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Critiques de Laurent Cappe (92)
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May

Dans ce château de Broclemet (Pas-de-Calais), Laurent Cappe m’a fait vivre une terrible et belle histoire bâtie autour de deux femmes : Belle et May. Même si la première est actuelle, c’est le destin de la seconde que j’ai brûlé de connaître au travers d’une vie extraordinaire et tellement humaine à la fois.

Je suis tout de suite dans l’ambiance avec un prologue présentant May, petite fille, délaissée par ses parents dans ce château – « Versailles du Nord » - où ils ne pensent qu’à faire la fête. May a 9 ans et sait se rendre invisible, se glisse entre les doigts de ceux qui veulent la retenir, comme une anguille. Seule une femme énigmatique, une harpie aux cheveux roux, lui demande d’avoir confiance en l’avenir.

Débute alors la première des trois parties avec Belle, directrice des affaires financières d’un grand groupe du bâtiment. Elle habite un appartement de cent quarante mètres carrés dans le VIIe arrondissement de Paris et sa meilleure amie, collègue de travail plus âgée, se nomme Jasmine ; elle est son âme sœur.

Malgré sa réussite professionnelle, Belle, n’est pas heureuse, ressent des problèmes de respiration. C’est dans la salle d’attente d’un psychologue qu’elle tombe sur une petite annonce décrivant un château du XVIIIe, à Broclemet. Ce château est à vendre, avec son parc, plus travaux à prévoir. C’est un choc pour Belle, une révélation !

Fascinée par cette annonce, elle se remet à respirer normalement et prend aussitôt une semaine de congés pour aller voir sur place, fortement tentée de s’installer dans le Pas-de-Calais. Au passage, j’apprends qu’elle a une fille, Victoire (5 ans), seul véritable amour de sa vie, dont le père, Mathias, collectionneur de conquêtes féminines, se révèlera, plus tard, fort malfaisant.

Voilà donc Belle à Broclemet avec l’agent immobilier qui lui fait visiter le château : vingt-cinq pièces plus salons, salles d’eau, de réception et un parc magnifique de trente hectares, bien boisé. La propriétaire étant décédée en 1995, les descendants veulent se débarrasser de cet héritage bien encombrant.

Avant de repartir pour Paris, Belle apprend que l’ancienne propriétaire avait traversé le village, entièrement nue, à cheval, un exploit qui marque encore les mémoires !

Grâce à une lettre remise par le notaire, Belle fait davantage connaissance avec May qui raconte son enfance, parle de ses parents écumant les grandes villes du monde la laissant dans les mains d’une nourrice, au château. Avec cette première lettre, c’est le début d’un jeu de piste littéraire passionnant, plein de surprises, qui permet de découvrir l’extraordinaire bibliothèque du château. Le père de May, amoureux des livres anciens, collectionnait les ouvrages rares et j’en découvrirai plusieurs, très bien décrits par Laurent Cappe, au cours de ma lecture.

Sans temps mort, les chapitres se succèdent, chacun intitulé avec le prénom du principal personnage concerné. C’est avec plaisir que je côtoie donc Belle, Jasmine, May, Victoire, plus Marc et Elisa qui habitent la maison du gardien, à l’entrée du château. Marc en assure l’entretien alors qu’Elisa est institutrice à l’école publique du village.

La seconde partie apporte de nouvelles révélations sur la vie de celle qu’on appelait « La baronne » au village. La première guerre mondiale révèle ses talents d’infirmière et même de vétérinaire alors que le château est réquisitionné pour la convalescence des officiers français, plus un Allemand, prisonnier, Wilhelm, dont elle tombe amoureuse.

C’est dans cette partie qu’apparaît Hervé, menuisier, qui va beaucoup compter pour Belle qui progresse, de lettre en lettre, dans la vie de May.

Dans la troisième partie, de loin la plus intense, j’apprends que May est orpheline dès vingt-deux ans, qu’elle a eu un fils, qu’elle s’est mise à boire, ne veut plus voir son fils, le refile à la famille de Wilhelm et fait croire à sa mort. D’ailleurs, la tombe de ce petit Marcel se trouve au fond du parc.

Bien sûr, la seconde guerre mondiale fait des ravages. Le château est occupé par l’armée du Reich qui saccage bien les lieux. May peut résister grâce à Henri, homme à tout faire au château. C’est au cours d’une longue soirée mémorable que tout se délie.

Laurent Cappe, homme de théâtre dont j’avais découvert les talents d’écrivain dans Bleu, mène les dernières pages de son roman avec brio. C’est passionnant, terrible, haletant. Les coups de théâtre se succèdent jusqu’au bout avant qu’un épilogue se révèle infiniment précieux pour le lecteur.

Je remercie l’auteur qui a continué à me faire confiance pour découvrir son second roman parce que je me suis ré-ga-lé !!!




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Bleu

Dans ce Village un peu perdu, en 1901, Laurent Cappe qui est aussi metteur en scène et acteur de théâtre, m’a fait vivre une histoire d’une intensité dramatique phénoménale.

Bleu, c’est la couleur de la peau de cette famille Carson qui vit à l’écart du Village et souffre du mépris, de la peur des autres habitants, peur menant à la haine. Jean et Marie ont un fils, Charles qui est moins bleu qu’eux sauf quand il est contrarié ou sur le coup d’une émotion.

Dès les premières pages, je suis surpris par le mode de narration utilisé par Laurent Cappe. D’emblée, il annonce une fin dramatique qui va me tracasser durant une bonne partie de ma lecture. Cette lecture, justement, devient de plus en plus addictive pour cette histoire faite de coups durs, de moments de bonheur puis de terribles événements.

Dans ce Village, il y a le Manoir, tenu par quelques religieuses qui hébergent des orphelines. La plus sympa des nonnes, Sœur Marthe, s’occupe particulièrement de Frida qui rencontre Charles pour la première fois lors de la veillée funèbre de Marie, sa mère, retrouvée noyée.

Le responsable d’un cirque était même passé chez les Carson pour tenter de les embaucher comme attraction dans son musée des horreurs, ce qui ne manque pas de me rappeler La vie qu’on m’a choisie d’Ellen Marie Wiseman.

Charles et Frida se plaisent, se retrouvent fréquemment, grandissent et leur amitié se transforme en amour. Hélas, dans ce Village, il y a les jumeaux Maurice et Louis Duriez, fils de César, propriétaire d’une brasserie prospère. Aigri, dur avec ses gosses, cet homme n’a pas digéré le départ de sa femme avec un inconnu.

Maurice, follement amoureux de Frida, est très jaloux de Charles qui subit les moqueries, les sarcasmes. Rose et Guillaume Louchez qui tiennent le cabaret du Village, adoptent Frida qui livre, de temps à autre, quelques pages de son journal. Parfois, c’est un témoin des événements qui s’exprime et le texte est alors en italiques.

Ainsi, Laurent Cappe ne construit pas son roman de manière linéaire, changeant aussi de narrateur, ce qui donne un intérêt supplémentaire à ce livre inspiré de l’histoire bien réelle d’une famille du Kentucky atteinte de cette maladie génétique : la maladie de la peau bleue.

Rien n’est épargné à Frida ni à Charles. Leur amour s’affichant au grand jour, les ragots enflent, le cabaret des Louchez se vide de ses clients et les frères Duriez vont de plus en plus loin, jusqu’au plus odieux.

Tout au long de ma lecture, happé par la tension dramatique des événements, j’ai beaucoup apprécié Bleu, leçon ô combien instructive sur ce dont est capable notre espèce dite humaine.

Ah ! Il ne faut pas que j’oublie de préciser pourquoi, en couverture du livre, figure un bâtiment dont l’enseigne est : Au Cornet d’Or. En effet, pour mieux se venger de Frida et de ses parents adoptifs, Louis et Maurice, surtout Louis, ont réussi à convaincre leur père d’investir pour créer une auberge moderne à côté de la brasserie. Ce sera un des lieux importants du roman mais je n’en dis pas plus.


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Bleu

Si Bleu est le premier roman de Laurent Cappe, il n’en est pas moins un roman réussi, d’une grande intensité dramatique.

L’histoire se déroule fin du 19ème, début du 20ème, dans un petit bourg auquel l’auteur donne le nom de Village. C’est un peu à l’écart que vit la famille Carson qui ne descend au Village qu’à l’occasion des marchés pour acheter le nécessaire, personne ne leur adressant trop la parole sauf quand ils ont besoin de leur acheter des tonneaux, des barriques ou de petits meubles pratiques et solides de leur fabrication. En effet, une malédiction les poursuit de génération en génération: ils sont bleus, ils ont la peau bleue et du coup sont maudits et voués aux moqueries et aux brimades, personne à l’époque ne connaissant cette maladie.

