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Critiques de Ludmila Oulitskaïa (330)
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Sincèrement vôtre, Chourik

Le roman d'Outliskaya montre un homme malheureux dans sa vie, et pourtant il est entouré de femmes qu'il honore, qu'ils protège, son problème il ne sait pas dire non. C'est ce sentiment de compassion, cette frénésie sexuelle qui le ménera à sa perte. Car Chourik, insconciemment ne sait pas remis d'un amour de jeunesse. Portrait d'un homme élevé dans un monde de femmes (sa mère et sa grand-mère), dans le Moscou contemporain, un homme faible et pathétique. Un sujet délicat conté avec beaucoup de sincérité et de pudeur chez cette écrivaine remarquée pour "Sonietska". Avec aussi beaucoup d'humour et de légèreté, un roman réussit qui se lit avec un réel plaisir. Sincèrement votre, chers babeliophiles.
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Sonietchka

Sonietchka de Ludmila Oulitskaïa

Sonietchka avait lu sans discontinuer de ses sept ans à ses vingt ans, « elle tombait en lecture comme on tombe en syncope », pour elle, les personnages imaginaires existaient. C’était l’époque finissante de la NEP. Elle ne s’en préoccupait point, vivant entre le très suspect Dostoïevski, l’ombreux TOURGUENIEV et le sous estimé Leskov. Elle obtint un diplôme de bibliothécaire. La guerre éclata et elle fut déplacée à Sverdlovsk …dans le sous sol d’une bibliothèque! C’est là qu’elle rencontra Victor, un peintre beaucoup plus âgé qu’elle, qui cherchait la liste des auteurs d’ouvrages en français. Elle lui prêta trois livres et deux jours plus tard il revint…lui demander sa main! Au milieu de la désolation des lieux et de la misère, un Robert à bout de forces après cinq ans de camp et une Sonia fragile entament une vie commune, car elle avait accepté de l’épouser! Une Tania naîtra de cette rencontre, Robert exerça des petits métiers, Sonia fit de la couture avec une machine héritée de sa mère. Sonia se demandait chaque comment elle avait fait pour mériter un tel bonheur. Robert ne peignait plus mais composait des jeux étranges, avec des copeaux de bois et du papier, pour sa fille, c’était un artiste étonnant.



Quel superbe portrait de femme nous propose Ludmila Oulitskaïa, sa Sonietchka est une femme lumineuse, résiliante dans une URSS imprévisible, au gré des déménagements et des vicissitudes de leur vie de couple. Un petit livre de 110 pages, une écriture précise et maîtrisée, une très belle découverte.
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Le corps de l'âme

Comme Ludmila Oulitskaïa m’avait plutôt convaincue dans la forme courte de Mensonges de femmes que dans L'échelle de Jacob, gros roman familial, c’est avec enthousiasme que j’ai appris la sorti de ce recueil au printemps dernier, et que je m’y suis plongée. La première série de quatre nouvelles, « Les amies », présente des femmes vieillissantes, qui appréhendent leur âge et la fin de leur vie de différentes façons. Par maintes petites touches qui sentent le vécu, l’autrice a créé des personnages qui n’ont besoin que de peu de lignes pour exister, et dont les destins ne m’ont pas laissée indifférente.



Mais j’ai encore préféré la deuxième série, « Le corps de l’âme » qui comporte sept nouvelles, et pose des questions sur le corps et l’âme, celle des humains, mais aussi celle des animaux, qui s’interroge sur l’art et l’âme également… Ce dernier thème correspond à deux d’entre elles, Un homme dans un paysage de montagnes et L’autopsie, très réussies. Certaines appartiennent clairement au genre fantastique, tout en conservant le ton, la petite musique de Ludmila Oulitskaia, sa manière de montrer la vie des petites gens ou encore de ceux qui a qui la chance a souri un peu plus. Le serpentin, très belle dernière nouvelle, séduira par les images et l’émotion qu’elle procure, tous les amoureux des livres.

Bref, un recueil de textes qui peut emballer autant ceux qui veulent découvrir l’autrice russe que ceux qui admirent déjà ses livres.


