement développés. »

L'ours l'emmène dans sa tanière et Suzanne pense qu'elle va mourir mais l'animal la garde captive pendant 3 ans et la viole régulièrement. Lorsqu'elle est enfin délivrée par des bucherons, elle est avec un enfant-ours, mi-homme, mi-bête ! le retour au village est terrible, la cruauté des hommes n'ayant pas de limites.

Passé ce début cruel, sauvage et rude, c'est l'enfant-ours qui raconte. Vendu à un montreur d'ours qui le rôde au spectacle en quelques jours, il confie : « Je deviens ours, dressé, montré, enchaîné, un ours pour les hommes » Il réalise la déchéance de l'ours détrôné par le lion pour le titre de roi des animaux. Il sent qu'il ne peut rien pour remédier à cela : « la lassitude a vitrifié chaque recoin de mon coeur. »

Passant d'un propriétaire à un autre, notre narrateur connaît toutes les vicissitudes de la vie animale avec le combat dans une arène, un voyage en bateau : « l'océan bien plus hostile et imprévisible que toutes les forêts. » Revenu à terre, il raconte une longue pérégrination avant de découvrir la vie du cirque qui lui permet d'approcher des femmes, de les connaître et d'apprécier leur tendresse.

Tout cela finit sur du béton : « Un paysage dur, qui écorche et abrase, un paysage froid qui a perdu la douceur de la piste, la chaleur de la paille qui tapissait ma cage, la souplesse de la terre boueuse du campement. » Devenu « un animal sous cloche », il note les réactions de visiteurs, entre provocation et cruauté avant l'arrivée d'Esther…

Après avoir lu "La peau de l'ours", il est impossible de ne pas changer de regard devant notre façon de traiter les animaux … même avec les meilleures intentions du monde.
Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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La peau de l'ours

Joy Sorman est décidément très étonnante et extrêmement douée.

On ne lit pas cette jeune auteure a toute vitesse en voulant absolument découvrir la fin du livre. Au contraire, on prend son temps pour savourer les mots si bien choisis, les tournures, les changements de style.



Joy Sorman me fait du bien car elle calme ma fièvre dévorante et me repose.



Il y a quelquechose de presque philosophique dans ces écrits et j'ai aimé être dans la peau de l'ours. Quand au talent, il n'est pas presque la, il est bien présent jusqu'au troublant.
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Le témoin

« ... son pas encore un peu plus allégé, son existence en voie d'escamotage.

Car c'était une fugue, une évasion, une disparition volontaire puisqu'on avait voulu l'effacer; il se retirait de sa propre initiative, programmant sa relégation. Banni, il choisissait son exil, c'était sa revanche. »

Joy Sorman, Le Témoin (Flammarion, 2024), p.13

Ancien employé de Pôle Emploi, qu’il a dû quitter à cause d’un plan social entraînant des licenciements massifs, Bart choisit de ne pas réintégrer le monde du travail. Ayant toujours été « meilleur observateur qu’acteur » (p.95), ce fonctionnaire discret et un peu terne élit comme lieu de retraite le Palais de Justice de Paris, où il s’installe en clandestin, organisant son campement nocturne à l’intérieur du faux-plafond des toilettes, un havre qu’il partagera bientôt avec une minuscule souris… Le jour, Bart parcourt les différents espaces du Palais, de la cafétéria à la salle des pas perdus où convergent tous les jours des milliers de personnes, jugés, jurés, ou professionnels de la Justice, et, surtout, notre « témoin » fréquente les différentes Cours, des chambres de comparution immédiate aux procès d’Assises.

Veillant à rester invisible, Bart assiste au défilé des jugements, de nature pénale ou civile, montrant comment la machine de la Justice, condamnée à une perpétuelle urgence, faute des moyens et du temps nécessaires pour accomplir sereinement son office, broie les destins de ceux qu’elle condamne, méprisant souvent autant les accusés que leurs victimes. Tout est traité avec la même absence d’empathie, les petits conflits de voisinage, les violences sexuelles ou conjugales, les multiples trafics de stupéfiants et délits de fuite, les cambriolages et les crimes de sang, donnant à Bart le sentiment d’un bâclage incessant, voire d’un immense gâchis humain.