Au Village sur le côté droit de la place est bâti Le Manoir, ce pensionnat pour jeunes orphelines du canton tenu par les sœurs de la Charité et où a été accueillie Frida, lors du décès de ses parents.

L’enfant, devenue adolescente est particulièrement belle et ne passe pas inaperçue lors des quelques sorties organisées par les nonnes, notamment par Maurice Duriez, l’un des jumeaux du puissant propriétaire de la brasserie locale et également maire du Village. Et voilà que Rose et Guillaume Louchez qui tiennent le seul cabaret du Village et qui n’ont jamais pu avoir d’enfant décident d’adopter Frida. La jeune fille va alors pour la première fois depuis la disparition de ses parents se sentir entourée de tendresse et d’amour. Mais il y a un autre amour qui s’est épanoui. Le fils Carson, Charles, ce jeune homme à la peau bleue et Frida sont éperdument amoureux.

Le moins que l’on puisse en dire est que cette liaison va bouleverser totalement la vie du Village !

Si je n’ai pas été complètement emportée par les premières pages, mon intérêt pour cette histoire est allée crescendo jusqu’à un enchantement total.

J’ai trouvé que Laurent Cappe avait fait une approche psychologique des personnages très pointue, que le langage utilisé dans les dialogues entre Maurice et Louis était particulièrement adapté à la personnalité de chacun des frères Duriez.

C’est un roman très dur par les sujets abordés, avec en point d’orgue un amour passionnel. L’exclusion de la société pour la seule raison d’être différent des autres, en est le principal. Se pose la question de savoir pourquoi l’homme, même s’il n’a pas toutes les explications en main, comme ici cette couleur bleue due à un problème sanguin non encore élucidé, pourquoi cède-t-il à la peur et est prêt à faire souffrir celui qui est différent ?

La peur de l’inconnu, l’hostilité vis-à-vis de l’étranger, qu’est la xénophobie ou encore le racisme ont les mêmes conséquences. En s’inspirant très librement d’un fait réel, d’une famille du Kentuky atteinte par cette mauvaise oxygénation du sang, l’auteur a trouvé un biais très original pour raconter la mise au ban de la société et la violence pouvant découler de la simple différence. Il a su mettre en évidence avec des mots toujours très justes, l’ambition, la convoitise, comment ceux que l’on nomme les braves gens suivent le mouvement sans se poser de question mais aussi les sentiments de culpabilité ressentis par certains protagonistes.

De même, il nous amène à faire notre propre introspection, à regarder à l'intérieur de nous-même et à nous interroger sur ce qu'aurait pu être notre vie, si, à tel moment, nous n'avions pas choisi cette voie mais plutôt une autre.

Au final, Bleu se révèle comme un roman extraordinairement riche en émotions et Laurent Cappe, par ailleurs fondateur du Rollmops Théâtre de Boulogne, un auteur prometteur dont l’écriture est fine, sensible et d’une grande justesse.

Je le remercie donc pour m’avoir offert des moments de lecture inoubliables avec ce roman bouleversant empli d’humanisme !

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Ours

Ours, le dernier roman de Laurent Cappe, comme son titre pourrait le laisser penser n’est pas un roman animalier dont le sujet serait les plantigrades.

Ours est en fait le surnom de Virgile qui, élancé et d’allure sportive à l’adolescence, a ensuite acquis une forte corpulence et une pilosité conséquente. Un surnom qui ne l’a plus lâché, assorti en plus à son caractère.

Ours est aujourd’hui un vieil homme de plus de quatre-vingts ans qui vit reclus et souffre d’absences depuis le décès de son épouse Birdie.

Lors d’une fin de journée pluvieuse et venteuse, un importun toque à sa porte d’entrée. Il s’agit d’un jeune homme, sans téléphone, qui est tombé en panne à proximité. La vingtaine, il a les mêmes traits qu’Ours à cet âge-là.

Commence alors une étrange nuit.

Dans un original compte à rebours, Laurent Cappe, auteur déjà bien connu, notamment pour ses romans Bleu et May, nous embarque dans une sublime histoire d’amour qui va nous conduire de Paris à la Côte d’Opale, cette région du Boulonnais chère à l’auteur.

Une étrange complicité va lier Ours à ce jeune prénommé Adam qui l’invite à revisiter son passé et pour cela est parfois obligé de le pousser dans ses retranchements.

Difficile parfois pour Ours de se rappeler, d’autant qu’il lui arrive de décrocher, mais quels merveilleux moments de grâce il se souvient avoir vécu avec Birdie, depuis leur rencontre qui a pu se concrétiser par une vie d’amour grâce aux oiseaux, ces oiseaux qui les accompagneront toute leur vie et au-delà. La magnifique couverture est tout un symbole !

Il se remémore leurs débuts, leurs amis, la jalousie parfois, les choix qui ont dû être faits, puis ce couple, qui est venu s’installer pas très loin de leur maison et avec qui va se nouer très vite une relation sincère, très forte et durable, et enfin cette maladie cruelle, tous ces souvenirs enveloppés par cet amour passionnel qu’éprouvent Birdie et Ours.

Mais Ours est taraudé par un secret qui le ronge de culpabilité et dont il lui est très difficile de se délivrer, d’où un récit nimbé de mystère.

La plume riche, poétique et toute en délicatesse de Laurent Cappe ne peut laisser indifférent.

Que d’émotions j’ai ressenties à la lecture de ce roman tout en sensibilité, certains passages m’arrachant même des larmes !

Véritable ode à l’amour, un amour quasi utopique en l’occurrence, Ours se révèle également comme un hommage, une superbe célébration de l’art qu’il soit graphique, sculptural ou littéraire.

Les mots qu’emploie Laurent Cappe pour décrire les affres dont souffre Ours lorsqu’il ne sait plus où il en est lors de son récit sont d’une terrible justesse et tellement bouleversants.

Si Ours peut être considéré comme un chant de la vie, il est également une réflexion passionnante sur le temps qui s’écoule inexorablement, sur la fin de vie, le suicide assisté et sur la transmission.

Ours est un roman touchant, bouleversant et captivant, presque intemporel, d’une force émotionnelle puissante et je remercie Laurent Cappe pour m’avoir encore une fois honorée de sa confiance.


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May

Belle est une jeune femme au prénom en accord avec son physique. Elle occupe un poste de directrice des affaires financières dans un grand groupe du bâtiment qui lui assure un salaire plus que confortable. Au décès de ses parents, elle a hérité d'une coquette somme d'argent et d'un cent quarante mètres carrés avec terrasse dans le septième arrondissement de Paris, avec vue sur la tour Eiffel. Elle a quelques amis, ou plutôt des connaissances, et surtout Jasmine, son âme sœur, que sa petite Victoire de cinq ans appelle Tata Jasmine. le père de Victoire, Mathias qui avait réussi à berner Belle ne se préoccupe de sa fille qu'une ou deux fois l'an.

Mais Belle est mal dans sa peau et a du mal à respirer, ayant comme un blocage dans les poumons. Elle a pensé un moment que c'était dû au stress lié au contexte sanitaire du moment, mais le temps a passé et le mal est toujours là. Sans trop y croire, elle se rend chez un psychologue sur les conseils avisés d'une amie qui ne jure que par lui. Elle n'aura pas le temps de recourir à ses soins, car, dans la salle d'attente, en feuilletant un magazine, Belle se fige, une annonce focalise toute son attention : « À vendre, à Broclemet, château du dix-huitième siècle, dans un cadre prestigieux, travaux à prévoir. » La photo du château l'électrise et l'appelle… Tétanisée, ou plutôt libérée, car la voilà qui respire à nouveau amplement, elle récupère le magazine et s'en va.

La visite du domaine ayant été à la hauteur de ses attentes et même au-delà et après avoir monté un dossier bien détaillé, malgré les essais de dissuasion de ses supérieurs et de Jasmine dont la crainte est de perdre sa seule amie, Belle est bien décidée de tout quitter et d'investir sa fortune dans l'achat de ce domaine dans le nord de la France. Mille projets et notamment la création de chambres d'hôtes fleurissent dans son esprit.

Ce qu'elle n'avait pas imaginé, c'est que l'ancienne propriétaire des lieux, décédée depuis vingt ans, l'emmènerait dans un véritable jeu de piste au travers de plusieurs lettres glissées dans certains livres de la magnifique bibliothèque du château. Belle est persuadée que ces lettres de May lui sont personnellement adressées. Un dialogue va ainsi s'installer entre les deux femmes à travers le temps et par-delà la mort.

Les secrets du château, bien enfouis, seront-ils enfin révélés ?

Ce roman permet ainsi de découvrir le destin croisé de deux femmes vivant à deux époques différentes, depuis donc le début du vingtième siècle jusqu'à aujourd'hui.

