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Citations de Lianke Yan (180)


Une croyance populaire de la plaine lui revint soudain à l'esprit. Lorsqu'on haïssait quelqu'un, il suffisait d'aller enterrer devant sa porte, en le maudissant, un pieu en bois de pêcher ou de saule après l'avoir aiguisé et inscrit dessus le nom de celui dont on souhaitait la mort.S'il ne mourrait pas tout de suite, il mourrait de toute façon prématurément ou une jambe, un bras ou un doigt dans un accident de voiture.
Mon grand-père se leva, alluma la lumière et chercha dans la chambre un bâton de saule qu'il tailla pour le rendre pointu. Ensuite, il écrivit sur une feuille de papier : "Mon fils Ding Hui ne doit pas avoir une bonne mort" et il alla, en pleine nuit, enfoncer le pieu devant notre maison.
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L'homme s'assit juste devant la plaie du pied de la culture, toucha un peu la sève solidifiée, caressa la tête du chien et dit, l'aveugle, heureusement que tu étais là, si je dois me réincarner en animal dans ma prochaine vie, je me réincarnerai en toi, et toi, si tu dois te réincarner en homme, tu seras mon enfant, tu verras, je t'assurerai une vie paisible. A ce moment-là, les yeux du chien se mouillèrent, l'aïeul les essuya doucement, ensuite il apporta un bol d'eau fraîche qu'il plaça devant sa gueule. Il dit , allez, bois, bois autant que tu le souhiates, après je retournerai chercher de l'eau et tu devras garder le plant.
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- Tante, tu n’as plus besoin de moi ?
Le visage de Liu Lian se rembrunit à nouveau et elle jeta de côté le livre qu’il fixait.
- Mon petit Wu, quand on est dans la maison d’un officier supérieur, quelle est la chose la plus importante qu’on doit se rappeler ?
- Il ne faut pas dire ce qu’on ne doit pas dire, ni faire ce qu’on ne doit faire.
- Et quel est le but ?
- Servir l’officier et sa famille, ce qui revient à servir le peuple.
- Réponse intelligente.
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Pour parler en termes de relations dépassant les individus et les cultures, il n’y a pas dans toute la Chine de sentiments plus complexes envers les Japonais que dans ce village. Si l’on considère la haine et le ressentiment accumulés au cours du siècle écoulé, il y a là une vieille mère de quelque 70 ans qui se rappelle aussitôt l’année 1945 quand elle voit des émissions à la télévision ou entend des conversations évoquant la haine et les tueries qui abondent dans l’histoire sino-japonaise : cette année-là, au moment de la retraite de l’armée japonaise, un soldat japonais blessé appuyé sur des béquilles, dans un uniforme en haillons, s’était arrêté pour sortir de sa poche un bonbon et le lui donner. Cette vieille femme ajoutait que c’était la première fois de sa vie qu’elle mangeait un bonbon, qu’elle découvrait qu’il existait dans le monde quelque chose du nom de bonbon, et que c’était aussi bon. Aussi de sa vie n’avait-elle pu oublier ni le goût du bonbon ni le visage ensanglanté du soldat japonais, et toute sa vie avait-elle souhaité pouvoir lui offrir quelque chose en retour. En 2014, je me suis rendu au Japon en me chargeant du vœu de cette vieille femme du village. Par la suite, beaucoup de lecteurs et de personnes âgées ont souhaité venir voir le village et ses habitants.

L’amour peut tout résoudre.
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L'aïeul dit, ça ne vaut pas la peine de pleurer. Il dit, une fois mort, je me réincarnerai en animal et je serai toi, et toi tu te réincarneras en homme et tu seras mon enfant, alors nous dépendrons l'un de l'autre comme avant.
Le chien cessa de pleurer. Il tenta de se lever, fit un gros effort pour se dresser, mais ses pattes de devant étaient trop faibles, il s'affaissa.
L'aïeul dit, va donc boire le demi-bol d'eau avec les gouttes d'huile.
Le chien secoua la tête.
L'aïeul dit, je vais lancer la pièce maintenant, profitons de ce que nous avons encore un peu d'énergie pour nous enterrer l'un ou l'autre.