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Sincèrement vôtre, Chourik

Pauvre mais heureux Chourik! Les femmes l'adorent , à commencer pas sa Grand- Mère et sa Mère, qui l'entourent et veillent sur lui, jusqu'à ce que devenu homme, il prenne à son tour le rôle de protecteur des femmes incomprises, malheureuses, suicidaires ou handicapées. Tout un livre écrit comme un monologue intérieur avec une multitude de détails, de précisions et d'anecdotes, sans jamais prendre l'affaire au sérieux. De la belle littérature , un magnifique portrait d'homme enfant.
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Mensonges de femmes

Encore un roman de Ludmila Outlitskaïa que je lis d'une traite ! Quelle formidable auteure, un style plein de finesse et de sensibilité, cachée sous une ironie un peu féroce quelquefois! qu'ils sont beaux, ces personnages féminins, dans lesquels je retrouve cette "russitude" - comme dirait l'autre ! ;) - que j'affectionne tant, ce mélange de poésie, humour noir, réalisme fatalisme un peu déroutant sans doute pour les non-amateurs de ce genre d'écriture.

Ce n'est pas les rebondissements, le suspens d'un thriller que l'on aime chez Mme Oulitskaïa, c'est la bonhomie un peu moqueuse qui se dégage pour ses caractères de femmes dans lesquels on ne peut s'empêcher de se voir un peu.

Ah, messieurs, vous vous ennuieriez certainement sans nous autres dames, certes enquiquinantes, mais inimitables dans nos petits travers typiquement féminins !

Un livre peut-être plus destiné aux femmes, profond tout en légèreté, léger tout en profondeur !

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Sonietchka

Si Sonietchka se répète « Seigneur, Seigneur, qu’ai-je donc fait pour mériter un tel bonheur … » nous lecteur nous sommes conscients du bonheur que nous apporte cette lecture.

L’histoire est simple, l’auteur nous conte la vie de Sonietchka, son amour dès son plus jeune âge pour la lecture, elle deviendra bibliothécaire. Sa vie de femme mariée avec Robert, peintre et plus âgé qu’elle, la naissance de sa fille, les difficultés matériels. Je vous avais prévenue l’histoire est simple mais sous la plume de l’auteur cela prend une dimension autre, elle réussit à nous faire entrer dans l’univers d’une femme émerveillé par son bonheur qui aux yeux de certaines n’en serait pas. Je vous invite à découvrir ce beau petit roman et à ne pas lire la quatrième de couverture qui dévoile toute l’histoire du livre.

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Ce n'était que la peste

Je tourne autour de cette autrice depuis très longtemps. J’ai profité de mon passage à Lyon pour me rendre dans une petite librairie près de la gare de Perrache que j’aime beaucoup, la librairie Adrienne. J’y ai trouvé ce titre qui m’a intrigué « Ce n’était que la peste » et je n’ai pas été déçu par cette lecture.



Nous suivons d’abord le biologiste Rudolf Mayer qui travaille dans son laboratoire sur le virus de la peste. Il est convoqué d’urgence à Moscou pour présenter les résultats de ses travaux.

Assez rapidement, il devient évident qu’il est lui-même contaminé. Commence alors une course contre la montre afin d’endiguer ce qui pourrait devenir une catastrophe absolue. La dernière grande épidémie de peste ayant tuée près d’un tiers de la population européenne à une époque où l’urbanisation et les circulations étaient bien moindres.

L’appareil d’état soviétique va alors se mettre en marche et à tous les échelons les forces vont s’associer afin de retrouver toutes les personnes ayant côtoyées Mayer et susceptibles d’être infectées.





Ce texte écrit en 1988 par Ludmila Oulitskaïa évoque une histoire vraie. En 1939, en URSS, une épidémie de peste éclate. Le NKVD pris alors les choses en main et grâce à ses réseaux disséminés partout dans le pays réussit à circonscrire l’épidémie très rapidement. L’autrice dit avec beaucoup de malice, et sans doute de justesse, que c’est sans doute la seule fois de l’histoire où le NKVD a œuvré pour le bien de son peuple.



Ce texte a été retrouvé par l’autrice en 2020, en pleine pandémie de COVID. Elle écrit une postface très intéressante dans laquelle elle compare l’histoire de son livre à la situation qu’elle vit alors. Elle questionne l’avenir et l’après épidémie et espère qu’une prise de conscience mondiale pourra avoir lieu pour un monde meilleur…



J’ai aimé cette lecture. Après un temps d’adaptation de quelques pages au style de l’autrice, j’ai vraiment plongé dans l’histoire et je me suis laissé prendre par le rythme et cette course contre la peste.
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La maison de Lialia et autres nouvelles

Un recueil sorti pour la LC de février et le multidéfis 2021, vite lu car petit comme tous les folio à 2€.

