Citations de Laurence Nobécourt (220)
(...) car l'écriture est un art sacré d'indien et de sorcier yaqui, elle a le pouvoir de traverser les siècles, de faire des ponts, de nous engendrer de l'autre côté (...)
L'écriture élargit le monde, l'éclaire et l'intensifie, aiguise les sens, démultiplie les charmes (...) (p. 131)
C'est étrange comme ici les gens seuls semblent davantage avec. c'est un paysage qui appelle la solitude. Par son immensité, sa puissance tranchante, il témoigne d'une vérité qui ne supporte aucun artifice. Face aux fjords, seule la solitude ne triche pas. (p. 52)
Et pourquoi faut-il que je m'éloigne toujours et si régulièrement de ceux par qui je me suis laissé apprivoiser ? Quelle est cette quête d'un ailleurs qui n'existe qu'à l'intérieur de nous-mêmes ? Et si nous pouvions un jour occuper cette place, il n'y aurait plus enfin à aller toujours plus loin, au bout du monde-et j'y vais, j'y vais-, comme s'il y avait un bout, une fin, un lieu autre où demeurer. (...)
Dans quelle Pantagonie intérieure trouverai-je le repos ? (p. 14-15)
Et pourquoi sommes-nous incapables de reposer là d'où nous venons, là où nous avons toujours été, dans la demeure de l'amour, là où enfin commencerait le vrai voyage ? Dans quelle Patagonie intérieure trouverai-je le repos ? Dans quelle Terre de Feu qui ne me brûlerait plus ?
Nous ne voulons pas être seuls parce que nous ne voulons pas être libres. C'est si terrible d'être son propre maître avec sa propre loi. Et accrochés à nos contraintes comme à un misérable parapet, nous nous dérobons à cet océan de liberté que promet la solitude. p 52
Reconnaître leur part d'ombre à chacun de nos proches c'est pouvoir leur pardonner réellement leurs paroles et leurs actes. Tandis que le déni nous maintient dans un conflit intérieur insoluble.
Quand des tensions traversent notre relation, nous nous refusons à confondre les êtres et la situation.
(...) ce roman que j'avais intitulé -Grâce leur soit rendue- (...) On ne comprend pas bien la raison d'un tel titre." C'est vrai. Il y a une clef que je n'ai pas donnée : chacun des personnages du livre- à l'exception du principal, Kola- porte le prénom de l'un de ces auteurs qui ont tant compté pour moi. Et Alejandra (Pizarnik) n'est pas le moindre d'entre eux. Il y a aussi Roberto (Bolano), Hildegarde (de Bingen), Milena (Jesenska), Giuseppe (Ungaretti), Jim (Harrisson), Vassili ( Golovanov)... Tous, à un moment ou à un autre, m'ont portée. Ils ont été cette lumière qui, lorsque je me tenais terrassée par l'envie de mourir, m'a inlassablement relevée. (p. 157)
La solitude et l'isolement s'amassent autour de moi comme une matière physique qui me rapproche de l'effroi. Sommes-nous encore vivants quand il n'y a plus de langue? Plus de lien? S'enfoncer dans l'absence de langue comme dans un monde sauvage, c'est cela le Japon. Ici, je n'existe pour personne. Ai-je reçu leçon d'humilité plus grande que cette aventure japonaise?
N'y a-t-il rien d'autre à atteindre que soi-même, accomplir sa singularité la plus unique ? (...)
je sais qu'accepter d'être seul est l 'évènement le plus discret et le plus important de toute la vie. (p. 122)
Je pleure comme si j'étais toute petite. Ce que je suis dans la grande cour de l'univers où je viens d'entrer: une toute petite fille avec un immense besoin de consolation. (p. 101)
Les choses n'ont de réalité que reliées au verbe. En vidant la langue de sa substance, on ôte à l'homme son pouvoir de l'interpréter, et avec lui sa possibilité d'entrer dans l'être. Alors, à son tour l'homme devient une chose. Et la peste s'installe. Nous y sommes.
Les trois quarts des gens passent leur existence à vouloir "s'élever" socialement, dans l'illusion que la classe supérieure à la leur les rendra plus heureux. C'est une ineptie ! Cette couleuvre, qui est sans doute la plus énorme à avaler entre toutes, est pourtant celle qu'ingurgite sans sourciller la quasi-totalité des êtres humains. Et pour cause ! Si ils cessaient un instant de croire en cette chimère, à quoi pourraient-ils attribuer leur accès de mélancolie et leur soif intérieure d'autres chose.
--- Que pensez-vous du qualificatif de "mystique" que l'on vous attribue parfois ?
--- Si l'on prend la plus simple définition du mot : "qui a un sens caché", je me reconnais entièrement dans cette appellation. Le langage porte sa part de mystère que nous avons le devoir de dévoiler. Notre vie est un texte qu'il nous revient d'interpréter. C'est le devoir magnifique de chaque homme. Nous sommes les rabbins de notre propre Torah. En ce sens, je suis mystique et c'est là, me semble-t-il l'état naturel de l'homme. p 93
Il est écrit dans le Coran : "Il y a deux sortes d'hommes, ceux qui subissent le destin et ceux qui choisissent de le subir." On ne choisit pas les situations qui nous sont échues, mais l'altitude à partir de laquelle nous décidons de les vivre. p 94
(...) Le hasard, c'est l'Esprit qui se promène, invisible et vagabond.
Nous sommes condamnés à tomber. La seule dignité qui nous soit accordée, afin de nous redresser, est celle d'oser voir. Voir et comprendre, ouvrir les yeux. p 18
La Patagonie c'est cela, ce n'est pas le bout du monde mais son envers à l'endroit, où se dressent majestueux les dieux et déesses qui peuplent cet univers enversé.
L'écriture était un espace de liberté, où je ne me sentais pas agressée. Elle m'a sauvé la vie. J'ai commencé à dire ma vérité, celle qui avait été deniée par ma famille.
Le Monde des Religions n°87, 01-02/2018
Tout ce que j'ai vu du Chili depuis un mois que je suis ici ne dit rien de Bolano. Il n'a rien de chilien. Il appartient à cette terre singulière, au-delà de toutes les nations et de toutes les cultures, qui est celle de la littérature lorsqu'elle atteint à l'incarnation du verbe. (...)
Le paysage de sa langue est aussi immense et sauvage que le sont ceux de son pays. (p. 109)
Ainsi, seul -mon - chemin contient tous les ailleurs. Quinze mille kilomètres aller, quinze mille kilomètres retour, trois arcs-en-ciel, combien d'heures de bus, de bateau, d'attente, pour intégrer cette vérité si simple. c'est la première fois, cependant, que je l'accepte réellement. (...)
Il n'y a pas d'ailleurs que -mon-chemin. Mais je peux décider de la route. (p. 91)