May, elle, est confrontée aux deux conflits mondiaux. Ses écrits permettent de comprendre comment sa vie a basculé avec le chaos de la première guerre mondiale et comment la seconde a pu l'amener à franchir des limites.

Laurent Cappe, avec une maîtrise parfaite emmène le lecteur dans une fiction complètement addictive.

J'ai été vite hors du temps tant j'ai été prise par l'histoire et eu hâte de découvrir les secrets de ce château, croyant même à un moment que cela serait impossible.

Tout en faisant revivre certains pans historiques du passé, c'est aussi en pleine actualité que l'auteur nous entraîne avec Belle qui représente bien ces nombreux citadins qui, suite à la pandémie se questionnent, n'hésitant pas à remettre en question leur choix et leur cadre de vie, préférant quitter l'inhumanité des villes pour un rapprochement avec la nature.

Le monde du travail est également bien analysé avec cette concurrence omniprésente et impitoyable entre les employés prêts à tout ou presque pour se mettre en avant et écarter le ou la collègue.

Les compétences sont une chose mais selon que l'on est homme ou femme, elles ne sont pas toujours jugées de façon équitable, surtout avec l'âge. Ici, dans le roman, Jasmine en fait les frais : « À moins que, son Âge. Si elle avait été un homme, son âge et son ancienneté auraient été portés à son crédit. L'expérience, la sagesse. Mais elle était une femme. »

May, deuxième roman de Laurent Cappe, après Bleu qui m'avait déjà régalée, m'a captivée dès les premières pages tant l'enthousiasme qui se dégage des personnages qui évoluent au milieu de drames est communicatif. Impossible de ne pas s'attacher à ces personnages forts, certes parfois fragilisés, mais toujours touchants, vrais et passionnés, à l'exception d'un certain Mathias plus qu'exécrable.

Chaque ligne du roman nous interpelle, nous faisant à la fois rêver et craindre que Belle ne parvienne à s'enraciner, à bâtir un avenir solide et enchanté pour sa fille Victoire.

Le manoir construit au milieu d'une nature luxuriante est quant à lui un vrai personnage aussi, tant l'auteur a su le rendre vivant, ne serait-ce qu'avec cette bibliothèque que tout un chacun rêverait sinon, de posséder, du moins de visiter.

Laurent Cappe, fondateur du Rollmops Théâtre à Boulogne, comédien et metteur en scène confirme magistralement avec May ses talents d'auteur de fiction. Grâce à une écriture riche et précise alliée à une imagination débordante, il nous offre un récit haletant où le suspense est maintenu jusqu'au bout tout en abordant des thèmes forts.

Je le remercie vivement pour la confiance qu'il a eue à mon égard en m'offrant dès sa sortie, son superbe roman : un beau cadeau de Noël !

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Ours

Rentrée littéraire 2023.



Un compte à rebours terrible et émouvant débute, tout en mélancolie et douceur. L'écriture de Laurent Cappe est à la fois précise et généreuse. Ses phrases coulent tendrement pour nous conter la vie d'un couple : Ours et Birdie.

Après May et Bleu, Laurent Cappe a choisi un nouveau titre bref et percutant : Ours. Virgile, homme à la carrure impressionnante, a été affublé de ce surnom qui lui va bien et ne lui déplaît pas. C'est lui qui va se confier tout au long de vingt-cinq chapitres, nous faire partager ses pensées, revenir en arrière pour finalement dévoiler ce secret qui hante les dernières années de sa vie.

Par l'intermédiaire du jeune Adam qui lui ressemble étrangement quand il avait le même âge, Ours se met à raconter son amour immense, sa vie de couple réussie avec Birdie. Les tourterelles illustrant la couverture du livre sont belles et symbolisent leur union et leur complicité jamais démentie malgré toutes les embûches que la vie ne manque pas de réserver.

Avec adresse et malice, Laurent Cappe réussit à me balader entre réalité et fiction, sur les pas de Ours et Adam. Octogénaire bien affaibli, Ours se trouve au Cap Blanc-Nez. Pris de vertige dans ces lieux qu'il connaît bien, où il est venu si souvent avec Birdie, il est victime d'un malaise, secouru puis hospitalisé.

Déjà, apparaissent ses voisins, Max et Hélène qui, avec leurs filles, Laura et Manon, jouent un rôle prépondérant au cours de l'histoire de Ours et Birdie. Mais Adam est là, avec lui. Ils se promènent, sont trempés puis Ours lui fait une omelette, commence à lui parler de Birdie, décédée.

L'essentiel se déroule dans ce Pas-de-Calais, autour de Boulogne-sur-Mer que l'auteur connaît si bien. Déjà, il me bouleverse en écrivant une page admirable sur la vie, l'amour, la mort.

Ours a 25 ans et Birdie, 24, lorsqu'ils se rencontrent, à Paris. Les oiseaux dont la présence est constante au long du récit, font l'objet du livre offert à Ours par Birdie : « Les passereaux d'Europe », de Paul Géroudet. S'il est follement amoureux, Ours réalise que l'amour est un combat car il ne peut rester à Paris et un certain Philippe… Dès le premier instant de séparation, le manque est terrible.

Assez vite, le cancer fait son apparition avec la mort brutale d'un voisin, André, emporté par la maladie, en trois semaines. Suzanne, son épouse ne reste pas et c'est justement dans leur maison que s'installent Max et Hélène cités plus haut. Birdie et Ours seront comme des grands-parents pour Laura et Manon, leurs filles.

La complicité magnifique entre Ours et Adam m'emmène dans ce retour en arrière indispensable pour comprendre toute l'histoire. Si Ours est émouvant dans ses confidences, ses tourments psychologiques sont bien décrits car le souci de l'auteur est de faire vivre le couple, sa formation, son évolution et surtout d'aborder cette cassure terrible lorsque l'un meurt. Que devient l'autre ?

Toujours soucieux du moindre détail, Laurent Cappe a tendance à s'embarquer dans des phrases trop longues mais bien maîtrisées. de plus, il présente un monde un peu trop beau où la réussite est toujours au rendez-vous malgré quelques obstacles tout de même.

En fait, c'est la maladie, essentiellement, qui apporte la noirceur dans ce roman, même si son issue inéluctable est toujours vécue de manière positive.

Il ne faut pas que j'oublie de préciser que Birdie est une artiste de grand talent qui dessine et sculpte remarquablement alors que Ours rêvait d'être un romancier reconnu. Il réussit quand même à publier une série de fiction dont raffolent les jeunes.

Beau et terrible à la fois, Ours va au bout jusqu'à cette issue inéluctable : la mort. Lorsqu'une maladie incurable s'en mêle, les sentiments sont exacerbés et Laurent Cappe réussit très bien à montrer le drame intérieur que vit Ours avec ce secret qui le taraude jusqu'au bout.

Je remercie vivement Laurent Cappe pour sa confiance et pour ce roman qui pousse tout un chacun à la réflexion au cours de cette vie que nous savons éphémère. le partage d'un amour aussi beau que celui qui unit Birdie et Ours permet d'aller jusqu'à l'ultime décision que chaque lectrice ou lecteur aura tout loisir de découvrir, tout en partageant la beauté d'un vol de goélands argentés et de grands cormorans...


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Ours

« Les gens du Nord

Ont dans le coeur le soleil

Qu'ils n'ont pas dehors »



Laurent Cappe est un écrivain de ce Nord de la France dont parlait Enrico Macias (j'entends déjà quelques cris : Qui ? Connais pas) et son soleil m'a éblouie. Ses mots me sont entrés dans le coeur et l'ont réchauffé, tel un soleil, même s'il est souvent question de la mort dans ce roman. Mais, il y est surtout et d'abord et magnifiquement question d'amour. Un amour bien différent de celui relaté par Bégaudeau. Un amour flamboyant, un amour qui n'est pas tombé du ciel, un amour pour lequel il faut aussi se battre et accepter parfois de perdre face à l'autre, parce qu'au final les deux y gagnent.