Je n'ai pas capté les chutes des nouvelles, si j'ai apprécié la plume de cette autrice que je découvre par la même occasion, je n'ai pas adhéré à ces courts récits.

Toutefois j'ai apprécié découvrir le quotidien bien tristounet des moscovites.

Très court le recueil contient que trois nouvelles tirées de l'ouvrage "Les pauvres parents" le titre résume bien ces trois nouvelles.



Pas grand chose à rajouter, vite lu vite oublié.
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Sonietchka

Un beau portrait de femme. Un roman très intéressant.

Je ne sais pas que penser de Sonia. Elle est très attachante, c'est une personne accueillante, chaleureuse, pleine de bonté.

C'est une femme qui a eu la vie qu'elle a voulue, une vie à laquelle elle n'aurait jamais pensé aspirer. Pour elle, tout lui sourit. Sa vie n'a été que bonheur.

Mais sa façon de gérer la maîtresse de son mari et d'y trouver son compte a du mal à me convaincre. Son attitude est tellement complaisante et bienveillante , à la limite de l'incompréhension pour moi.

Un court roman très bien écrit, une belle incursion dans la littérature russe.
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Le chapiteau vert

Que de temps j'ai mis à lire ce livre ! Et pourtant, pourtant, j'en sors, l'âme heureuse.



Il y a évidemment cette police de caractère minuscule choisie par l'éditeur sans doute pour réduire le volume du livre. C'est très éprouvant pour le lecteur, qui, d'une part, s'abîme les yeux, mais d'autre part, a l'impression de faire du surplace. Lire deux pages ici là où l'on en lirait six-huit-dix ailleurs.



Et puis l'auteur nous malmène aussi. Avec des allers et retours dans la chronologie sans crier gare. Un personnage meurt et puis revient, parce que l'auteur est repartie dans le passé. Et puis, et puis, il y a tous ces personnages russes, appelés parfois par leur patronyme, parfois par leur prénom, parfois par leur surnom ou diminutif.



Quelle galère ! Et pourtant, c'est vraiment un beau roman russe à mon estime. Foisonnant, où les personnages luttent contre eux-mêmes autant que contre le pouvoir.



Et j'en garde véritablement, une fois la dernière page fermée, la douce impression d'être contente de l'avoir lu et de l'avoir lu jusqu'au bout.
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L'échelle de Jacob

Au fil des quelque 600 pages de ce roman, nombreuses sont les existences qui se croisent, dans un arrangement où la chronologie n'a pas sa place. Jacob, musicien et lecteur insatiable ; Maroussia, artiste indépendante et flamboyante ; Nora, scénographe sensuelle et audacieuse ; Yourik, musicien curieux ; Heinrich, fils si désireux de protéger sa mère : tous constituent une famille qui, de génération en génération, connaît les visages successifs de la Russie.



Je retiens de ce grand roman que les femmes peuvent certes être des mères et des épouses, mais toujours en restant les personnages de leur propre existence, les actrices de leur histoire. « Le destin avait voulu que toute sa jeunesse, elle soit l'épouse d'un seul homme, mais intellectuellement, elle était une femme libérée, une femme moderne, émancipée. » (p. 507) L'échelle de Jacob est un texte profondément féminin et féministe. En écrivant l'histoire de sa famille, l'autrice s'inscrit dans une continuité artistique et affranchie qu'aucun régime politique n'a sur réduire au silence.
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Ce n'était que la peste

Ecrit en 1988 pour le concours d’écriture de scénario de Valéri Semynovitch Frid, célèbre scénariste soviétique, ce texte ne fut pas retenu.



Redécouvert en 2020 en pleine épidémie de COVID. Sa lecture prend un sens particulier, sachant que l’histoire qu’elle relate s’inspire d’une épidémie de peste moscovite datant de 1939.



L’épidémiologiste Rudolph Ivanovitch Mayer travaille sur des cultures buboniques hautement infectieuses. Il est convoqué d’urgence sur Moscou.