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Il est plus célèbre que notre chef de bourg, plus célèbre que notre chef de district. Sa renommée est si grande que l'on pourrait le comparer à une pastèque dans un champ de sésame, à un chameau mené paître au milieu des moutons.
Quant à moi, je suis aussi méconnu qu'un grain de poussière dans un champ de sésame.
Ma vie ressemble à celle des poux et des lentes sur le dos des bœufs et des chameaux.

Page 14.
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Ses deux grandes avaient pris époux dans des lieux reculés. S'il était déjà rare que les hommes du dehors consentent à convoler avec des filles de la montagne - c'eût été trop compliqué d'aller rendre visite à la belle-famille, des idiotes comme les siennes ne trouvaient à se caser qu'au fin fond de la chaîne, dans des localités dépeuplées que la nature avait déshéritées. Elle allait à foulées pressées qui faisaient flottiller son ombre comme une gaze légère. Hameau de la famille Li, Ruisseau de la famille Liu, et puis les villages du Grand et du Petit Bachelier avaient défilé tels papiers au vent, accrochés à la pente dans la lumière. Avec pour seule compagnie le chant des oiseaux et des criquets, elle avançait.
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Quand on va bientôt mourir, il faut profiter de la vie.
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Vous voulez voir ce que je prépare?
Personne ne répondit, mais nos regards convergèrent sur le couvercle en carton. Ailleurs certains avaient éteint le feu, et tenant à la main la tasse ou le bol émaillé qui avait servi de casserole, ils s'étaient accroupis pour manger. Des bruits de déglutitions nous parvenaient par intermittence, comme une eau qui se serait écoulée dans le lointain. Elle jeta un œil dans leur direction avant de revenir à nous pour platement annoncer:
"Nous mangeons de la chair humaine. La tempête a duré une semaine, le sable a enseveli les herbes de la lande, personne n'a pu déterrer la moindre racine aujourd'hui."
(P365)
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Jean à l'église d'Ephèse :

Écris à l'ange de l'église d'Ephèse : voici ce que dit celui qui tient dans sa main droite les sept étoiles, celui qui marche au milieu des sept chandeliers d'or. Je connais ta conduite, ton labeur, ta constance : tu ne peux, je le sais, souffrir les méchants. Mais j'ai contre toi que tu t'es relâché de ton premier amour. Rappelle-toi donc d'où tu es tombé, repens-toi et reprends tes premières œuvres.
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En 1978, j’avais vingt ans ; je me suis enrôlé dans l’armée et j’ai quitté ce village. Dans les vingt-six années suivantes de ma carrière militaire, je suis revenu chaque année rendre visite à ma famille et chaque fois le frère aîné de mon père est venu discuter longuement avec moi ; s’ouvrant à moi de ses préoccupations dans la plus grande sincérité, il me demandait : « Lianke, tu crois qu’on va vraiment pouvoir libérer Taiwan ? Si la Chine entre en guerre avec les Etats-Unis, tu crois qu’on va pouvoir les vaincre ? » Mon oncle est mort en 2006, et tout au long de ces vingt-huit années il n’a cessé de me poser ces mêmes questions. Après sa mort, j’ai pensé qu’il n’y aurait plus personne pour se préoccuper de ces problèmes. Or, il y a deux ans, quand je suis à nouveau retourné au village, un voisin qui m’appelle « frère » est venu à la maison et s’est éternisé là sans ouvrir la bouche ; il a attendu que tout le monde soit parti et que la maison soit retombée dans le calme pour me demander sérieusement, à voix basse : « Dis-moi, frère, si on largue une bombe atomique, est-ce que ça peut vraiment rayer un pays de la carte ? » J’ai opiné de la tête et lui ai donné quelques explications, sur quoi, l’air perplexe, il m’a demandé en haussant la voix : « Mais alors, si la bombe atomique est aussi terrible, pourquoi la Chine ne prend-elle pas tout le monde par surprise en lâchant des bombes sur tous les pays ? Comme ça, il ne resterait plus dans le monde entier d’autre pays que notre Chine. »

Cette réflexion de mon voisin m’a laissé effrayé et stupéfait.
