Citations de Julian Barnes (575)
Etrange que, lorsqu'on est jeune, on ne se sente pas de devoir envers l'avenir ; mais quand on est vieux, on a un devoir envers le passé. Envers la seule chose qu'on ne peut changer. (p207)
Dans la nacelle du Doña Sol, la "divine Sarah" est au paradis. Elle se dit qu'au-dessus des nuages il y a "non le silence, mais l'ombre du silence."
Etre russe était être pessimiste ; être soviétique était être optimiste. C'était pourquoi les mots Russie soviétique étaient contradictoires. Le Pouvoir n'avait jamais compris cela. Il croyait que, si l'on tuait assez de citoyens, et si l'on mettait les autres au régime de la propagande et de la terreur, l'optimisme en résulterait. Mais où était la logique là-dedans ? De même qu'ils n'avaient cessé de lui dire, de différentes manières, par l'intermédiaires de bureaucrates culturels et d'articles de journaux, que ce qu'ils voulaient, c'était un "Chostakovitch optimiste". Une autre contradiction dans les termes.
Theories were clean and convincing and comprehensible. Life was messy and full of nonsense.
( Les théories étaient claires, convaincantes et compréhensibles. La vie était beaucoup plus compliquée et pleine de non-sens )
Destiny. It was just a grand term for something you could do nothing about. When life said to you, ‘And so,’ you nodded, and called it destiny.
(Destin. Ce n'était qu'un grand mot pour ce à quoi vous ne pouviez rien faire.Quand la vie vous disez "Eh, voilà", vous hochiez la tête et appeliez ça le destin.)
...mais il tenait Picasso pour un saligaud et un lâche. Comme il était facile d'être communiste quand on ne vivait pas sous le joug d'un régime communiste! Picasso avait passé toute sa vie à peindre ses fariboles tout en encensant le pouvoir soviétique; mais à Dieu ne plût qu'un pauvre petit artiste souffrant sous la tyrannie de ce pouvoir soviétique essayât de peindre comme Picasso!
La lecture est une aptitude majoritaire mais un art minoritaire. Rien toutefois ne peut remplacer la communion précise, complexe, subtile entre auteur absent et lecteur présent, captivé. (p.24)
Les choses ne changeaient jamais pour vous ; c'était une des premières règles de votre existence. Vous parliez volontiers de ce qu'elles seraient quand elles finiraient par changer : vous imaginiez le mariage, et l'amour huit fois par nuit, et comment vous élèveriez vos enfants d'une manière qui combinerait la souplesse, la tolérance, la créativité et de grandes quantités d'argent ; vous rêviez d'avoir un compte en banque et de fréquenter les boîtes de nuit et de posséder des boutons de col et de manchettes et des mouchoirs marqués de votre monogramme. Mais toute menace sérieuse de changement vous inspirait de l'appréhension et du mécontentement.
C'est Toni qui le premier avait avancé le concept de Flânerie Constructive. Nous étions en permanence soumis, expliquait-il, soit à un gavage de crâne obligatoire, soit à des divertissements non moins obligatoires. Sa théorie était qu'en flemmardant avec toute l'insouciance requise, sans cesser pour autant d'ouvrir l'oeil, vous pouviez réellement surprendre la vie dans toute sa vérité - vous pouviez récolter tous les apreçus du flâneur. Ce qui nous plaisait aussi, c'était de nous balader les mains dans les poches et de regarder les autres s'activer et se fatiguer. (...) Nous allions à la cathédrale Saint Paul avec nos jumelles, prétendument pour examiner les fresques et les mosaïques du dôme, mais en réalité pour observer les fidèles en prière.
"On a été tirés au sort". Je ne crois pas au destin, comme il se peut que je l'aie dit. Mais je crois maintenant que quand deux êtres se rencontrent, il y a déjà tant de pré-histoire personnelle en jeu que seules certaines issues sont possibles. Alors que les amants eux-mêmes imaginent que tout repart de zéro, et que les possibilités sont à la fois nouvelles et infinies.
Et un premier amour arrive toujours, avant tout, à la première personne. Comment pourrait-il en être autrement ? Il nous faut du temps pour nous rendre compte qu'il y a d'autres personnes, et d'autres temps.
Lui-même ne serait jamais aimé par le pouvoir soviétique. Il était issu de la mauvaise souche: l'intelligentsia libérale de cette ville suspecte qu'était Saint-Leninsbourg. La pureté prolétarienne était aussi importante aux yeux des Soviétiques que l'était la "pureté aryenne" pour les nazis. En outre il avait la vanité, ou la sottise, de remarquer et de se rappeler que ce que le Parti avait dit la veille était souvent en contradiction avec ce que le Parti disait à présent.
Etre russe était être pessimiste; être soviétique était être optimiste. C'était pourquoi les mots Russie soviétique étaient contradictoires. Le Pouvoir n'avait jamais compris cela. Il croyait que, si l'on tuait assez de citoyens, et si l'on mettait les autres au régime de la propagande et de la terreur, l'optimisme en résulterait. Mais où était la logique là-dedans? De même qu'ils n'avaient cessé de lui dire, de différentes manières, par l'intermédiaire de bureaucrates culturels et d'articles de journaux, que ce qu'ils voulaient, c'était "un Chostakovitch optimiste". Une autre contradiction dans les termes.
Au commencement, Dieu créa les oiseaux, et les oiseaux volèrent. Dieu créa les anges, et les anges volèrent. Les hommes et les femmes eurent de longues jambes et un dos sans ailes, et Dieu les avait créés ainsi à dessein. Se mêler de " locomotion aérienne" était se mêler des affaires de Dieu. Cela allait se révéler être une longue lutte, pleine de légendes instructives.
J’étais plus intelligent en sa présence. Je savais plus de choses, j’étais plus convaincant ; et je voulais désespérément lui plaire.
Destin. Ce n'était qu'un grand mot pour ce à quoi vous ne pouviez rien faire. Quand la vie vous disait : "Et voilà", vous hochiez la tête, et appeliez ça le destin.
Un premier amour détermine une vie pour toujours : c'est ce que j'ai découvert au fil des ans. Il n'occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures, mais elles seront toujours affectées par son existence. Il peut servir de modèle, ou de contre-exemple. Il peut éclipser les amours ultérieures ; d'un autre côté il peut les rendre plus faciles, meilleures. Mais parfois aussi, un premier amour cautérise le cœur, et tout ce qu'on pourra trouver ensuite, c'est une large cicatrice.
- Mais...?
- Mais. Oui, c'est un mot que la vie nous oblige à employer plus souvent qu'on ne le voudrait, plus souvent qu'on ne l'imagine.
Certains reconnaissent le traumatisme, et tentent de l’atténuer ; certains passent leur vie à s’efforcer d’aider d’autres traumatisés, et puis il y a ceux et celles dont la préoccupation première est d’éviter tout autre traumatisme pour eux-mêmes, à tout prix. Et ce sont ceux-là qui sont impitoyables, et auxquels il vaut mieux prendre garde. P 64
L’Histoire est cette conviction issue du point où les imperfections de la mémoire croisent les insuffisances de la documentation.
Quand je vois un couple de jeunes amoureux (...) Je veux les protéger de ce que le monde va probablement leur faire, et de ce qu'ils se feront probablement l'un à l'autre.