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Citations de Lianke Yan (180)


Au cours de cette nuit d’insomnie, il avait eu le loisir de réfléchir et il avait vaguement compris que, quand la rivière se jette dans le canal, si au lieu de se laisser emporter, on choisit de nager à contre-courant, on peut s’attendre à essuyer des déboires et à rencontrer des obstacles qu’on aura beaucoup de mal à surmonter.
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Elle allait à foulées pressées qui faisaient flottiller son ombre comme une gaze légère. Hameau de la famille Li, Ruisseau de la famille Liu, et puis les villages du Grand et du Petit Bachelier avaient défilé tels papiers au vent, accrochés à la pente dans la lumière. Avec pour seule compagnie le chant des oiseaux et des criquets, elle avançait.
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Cette année-là, la sécheresse semblait ne jamais devoir finir, le temps lui-même paraissait avoir été réduit en cendres et le charbon des jours se consumait dans nos mains. Le soleil brillait en grappes infinies au-dessus de nos têtes. Dès le matin, et jusqu'au soir, l'aïeul respirait l'odeur de ses cheveux roussis. Quelquefois, il tendait la main dans le vide. Il pouvait alors sentir l'odeur de ses ongles cramoisis. Journée de merde! Il jurait ainsi tout le temps, quittant le village dépeuplé, foulant un abîme de silence, les yeux mi-clos, un regard jeté de biais vers le soleil, il disait, viens l'aveugle, partons. Le chien suivait, guidé par le bruit du pas alourdi par les ans, et deux ombres quittaient le village.
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Les obsèques permettent de juger du prestige de la famille.
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Les souvenirs ne triomphent pas du temps mais ils sont, pour chacun de nous, plus douloureux ou plus splendides que la réalité. Aucun vécu n'est plus riche que celui qui peuple nos souvenirs. Lorsque le temps devient mémoire, il va au-delà de la réalité. Il m'est impossible d'oublier la sérénité de ma sœur aînée, la beauté de sa sérénité lorsqu'elle lisait. Je crois qu'elle trouvait dans les livres un autre monde. Un monde plus étrange, plus rare et plus idéal que la réalité où elle vivait.
Je voulais moi aussi trouver ce monde et y pénétrer.
Je me suis donc mis à lire comme elle.

( p.65)
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Un jour où je rentrais à la maison avec, dans les bras, un nid trouvé dans un orme, semblable à un grossier bol de porcelaine, dans lequel se trouvaient de petites pies au duvet rouge, je m’aperçus que les peintures qui ornaient nos murs avaient été retirées. Il s’agissait de représentations des Huit Immortels traversant les mers, du Bouvier et de la Tisserande et des Fées visitant la terre. Sur la table de la pièce principale, la tablette des ancêtres avait disparu et le délicat brûle-encens était cassé en mille morceaux sur le sol. La pièce était en désordre, poussiéreuse, comme mise à sac. C’était en 1968. L’époque était particulière, la Révolution culturelle était en cours et il fallait « détruire l’ancien et créer le nouveau » ; les maisons étaient ainsi fréquemment fouillées.

Nous étions pourtant l’une des plus simples familles de paysans qui fût.

A partir de ce jour, je ne retournai jamais plus vider des nids. J’avais grandi.
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Le soleil se couchait sur l'ancien lit du Fleuve jaune. Le sable se teintait de rouge, un rouge profond, le rouge du sang.
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L’aveugle, dit-il, regarde, la lune est là, dors, dors et tu n’auras plus faim, les rêves peuvent tenir lieu de repas. (poche, p.62)
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Un jour enfin, mon frère aîné, ma deuxième soeur et ma mère réalisèrent que ma sœur était réellement malade
Après s'être exagérément investie dans son métier, la retraite lui avait soudain donné un sentiment d'échec. Le sens de sa vie avait été suspendu.