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Parce que je suis intimement persuadé que la grande littérature n’a pas besoin d’invention : elle n’autorise même pas les hypothèses. En effet, tout ce que l’on prend pour de la fiction chez un grand écrivain n’est autre qu’une part de la vie réelle que personne n’a remarquée jusque-là. Il s’agit de voir ce que les autres n’ont pas su voir, de découvrir par soi-même ce que les autres n’ont pas été capables de découvrir. Cependant, quand vous racontez ces découvertes de la manière et dans la langue qui vous sont propres, c’est considéré comme de la fiction ; et pourtant, pour vous, c’est cent pour cent la réalité, la réalité vraie, palpable. Dans mes écrits, je n’invente rien, je ne fais que révéler avec autant de force que possible les aspects ignorés de la vie que je découvre. C’est ainsi qu’il m’est apparu que ce petit village de mon pays natal était effectivement le centre de la plaine centrale chinoise, cette plaine centrale étant elle-même le centre du « pays du milieu » et celui-ci le centre du monde – en un mot donc, ce petit village n’est pas seulement le centre de la Chine, mais bien aussi le centre du monde. Ainsi toute ma vie et mon œuvre entière n’ont-elles été que la révélation et la réalisation plus ou moins consciente de ce point particulier, puis inlassablement son authentification. Mon seul désir a été de prouver et de prouver encore aux lecteurs du monde entier que ce village est le centre de toute la Chine, et donc que la Chine tout entière est contenue dans ce village.
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Cette année-là, la sécheresse semblait ne jamais devoir finir, le temps lui-même paraissait avoir été réduit en cendres et le charbon des jours se consumait dans nos mains. Le soleil brillait en grappes infinies au-dessus de nos têtes.
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Les somnambules sont comme des vagabonds sans toit, des moutons sans berger. Il leur suffit d'un berger, d'un endroit où manger, dormir et s'enrichir, et ils vous suivent.
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Quel statut et quel pouvoir pour l'auteur dans la narration ? Telle est la première question de Gregor.
Tolstoï racontait avoir pleuré de douleur en écrivant le suicide d'Anna Karénine : sa mort empêchait d'apaiser le tumulte de ses sentiments. Pire : ce n'était pas lui qui la tuait, c'était la fatalité, son caractère à elle, qui la condamnait à se jeter sur les rails. Les grands écrivains du XIXe siècle ont tous fait cette expérience, profondément marquante, de personnages qui suivent leur destin et leur échappent. Autrement dit, avec eux, plus importante était l'œuvre et plus les héros se retrouvaient maîtres de leur sort, l'auteur ne servant que de scribe, de porte-parole. Des protagonistes plus grands que leur créateur — c'est l'expérience qu'admettent avoir faite tous les maîtres du réalisme. On imagine Nora en train de partir de chez elle, et Ibsen n'ayant aucun moyen de l'arrêter. L'écrivain se trouve relégué au rang de narrateur, ce que veut le héros, ou l'héroïne, est ce qui décide de son lot, lui n'a ni le droit ni la capacité de les gouverner ou de les contrôler. Plus il est impuissant et plus ils sont vivants, animés et naturels ; cherche-t-il à s'immiscer dans leurs aventures et elles paraîtront forcées, superficielles et anémiées. Dans la littérature réaliste, plus le statut de l'écrivain est inférieur, moins il a de pouvoir et mieux c'est. Ce n'est que lorsqu'il se fond à l'intérieur du destin de ses personnages que leurs vies sont gratifiées.
Le grand écrivain se doit d'être esclave. Sa plume d'obéir, de servir l'arrangement et l'agencement des existences. C'est la règle, l'héritage que nous ont laissés ses œuvres immortelles. Il n'y a que dans les écrits de deuxième ou troisième classe, ceux qui n'ont pas la prétention à devenir des classiques, que l'auteur peut s'accorder le droit de décider tel un juge de la fortune de ses protagonistes. Mais le long fleuve du temps a fini par nous mener au XXe siècle, et Kafka est apparu. Ce garçon malingre, mélancolique et timide a tout changé par ses écrits. D'un écrivain en position de faiblesse, esclave et porte-parole de ses créatures, il a fait un empereur — ou du moins le directeur du service du personnel. C'est un bouleversement fondamental : l'auteur se situe désormais au-dessus de ses héros, il domine les destins. Ce ne sont plus eux qui induisent l'histoire mais l'auteur qui l'imagine.