« À cet instant je pris conscience que l'amour ne se suffit pas. Que sa survie dépend des sacrifices que vous êtes prêts à consentir pour lui. Que l'amour est aussi un combat »



Un roman qui commence par le chapitre 25 et se termine au 0, étonnant. Je ne vous en dirai pas la raison, ce serait trop simple. Un roman qui intercale présent et passé, réalité et souvenirs, pluie et soleil, bonheur et désespoir, vie et mort. On chemine pendant ces 25 chapitres au côté au côté de Virgile, que tout le monde appelle Ours. D'ailleurs, il a fallu que je recherche son prénom, au moment d'écrire ces lignes. Ours vit seul, maintenant, il est vieux, triste, il a oublié de rire depuis longtemps, d'ailleurs il oublie de plus en plus. Mais il a continué à vivre malgré la perte de Birdie, Birdie, son aimée, sa vie. Il vit pour rassembler et faire revivre ses souvenirs pour qu'elle ne disparaisse pas complètement :

« Alors, depuis ces ténèbres germa un infime espoir, un objectif, une raison d'exister encore. Si elle ne m'attendait plus, ou pire : s'il n'y avait rien par-delà la mort, alors, par ce travail, je la maintenais en vie. Tant que je pouvais me la représenter, entendre le timbre de sa voix, respirer son odeur, elle vivrait. »



Ce roman m'a profondément émue, par ses personnages. Il y a d'abord Ours et puis bien sur Birdie, si magnifiquement racontés par l'auteur. Mais celui-ci prend le temps de mettre en scène d'autres personnages, leurs voisins, ceux qui étaient plus vieux, André et Suzanne, ceux qui les ont guidés dans leur vie dans cette maison, et puis les petits nouveaux, Max et Hélène et bientôt leurs filles, qu'ils ont guidés à leur tour, qui ont remplacé la famille qu'ils n'avaient pas pris le temps de construire, trop absorbés par leur bonheur à deux. le temps passe si vite quand on est heureux. Et puis aussi Philippe, l'ami de toujours, et même amoureux de Birdie, qui se tiendra fidèle aux cotés du couple, dans leur vie professionnelle. Et les autres …

Sans compter Adam, qui débarque d'on ne sait où, pour recueillir les confidences du vieil homme. Qui est-il ? D'où vient-il ? On le devinera petit à petit.



L'émotion est aussi présente dans l'amour que l'on sent à chaque page pour cette région, que moi je ne connais pas. Les promenades sur les plages, les falaises, les rencontres avec la faune et les oiseaux innombrables, du cap Gris-Nez au cap Blanc-Nez :

« L'air marin, chargé d'iode, de voyages, de naufragés et des effluves de l'aube du monde, s'engouffra jusqu'aux tréfonds de son âme, et il se sentit enfin en phase avec sa vie. Il était chez lui. À sa place. »



Un roman magnifié par l'écriture sensible et souvent poétique de l'auteur, qui sait si bien nous décrire ce qu'il raconte que les images se forment toutes seules dans notre tête. Un roman où c'est la vie qui gagne à la fin, même si certains meurent dans le roman. Un roman qui bien que triste parfois m'a rendue heureuse par sa lecture.



Un immense merci à l'auteur pour sa confiance.
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May

May est née avec le vingtième siècle ou presque. Elle aura vécu les deux guerres, qui vont bouleverser à deux reprises son destin. Elle est morte depuis plus de vingt ans quand l’histoire débute, et pourtant c’est elle qui va mener le jeu.

Belle ne parvient plus à respirer depuis le confinement. Elle n’est plus heureuse à Paris et décide en quelques instants quasiment d’acquérir un château, dans le Nord de la France pour le transformer en maison d’hôtes et abandonner la vie parisienne.

Le château était celui de May et la vieille dame a laissé des lettres cachées, telles une chasse aux trésors, dans quelques livres de la magnifique bibliothèque du domaine. Belle les découvre peu à peu, et ce qui n’était qu’un jeu au départ devient quasiment une obsession.

Ce roman donne la parole aux différents personnages, Belle et May d’abord, mais aussi Jasmine, l’âme sœur, ancienne collègue, Victoire sa fille de cinq ans et quelques autres, habitants de ce village du Nord de la France.

J’ai retrouvé avec bonheur dans ce deuxième roman les qualités de Laurent Cappe. La maîtrise dans la construction de ce roman choral, où chacun des personnages intervient tour à tour, pour approfondir l’histoire et la compréhension des différents personnages et de leurs relations. Ce procédé, que l’auteur domine parfaitement, permet de confronter les points de vue, les sentiments et enrichit notre connaissance de chacun : il révèle les fêlures de chacun des personnages, qui seraient restées ignorées si un seul avait pris la parole.

Maitrise aussi de l’histoire, de la montée de la tension par la découverte lettre par lettre de la vie de May, et cette impression qu’éprouve Belle d’avoir été prédestinée à devenir la nouvelle propriétaire de ce château. Mais ce n’est pas le seul élément de tension. Il y a l’ex-mari qui mijote un mauvais coup, et dont Belle n’arrive pas à se débarrasser, il y a les réticences du couple de gardiens à parler de l’ancienne propriétaire, il y a aussi les propos de Victoire et cette tombe au fond du parc. Après quelques chapitres de mise en place où l’on pense s’installer dans une histoire toute simple de nouveau départ, le rythme s’accélère, le suspense grandit et les pages se tournent de plus en plus vite.

J’ai aussi retrouvé ce don pour créer des personnages si vivants, nuancés, passionnés que l’on pourrait croiser dans « la vraie vie ». Et la moins vivante de tous n’est pas May : j’ai beaucoup aimé cette immersion dans le passé, la vie tragique de cette petite fille élevée sans amour, si ce n’est celui de la gouvernante. Je me suis attachée à Belle, Jasmine, Victoire, Hervé et tous les autres et j’aurais volontiers continué à vivre un peu avec eux cette belle histoire.

Ajoutez à cela une écriture élégante, précise, qui décrit à merveille les sentiments et les décors, la vie dans le domaine aussi bien que le monde du travail, la nature et les horreurs de la guerre.

Je remercie l’auteur pour m’avoir proposé cette lecture. Il a confirmé tout le bien que je pensais de lui après la lecture de « Bleu » son premier roman.

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Ours

Bonjour ! Aujourd’hui, je vous présente Ours, qui a vécu de longues années avec son épouse « Birdie » et qui depuis son décès, s’est enfermé dans sa tanière, évitant les contacts. Mais un soir, Adam, un jeune homme, frappe à sa porte pour lui demander son aide ; sa voiture est en panne et il ne sait pas où aller… Adam ressemble à Ours lorsqu’il avait son âge et comme il n’y a aucun hôtel de libre, Ours est contraint de l’héberger.



Vous êtes prêt(e)s ? Alors restez discrètement dans un coin, nous allons passer une nuit pleine d’émotions avec Ours et Adam.



Ah, les jeunes ! Comme c’est curieux, ça en pose des questions ! Bien sûr, Ours est réticent, et puis sa mémoire lui fait défaut, mais au fur et à mesure, il raconte. Et ça commence par sa rencontre inespérée avec Birdie ! Vous savez, la rencontre dont on sait qu’elle va changer le cours de notre vie ; le coup de foudre !



Les souvenirs affluent et Ours les révèlent à petite touche, sa jeunesse, les débuts tumultueux avec Birdie, ses rencontres, les voisins et les amis.



Alors évidemment, au cours d’une vie, il n’y a pas que du rose, et parfois Ours confie un moment qui a été plus douloureux. Mais, en permanence, son amour pour Birdie affleure ; cette jeune femme, devenue une sculptrice célèbre, a été au centre de sa vie ; ils ont vécu un amour fusionnel, des moments intenses. Vous pouvez imaginer comme il a souffert Ours, lorsqu’il a appris le cancer de Birdie ? Vous pouvez concevoir le vide qu’elle a laissé dans sa vie ?



Pourtant, il y a les voisins, Hélène et Max, qui sont devenus de vrais amis, avec leurs filles, dont Birdie et Ours étaient des grands-parents de substitution. Malgré tous leurs efforts, Hélène et Max ne parviendront pas à venir en aide à Ours ; petit à petit, il a sombré dans la solitude.



Très vite, on se rend compte qu’il y a quelque chose en plus, un remords, un regret ; quelque chose qui pèse très lourd sur les épaules d’Ours.



Durant cette nuit, Adam va emmener Ours sur des lieux emblématiques de son histoire avec Birdie ; certes, Ours est très fatigué, mais sa mémoire se libère et la parole avec...



Laurent CAPPE nous entraîne dans l’histoire d’Ours et Birdie, avec délicatesse et sensibilité, il nous raconte un amour hors du commun… Un roman tendre et drôle, abordé sous un angle original, qui nous emmène sur les traces d’Ours et Birdie, leur vie et leurs rencontres, l’amitié avec les voisins, jusqu’à parvenir à déboucher sur ce lourd secret qui a pesé si lourd sur le cœur d’Ours.



Bref, un roman original et bien écrit, sur la passion, la vie, l’amitié… et une nuit pleine de tendresse qui nous émeut jusqu’au matin…



À lire près d’un ours en peluche en écoutant le gazouillis des oiseaux, confortablement installé sur un vieux canapé, en dégustant une tarte aux pommes (faite maison de préférence) accompagnée d’un thé au jasmin. Bonne lecture !