( p.84)
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Je sais que, sur cette terre vaste, pleine de chaos et de vitalité, je suis un homme superflu. Je comprends que, sur cette terre vaste, pleine de chaos et de vitalité, je suis un écrivain superflu. Mais je persiste à croire que, sur cette terre vaste, mon écriture et moi aurons un sens un tant soit peu irremplaçable. Car, là-bas – la vie, le sort et le Ciel ont décidé que, depuis ma naissance, je serais celui qui ne peut et ne sait que percevoir l'obscurité –, sous le soleil, je découvre toujours l'ombre d'un grand arbre, comme l'enfant qui a vu l'empereur nu ; sur la scène où se déroulent les hymnes de joie, je me tiens derrière le rideau. Quand tout le monde se dit réchauffé, je ressens le froid ; quand tout le monde évoque la lumière, je vois l'obscurité. Quand tous dansent et chantent de bonheur, je découvre que quelqu'un noue des cordes à leurs pieds pour les faire trébucher et les ligoter. J'ai vu une laideur inimaginable dans l'âme humaine ; j'ai vu les efforts des intellectuels pour garder l'échine droite et penser par eux-mêmes, ainsi que les humiliations qu'ils ont subies ; j'ai vu la vie spirituelle des Chinois être vidée par le pouvoir et se désintégrer.
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Le regard posé sur son visage juvénile et enthousiaste, elle le vit hocher la tête puis, ne sachant que faire pour célébrer l'événement, resta clouée là hésitante et ravie, telle une poupée de chiffon. À tout hasard, Mingliang lui balança sa nomination devant les yeux. Retrouvant un peu de vitalité, gaiement elle retira sa veste en duvet de canard, entreprit de déboutonner son lainage et de se défaire de ses sous-vêtements long. Elle en avait presque terminé lorsque soudain elle se remit à l'observer d'un air apathique, à nouveau joyeuse poupée de chiffon. Encore une fois il balança le document devant elle, et donnant l'impression de s'éveiller elle finit de se déshabiller. Puis, sans plus un fil sur le dos, à la manière d'une poche d'eau laissa choir sur le canapé un corps d'une blancheur si clair qu'on aurait cru la pièce transparente, à ciel ouvert sous le soleil.
Le chef de bourg en resta stupide comme un poulet de bois.
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Mon grand-père ouvrit la porte et se trouva nez à nez avec Zhao Dequan qu’il n’avait pas vu depuis plusieurs jours. Il était méconnaissable. Il n’avait plus que la peau sur les os. Son visage était décharné. Il ne restait que son squelette pour soutenir sa peau couverte de vésicules sèches. Ses orbites étaient deux trous béants. Mon grand-père perçut tous les indices d’une mort prochaine. Ce n’était plus seulement son visage qui avait perdu son éclat, c’était maintenant l’intérieur de ses yeux. Tel un squelette qu’on aurait habillé, il se tenait devant mon grand-père. Son ombre projetée sur le mur se balançait comme un linceul dans le vent. Un sourire sinistre et blafard se dessina sur son visage.
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Le soir de son mariage, après que le chef de la brigade de production, les gens du village et les enfants qui jouaient dans la chambre nuptiale se furent retirés, Wu Dawang, fou de désir, avait commencé à caresser maladroitement Beauté. Soudain, elle lui avait demandé :
- Dans ton régiment, ne m'as-tu pas dit que tu étais un soldat modèle ?
- Bien sûr que si, mon commandant de compagnie et mon instructeur le disent.
- Alors, comment peux-tu avoir le culot de me tripoter partout comme un voyou ?
En l'entendant, il avait compris qu'il manquait quelque chose à leur mariage, ce que les livres appellent "le grand amour". Il s'assit sur le lit et regarda sa femme. Il ressentait un froid indicible qu'on ne peut ressentir que dans le mariage et qui l'envahissait peu à peu. Il éprouvait une douleur qui émanait du rouge lit nuptial et qui grandissait entre eux, le plus douloureux étant que sa femme ne ressentait absolument rien.
Il se rhabilla. Au moment où il allait sortir, sa femme demanda :
- Où vas-tu à cette heure de la nuit ?
- Dors, je vais aux toilettes.
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Une source ne peut pas se tarir quand on puise son eau. On ne peut donc pas épuiser son sang en le vendant ! Le sang est comme l'eau de cette source. C'est une évidence scientifique !
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La maladie était cachée dans le sang comme mon grand-père était enfoui dans son rêve. La maladie aimait le sang comme mon grand-père aimait le rêve.
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L'aïeul savait que ce n'était pas là le bruit de l'eau, ni celui des arbres, ni même celui des insectes. C'était, dans l'immense nudité de la nuit, le paroxysme du silence qui se donnait à entendre.