« En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte » : c'est la narration suprême. S'il est timide, l'auteur n'en est pas pour autant complaisant, il ne fait ici aucune concession, ni au lecteur ni à son héros. Il se comporte comme le souverain pour qui envoyer le peuple à la mort est encore un effet de sa bonté ; ou comme un directeur du personnel qui modifierait comme il lui chante les dossiers de ses subordonnés. En un tournemain, Kafka a placé l'écrivain tout en haut de l'échelle : il assigne à Gregor de devenir cloporte, et Gregor obtempère. Eût-il voulu qu'il se transforme en cochon ou en chien, le pauvre n'aurait sans doute pas eu d'autre choix que s'exécuter. Le narrateur ne ménage plus les habitudes du lecteur, se moque de l'illusion de réel que celui-ci a l'habitude de se former, et tout autant de savoir si son histoire est plausible dans la réalité.

Chapitre 2 : La causalité zéro, I.
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Wu Dawang était un travailleur acharné. C'est la raison pour laquelle, répondant à l'appel du Comité central à réduire le personnel de service, le colonel qui était un homme dévoué corps et âme à la cause du Parti avait décidé de donner l'exemple en se débarrassant de son ordonnance et de son garde du corps pour ne garder que Wu Dawang, qui cumulait les deux fonctions. Ainsi, lorsque le colonel vaquait à ses occupations, il ne restait dans cette maison construite par les Soviétiques que Liu Lian, la femme du colonel, âgée de trente-deux ans, et Wu Dawang, l'ordonnance faisant office de cuisinier, âgé de vingt-huit ans. C'était comme si, dans un immense jardin, il n'était resté qu'une jolie fleur et un sarcloir.
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Kong Mingguang, l'aîné des frères, avait décidé de divorcer. A cause de la nouvelle bonne, tout bêtement : Xiao Cui, une vingtaines d'années, jolie et délicate comme l'eau avec ses lèvres humides et sucrées qui donnaient l'impression d'être à longueur de temps enduites miel.
(...) D'ailleurs elle souriait toujours, d'un sourire qui faisait penser à un nuage coloré en train de flotter, et s'exprimait d'une voix douce, menue et flûtée, si bien que quoiqu'elle fasse, qu'elle parle ou qu'elle travaille, c'était toujours avec la plus grande discrétion : elle était là et c'était comme si elle n'y était pas. Vous la croyiez ailleurs mais vous aviez soif, elle posait un verre d'eau devant vous. A peine sentiez-vous que vous commenciez à transpirer qu'elle apportait de quoi vous changer.
C'était une fée. p 197-198
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La pluie cesse. Le ciel s'éclaircit. Deux ou trois jours encore et le
printemps s'en vient tout recouvrir. La montagne s'éveille
complètement.
Le vert tendre des jeunes blés teinte les crêtes dont on
ne voit déjà plus la couleur rousse. même le soleil déverse une
lumière verte, toute de sève printanière. Cela se sait: Lan shishi
part faire commerce de chair pour Sima lan.... Il fait beau depuis
trois jours, et on l'a vue se faire faire une nouvelle robe rose à la
mode. On est le 9 du mois, et si sortir de chez soi le 7 ou le 8 porte
malheur, le 9 est un jour faste; oui, c'est certainement aujourd'hui
qu'elle va partir.
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- Moi, Ding Shuiyang, je m'agenouille devant vous à la place de mon aîné Ding Hui. Je vous demande de ne pas oublier que mon deuxième fils a contracté la fièvre, que mon petit-fils, âgé de douze ans, a été empoisonné et que tout le village est atteint par la maladie parce que mon fils aîné a massivement recueilli le sang pour le revendre.
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Pour fabriquer l'acier, tous les arbres avaient été coupés, la terre n'était plus qu'une étendue immaculée, une gigantesque page vierge. N'ayant nulle part où se poser, les moineaux voletaient en piaillant sans trêve ni repos puis, lorsque la fatigue les prenaient enfin, ils cherchaient sur le sol enneigé une épine, une haute armoise solitaire et ils s'y perchaient en ribambelles qui faisaient plier l'épine ou l'armoise.
(P168)
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