A cause d’un masque mal mis : l’épidémie commence. Nous avons le porteur 0.



Petit livre certes, mais très bien mené.

Suivent une succession de tableaux bien précis nous indiquant l’endroit et les personnages qui vont intervenir.

Le voyage dans le train où l'on ressent l’immensité de la Russie, de ses différentes populations, et bien sûr, on mange, et bien sûr des liens se créent.

A Moscou, les gens s’éparpillent, il y a le séjour à l’hôtel, le passage chez le barbier.

Puis les premières contaminations, les hôpitaux confinés.

Puis les premiers morts.

Et puis la machinerie administrative soviétique se met en branle avec le gouvernement et des membres du NKVD. A la tête de ce dernier service un individu que l’auteure présente comme : « le personnage Haut-Placé » et qui n’est autre que Lavrenti Beria, bras droit de Staline.



Extrait page 87 :

« Des fourgons cellulaires, des « corbeaux » sortent tous en même temps d’une porte de garage grande ouverte et se dispersent à travers la ville endormie.»



J’imagine que l’auteure n’a pas dû se faire que des amis



Ce fut une très bonne lecture.
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Le chapiteau vert

C'est le roman de la dissidence dans l'ex Union soviétique. Nous sommes en 1953. Staline vient de mourir. L'oppression se relâche mais les vieux réflexes demeurent en particulier vis à vis des intellectuels et des artistes. Ceux-ci sont poursuivis pour leur écrits et actions hostiles à la politique du régime et peuvent être arrêtés et condamnés, même si la répression n'est plus ce qu'elle était.

C'est dans ce contexte que nous suivrons pour la vie trois amis, Ilya, Sania le musicien et Micha le poète. Trois intellectuels, en lutte d'une façon ou d'une autre contre le pouvoir, en particulier en reproduisant des livres interdits par la censure, sous la forme des fameux "samizdat", et en les diffusant.

C'est un roman russe, un roman choral avec de multiples personnages gravitant autour de notre trio. Le livre est touffu, épais (trop?), ose les digressions mais reste parfaitement lisible et éclairant sur la réalité de l'Urss de la fin du stalinisme à l'époque Brejnev compris.

L'humour est là parfois, subrepticement, timide, comme s'il n'osait pas se manifester. Mais qu'il fait du bien dans la lourde atmosphère de cette époque !

Ludmila Oulitskaïa, se révèle ici une conteuse exceptionnelle, un talent tout d'intelligence, de lucidité et d'humanité.

Voilà un regard pénétrant sur cette époque, très utile pour nous aujourd'hui alors qu'en Russie de vieux démons se manifestent à nouveau.
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Ce n'était que la peste

"L'humanité connaît depuis l'Antiquité non seulement la crauté de la nature, mais aussi la cruauté du pouvoir qu'elle a élaboré au cours de son évolution sociale. Un pouvoir peut être plus ou moins cruel, mais il a toujours pour fondement l'oppression de la liberté de l'individu au profit du bien de la société, un bien qui est parfois compris de façon très arbitraire par le pouvoir lui-même.

il arrive que ces deux forces puissantes, le pouvoir de la nature et le pouvoir de l'Etat, se mettent à interagir".

Ludmila Oulitskaïa fait dire par l'un des personnages de sa nouvelle que l'épidémie, "Ce n'était que la peste". Et la peste en effraie moins certains que les abus du pouvoir, que le NKVD, que les agents qui viennent vous contrôler chez vous ou dans une gare par exemple, pour vous interroger, pour vous mettre en quarantaine, que vous n'ayez rien fait ou que vous n'ayez pas votre conscience pour vous. Aussi, les personnages ne réagissent-ils pas tous de la même façon. Certains se soumettent bien volontiers pour le bien public, d'autres par simple politesse, une femme sur un simple malentendu se retrouve dans le bureau du renseignement et donne des informations sensibles sur l'homme qu'elle aime, priorisant l'honneur à l'amour, comme dans un dilemme cornélien ; d'autres encore préfèrent s'enfuir, se tirer une balle, et d'autres encore deviennent fous, passent des marchés ou se sacrifient jusqu'au bout ... Et on voit les hommes et les femmes résister et/ou collaborer et on voit que l'épidémie se répand et s'insinue dans les corps et dans les âmes ... Mais le NKVD contrôle, jugule l'épidémie, et démontre ainsi l'efficacité de son pouvoir quasi absolu. Nonobstant, le lecteur ne peut que constater qu'il y a des rouages qui grincent quelque peu, qui manquent d'huile peut-être ... Que la machine n'est pas si efficace que ça, qu'elle est loin d'être parfaite ... Et que la machine est une bête humaine ... À la fin, on peut se demander, après coup, ce qui a bien pu se passer ... Et on peut chercher des responsables, et tenter de comprendre ce qui s'est joué en coulisses.
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Mensonges de femmes

