Citations de Laurence Nobécourt (220)
Lorsqu'en 2011 j'ai publié -Grâce leur soit rendue-, et que son échec n'a eu d'égale que ma déception, j'ai compris que j'étais écrivain. J'avais mis cinq ans à l'écrire, c'était le plus gros de tous mes livres, le plus touffus, j'avais tout mis et misé. (...) L'échec du livre fut complet. Et changea, en effet, radicalement ma vie: je compris que mon désir d'écrire outrepassait celui de la reconnaissance. (p. 185)
Plus nous nous enfonçons dans le chemin qui conduit à la conscience, plus ses contours s'effacent.
Je mesure quelle plénitude porte le manque constitutif sur lequel s'est fondée mon existence. Et ce que vingt-cinq ans de lutte pour écrire dans le manque ont apporté à mon travail et à ma vie. Une confiance, une exigence que même l'abondance ne saurait plus défaire. (p. 34)
La littérature est faite d'hommes et de femmes qui, à l'aide du verbe, perforent littéralement le monde pour y faire surgir le réel. Là est la connaissance, là est le vrai travail, là est l'amour.
Que votre livre n'ait pas rencontré de succès, c'est une chose toujours difficile pour un écrivain jusqu'à un certain point. Une fois ce seuil franchi- de la déception profonde et de la blessure effective- on avance, me semble-t-il, au service du verbe sans plus le souci de plaire à quiconque, avec cette seule ambition de nourrir un rêve bien plus grand et bien plus beau : celui d'être un homme, en vérité. (p. 155)
Il n'y a en effet d'engagement politique véritable qu'à défendre la beauté, celle qui rend la vie plus large et plus profonde. Pour aller jusqu'à la liberté.
Quelle est cette ombre qui est entrain de l'avaler, Roberto ? On pourrait croire que c'est son goût pour le pouvoir, l'argent, mais non, ce n'est pas cela. C'est à cause de sa mère, peut-être, qui ne savait pas l'aimer parce qu'elle ne savait pas la voir. (...)
c'est horrible parce que ce n'est la faute de personne. et ce manque à être vu précipite des générations entières dans le désir épouvantable et mauvais d'être reconnu à n'importe quel prix. Quelques uns luttent, certains s'en sortent, mais la plupart sombrent sans avoir trouvé ce regard qui les fonde. (p.26)
´ ' je vois souvent ´, dit-elle à la jeune novice agitée de pourpre , ´ quand quelqu'un afflige son corps par un excès d'abstinence ,que le dégoût surgit en lui , et par le dégoût les vices se multiplient beaucoup plus que s'ils avaient été contenus avec justesse . ´
Lire, écrire, c'est coudre un livre après les autres les morceaux d'une tunique fabuleuse pour s'en aller, joyeux, vers sa propre mort. Cette laine des mots, c'est sur son propre dos que l'écrivain la tond.
Son verbe est passé par son corps. Il connaît ce qu'il avance. Il le connaît dans sa chair où se tient la mémoire de l'espèce. Il n'y a pas de littérature sans corps. p 49
_ Je me permets de me présenter, Mickaël ; derrière moi au nord, Gabriel pour vous servir ; à l'est, Raphaël, et là-bas, à l'ouest, Ariel. À l'origine nous êtions sept mais les trois autres sont partis rêver d'autres mondes en vue de les amener à l'existence. Pour changer la Terre, il faut changer de rêve. Le voulez-vous ?
Mon jeu vidéo sera une expérience spirituelle à part entière, porteuse d'un pouvoir de guérison. Le but du jeu : intégrer son identité réelle, ni surévaluée, ni sous-évaluée, pour obtenir la pai rayonnante et féconde, devenir le christ -poète que nous sommes tous. Yazuki fut poète. J'en suis Christ-poète ! Enraciné dans la vérité, car seul ce qui prend racine dans la terre de la vérité est immortel. Tout le reste sera balayé. Mais en attendant, la minorité des Christ-poètes survit hors du groupe, elle n'a jamais pu prendre le pouvoir et ne le prendra jamais, elle est et reste ce qqui sous-tend éternellement le monde mais ne peut l'habiter. Car cette minorité est seulement constitué de ces Abel, ces souffles de l'éphémère, Abel en hébreu signifie « le souffle », « la buée », le sais-tu ?
_ J'ai connu un homme qui marchait à côté de son vélo pour ne pas user les pneus. Et qui a vécu dans une caravane devant sa maison pour éviter de l'utiliser au cas où il voudrait la revendre. Véridique. Mais c'était un Indien, et je croisq qu'il préférait sentir le sol sous ses pieds quand il se déplaçait et le ciel proche de son crâne lorsqu'il dormait.
Plusieurs réalités existent, Yazuki en est convaincu, il pense que s'il arrive à écrire un livre suffisamment puissant, les personnages finiront par advenir dans une autre réalité, un autre temps, ce pour quoi il désire écrire maintenant le livre le plus heureux du monde pour ajouter du bonheur dans l'univers. Personne ne le croit quand il dit cela , et pourtant, il sait qu'il dit vrai.
J’aime l’idée qu’à ma mort quelque chose me sera délivré du mystère de l’Univers, et ainsi éblouie par la grandeur de l’Amour et de l’Intelligence à l’œuvre, je pourrai me dire : ah c’était donc ça…
Les mots me protègent en même temps qu'ils m'exposent. A cause des mots et grâce à eux, je me sépare et je m'unis. (...)
Car l'écriture rend visible l'indicible, elle découvre le double fond, traque le secret, débusque le non-dit, dévoile cet outre-monde qui nous regarde par les fenêtres de la nuit.Par elle surgit tout ce qui fut perdu. Elle est miracle, et je lui dois la vie. (p. 9-10)
Est-elle [la littérature] plus vivante que la vie? Est-ce elle la vie vivante? Elle qui double la vie, lui ouvrant l'espace divin où être. Elle qui, par la puissance du verbe, en nous séparant du monde nous relie à tous les mondes, supportant de nous faire passer de l'un à l'autre sans devenir fou?
C'est un jour comme ça. Et il y en a des jours comme ça, des jours pour rien, des jours de voyage sans fin, sans question ni réponse, où peut-être le voyage a lieu plus qu'à n'importe quel autre moment. (p. 41)
C'est la même force qui sous-tend la contamination de cette araignée qu'est devenu Internet, qui abolit toute forme de distance, d'espace, supprimant, de fait, la possibilité d'aller et de venir, d'être en mouvement, donc vivant.
Chaque fois que nous demandons aux gens d'être autre chose qu'eux-même, nous les méprisons.
« Cette petite chaise de paille
Où s’assoit mon enfance
J’y dépose
Ma mélancolie
En robe du dimanche
La fumée jaune de la nuit
Et toute cette faute au coeur
Qui n’a pas survécu » .
Je pensais sincèrement, enfant, que les adultes ne grandissaient pas seulement en taille mais aussi en esprit, qu'ils savaient tout ce que j'ignorais. Quelle étrange découverte de comprendre petit à petit qu'ils n'avaient grandi qu'en taille. Cela m'a longtemps désespérée.