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Bleu

Je remercie Laurent Cappe pour l'envoi, en service presse, de son roman : Bleu.

Cet ouvrage est inspiré très librement d’un fait réel : l’histoire d’une famille du Kentucky atteinte d’un mystérieux problème génétique, et qui vécut en marge du reste de la population jusqu’à ce que le mystère soit enfin résolu…

L'auteur nous emmène à l’aube du vingtième siècle, au Village, où vivent les Carson.

C'est une famille que tous considèrent comme des pestiférés car ils ont une particularité : ils ont la peau bleue, et personne ne connaît l’origine de ce mal qui se transmet de père en fils.

Au Village, se trouve aussi le Manoir, pensionnat pour jeunes orphelines du canton où grandit la jolie Frida, qui s’épanouit sous le regard avide de nombreux prétendants.

Un beau jour, Frida quitte le Manoir et s’installe à l’auberge de Rose et Guillaume.

Or, Charles Carson, l’homme a la peau bleue, et Frida sont follement amoureux, et cet amour va provoquer une déflagration dans la vie tranquille du Village...

Bleu est l’histoire d’une passion rendue impossible par l’ignorance, les ambitions et la convoitise.

Les villageois ont peur, ils ne comprennent pas pourquoi cette famille a la peau bleue et ils les considèrent comme des monstres. Ce qui va d'ailleurs conduire à des événements tragiques.

Le Village n'accepte pas l'histoire entre Frida et Charles car ce dernier a la peau bleue. Pourtant, c'est uniquement quand il s'énerve ou a des émotions fortes, la couleur bleue est moins présente que chez son père.

La lectrice que je suis a bien compris que tout ça, c'était une question de génétique mais pas le Village car il s'agit d'une autre époque, où la médecine était moins évoluée que de nos jours.

Et ces pauvres gens ont commis de nombreuses maladresses par ignorance. C'est triste car on ne peut même pas dire pour la grande majorité des personnes que c'était réellement voulu ou de la méchanceté. C'est la peur qui les a poussé à faire n'importe quoi. Cela a été loin mais je ne vous dirais pas jusqu'où pour ne pas spoiler.

Bleu est un roman très touchant avec des personnages attachants à commencer par Frida et Charles. D'autres sont détestables et je dois avouer que j'ai pris plaisir à ne pas les aimer, ceux là !

L'écriture est fluide.

L'histoire de cette famille maudite et de la réaction disproportionnée d'un village face à une maladie qu'ils ne connaissent pas et qui les inquiètent est bien ficelée.

J'ai aimé le dénouement et j'ose espérer que cette famille saura à un moment trouver réellement la paix qu'ils méritent.

Bleu est un roman que je vous recommande, j'ai le plaisir de le noter 4 étoiles et demie et je suis contente de l'avoir lu.
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Bleu

Bleu comme le ciel quand il fait beau, bleu comme la mer quand on est en vacances, bleu comme les fleurs des champs au printemps, images associées à la légèreté. Mais à l'opposé, bleu aussi comme bleu de froid ou avoir une peur bleue, se comporter comme un bleu, se faire avoir comme un bleu, images plus négatives.

Dans ce roman, bleu c'est la couleur de la peau chez les Carson, et cette particularité héréditaire les tient à l'écart. On est au début du vingtième siècle, dans un petit village du nord de la France, société rurale, où tout le monde se connaît, où chacun se donne le droit de juger l'autre, où il ne fait pas bon être différent.

Il y a Charles, le rejeton des Carson, il est solitaire, sa mère s'est tuée quand il était gamin, elle ne supportait plus d'être différente. Il y a Frida: Qu'est belle comme un soleil (le prénom choisi ne peut être une coïncidence, tellement cette chanson de Brel a traversé mon esprit à plusieurs reprises pendant cette lecture). Frida l'orpheline, adoptée par le couple d'aubergistes du village et qui va indirectement causer leur ruine. Frida et Charles s'aiment, comme des enfants d'abord, puis comme des adultes, ils vont avoir un enfant, mais Charles s'enfuit, abandonnant Frida à la méchanceté du Village. Et notamment aux frères Duriez, les nantis du village ; l'un est fou d'amour pour Frida, l'autre est « méchant comme une teigne ». Elle en mourra.

C'est un roman très riche, parfaitement bien situé à la fois dans l'époque et dans le lieu. L'auteur est impressionnant de maîtrise, maîtrise de cet univers très restreint, maîtrise aussi du climat qui y règne, des sentiments qui vont s'exacerber. L'amour entre Frida et Charles va mettre le feu aux poudres. Maîtrise aussi au niveau de la forme ; l'écriture est très fluide, précise, adaptée à ce qu'il décrit et à qui le décrit : il emploie plusieurs formes de narration passant de la narration classique à des extraits de journal de Frida et à des chapitres en italique relatant le récit de quelques-uns des villageois. Cela permet de mieux cerner les sentiments de chacun, d'approfondir notre vision de ce qui se passe.la tension monte peu à peu et l'on sait que cela ne peut bien se terminer.

L'autre réussite de ce roman ce sont les personnages, en dehors des deux protagonistes principaux, Ils vont être nombreux à intervenir dans ce roman, entre Rose et Guillaume qui vont aimer Frida et presque y perdre leur entente, Soeur Marthe si douce mais aussi si déterminée à faire bouger les choses., et puis la famille Duriez. Je suis impressionnée de voir comment en si peu de pages, l'auteur a pu camper de façon si solide tous ces personnages. Et puis il y a la majorité silencieuse, qui va où le vent les pousse, il est plus facile d'être du même avis que tout le monde. Quelques belles personnes, quelques salauds, et la majorité entre deux, qui n'ose se démarquer.

Un roman qui parle de bêtise humaine, d'étroitesse d'esprit, d'acceptation de la différence, mais aussi d'amour et de reconstruction. Je remercie Laurent Cappe pour cette lecture.

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Bleu

Entre la fin du 19ème et le début du 20ème siècle, dans le Village, vit, une peu à l'écart, la famille Carson qui ne vient au Village que pour les marchés. Personne n'ose vraiment leur adresser la parole hormis lorsqu'ils ont besoin de leur acheter quelque chose, les membres de cette famille sont touchés par une malédiction : ils sont bleus, voués à supporter moqueries et autres brimades, atteints par une maladie alors inconnue.

Frida, jeune orpheline, recueillie par le Manoir du Village, et le fils Carson (qui donc a la peau bleue) se fréquentent, grandissement ensemble et leur amitié se transforme en amour.

Le moins que l'on puisse en dire est que cette liaison va bouleverser la vie du Village !



Très librement inspiré d'une famille du Kentuky atteinte par cette mauvaise oxygénation du sang, et qui donne cette teinte bleutée à la peau, l'auteur a trouvé une manière originale de relater la mise à l'écart de la société et la violence que certains subissent pour une simple différence. C'est avec des mots justes qu'il décrit la peur de l'inconnu, comment une majorité suit le mouvement sans se poser de question, sans oublier la culpabilité de certains protagonistes face à leur propre comportement.



Laurent Cappe ne construit pas son roman de manière linéaire, changeant aussi de narrateur, entre les points de vue des différents protagonistes (dont Frida qui livre quelques pages de son journal) et la voix centrale de l'auteur.



Bleu est un roman très touchant avec des personnages attachants à commencer par Frida et Charles, d'autres sont parfaitement détestables, d'autres enfin, la majorité, coupables et innocents qui n'osent se démarquer.



Au final, Bleu est un roman plein d'humanisme et riche en émotions dont le peu de faiblesse est amplement compensé par la prose de l'auteur et son amours manifeste pours les mots.
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May



Résumé : Belle, dans la salle d’attente d’un psychologue, tombe par inadvertance sur une annonce immobilière qui va bouleverser son existence. Un magnifique château est à vendre !



Presque sur un coup de tête, elle va renoncer à son poste de direction dans un grand groupe et quitter Paris pour se lancer dans une folle aventure ; elle achète le château et va s’y installer avec sa fille, Victoire, 5 ans !



Dans la somptueuse bibliothèque, qui regorge de magnifiques ouvrages, elle découvre des lettres de May, l’ancienne propriétaire qui semble lui écrire personnellement, pour lui conter sa vie et l’histoire des lieux.



Belle est sous le charme ; gagnera-t-elle son pari et parviendra-t-elle à s’inventer une nouvelle vie dans ce lieu hanté par les âmes du passé ?





Mon avis : Un prologue astucieux qui nous fait entrer dans le château de Broclemet et l’univers de May.



Puis le livre démarre avec l’acquisition du domaine par Belle, sa vie parisienne qui ne la satisfait plus, Victoire sa fille qu’elle élève seule, Jasmine sa collègue et amie ; c’est l’univers de Belle qui nous est dévoilé.