Il s'agit d'un ensemble de récits, à première vue de sortes de nouvelles, dans lesquelles à un moment ou un autre apparaît Génia, fil rouge de l'ensemble. Mais les premiers récits sont centrés sur d'autres femmes, ou filles, Diana, Nadia, Lialia. Le fil rouge est énoncé d'emblée, ce sont les mensonges que ces femmes ou ces filles s'inventent pour rendre le quotidien supportable. Mais l'essentiel ce sont elles, et leurs inventions ont pour fonction de révéler leurs rêves, aspirations, manques, finalement la part essentielle d'elle-mêmes. Et vers la fin du livre, Génia prend de plus en plus d'importance, elle n'est plus seulement le réceptacle des confidences des autres mais se découvre à nous. Et le dernier, et le plus long chapitre qui lui est consacré m'a dérouté, j'ai cherché le mensonge du titre, mais les choses sont plus compliquées, et ce dernier n'est pas donné d'emblée à nous. J'ai en fin de compte mon hypothèse, mais je ne vous la livrerai pas, à chacun de trouver sa réponse.



J'ai aimé ce livre, drôle, en apparence, léger, centré sur le quotidien, et ses petites souffrances et insatisfactions, comme l'univers de la plupart des femmes, mais en réalité plein d'humanité, et beaucoup plus subtil qu'il n'y paraît à première vue.
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Ce n'était que la peste

On ne va pas parler ici de bijou littéraire mais plutôt de tentative remarquable de produire un scénario au moment où l'auteur abordait un nouveau genre pour elle dans les années 1980. Cette histoire traduite en français en 2021 aux Editions Gallimard sous le titre "Ce n'était que la peste", y trouve son intérêt comme on peut s'en douter en faisant écho à la covid. Cette histoire est vraie, elle s'est passée en 1939 en Union soviétique.



Compte tenu de la diversité des situations et des scènes qui défilent à toute vitesse, on a recours bien souvent aux personnages de début de livre pour se repérer et avoir la clef pour savoir d'où il vient celui-là ! Mais, on s'y fait..



Cela dit, la bête étatique ou totalitaire se réveille lentement dans la forme, place d'abord au pouvoir de la médecine et cet exposé est clair et juste, évidemment agréable à lire. Il est vrai que Ludmila Oulitskaïa est biologiste de formation !



Mais alors, quand le pouvoir totalitaire décide de passer à la vitesse supérieure, le pouvoir médical devient aux ordres et les chefs locaux des petits chefs qui deviennent même ridicules. L'intérêt du livre ne faiblit pas, grâce à l'artiste, grâce à la connaissance d'un monde que Ludmila rapporte fidèlement. La méthode de mise en quarantaine des gens contaminés procède de l'arrestation, de la réquisition : il est vrai que ce "Personnage haut placé, du NKVD" semble avoir la main exercée dans ce domaine, puisqu'il n'est autre que l'ombre de Staline, son bras droit et géorgien comme lui, l'insigne Béria ! Et là on ne s'amuse plus ! On est à des années lumière de nos états d'âme contemporains français. Mais Ludmila porte un regard implacable sur une situation où l'on sent bien que ne serait-ce qu''une demi-mesure lancée dans l'offensive des hommes en noir serait lourde de conséquence face à cette peste pulmonaire hyper-dangereuse sortie malencontreusement d'une expérience de laboratoire à huit-cents kilomètres de Moscou !..



Pour le lecteur qui ne connaîtrait pas le dénouement de cette affaire, les dernières paragraphes sont haletants et la situation peut se renverser pour un rien. La fuite de la députée turkmène est bien sûr notable (*), un moment de panique est palpable chez les soviets, mais ..



