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Critiques de Léon-Paul Fargue (35)
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Le piéton de Paris - D'après Paris

Un voyage sentimental dans un Paris perdu. Dans ce texte écrit en 1935, l'auteur raconte avec nostalgie la vie parisienne et ses hauts lieux : cafés, palaces, hôtels particuliers...Pas très utile pour le touriste d'aujourd'hui, quoique, certaines traces subsistent de ce passé.
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Le piéton de Paris - D'après Paris

Je ne sais plus qui a dit qu'un classique est un livre qu'on relit toujours et qu'on ne lit jamais. "Le Piéton de Paris" peut-il être estampillé de la sorte? le titre, en tout cas, m'était familier et semblait relever de ce grand fond patrimonial des oeuvres dont tout le monde s'accorde qu'il faut les avoir lues sans forcément passer à l'acte. En surfant sur les sites qui mettent à disposition les livres tombés dans le domaine public, me voilà titillée par ce titre tout empreint de promesses . Je me prends à rêver d'errances forcenées sur les pavés parisiens et me plais à imaginer Fargue comme un trait d'union entre les quartiers aristocratiques et ceux des petites gens, capable de faire revivre un monde qui n'existe plus, d'être à la fois Hugo, Prévert et Zola.

Bon, on en est loin.

Le premier chapitre était plein de promesses: « Le bruit de la ligne Dauphine-Nation, pareil à une plainte de zeppelin, accompagne le voyageur jusqu'à ces quartiers cernés de cheminées d'usines, lacs de zinc où la rue d'Aubervilliers se jette comme une rivière de vernis. Des vagissements de trains égarés servent de basse au paysage. À toute heure du jour, des équipes d'ouvriers vont et viennent le long des cafés au front bas où l'on peut « apporter son manger », laisser ses gosses « pour une heure », et dormir parfois sans consommer. »

Hélas, les déambulations tournent rapidement à la chronique mondaine, pire, au name dropping. Qu'on en juge:« on me désigna rapidement, au passage, le comte et la comtesse Haugwitz-Reventlow, c'est-à-dire toute l'Allemagne wilhelminienne et toute l'aristocratie de l'aventure mondaine, car la comtesse Haugwitz-Reventlow n'est autre que Barbara Hutton, l'ex-épouse de M. Mdivani. J'aperçus, guidé par ma vue perçante et par son index précis, le baron et la baronne de Wedels-Jarlsberg, M. Joseph Widener, le prince et la princesse Nicolas de Grèce, le marquis Somni-Piccionardi, le prince héritier de Kapurthala, Georges Mandel, le docteur Nicolas Murray Butler, bref, tout un aréopage dont la disparition entraînerait de l'anémie en Europe. »

J'aime particulièrement le "bref" qui clôt l'énumération.

Et puis l'observation est quand même très souvent entachée de poncifs (qui devaient déjà l'être quand ils furent écrits) et que leur désuétude ne m'a pas rendus ni charmants ni plus aimables, tels "les dessous des femmes (qui) bruissaient dans nos imaginations de collégiens".

Le livre a quand même un (très) gros avantage: il donne furieusement envie de relire Proust.

(Vous aurez noté: j'ai bien dit RE-lire :-))
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Poésies

Fargue, bien sûr, est ce voyageur, promeneur, marcheur impénitent, qui va à la rencontre de ce qui n'existe pas ou seulement dans ses souvenirs tronqués, remodelé, inventés. Il parcourt la vie à la recherche de ce qu'elle n'offre pas, de courts événements improbables, des anecdotes rêvées, des rues, des quartiers évidents qui disparaissent sous le poids des réminiscences trafiquées:



"Un train écume et se rendort. Des musiques diffuses rôdent. La vie antérieure émerge et chuchote."



Qu'est-ce donc que cette vie antérieure sinon l'éveil à un passé révolu, débonnaire et plus réel que tout ce qui n'a jamais été vécu ? Un passé qui a échappé à la mort parce qu'épaissi des mots et des émotions d'un poète en quête de réalité, ou disons plus simplement de vie, car tout vit chez Fargue, tout ressent : les arbres les maisons, le ciel..., une réalité donc vivante mais atemporelle - ce qui entre nous reste le paradoxe de sa poésie.
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Le piéton de Paris - D'après Paris

Dans la tradition juive les grands auteurs prennent le nom de leur oeuvre la plus importante. Ainsi le grand codificateur Joseph Caro est devenu "Le Choulhan Aroukh" (= La table dressee), sa grande codification des lois du judaisme, et personne ne connait plus le moraliste Israel Meir Kagan que comme "Le Hafetz Hayim" (=Le queteur de vie), le titre de son livre d'ethique.