Et enfin, coup de maître, ces fameuses lettres disséminées dans les livres de la bibliothèque, chacune d’elles se termine par une énigme que Belle doit déchiffrer afin de découvrir le livre qui contient la suivante ; que de belles références, Balzac, Proust, Homère, Stendhal, Dostoïevski, Dante, Céline, Rabelais, une balade littéraire enchanteresse.



D’un chapitre à l’autre, nous basculons, tantôt dans le quotidien actuel de Belle, tantôt dans les pensées de Victoire, tantôt dans le passé avec May…



Belle, qui a choisi de réorienter sa vie afin de mieux profiter de sa fille, emballée par la découverte des messages, va vivre avec l’ombre de May qui plane autour d’elle et lui tient compagnie.



Les personnages sont très attachants, Belle une femme qui manque parfois d’assurance, Victoire petite fille espiègle qui tente de comprendre les adultes, les gardiens du château qui ont toujours veillé sur le domaine, Jasmine la bonne copine, May la propriétaire décédée, tous ? Non, Mathias est l’élément perturbateur, qui agace !



Ce livre raconte une femme qui a traversé deux guerres, qui a dû faire des choix, souvent douloureux et difficiles et qui transmet son histoire ; une femme qui en reprenant le domaine, est le réceptacle de cette histoire.



Le style de l’écriture est simple et efficace, le tout est dépeint avec talent. C’est beaucoup plus qu’un roman, c’est un film. Grâce aux descriptions efficaces, les images défilent devant nos yeux, les personnages prennent vie ! Une intrigue haletante, un beau suspense. Et la fin ? Un rebondissement auquel on ne s’attend pas !



C’est vraiment addictif, le seul regret ? Toute bonne chose a une fin, et il a fallu quitter Broclemet, mais j’en garde un souvenir ébloui !





À lire au sein d’une bibliothèque avec une coupe de Champagne (un Dom Ruinart si possible) et quelques biscuits de Reims en écoutant Nick Cave.





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Ours

La une de couverture nous parle d’un ours et nous montre deux tourterelles. Etonnante cohabitation de symboles apparemment divergents, entre pesanteur et légèreté … et pourtant, quoi de plus logique quand deux opposés, Ours et Birdie, s’attirent.



Laurent Cappe, à la convergence des parallèles, nous propose un roman attachant, simplement humain, empreint de réalisme et de poésie onirique. C’est une réflexion pertinente sur ce qui fait de la Vie un drame et un bonheur. Le lecteur suit, en itinéraires croisés, quelques destins emmêlés ... non loin des vertigineuses falaises crayeuses du cap Blanc-Nez (Côte d’Opale, département du Pas-de-Calais), sous le regard des mouettes et des goélands filant vers l’Angleterre, apparemment indifférents aux destins des hommes …



… encore que !



Où classer le récit, dans quelle case, dans quelle prison ? Littérature générale, roman de terroir, d’Amour, Fantastique, de mystère et de suspens, « conte à rebours » (jeu de mots) quand la numérotation des chapitres s’inverse tout le long du décompte d’une longue nuit d’attente qui ne livrera sa clef qu’au petit jour d’une aube nouvelle … ? Quelle importance les étiquettes, quand de fond, « Ours » est un roman d’interrogations sur l’essentiel : la vie, la mort ... et que chacun y trouvera des échos à sa propre existence, liés à ce qu’il est et montre, à ce que les autres sont pour lui et inversement …



A ce jour, trois romans sont sortis sous la plume de Laurent Cappe. A chaque parution un mot solitaire en usage de titre, une constante, un rite, une marque de fabrique, un porte-bonheur ? Il y eut « Bleu » en 2020, « May » en 2021 (Prix de littérature du Lions Club pour la région Nord et prix spécial du jury du salon de Bapaume). L’auteur, fin 2023, nous revient avec « Ours » aux « Ed. Vendeurs de mots ». Sur le fil de ses deux premiers romans, Laurent Cappe m’avait scotché et essoré le cœur d’un trop-plein d’humanisme, sur le fil agréable et aisé d’une prose élégante, délicate et sensible qui s’en va crocheter, enfoui et retenu, le meilleur de nous-mêmes … à savoir les larmes et l’empathie. « Ours » n’échappe pas à la règle. Retour, via une fiche de lecture, sur un ressenti chahuté par la gravité des thèmes abordés ; par la manière pertinente, naturelle et sensible de présenter et de disséquer des personnages attachants et vrais ; par ce lot d’épreuves douloureuses que sont certaines « choses de la vie » mais aussi ces moments de bonheur que l’existence nous offre par de si chiches touches hésitantes.



Virgile, dit l’« Ours » : sa carrure imposante et pataude, son caractère bourru. Un homme tendre à cœur, au final une bonne pâte. Un octogénaire reclus qui, un lourd secret le verrouillant, âge et alcool en cachette aidant, dérive désormais d’absences en absences, de trous de mémoire en brèves étincelles de souvenirs, passé et présent mêlés. Ours, un naufragé laissé pantois et angoissé entre zones d’ombre et flashbacks épuisants, au cœur d’une alternance éprouvante de présences ébahies et de non-être où il s’englue. A ne pas comprendre ce qu’il fait là, pris de vertiges, au bord du précipice d’une falaise crayeuse ; sur un chemin de campagne qu’il a, jadis, emprunté si souvent ; dans une auberge où il a mangé tant et de fois. Qui est Adam, cet énigmatique jeune homme qui l’accompagne, qui lui ressemble tant, 60 ans plus tôt… et à qui il raconte tout, son passé, ses bonheurs, à qui il parle de « Birdie » ?



« Birdie », le contraire d’Ours: petite, frêle, bavarde, ouverte aux autres, son épouse défunte … Ours, un veuf à la dérive, une vie désormais fracassée dont chaque fragment n’est plus que remontée d’un passé heureux. Entre eux, le grand Amour, celui sur le long cours, depuis le premier regard. Dans l’ordre des choses, l’un part, l’autre reste et vit reclus, dans le souvenir éteint d’une flamme qu’Ours a peut-être lui-même soufflée .. va savoir quand tout se complique et reste tu. Une histoire comme une autre, un peu hors normes mais plausible, un brin fleur bleue mais on s’en cogne quand le cœur du lecteur fait boum-boum et que les larmes ...



« Ours » et « Birdie » : un de ces couples autour d’un manque, celui d’un enfant qui n’est jamais venu ; deux vies qui se cherchent un avenir au-delà de la mort. Elle, sculpteur de renom ; lui auteur de Fantasy. De l’argent plus que nécessaire, une belle demeure dans le Nord Pas-de-Calais … des voisins à qui s’attacher, un couple, deux petites filles, une manière de compenser, d’entrevoir l’avenir .



Cappe gratte du côté de l’Amour qu’emporte la mort de l’un, de l’euthanasie, de la fin de vie, des transmissions trans générationnelles des savoirs, des passions et des acquis. Thèmes éternels que ceux-ci …



« Bleu », « May » et « Ours », trois flèches décochées cœur de cible ; un auteur, Laurent Cappe, qui n’est plus une révélation mais une constante de qualité. Lisez-le, écoutez-le, il a tant de choses à dire. On en sort le cœur gros mais rempli de bonheur.
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May

C'est un roman où chacune des parties nous montre la vision d'un personnage. Les deux personnages les plus centraux sont May et Belle.



Belle, c'est une femme ne souhaitant plus vivre à Paris. Elle va tout plaquer dès qu'elle va découvrir une annonce qui attise son attention. Un château du 18e siècle est à vendre dans le nord de la France. Ce, a un prix dérisoire. Pourquoi ?



May, c'est l'ancienne propriétaire qui a disposé des lettres dans ce domaine destinée a priori pour Belle. Du moins, cette dernière en est sûre. C'était une femme solitaire et secrète. Comment pourrait-elle connaître Belle, qui vit bien plus tard ?



Victoire, c'est la petite fille de 5 ans que ramène sa mère, Belle, au domaine. Elle est super touchante et pleine de vie. Elle semble très intelligente pour son âge. J'ai eu un coup de cœur pour ce personnage.



Jasmine, c'est la meilleure amie de Belle. Je vous avoue que je n'ai pas eu d'atomes crochus avec. Elle m'a laissé indifférent.



Marc et Élisa, c'est le couple qui gère la petite maison à l'entrée du domaine. Leur histoire personnelle m'a fait de la peine. Ce sont mes personnages favoris après la petite.