P22
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Et voici que l'Enfant était dans ce rouge et que son visage était lumineux et son coeur transparent. Or l'Erudit se tenait là, abasourdi par tout ce rouge, l'absolu de ce rouge, et ses traits étaient rigides, durs, comme s'il avait eu une pierre rouge sur la figure.
Or l'Enfant lui parlait. Il dit : "Tu dois m'écouter. C'est pour ton bien. Il faut que tu m'obéisses, que tu acceptes de te faire critiquer et de porter le chapeau car en vérité tu en seras généreusement récompensé."
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Dans sa précipitation, il avait mis son caleçon devant derrière. Il ne savait pas pourquoi il était aussi pressé. Une seule chose ne faisait pour lui aucun doute : Liu Lian l'attendait au premier étage. Il savait qu'il allait tomber dans un piège mais il ne pouvait pas contrôler son envie d'y tomber. La belle peau blanche de Liu Lian l'attirait comme un plat de pâtes attire le mendiant affamé et l'ovale de son beau visage rose, tel un melon mûr à point, appelait sa gorge brûlante et ses mains desséchées. Déjà, sous la douche, il lui avait semblé que l'odeur de fleur d'osmanthe de sa peau parvenait jusqu'à lui. C'était de bon coeur qu'il succombait à la tentation et il était prêt à affronter tous les dangers et à risquer sa vie au nom de l'amour qui avait pris d'assaut et occupé la forteresse fragile de son coeur.
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Tant de silence eut pour effet de faire ressurgir You Shitou de sa tombe, il était là, devant elle, quand elle demanda : « Qu’est-ce que tu viens de dire, la Troisième ? »
L’idiote tendit le cou : « Je veux un foyer. La nuit je veux dormir comme mes sœurs dans les bras d’un homme. »
« Comment est-ce que tu le voudrais, cet homme ? » s’inquiéta sa mère après un instant de réflexion.
« Gens-complet. Pas boiteux. Ni borgne. Un brave garçon qui ne m’obligerait pas à couper le maïs dans les champs. »
« Tu t’es bien regardée ? » protesta You Shitou.
« A quoiqu’elle ressemble, c’est à toi qu’elle le doit », rétorqua You Sipo.
« Tu l’imagines avec un gens-complet ? »
You Sipo cracha par terre et tordit le nez : « Bon, on va lui en chercher un. Et si on ne trouve pas, au moins demi-complet. Va faire les villages les uns après les autres. Regarde où il y aurait un époux convenable pour ta fille. »
« Mais toi aussi tu es folle, maman ! Toi aussi, tu es malade : personne ne t’a parlé ! » s’étonna sa fille.
« Retourne moissonner, toi. Si le Quatrième recommence à déchirer tes habits, donne-lui une claque. J’irai te chercher une bonne famille et un homme encore mieux que ceux de tes sœurs dès que le maïs sera fini et que j’aurai planté le blé.
La Troisième écarquilla les yeux, ses lèvres se mirent à trembloter et ses joues rose pâle prirent la teinte plus éclatante des fleurs de pêcher.
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Tu as la peau blanche. Et alors ? Si ma femme ne devait pas tous les jours travailler dans les champs, elle aurait peut-être la peau plus blanche que toi ! Tu es belle. Et alors ? Si ma femme était aussi bien habillée et pouvait tous les jours utiliser les mêmes crèmes de beauté, elle serait peut-être plus belle que toi ! Tu as une belle voix. Et alors ? Si ma femme avait été élevée à la ville, elle aurait peut-être une voix aussi mélodieuse que toi ! Et le parfum d'osmanthe qui émane de ta peau ? Ma femme a parfois la même odeur. Malheureusement, elle ne peut pas consacrer autant de temps que toi à sa toilette. Crois-tu que grâce à ta peau blanche, tes joues roses, ton corps svelte, ta taille de guêpe, tes seins bien fermes, tes dents brillantes, tes grands yeux, tes longues cuisses et tes jolies fesses que tu sais si bien tortiller, tu peux écarter du droit chemin un combattant révolutionnaire ?
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