En choisissant, après s’être mise elle-même remarquablement en scène en exploratrice du monde psychiatrique dans À la folie (Flammarion, 2021), cet astucieux dispositif narratif du « témoin » comme porteur de son point de vue, Joy Sorman dresse à travers ce roman un portrait sans concession d’une Justice… sans justice, réduisant son rôle à appliquer à la lettre les injonctions du Code Pénal et à remplir les prisons. Elle souligne ce choix de l’enfermement et du risque de récidive plutôt que de la simple peine d’« infamie », qui, outre le fait de soulager les structures carcérales, favoriserait l’oubli et le pardon, et, par voie de conséquence, la bonne réinsertion… Elle montre, surtout, toute la distance mise entre le petit monde des magistrats, exhibant avec vanité leur entre-soi, et la population, aussi variée soit-elle, des justiciables :

« Aux comparutions immédiates, il assiste à la lutte des classes – à nu, à cru, à l’os -, une guerre, sociale, civile et intérieure, de quelques-uns à l’allure prospère et éclairée contre beaucoup d’autres, les crasseux et les insolents , à une guerre, durcie et systématique, de l’ordre contre le désordre, il assiste à la mise en scène d’une réconciliation impossible : nous n’avons rien en commun disent quelques-uns à beaucoup d’autres. » (p.101)

La fin du récit (mais on n’en dira pas plus, évidemment !) est elle-même astucieusement symbolique, laissant voir à quel point, quand Bart joue à… Bartleby, la justice est perdue lorsqu’elle ne peut plus assigner une identité sociale contraignante aux individus auxquels elle a affaire. Ici, comme dans toute son œuvre, Joy Sorman démontre comment la parole politique et les leçons de l’engagement peuvent trouver leur meilleure expression dans la fiction. Une réussite, ce Témoin, … alors, allez-y, sur les pas de Bart, les portes du Palais vous sont ouvertes !

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Le témoin

Le précédent livre, A la folie, était le récit documentaire de l’immersion de Joy Sorman dans un hôpital psychiatrique.

Si son ambition est ici de continuer son exploration au coeur de nos institutions, elle s’éclipse derrière un personnage fictif afin de créer une trame romanesque et gagner un peu de liberté d’expression.

Bart, un cinquantenaire plutôt insignifiant, décide de quitter son appartement et sa vie pour se cacher dans une tanière peu commune. Il investit les couloirs du palais de justice de Paris. Toute la journée, il va suivre des procès dans les différentes chambres du palais. Le soir venu, lorsque les portes se ferment, Bart s’installe dans le faux plafond des sanitaires afin d’y passer la nuit.

Pourquoi ? Qui est cet homme dans son costume étriqué ? Nous ne l’apprendrons qu’au fil des pages.

De jour en jour, Bart assiste à tout type de procès.

Des comparutions immédiates pour faits de rue plus ou moins graves, mais aussi des histoires de terrorisme, de violences conjugales ou d’inceste.

Bart a l’impression que la justice est bâclée, qu’elle est une justice d’urgence et d’abattage. Et surtout que, contrairement aux maximes qui illustrent les murs du palais, elle est profondément injuste.

Les accusés, sans travail, sans papiers, ceux qui s’expriment mal ou comprennent peu les belles phrases des juges sont davantage sanctionnés que ceux bien habillés, au niveau culturel plus élevé.

La justice ne peut corriger l’injustice liée à la naissance.

Bart s’étonne aussi de l’attribution des peines. Comme si les juges suivaient bêtement une grille sans aucune once d’aménité. Ils appliquent la loi plus que la justice.

Ces procès sont des tranches de vie, étalées devant les juges. Bart se sent proche d’eux. Il ne comprend pas ce besoin de vengeance de la société qui pousse les juges à prononcer des peines. Pourquoi cette obsession carcérale ?