Quelque chose de ce genre est arrive a Leon-Paul Fargue. Il sera pour toujours "Le pieton de Paris". C'est devenu son appellation (controlee), sa particularite, sa distinction, son titre de noblesse. le pieton, marcheur infatigable (=jamais fatigue de sa ville) qui ne s'arrete que pour des coups (boire un coup, discuter le coup). Celui qui nous donne envie de flaner après lui dans des quartiers peu touristiques, en une promenade calme et lente, qui nous introduit chez des monuments sacres comme le Ritz ou les Deux Magots par la porte de derriere, par la petite histoire. Au hasard des flaneries il nous presente des gloires parisiennes du premier tiers du siècle (le sien, pas le notre), certaines connues (Anatole France, Sarah Bernhardt…) et d'autres oubliees (Germaine Tailleferre, Paul Bourget…), du moins en ce qui me concerne moi lecteur d'aujourd'hui. Et quantite d'autres gens aussi. Car les rues de Fargue sont habitees et vivantes, elles ne sont pas qu'un inventaire de lieux, qu'une agglomeration de maisons (les rues de Fargue? Dans ma petite tete ils ne font plus qu'un, lui et sa ville). Fargue privilegie les souvenirs qu'evoquent en lui les lieux qu'il arpente ou qu'il traverse. Je dois dire que quand il s'arrete de marcher, sans rencontrer ni nous parler de personnes vivantes, comme dans ses descriptions du musee ethnographique ou du jardin des plantes, c'est moins interessant. A la limite du guide instructif donc pour moi a la limite du barbant. Il n'y a que l'ecriture, que le style, qui sauve ces chapitres. L'auteur garde sa patine propre quel que soit l'endroit qu'il nous donne a voir.



Fargue est poete. le Paris de Fargue a du style. du charme. On peut tomber amoureux du style de Fargue comme on peut tomber amoureux de Paris. Encore en ce 21e siècle ou on circule plus qu'on ne deambule, ou on lit en diagonale. J'en suis sur, ca m'est arrive (et de lire en diagonale et de tomber amoureux . Eh oui...). Et comme je ne suis pas d'un naturel jaloux, je vous invite a essayer, vous aussi: une petite promenade du cote de Fargue?



P.S. Bonne annee lezamis! Une annee empreinte de poesie...

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Banalité

Il faut lire Fargue, il faut apprendre de lui, sans tenter de tout comprendre, se laisser aller du même entrain, reprendre son souffle à la page blanche, et attendre un peu, parfois, à quai. Banalité est loin d’en être une, labyrinthe du souvenir, merveilleuse lucidité.
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Haute solitude

Du premier soubresaut de vie de notre bonne vieille terre à la fin des temps, - cette apocalypse que danse macabrement Léon-Paul- c'est la solitude personnifiée (plus que le poète) nous réécrit notre histoire humaine non réalistement. Elle nous conte des mensonges sous formes de rêveries, elle métaphorise ou métamorphose notre vécu en prose poétique, en sensations inédites car indicibles, la solitude nous engourdit dans son ciel étoilé de rêveries.



Nous voilà à Paris, dans un Paris insalubre d'incohérence et de suites de mots sans raison. Nous voilà, de déménagement en déménagement transportés dans les vieux quartiers numérotés comme des allégories sur les étals du marché de l'aventure. Les images n'ont pas de prix et les places dans l'univers du poète affichent "Complet", tant elles sourdent de partout de cascades de métaphores inimaginables.



Car Léon-Paul Fargue cultive l'art de la métaphore filée, la très précieuse science de tisser des mots sans suite mais à la saveur intense et à la vérité impitoyable.

Paradoxale peut être sa prose : "Hélas l'homme est le désert des déserts" mais plus qu'ambiguë, vertigineuse comme la chute d'un univers de fantasmes dans votre café du matin (sans sucre ni fiel). D'où ses descriptions si cocasses d'éveils interminables.