Chez un couple de protagonistes, nous précise l'auteur, on s'agite encore sur l'idée que dans la pièce d'â côté dort un jeune couple dont leur propre fille et que la cloison qui les sépare paraît bien mince pour une pudeur minimum .. mais en plus chez les russes, on ne ferme pas les portes intérieures..



"Une ambulance remonte la rue Pétrovska (à Moscou), longe le monastère Pétrovski .." A bord, le chercheur par lequel cet épisode de 1939 est arrivé est conduit aux urgences de l'hôpital Catherine, infecté .. Il fait froid, les gens sont frigorifiés en cet hiver 1939, la neige tombe ..



Il est fort probable que dans ma lecture du même jour de cet extrait, ces noms de rue et de site ne m'auraient pas parlé si je ne venais de les visiter à l'instant même, je puis assurer que la rue Pétrovska monte !..



Ludmila a tout d'une grande, d'ailleurs ses pairs la jugent comme la grande prosatrice russe contemporaine.



(*) On sent poindre comme une complicité patriote au moment où la députée turkmène arrive à regagner son propre pays. Mais Staline et Béria n'en ont cure de cela, avec les délateurs qui pullulent de partout, et quand bien même ça ne suffirait pas, on déplace carrément des peuples chez les soviets !.. Béria à la différence de Staline verra cela avec lucidité et que le totalitarisme avait ses propres limites .. C'est la force de ce court récit de 130 pages où tout est fortement induit finalement avec des invitations de lectures intéressantes, notamment sur Béria un peu déformé, caricaturé par les historiens de tout poil : on finirait par croire qu'un peu de dictature sanitaire dans notre pays France d'aujourd'hui ne ferait pas de mal, il faut savoir ce que l'on veut !..



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Sonietchka

Un roman aux allures de nouvelle tant par sa brièveté que par sa teneur.

Sonia ne fait pas la différence entre le réel et l'imaginaire, entre la vie imaginée et la vie vécue. Elle accepte sa vie comme on accepte le destin des personnages décidé par un auteur.

Sonia puise son énergie vitale dans la littérature, son mari dans la peinture, et l'art, sous toutes ses formes, s'installe dans ce foyer atypique de l'après-guerre. Malgré la pauvreté des premiers temps, Sonia voit la poésie dans son existence et se sent chanceuse. Elle continuera de voir son bonheur et sa chance auprès de Jasia qui pourtant devient très vite la maîtresse de son mari sous son propre toit et loin de sa fille Tania qui a quitté le foyer pour ne jamais revenir.

Un roman bref et incisif dénué de jugement moral concentré sur le portrait de Sonia, figure christique et vertueuse de cette femme qui accepte son destin sans ciller et qui parvient à trouver le bonheur là où d'autres y verraient un chemin de croix.

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Sonietchka

Années quarante en URSS, Sonietchka, jeune femme peu gracieuse, s'est réfugiée dans les livres et dans son travail de bibliothécaire; c'est là qu'elle fait connaissance de Robert, artiste peintre, mis quelque peu au ban du régime communiste, qui l'épouse deux semaines après leur rencontre. Tania, leur fille, plus intéressée par les sorties et les relations faciles, alignent les amants, sans que les parents ne s'en aperçoivent vraiment. Son amitié avec Jasia, une jeune femme de ménage au passé difficile (ayant connu la prostitution comme moyen de sortir de son milieu défavorisé) mais très libérée, va bouleverser l'équilibre de la famille.



Après un début prometteur nous présentant l'amour que Sonietchka éprouve pour les livres et la lecture, la narration de la rencontre avec Robert, qu'elle va épouser très rapidement, est sans aucune émotion, j'avais le sentiment de retrouver l'ambiance du roman de Kôbô Abe - La Femme des sables - retrouvant un goujat sans considération pour sa femme et cette dernière complètement soumise et inexistante.

L'enfance de leur fille Tania est, par la suite, traitée comme un fil qui se déroule sans affect, juxtaposant une série de situations et de personnages, une énumération assez superficielle, impersonnelle de faits que j'ai trouvée sans intérêt, des passages du coq à l'âne, et le final qui voit la relation extra conjugale (entre le mari de plus de 65 ans) et l'amie de Tania, environ 20 ans est pour le moins peu crédible, le tout, avec une écriture (ou une traduction) très décevante et un style épouvantable :

"Robert, l'air songeur, prêtait l'oreille aux échos assourdis d'un grondement de bonheur qui résonnait dans la moelle de ses vieux os, et essayait de se souvenir quand il avait éprouvé cette sensation".