Mais Bart ne s’impose-t-il pas une privation de liberté ? Nous suivons son évolution dans les couloirs, comment il se nourrit, se lave, tente de rester présentable sans éveiller les soupçons des gardes.

Joy Sorman a judicieusement choisi le prénom de son personnage. Elle s’inspire de Bartleby, le personnage d’Herman Melville. Cet être lisse n’existe que par ses gestes, ses mots mais dont on ne saisit jamais l’intériorité. Il incarne la résistance passive. Bart est en ce palais une présence qui reçoit les émotions des accusés. En répétant cette phrase culte, « je préfèrerais ne pas… », il s’insère sans violence au coeur du processus judiciaire.



Joy Sorman passe du temps au cœur des institutions qu’elle décrit dans ses livres. Sa longue immersion donne de la véracité à ses récits. Elle sait aussi s’intéresser aux lieux parfois méconnus des lecteurs bien qu’ils soient essentiels au fonctionnement de notre société. Son regard, sensible et engagé, nous donne une base de réflexion essentielle. Les réponses ne sont pas toujours simples mais le constat est implacable.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Le témoin

"Si punir n'est pas glorieux, si la justice ne répare rien, parler et écouter, le minimum requis dans cette enceinte, peuvent être avantageux, estimables (...)".



- EBLOUISSANT! -



Je referme ce livre, dont j'ai dévoré la lecture en une seule petite journée, absolument saisie par l'acuité et la finesse de l'analyse que nous y livre l'autrice, qui a arpenté les prétoires durant une année pour s'imprégner de ces lieux singuliers que constituent les tribunaux pénaux.



La forme du roman préserve du caractère péremptoire de l'opinion, selon l'explication de Joy Sorman dans une interview, et il est vrai que cet exercice d' "arracher le langage à l'enfer des opinions", suivant les mots de Christian Bobin, permet à la fois une mise à distance des scènes et une protéiformité des sentiments qui ne manquent pas de coloniser les coeurs et les consciences des "spectateurs" de la violence ordinaire que constitue inexorablement le procès pénal.



C'est à la faveur du regard d'un homme qui n'est pas particulièrement animé, ni de convictions, ni d'opinions, ni - encore moins - de certitudes, que l'on découvre cette pantomime cathartique, flanquée de solennité désuète et figée, que constitue "un procès", cette saynète grinçante où s'expriment les passions humaines, la médiocrité des raisonnements simplistes, l'atavisme des précarités jamais compensées, jamais réparées, et où tente de s'exercer, dans une parfaite hypocrisie, l 'étiologie judiciaire du "fait pénal" et de la sanction qui doit, au nom de l'Etat et des velléités d'une opinion publique aussi vorace qu'impermanente, le disqualifier.



L'autrice pose la question de la vacuité de cet exercice qui ne s'exerce pas et l'inanité du pseudo syllogisme juridico-judiciaire qui tire d'un fait pénal une peine sensée le châtier, la seconde étant prétendûment proportionnellement calibrée à la gravité du premier. Elle ose interroger le sens et la fonction de la peine d'emprisonnement et, plus fondamentalement, le lien causal qui unirait un individu au crime qu'il a commis, dénonçant la grande absente du débat judiciaire: la dimension collective, autant sociale que sociétale, dans la fabrication de la délinquance.



Le propos n'est pas caricatural; j'eu pourtant préféré, faisant moi-même partie "du système" que je subis bien plus que je ne célèbre. Et ce qui me frappe de façon aussi terrible que dramatique, c'est l'incapacité - collective toujours - à remettre l'ouvrage sur la table, à oser porter le vrai débat sur les vraies questions, questionner les soubassements immémoriaux et l'aveuglement volontaire qui rendent possible la perpétuation - encore et encore - d'une même violence systémique, laquelle produit - encore et encore - de la misère humaine à tous les échelons.



C'est un livre brillant, écrit par une plume subtile qui laisse le lecteur - en apnée durant les 275 pages - à l'intimité de ses réflexions, le privant du confort moral de la délivrance que lui offrirait le postulat simpliste d'une réponse optimiste et définitive.



Saisissant.

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