Ce nouveau roman est une réussite, comme le tout premier. J'ai été vite transporté dans ces échanges entre les deux femmes, mais aussi via les personnes du temps présent. Le suspens est là, la beauté du texte aussi.
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May

A sa sortie, début 2021, le premier roman de Laurent Cappe, intitulé « Bleu », ne m’avait pas déplu, loin de là. L’auteur, m’avait semblé un talent prometteur, un écrivain qui convenait à mes attentes romanesques tournées vers l’humanisme. Nombre de qualités étaient présentes, vers lesquelles revenir au cas où « Bleu », en premier pas éditorial publié, serait suivi d’un second. L’auteur avait manifestement des choses à dire et possédait la manière pour nous les faire partager. Au gré d’un style habile et fluide, sur le fil d’un thème étonnant, à la rencontre de genres disparates (littérature générale, roman d’amour, thriller, Fantastique, récit historique ...), « Bleu » s’était présenté comme une belle réussite. A suivre, donc, m’étais-je dis …





Le temps du second roman est enfin là. Je l’attendais. Avec impatience. De parution toute récente, voici « May ». Tel est son titre ; « Un château, deux femmes, trois destins », son sous-titre. Judicieuse précision. Il s’agit, bel et bien, de destins croisés et parallèles : ceux animant des êtres aux vies imbriquées, une douzaine de personnages s’agitant au fil des pages, trempés dans le détail explicatif de ce qu’ils sont et montrent aux autres, interagissant comme sur une scène de théâtre (l’auteur est metteur en scène), comme taillés dans la vraie vie, attachants ou vils, heureux ou désespérés, tendres ou distants … En somme : un échantillonnage d’âmes, un panel de sentiments dont le brassage fait la Vie, la nôtre, belle et cruelle. Deux personnages prennent l’avant-scène, Belle et May ; je vais m’y attarder ; même si les autres ont leur part dramatique, plus qu’en simple background …





De nos jours, dans le Pas-de-Calais, un domaine à vendre, celui de Broclemet. Son château du XVIIIème, son parc, ses dépendances. Un prix dérisoire, pour une demeure bien entretenue, alors qu’elle semble ne pas trouver preneur. Pourquoi ? Belle, une jeune parisienne, désireuse de rompre avec la vie citadine, en envisage l’achat. Pour elle, Bloclemet, en plus d’être un coup de foudre, possède un potentiel touristique marqué; c’est le défi économique d’une vie, la sienne, enfin recommencée. Le grand saut s’impose. Encore faudra t’il être à la hauteur…





Une acquisition insolite devant notaire: May, l’ancienne propriétaire a, avant décès, imposé des clauses testamentaires restrictives de vente ; elles sont restées longtemps insatisfaites, certains profils d’acquéreurs ayant été rejetés. Belle coche toutes les cases. Étrange sensation que celle de se sentir irrésistiblement prédestinée au lieu. D’autant qu’acte de propriété en poche, le notaire lui remet une lettre de May. L’ancienne propriétaire l'invite à un jeu de piste dans la bibliothèque du château. De livre rare en livre rare : à chaque fois une lettre entre les pages, un fragment autobiographique d’une vie maintenant enfuie, une énigme pour dénicher le roman suivant, la prochaine lettre, la suite. D’épisode en épisode se déroule toute une vie qui, du berceau à la tombe, à cheval sur quelques générations, va percuter celle de Belle alors que les deux femmes ne se sont jamais croisées. Rationalité bafouée, le roman de Laurent Cappe prend peu à peu la pente d’un Fantastique littéraire alors que, par-delà la mort de May, se dessine un étrange dialogue entre deux femmes à la rencontre virtuelle l’une de l’autre.





… la suite appartient à qui lira et se laissera prendre au piège d’une situation de plus en plus complexe, illogique, irrationnelle, où l’on ne parvient que difficilement (c’est voulu et réussi) à mettre bout à bout des destins. Au-delà de l’irréalité de façade devrait s’imposer une logique. Oui, mais laquelle ?





Les mots-clés du récit sont : les passés gommés des mémoires collectives, leurs difficiles transmissions d’une génération à l’autre, l’illusion de nos existences et … la puissance de la fiction.





« May » est un thriller soft où mijote un suspense qui ira crescendo. Des mises en abime systématiques sont posées en fin de chaque chapitre ; elles se montrent en attente impatiente de ce qui menace, intrigue, promet d’être enfin révélé. Le roman se fait page turner. L’intrigue, tour à tour, s’éclaire de révélations intermédiaires puis s’opacifie de mises en impasse qui obligent le lecteur à reconsidérer la situation sous un autre angle. L’intrigue avance par petites touches superposées, minutieuses et prudentes (point trop n’en dire, on pressent l’auteur sur la retenue). On croit par instants saisir le fin mot de l’histoire, alors que se dérobe l’instant suivant ce que l’on avait échafaudé. La mise en abime finale se cache, se dérobe, explose en son temps. Elle est autre, ailleurs, sur un autre plan …





Alternance de chapitres courts mettant en scène tour à tour chaque personnage. Un seul (ou presque) est en « Je narratif ». Celui de May. Insigne honneur, logique et essentiel. C’est l’axe autour duquel tout tourne, gravite, s’explique. Alors qu’elle n’est plus de ce monde, qu’au-delà de sa tombe elle se montre en pivot, drivant son monde, suggérant ce qu’elle attend d’eux en toute bienveillance et logique. Sacrée bonne femme à l’épreuve des temps qu’elle traverse. Un caractère bien trempé dans la solitude imposée par ses parents, au cœur des horreurs de 14-18, dans ces Années Folles où elle tente en vain de s’oublier, dans son refus du fatalisme collectif sous l’Occupation, dans ce que lui réserve le destin qui lui rend monnaie de sa poche …





« May », un roman à mi-chemin entre littérature générale, Fantastique classique, thriller et policier. J’ai eu un temps l’image brève mais prégnante d’une partie de Cluedo : unité de lieu (château, bibliothèque, salon, hall, salle à manger…), une douzaine de personnages, un crime pressenti, une arme dont on ignore la nature et la cible. « May » est un puzzle d’évènements, de sentiments, d’individus disparates appelés à s’entraider ou à s’affronter. Un puzzle dont la dernière pièce manque. Il vous faudra l’attendre ou l’entrevoir. Redoutable défi. Je ne l'ai pas vu venir. Peut-être y parviendrez vous avant l'heure ?





Les mêmes qualités que celles déjà à l’œuvre dans le premier roman sont présentes ; les mêmes mécanismes d’écriture, précis, ingénieux et emboités ; la même sensibilité à fleur d’âme ; le même objectif de bonheur partagé ; tout dessine peu à peu le portrait d’un conteur. Cappe en a les thèmes, les mots, la manière de les agencer.





Je viens de terminer la lecture d’un roman tendre, touchant et émouvant. Je quitte à regret Belle et May, Jasmine et Hervé, Marc et Elisa, Victoire et tous les autres …





Ils étaient là, avec moi, le temps de quelques heures à tenter de les comprendre, en apprécier certains et en haïr d’autres. Ils vont me manquer, continuer sans moi leur existence de papier, si proches, pourtant, de ce que la vraie vie nous offre ou nous fait subir. 246 pages désormais destinées à d’autres lecteurs (chanceux que vous êtes) pour peu qu’ils se laissent convaincre par un voyage qui vaut le détour.
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May

Avant tout, je tiens à remercier bien sincèrement Laurent Cappe pour l’envoi de ce roman ainsi que pour la confiance témoignée !



Je suis toujours en admiration devant les intrigues se déroulant à travers différentes époques, en tissant des liens (souvent forts) entre des êtres qui ne se sont jamais croisés, mais dont le destin est finalement étroitement lié.

May en est un parfait exemple : ici, trois générations de femmes sont liées par leur amour commun pour un lieu magique : le Château de Broclemet, dans le Nord de la France.



De nos jours, Belle est une jeune femme dynamique, talentueuse, appréciée par ses collègues et investie dans son travail. Jusqu’au jour où elle se rend compte qu’elle étouffe dans sa routine parisienne et qu’elle tombe, par un pur hasard, sur l’annonce de la vente d’un château, bien loin de Paris. Entre Belle et le Château de Broclemet, c’est le coup de foudre. Accompagnée de sa fille Victoire, Belle démarre une nouvelle vie dans une demeure où les souvenirs de son ancienne occupante, May, vont l’assaillir et la transporter dans une autre époque…



Ce modeste résumé ne dévoile qu’une infime partie de l’histoire, je ne peux que vous inviter à découvrir le reste qui mérite tout autant votre attention ! En trois parties parfaitement découpées, et d’une plume raffinée, Laurent Cappe nous offre de beaux portraits de femmes, à travers les époques, depuis le début du 20ème siècle à la société moderne, en passant par les deux guerres mondiales. Par le biais d’échanges épistolaires entre May et Belle, c’est toute une partie de l’histoire de France qui nous est racontée, nous permettant de suivre l’évolution des mentalités et des mœurs françaises (tout en constatant que la pression sociale et les préjugés n’ont finalement jamais disparu, malgré les années écoulées)… J’ai été particulièrement sensible aux clins d’œil littéraires distillés dans le récit, ainsi qu’à l’évocation de valeurs qui me tiennent à cœur, de l’amour à la liberté. Enfin, May est avant tout une magnifique chronique « familiale » et intergénérationnelle, conduisant à la création de liens insoupçonnés entre des femmes et des hommes unis par Broclemet, un château se dressant fièrement, seul témoin des années passées.