Je reconnais au fil des pages de cette Haute solitude, haute parce qu'inatteignable en richesse et en densité par aucun autre de ses contemporains, un père, un maître en imagination, une ami en écriture qui cultive si bien cet absurde qui en dit plus long sur le sens de notre destinée que n'importe quel traité de philosophie appliquée. Notre destin ? Sans aucunement daigner ouvrir l'œil, rester aux aguets et émerveillés devant l'immense foisonnement de notre imaginaire inabouti.



"Alors, paix sur la terre aux hommes de bonne incohérence!"



NB : si l'auteur de cette critique en dit beaucoup trop peu sur l'œuvre et en décrit surtout très mal son contenu, c'est parce qu'il n'a pas encore pu échapper à l'engourdissement délicieux de la rêverie dévalée de cette culminante et inatteignable solitude.

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Le piéton de Paris - D'après Paris

Si vous aimez la flânerie parisienne, si vous aimez la capitale, si vous désirez vous balader dans ses quartiers dans les années 30 en compagnie d un connaisseur, d un poète (ce livre est en prose), d un amoureux du paris des faubourgs des cafés et des ambiances de l époque, je vous incite vivement à ouvrir ce livre superbement bien écrit.

Fargue raconte avec talent et passion de petites anecdotes qui vous envoient illico dans un petit café d une rue proche de Belleville ou du XVIII° où ailleurs. Un vrai voyage à pied proposé par un grand écrivain. Laissez vous guider.
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Le piéton de Paris - D'après Paris

Je suis fan. Hélas, le réseau des bibliothèques de ma communauté de communes n'a que ce titre.

L'écriture de Léon-Paul Fargue est comme un bonbon arc-en-ciel. Toutes les saveurs explosent en même temps et laisse un goût de trop peu en bouche.

Léon-Paul Fargue parcourait Paris souvent avec son comparse Alfred Jarry.

"Le Piéton de Paris" date d'avant le seconde guerre mondiale. C'est le Paris des années 30 qui se dévoile au détour d'un quartier, d'une rue, d'un jardin, d'une gare, d'un café-crème. Il croque les parisiens et surtout les parisiennes avec des mots et expressions truculentes, avec ironie parfois. Il épingle les bourgeois et les bourgeoises avec gourmandises. Il dépeint la vie des artistes qu'il rencontre et côtoie dans les boites de jazz et dans les bars comme au Chat Noir. Paris, la nuit, c'est encore mieux. Ces cafés au noms anglais, ces restaurants on l'on mangeait bien et buvait souvent jusqu'à la lie.

Paris où la langue russe côtoyait tantôt l'anglais, tantôt l'allemand, tantôt le hongrois et bien d'autres encore. J'ai flâné sur les quais, rencontré des bouquinistes délicieux et élégants. Je suis allée jusqu'au Jardin des Plantes et au Museum d'histoire naturelles pour me frotter à des fossiles gigantesques. J'ai voyagé sans bouger de mon fauteuil avec délectation. J'aurais bien aimé goûter un café-crème.
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Le piéton de Paris

« Le vieux Paris n'est plus. La forme d'une ville

Change plus vite, hélas, que le coeur d'un mortel »



Léon-Paul Fargue, ce merveilleux poète trop peu connu, nous livre ici un véritable bijou paru en 1932, un portrait d'un Paris de l'entre-deux guerres, d'un Paris qui n'est plus, réalisé par un fin connaisseur de cette ville magique, et un flâneur amoureux des lieux et des gens.



« Il y a des années que je rêve d'écrire un « Plan de Paris » pour personnes de tout repos, c'est-à-dire pour des promeneurs qui ont du temps à perdre et qui aiment Paris. »

Voilà comment commence cette promenade, dans laquelle le poète nous prend par la main, pour des déambulations souvent nocturnes, depuis son quartier, celui du dixième arrondissement, « un quartier de poètes et de locomotives », délimité par le boulevard Magenta, Belleville, le boulevard de la Chapelle, et surtout la Gare du Nord et la Gare de l'Est, « vastes music-halls où l'on est à la fois acteur et spectateur », vers tous les autres, Montmartre, les Champs-Elysées, Passy-Auteuil, le Marais, les Quais, le Jardin des Plantes, Montparnasse, Saint-Germain- des-Prés. ..On y rencontre « gens de toutes sortes » comme disait Apollinaire, les uns célèbres, tels Proust, Malraux, Gide et même Trotsky, ou les autres oubliés ou anonymes, tels ces deux jeunes amoureux du Jardin des Plantes.