"...on bâtissait consciencieusement et avec compétence un art socialiste convenablement rémunéré, en sortant de temps en temps sur le palier sordide d'encombrantes variantes du géant chauve de la pensée..."(p 84) Comprenne qui pourra.........



Grosse déception donc pour ce roman que j'ai terminé, car il ne fait que 108 pages mais que j'aurai facilement abandonné s'il avait fait plus de 250 pages. A part le début prometteur, le reste du roman est retombé comme un soufflé, je me suis ennuyée pendant cette lecture, très gênée par un style "à la truelle" . Il ne me reste qu'une question en tête : comment ce roman a t-il pu obtenir le prix Médicis 1996 (ex-aequo avec Himmelfarb de Michael Krüger resté dans les oubliettes - où Sonietchka devrait également se trouver à mon avis). J'ai une explication : j'ai trouvé à ce roman, un petit air germanopratin de bon ton.......mais je suis mauvaise langue..

Une très mauvaise expérience, et Ludmila Oulitskaïa est une auteure que je compte soigneusement éviter.

Mauvais pioche, en tête pour être la daube de l'année........



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Ce n'était que la peste

Un texte écrit au présent, mené tambour battant dans un style direct. Ni descriptions, ni digressions d’aucune sorte sur les descriptions ou les états d’âme, on pourrait croire à un synopsis de théâtre qui viserait surtout à éclairer les situations. Le récit avance ainsi, porté par les dialogues et les questions, que partagent les 38 personnages mis en scène par l’auteur, dans les lieux nombreux où s’égrène l’action, présentés en tête de chapitre de façon sèche :

Moscou la gare de Kazan- Chez les Jourkine c’est le matin- Un couloir de l’hôpital- Le commissaire à la santé tient une réunion- Une queue dans un magasin…

Le décor est planté toutefois dans les premières pages : La nuit, le poids de la neige, un local confiné où travaille un chercheur penché sur ses boites de Pétri, tout contribue à évoquer rapidement, une atmosphère tendue, un dérapage des faits hors de contrôle.

Rudolf Ivanovitch Mayer, le chercheur, est en effet interrompu dans son travail qu’il abandonne, pour répondre au téléphone, il est convoqué à Moscou pour rendre compte de sa recherche qui vise à mettre au point un vaccin contre la peste, on ne lui laisse pas le choix, les demandes des autorités quelles qu’elles soient sont des ordres.

Si le drame se trouve très vite sur les rails, l’auteur n’en laisse rien paraître. Le lecteur suit Rudolf Ivanovitch dans son périple vers Moscou, il partage avec lui le quotidien des wagons, des chambres d’hôtel, croise la route de ceux qu’il rencontre de manière fortuite, la vie en URSS à la veille de la seconde guerre mondiale se dessine doucement, dans ses arbitraires et ses contrôles. Très vite, tous ceux qui ont croisé la route de Rudolf Ivanovitch, tombé malade, sont poursuivis et arrêtés, placés en quarantaine sans explication. Les scénarios de ces arrestations, bien huilés, efficaces, se succèdent. Oulitskaïa met en lumière le conditionnement des réactions, la banalité de la terreur qui conduit à l’habitude, celle de la peur automatique, des fantasmes les plus fous sur les pseudos menaces politiques. L’URSS stalinienne prend forme dans les ordres du pouvoir et l’efficacité du NKVD. Oulitskaïa décrit un pays plongé dans le drame au quotidien, à un point tel qu’un drame de plus, une épidémie potentielle de peste, ne change rein ou si peu au tableau.

Le récit est d’autant plus étonnant que les faits évoqués ici sont avérés, le régime a bien stoppé une épidémie de peste à ses débuts en 1939. A l’heure où la pandémie de COVID continue à sévir, le livre de Ludmilla Oulitskaïa met en exergue la manière dont ces crises sanitaires révèlent la nature véritable et le fonctionnement des systèmes politiques en place.

L’URSS a bien jugulé une épidémie de peste en 1939, au prix de la mise en place d’une machine étatique de contrôle absolu et d’écrasement des individus.