Avant de conclure cette chronique, je tiens à mentionner les nombreux personnages que nous croisons au fil des pages : beaucoup d’entre eux m’ont séduite, à l’image de Belle et May, les deux héroïnes du roman, mais aussi les fidèles Henri et Marc, le touchant Hervé, l’incroyable Werner, la discrète Victoire ainsi que les Chats, bien évidemment. D’autres me laissent un sentiment mitigé, comme Jasmine et Elisa qui, à un moment donné, m’ont déçue. Enfin, certains protagonistes m’ont déplu du début à la fin, à commencer par Mathias.



May fût donc une lecture passionnante, un voyage dans le temps, entre passé et présent ; une histoire de renaissance, de reconstruction, de réparation, de transmission aussi ; une expérience littéraire inoubliable, chaleureuse, réconfortante et pleine de douceur.



A lire !



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Bleu

Nous sommes en 1900 et des broutilles. Le XXème siècle débute à peine. Quelque part dans le Nord de la France*, au cœur d’un petit bourg isolé, sobrement nommé le Village **. Une vraie vie d’antan y bourdonne ; active et campagnarde ; opulente pour certains, suffisante pour d’autres ; d’une ruralité qui n’avait pas encore déserté les labours, les vignes ou les chemins creux. Une mairie, une église, une brasserie, des boutiques pour tout ce dont on a besoin, la grande ville à côté pour le superflu, le pensionnat des sœurs pour de jeunes orphelines, une taverne, un grand marché pour tous les lieudits à la ronde ... Des familles comme partout ailleurs, implantées sur le même sol depuis des générations. Des aïeux en attente de trépas, des enfants à l’éternelle bougeotte, des cris et des rires, des haines et des jalousies, des grandes gueules qui se montrent et des amours qui se cachent …



« Le Village » : un coin de terre comme un autre. Des gens bien, des saligauds, des entre les deux … et puis les autres, ceux que l’on rejette sans trop savoir pourquoi, ni idiots du village à moquer ni démons à exorciser. Les Carson par exemple, à l’autre bout du village, que personne ne fréquente. Des pestiférés repoussants. Rien que des sales « Bleus ». Des pas-comme-nous. La consanguinité vous pensez. De père en fils, victimes d’une maladie épidermique, bleu est leur épiderme, la méthémoglobinémie (ai-je appris par ailleurs). Des porte-poisse. A fuir. A bannir. A haïr comme si c’était normal, ancestral et obligatoire. Le mauvais œil, le diable presque, la maladie à les toucher, leur sorcellerie à endiguer.



Tout irait bien, pour les Carson dans le pire des mondes, dans le meilleur pour ceux du Village, si quelques fois, l’amour ne se mêlait pas de tout chambouler, de l’ordre des choses à l’inamovibilité apparente de destins tout tracés. Le Village, bientôt cul par-dessus tête. L’Amour contrarié de deux êtres va tout emporter sur son passage, eux-mêmes, les êtres qui les aiment ou les haïssent. Lui, Charles Carson, est « bleu » ; Frida, l’orpheline, de carnation normale ; des amis d’enfance unis par la marginalité ; tout naturellement bientôt des amants à marier, d’autant qu’une naissance s’annonce … si ce n’est que le monde de Charles et Frida ne supporte pas le bleu et le leur fera savoir. Les amants maudits seront à l’origine de bien des changements.



La suite appartient au roman … Acceptation des différences ? Désastre tragique ? Rédemption des âmes ? Lent travail de sape des culpabilités, de celles qui rongent au détour d’une longue maturation. Happy end final ou son inverse ?



Charles et Arthur, Jean et Marie (les « bleus »); Frida (la passerelle entre deux mondes, le coin de bois poussé entre normalité et monstruosité ) ; Guillaume et Rose (les tenanciers de l’auberge en manque de parentalité); César (maire et brasseur, assoiffé de pouvoir et d’argent tel un Papet Soubeyran à la Pagnol) ; Maurice (un Ugolin comme issu de Manon des Sources) et son frère Louis (l’ordure de service) … tous coupables et responsables, tous innocents, ni blancs ni noirs, rien que gris sur le fil tendu des bonnes et mauvaises intentions.



« Bleu», à l’image de son titre et des peaux qu’il couvre, est tout en nuances de bleu ; il hésite entre la sérénité azur du ciel des jours heureux et les tons sombres et profonds des pluies diluviennes des ultimes chapitres.



Le roman se pose à la croisée de plusieurs genres littéraires. Tour à tour : cherchant les bons sentiments et se nuançant de rose ; raclant le noir des hommes et de leurs actes (polar) ; s’implantant dans le roman de terroir ; se faisant frissons de thriller (mises en abime systématiques en bas de chaque chapitre) et de ce fait page turner, dénichant dans sa conclusion finale une bien sensible touche de Fantastique … et à la croisée de tous ces « mauvais genres » : de la littérature générale .



C’est aussi un premier roman : de ses faiblesses (une ou deux pirouettes scénaristiques bien rapides) je ne retiendrai que les forces de fond (l’humanisme) et de forme (une belle prose avec le goût des mots au cœur des phrases ; une lecture fluide et rapide ; la polyphonie des chapitres entre les « je narratif » des différents protagonistes et la voix centrale de l’auteur).



Pour conclure, dans ce qui, au départ, n’était pas trop ma tasse de thé (je suis plutôt SFFF, polar et BD), j’ai trouvé mon taf. Des bons sentiments dans un monde de brutes. On en a tant besoin ces temps. Merci Laurent Cappe pour ce moment hors du temps, ce goût des choses simples, ce sens à donner à nos vies et à celles des autres.



* Pas de localisation précise. Des indices tout au plus. Un flou délibéré. Le Pas-de-Calais probablement, au regard (page 4) des sources de la photo de couverture : « Le Cornet d’Or, village de Le Wast, 62, en 1902 »



** Sans précision « Juste la volonté de laisser la possibilité au lecteur de s'imaginer n'importe quel village, en fait, de donner un peu "d'universalité" (en toute modestie) au lieu. » dixit l’auteur.
Lien : https://laconvergenceparalle..
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Ours

Laurent Cappe nous livre avec "Ours", un troisième roman très fort et parfaitement maîtrisé. Dès les premières phrases, on sent que l'on va toucher au plus profond de ce qui nous constitue. "N'entre pas sans violence dans cette bonne nuit" disait Dylan Thomas. Laurent Cappe a l'art de marier fond et forme, pour que l'entrée dans le récit se fasse justement sans violence, avec une douceur revigorante tout en conservant la force de l'histoire qui est ici contée. C'est rare que je referme un livre en me disant que je me sens un peu plus humain, c'est le cas pour "Ours". Ce livre rend plus humain. C'est tendre, doux et puissant. À l'heure où Beigbeder qui affirmait cyniquement que "L'amour dure trois ans" est remis à sa sinistre place, Laurent Cappe nous convainc de l'inverse avec force, sagesse et un engagement qui impose le respect. L'enjeu de la narration est de tenir ce fil ténu qui nous relie à ces personnages terriblement attachants, tout en explorant une intimité qui forge l'authenticité du propos. Ce passage prend du temps et ce temps est nécessaire. L'auteur ne fait pas l'écueil de la faute de rythme, ni dans un sens, ni dans l'autre. Il prend le temps qu'il faut pour nous faire passer ce moment fondamental avec ces héros. Beaucoup s'y retrouveront, c'est une certitude. Je rêve d'un monde dans lequel ce genre d'ouvrage serait reconnu à sa juste (h)auteur. C'est à nous, passionnés de lecture (lecteurs et auteurs) de faire savoir, qu'il faut lire Laurent Cappe. Lire fait rêver. Merci.
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Bleu

Un premier roman, autoédité de surcroit, qui fait un score de presque 5/5 avec plus de 25 critiques, j'avoue mon scepticisme a priori.

Mais après avoir lu Bleu, je ne peux qu'abonder dans l'éloge consensuel qui s'impose.

Vous pouvez lire la vingtaine d'autres avis élogieux mais le mieux serait de vous procurer ce livre et ensuite d'ajouter le votre.


Lien : https://christophegele.com/2..
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