Et puis, Fargue nous fait le portrait savoureux de ce que sont pour lui le Parisien et la Parisienne, pour terminer, tout d'abord en apothéose, avec une description magnifique et pleine d'humour du monde des Palaces et Hôtels, un monde qu'il connaît si bien puisque l'hôtel est son lieu de résidence, puis, enfin, dans un dernier chapitre intitulé Fantômes, pour évoquer, avec mélancolie, les lieux et les amis qui ne sont plus.



On ne peut qu'être sous le charme de ces « tableaux parisiens », dans lesquels l'auteur fait preuve autant d'humour que de tendresse, d'émotion que d'érudition, de lyrisme que de nostalgie.



C'est magnifique, à lire et à relire sans cesse.

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Paris, Seine

Chant d'amour adressé à la capitale, l'ouvrage loue le mélange des genres, alternant le populo et l'aristo, l'air d'opéra et la romance.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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Haute solitude

Ce sont quelques critiques et quelques citations de babeliotes (Ah, Babelio, source inépuisable de découvertes!) qui m’ont amené à Léon-Paul Fargue dont je n’avais lu jusqu’à présent que quelques poèmes tirés du Piéton de Paris.

J’ai ainsi appris que ce recueil Haute Solitude était considéré comme son chef-d’œuvre.

J’ai été vraiment bousculé, ébahi, émerveillé, parfois si ému, par ce livre «hénaurme », désespéré et moqueur, tendre et acerbe, déchirant et comique.



L’incipit donne le ton: un extrait du 5ème livre du Pantagruel de Rabelais, avec ses énumérations, sa profusion de mots nouveaux.

Cette exubérance verbale héritée de Rabelais habitera tout le recueil, souvent mise au service d’un désespoir qui serre le cœur. Mais pas toujours. On est parfois dans le registre totalement loufoque.



Il s’agit de textes en prose; on sait depuis Baudelaire et Rimbaud, que la poésie n’a pas besoin du vers et de la rime, que les mots et les phrases n’ont pas toujours besoin d’être rangés comme des petits soldats pour que fleurisse la poésie.



Dix neuf poèmes magnifiques et d’une grande diversité.



D’abord, il y a ceux pleins de fantaisie et d’humour, tels Plaidoyer pour le désordre, ou Esprits nomades, une sorte d’apologie burlesque du déménagement, ou Encore, qui termine le recueil.

D’autres sont des poèmes dans lesquels sont égratignés de façon loufoque les travers des contemporains du poète. Ainsi la prédiction de l’avenir dans Horoscope, Érythème du Diable.

Plusieurs donnent une vision fantastique et parfois pleine de tristesse de ce Paris que l’auteur aime tant, Géographie secrète, Nuits blanches, L’attente, Paris.

Deux poèmes extraordinaires nous donnent à lire, l’un une vision époustouflante de l’histoire de notre planète: Visitation préhistorique, et l’autre une apocalypse finale déjantée de notre monde: Danse mabraque.



Enfin, il y a ces poèmes dans lesquels, avec une langue si neuve, si riche, Fargue nous emmène dans sa tristesse, sa nostalgie de l’enfance, sa solitude. Ce sont notamment les merveilleux et bouleversants Marcher, Accoudé et Haute solitude, qui donne son titre au recueil.



On peut certes retrouver l’influence de Rabelais dans cette abondance d’énumérations, de mots inventés, une influence du Rimbaud des Illuminations dans le rythme des poèmes, une certaine parenté avec la loufoquerie de Queneau.

Oui, mais Fargue est incomparable, irréductible à toute comparaison, et Haute Solitude est un sommet de création poétique.

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Poèmes - Pour la musique

Souvenirs d’un passé qui dort dans une ombre si transparente.. Des intimités insaisissables qu’on se croit bien seul à connaître et dont on voudrait enchanter les autres.. Certains regards. La voix d’un être cher. La gaucherie d’une âme ardente.. Une inflexion familière très douce et bien humaine...

Des yeux qu’on revoit parmi vingt ans de souvenirs, dans une rue grise, un jour de promenade. Du soleil sur un peu de paille, devant la porte d’un malade..

Un regret sobre. Une parole d’un chagrin vague.. Un nom touchant qu’on n’arrive pas à retrouver.. Tout ce qui porte une chanson triste au bord des lèvres.. Et ce mutisme avant les larmes...