L’auteur démontre avec brio que la peste peut être autre chose qu’une terrible maladie.



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Sonietchka

Un portrait de femmes, un portrait d'époque, qui n'a rien d'une saga. Un très court roman, presque une nouvelle, une centaine de pages, une lecture bien plus dense et subtile que celle si réductrice qu'annonce cette quatrième de couverture. A travers l'existence de Sonietcha - ainsi que celle de sa fille Tania - saisie à la fois dans le quotidien et la durée, dans sa pleinitude, c'est le tableau de la Russie de Staline, la Seconde Guerre Mondiale, le régime soviétique, la difficulté à vivre, la dimension que donne l'art à la vie, la difficulté et la liberté de l'exprimer par l'art. Quand vivre devient un art. Ou devrais-je écrire, l'art de vivre ?



Sonietchka est lectrice, femme à la fois détachée et transparente, une figure aussi pâle que lumineuse.



" Pendant vingt années, de sept à vingt-sept ans, Sonietchka avait lu presque sans discontinuer. Elle tombait en lecture comme on tombe en syncope, ne reprenant ses esprits qu'à la dernière page du livre. [...] Elle éludait chaque jour et à chaque instant le nécessité de vivre ces pathétiques et glapissantes années trente en menant paître son âme dans les vastes pâturages de la grande littérature russe, plongeant dans les abîmes angoissants du très suspect Dostoïevski pour émerger dans les allées ombreuses de Tourgueniev, ou dans les manoirs de province réchauffés par l'amour généreux et dénué de principes d'un Leskov qualifié on ne sait pourquoi d'écrivain de second ordre. "



Il ne s'agit pas d'une vie par procuration mais de cette autre dimension. A travers elle, se glissent, glissent, les années de communisme, les destins en une peinture éloquente teintée de dérision.



Le mari de Sonietchka est un apikoïre, un libre-penseur, peintre, voyageur, réprouvé par le pouvoir. De vingt ans son aîné, il revient de cinq ans d'emprisonnement. Il reprendra peu à peu goût à la vie et le pinceau malgré les prisons qui l'entourent.



" Il y avait longtemps qu'il ne bâtissait plus de projets. le destin l'avait conduit dans des lieux si sinistres, dans l'antichambre de l'enfer, sa volonté animale de survivre était presque à bout, et les crépuscules de l'existence d'ici-bas ne lui semblaient plus si attirants... "



" C'est ainsi que, marchant à la queue leu leu, ils arrivèrent devant l'entrée de l'immeuble où, derrière des portes s'alignant le long d'immenses couloirs, on bâtissait consciencieusement et avec compétence un art socialiste convenable rémunéré, en sortant de temps en temps sur le palier sordide d'encombrantes variantes du géant chauve de la pensée... "



Ce sera le personnage témoin de la société soviétique, un survivant du monde d'avant, comme sa fille, double reflet, libre et excessive - " génération déchue grandie dans le dénuement. " - sera celui du monde à venir, comme son amie Jasia sera celui du monde présent.



" Elle était la fille de communiste polonais ayant fui l'invasion fasciste, chacun, par la force des choses, dans une direction différente : son père vers l'ouest, et sa mère, avec son bébé, vers l'est, en Russie. Cette dernière n'avait pas réussi à se fondre dans la masse des millions d'habitants de ce gigantesque pays et avait été charitablement déportée au Kazakhstan, où elle était morte après avoir vivoté tristement pendant dix ans, sans avoir perdu ses idéaux sublimes et absurdes. Jasia s'était retrouvée dans un orphelinat; elle avait manifesté un attachement à la vie peu ordinaire en survivant dans des conditions qui semblaient spécialement conçues pour tuer le corps et l'âme d'une enfant, et s'en était sortie grâce à sa faculté de tirer le maximum d'une situation donnée. "



Ce roman n'est pas celui de la résignation ou de l'amertume, plutôt un consentement, un contentement. Il est le roman de la vérité, d'une profondeur insoupçonnée, celle de Sonietchka, celles des vérités historiques, sociales et intimes entre les lignes. Il est vivant ce roman aux phrases incisives et ciselées, fondamentalement humain.



Elle n'est pas émouvante cette femme, elle est belle, à l'image de ce récit, une émotion fine.




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