Citations de Laurence Nobécourt (220)
C'est étrange comme ici les gens seuls semblent davantage -avec-. C'est un paysage qui appelle la solitude. Par son immensité, sa puissance tranchante, il témoigne d'une vérité qui ne supporte aucun artifice. Face aux fjords, seule la solitude ne triche pas. (p. 52)
Il n'y a pas d'ailleurs que mon chemin, mais je peux décider de la route.
Ce sont quelques individus qui font le sens de toute une vie.
Il n'y a rien de plus extraordinaire pour un auteur que la sensation d'avoir été lu à la mesure de ce qu'il a été tenté d'écrire. Y compris dans ses maladresses. C'est un événement compliqué, rare et précieux. De l'ordre de la communion.
(...)
Le verbe se paie comptant, et c'est sa propre vie qu'il convient de mettre sur la table, la seule monnaie d'échange qui vaille en ce type de contrat. Ce n'est pas propre d'écrire, ni doux, parce que la liberté n'est jamais douce. C'est une sale besogne, difficile, nécessaire et parfois sublime. p 94-95
Unica était née pour la lumière, mais elle en a été exilée. Unica était née pour l'absolu, mais est-ce que l'absolu est une part de ce monde ? Avec elle j'ai cru en l'espérance, avec elle j'ai cru en l'infini. Et j'ai appris qu'il faut peut-être plus de courage pour vivre que pour mourir. "J'appelle Christ, me disait-elle, j'appelle Christ, cette puissance de chaque individu à être un homme aussi bien qu'un dieu." p 19
Incipit
--- Il faut bien que certains prennent en charge l'ombre du monde, sans quoi le monde deviendrait encore plus fou et plus malade qu'il ne l'est...
L'eczéma m'a fait connaître que je suis un arbre de nerfs.
En recouvrant mon corps c'est le mensonge du monde que l'eczéma a découvert.
(...)
Cette apocalypse intime a été l'une des chances de ma vie en ce qu'elle ne m'a laissé aucun répit.
La peau du réel s'est fendue. J'ai été fragile de cette fêlure et forte du noyau mis à nu.
Je sais aujourd'hui que la maladie est une vérité vivante qui témoigne de la part mensongère de nos vies. p 27 28
Guita citait souvent cette phrase de Satprem : "Le destin n'est pas un mystère, au contraire, c'est une situation bien connue qui se répète.
Car l'écriture rend visible l'indicible, elle découvre le double fond, traque le secret, débusque le non-dit, dévoile cet outre-monde qui nous regarde par les fenêtres de la nuit. Par elle surgit tout ce qui fut perdu. Elle est miracle.
Ecrire suppose donc de défendre avec férocité son temps et la liberté d'en disposer à sa guise. Ce qui induit fatalement de vivre -en marge- et pose la question cruciale et récurrente-épuisante, il faut bien le dire- de l'argent ou comment gagner sa vie. C'est une vieille histoire.(p. 115)
C'est la liberté de choisir sa fiction pour conter son histoire comme on l'entend. N'est-ce pas la fin de toute forme d'emprise de l'autre sur soi ? (p. 80)
A un moment donné ou à un autre, il faut bien sortir du temps : rencontrer le printemps pour toujours. Maintenant je n'ai plus peur, parce que je sais que la vie est parfaite.
La poésie est le tremblement de la langue, or qu'est -ce qui nous rend humains sinon ce qui nous fait trembler.
Et des familles, avec leur vie de tous les jours et leurs sourires, leurs mots de trois fois rien qu'ils échangent en se croisant dans la rue. Rien de plus. C'est ce qu'il me faut maintenant. Je ne sais pas si c'est le village dont j'ai besoin pour le livre, mais c'est une nécessité dans ma vie. Aller au bout. atteindre une limite pour éprouver ma liberté .(p. 89)
Ecrire, vivre, c'est apprendre à mourir. La poésie est une voie spirituelle. (p. 64)
Un jour que ce petit garçon dont je suis la mère me demandait :
--- Mais la vie, quand est-ce qu'elle meurt la vie ?
--- Jamais, lui répondis-je, s'il y a une chose qui ne meurt jamais c'est bien la vie, quant à nous qui avons l'honneur de la servir, c'est une autre affaire...
Il y a eu un silence, il a hoché la tête puis a repris son combat à l'épée.
Quel est le sens de la vie ? Si j'ai renoncé à l'espoir d'une révélation, je n'ai pas abandonné pour autant la force si douce et si secrète de la compréhension.
p 132
L'écriture, elle, ne cherche pas les faits. Elle vient touiller le réel pour en révéler une vérité encore inconnue de soi, faisant de chaque événement un événement vivant
Ma fille est devenue adulte et si elle m'appelle alors que je suis à ma table de travail, je suspends le manuscrit en cours pour lui répondre avec joie. Il y aura tant d'autres jours où je pourrai écrire tandis que ce qui s'échange là, entre nous, ne se représentera jamais. J'en ai si parfaitement conscience que rien ne me coûte à cet instant. C'est la grâce de mûrir. La grâce de la confiance.
Car la poésie est liée à la vérité. Elle est parfaitement réelle. Elle est ce point de pureté du réel qui, lorsqu'on le perçoit, fait de nous des êtres humains incarnés et vivants, manifestations du divin, spiritualisant la matière. Notre tâche d'homme, je ne cesse de le répéter : déplier l'absolu en nous.
Tout ce qui nous rabote nous polit.