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Lanterne magique

Disons le tout de go, faire la rencontre de Léon-Paul Fargue, c’est se sustenter d’un précipité disparu de littérature pure. En 39 chroniques écrites dans le Paris occupé de 1942, Léon-Paul Fargue illumine le lecteur d’une prose qui brille d’un éclat qui n’est donc pas réservé au vers rimé !



Fargue hisse à bout de plume la chronique aux altitudes du poème en prose, là où l’oxygène se raréfie même pour les plus habiles stylistes. Quel que soit son sujet, Fargue excelle avec un mélange de désinvolture appliquée, de désuétude touchante, de rire en coin qui protège du tragique. Touche-à-tout brillant, l’auteur nous entretient de poésie, de Mallarmé, de géographie, de ce « paludisme particulier » qu’est la mélancolie, du rapport entre Art et Artisanat, du choix des « grands mots », de la flânerie comme nécessité vitale, des vertus de la confiance ou encore du géant Victor Hugo, « honneur de la profession », monstrueux précurseur « à l’origine d’une grande partie de la littérature contemporaine », « traceur de sentiers dans la nuit ».



Lire Fargue, c’est entendre la musique d’un magicien du style, d’un prestidigitateur de la formule, d’un jongleur de métaphore. Il ressuscite des noms, braque les projecteurs sur des lieux, trousse des pelotes d’idées que l’on se plait encore à démêler en 2021 : De l’impossible recherche du silence – « le monde n’est, au fond, qu’un bruit qui s’enfle » - à la dénonciation des beaux parleurs éthérés, « les révolutionnaires de bar, les buveurs de sang aux tempéraments de yogourth, les idiotes de petits théâtres », qui prennent la parole à tort et à travers sans prendre conscience que les « grands mots vous ont toujours comme une odeur de délire ».



Fargue est aussi un formidable portraitiste de la vie parisienne. Comment ne pas citer ces quelques lignes croquant avec génie et filouterie le peintre Ernst Meissonier : « c’était un petit homme aux trois pouces de jambes et le derrière tout de suite. Mais il était pourvu d’une barbe interminable, toute en croissants multipliés, qui dévalait de ses maxillaires comme une nappe d’autel et déroulait un Niagara plein de cadavres de vieux déjeuners ».



Fargue, enfin, chronique pour se souvenir. Il nous donne dans ce recueil une floppée de grands petits textes qui signe l’articulation miraculeuse du rêve et du réel et constitue de précieux cailloux d’encre semés sur la route de la littérature et de la vie : « Il me souvient d’une rue dans un décor de ma jeunesse. Il pleuvait doucement. C’était le soir. Il y avait dans la lanterne carrée d’un vieux bec de gaz, un papillon jaune et violet qui faisait entendre un nasonnement de moustique avant de mourir. Il semblait que tout fût prêt à vous quitter, à s’effacer dans une nuée d’eau et de tristesse. »



Il faut lire Léon-Paul Fargue, sa justesse de ton – rien dans ces 160 pages ne ressemble à un « clair de lune empaillé » - autant que sa virtuosité cristalline constituent les promesses tenues d’un agent trop secret des lettres qui nous parle pourtant au cœur, aux tripes et au cerveau et nous convainc depuis cette funeste année 1942 qu’il est permis de revendiquer le « droit de vivre, le droit d’avoir les mains nettes et la tête haute, le droit de reprendre confiance ».

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Le piéton de Paris - D'après Paris

Jolie balade dans un Paris disparu celui de l'entre-deux- guerres et surtout une époque révolue. Au fil des pages on croise des fantômes célèbres et d'illustres inconnus et on ne peut que s'émouvoir à la description des rues et lieux-dits disparus à jamais.

L'écriture dans un français parfait est superbe . Une lecture rafraichissante emplie de nostalgie .
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Le piéton de Paris - D'après Paris

Pérégrinations de l’entre-deux-guerres classées par quartiers puis par types (le Parisien, la Parisienne), enfin par cafés, restaurants et hôtels (Ritz, Meurice, Georges V, Crillon, etc., beaucoup sont encore au Michelin). Un style documentaire, journalistique, un luxe d’anecdotes et de personnages avec un name-dropping intensif, une ironie stimulante et des trouvailles langagières. Place du Théâtre Français : « Stock aussi a ses fervents, et la Civette les siens. Ceux-là feuillettent avidement quelques conseils sexuels pour la jeunesse ou les Dix Commandements du Constipé, en ayant l’air de s’intéresser au Voyage en Orient de Gérard de Nerval. Ceux-là pelotent les cigares et les respirent avant de les mettre en bouche, chacun cherchant à se montrer plus connaisseur que le voisin » (p 91). Au Jardin des Plantes : « Selon certains savants, les diplodocus étaient bêtes comme des camions : nuit et jour ils pataugeaient dans une boue phosphorescente d’où montaient des fusées comestibles. Puis, tout couverts de goémons moirés et de fientes verdâtres, ils s’en allaient galoper sur un gazon ravissant qu’ils ont esquinté, gazon que nous appelons aujourd’hui Montagnes Rocheuses » (p 119). Le meilleur est dans l’introduction (« Par ailleurs, dédié à Madame Paul Gallimard ») où Fargue expose son art d’écrire. Complet changement de ton pour « D’après Paris », poèmes en prose autour du rêve et des cauchemars.



On trouve au vingtième siècle la même précision cordiale et nostalgique dans « l’Invention de Paris » d’Hazan, ou mieux chez Modiano, l’exploration teintée d’angoisse d’un Paris disparu.



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Mon quartier et autres lieux parisiens

Ballades et découvertes d'un Paris vivant, réel dans ses blessures et ses mensonges; dans son honnêteté et ses réalités.

Superbe hommage à une ville déchirée par les envies et délires des uns et des autres qui, un peu plus, chaque jour la fait disparaître dans l'anonymat des grandes villes de modernité d'un temps où, l'histoire s'efface au tableau de l'oubli.

A lire par devoir de richesse et de mémoire pour une ville qui se meure d'avoir été trop riche de ces générations d'envies et de talents.
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Le piéton de Paris - D'après Paris

Regards d'instants de vies et de parfums d'une ville de célébrités et d'anonymes qui se croisent et se côtoient avec charme et simplicité.



Petites promenades parisiennes à l'âme poétique d'un flâneur en découvertes de trésors et de souvenirs d'une histoire ayant fait sa capitale.
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Déjeuners de soleil

Fargue manifeste ici sa douleur à cause du radical changement de sa ville natale par le projet de transformation du baron Haussmann qui a detruit l'image de la ville du passé : le Paris des omnibus . A ce propos Fargue écrit : "La démolition du Trocadero m'a fait de la peine. Je ne m'habitue pas encore au chef-d'oeuvre d'architecture hygiénique, au building de tempérance, au Niagara de yoghourt, au Cromlech intelligent qui l'a supplanté".
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Refuges

Parmi les textes réunis dans Refuges quelques-uns sont dediés au theme du progres et de la restructuration de Paris selon le project du baron Haussmann... Au contraire de ce project de devastation et d'expropriation, Fargue préfère une urbanisation "qui ne démolit que le moins possible"; ce qui lui intéresse c'est de "sauver Paris", témoin d'un passé heureux. Fargue en effet est très lié à l'ancienne structure urbaine comme lieu de sa jeunesse et de ses souvenirs d'enfance :-)

D'autres textes évoquent l'importance des sens, du corps et de la sensibilité...en particulier "Le corps dans l'art" manifeste la volonté du poète de ne pas opposer l'ame au corps ("le percolateur de l'art") parce qu'il est conscient du fait que chaque mot qui tombe "est le fruit bien mur de la succulence intérieure" et bien conscient du fait que par la possession du corps est possible rejoindre le sens le plus intime et profonde des choses.
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Haute solitude

Haute Solitude (1941) c'est le livre le plus autobiographique où Fargue évoque ses flaneries le long de sa ville natale, les visites au Jardin des plantes; ses souvenirs, ses bonheurs et ses tristesses ... c'est un beau livre où le poète-chroniqueur parle de soi et de sa solitude.. en effet Fargue recherche la solitude “à la fois nécessaire et insoutenable” et l’accepte. Il écrit "j’aime ma solitude, comme une maison de campagne, comme une retraite vigilante” ... Il se replie sur soi meme et ne fait qu’un avec sa solitude : “Je me sens lié à la vie et à la solitude comme est lié à la rivière le reflet d’un saule” ... sa solitude est une solitude recherchée pour une méditation intérieure afin d'explorer le coeur humain. "Accoudé à ma fenetre, je vois le taxi et son ombre le fiacre ... Oui, mom ame, tout cela que tu vois, c'est la vie, tout ce que tu examines en soupirant, c'est la vie" :-) Il faut le lire !
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