Citations de Marc Lambron (117)
Les gens très riches , se font mousser avec leurs collections de tableaux pas avec leurs bibliothèques , vous savez les livres restent dangereux parce qu'ils incitent à réfléchir, alors qu'un tableau éveille neuf fois sur dix la même question, celle de son prix .
La mémoire ne vaut pourtant guère mieux que le désert : c'est toujours sur du sable que l'on déchiffre le nom des êtres aimés. Puis le vent passe.
La mort d'un proche recale les hiérarchies.
On me prête parfois de la mémoire; je crois que ce n'est rien d'autre, depuis quelques années, que la poisseuse habitude de fixer les faits pour me persuader que leur addition compose une existence.
- Non, j'appelle cela de la compassion sadique. On contemple sur un écran les malheurs du monde en se réjouissant secrètement de ne pas les subir. Les téléspectateurs ne sont pas des croque-morts, ni des paratonnerres. Un journal télévisé ne devrait pas fatalement se voiler de crêpe noir. En conséquence, j'ai appris à m'immuniser en tournant le bouton.
Le résultat de tout ça, c'est la farandole annuelle du festival de Cannes. Cette guignolade me fait passer des moments délectables. Elles arrivent gavées comme des corbeilles pour poser sur le tapis rouge, toutes pierreries dehors, avant d'aller voir des films où l'on pleure à chaudes larmes sur la misère du monde.
Hippocrate, dans ses anciens traités, remarque que l’enfant ne peut être atteint par la goutte avant l’âge du coït, et que les eunuques ne deviennent ni chauves ni goutteux.
Le cadre d'un tableau est comme un trou dans le crâne d'un peintre, par où l'on voit danser ses démons.
Et je me souviens, mais comme tout le monde, n'est-ce pas, d'une femme.
C'est dans le pire qu'on est libre, c'est en s'évadant que l'on apprend à aimer.
Croyez-moi, il est rare de voir des femmes se vouer au destin d'entrepôt, mais frappées par la grâce, les rédactrices de mode y parviennent.
Pour gagner de l'argent, il faut une compétence, mais pour le dépenser, il faut une culture.
Ce que l'indifférence disjoint, le regret l'accomplit.
« Nous vivons dans un monde de passions tristes et tu ne sais pas combien tu as éclairé ma vie à l'époque où elle était vibrante et malheureuse, même en rêve tu m'as signifié la grâce et la joie de ce qui viendrait, je te dis ma reconnaissance pour avoir existé un jour sur mon chemin, je ne sais si tu crois en ta lumière mais sache que j'en ai été ébloui. »
Dans le porte-revues de mon grand-père, un hors-série de L’Humanité attire mon attention. Il date du printemps précédent et a été édité pour le vingtième anniversaire de la libération des camps nazis, 1945-1965. J’en tourne les pages, où des textes commémoratifs violemment accusateurs, mais comme recueillis, s’accompagnent de nombreuses photographies en noir et blanc. Intrigué, puis effaré dans le silence du regard, je découvre des scènes de supplices, des corps inertes sur des barbelés électrifiés, des bâtiments à hautes cheminées, des fours remplis d’ossements, des châlits dont émergent des morts-vivants en pyjamas rayés. Rien ne m’y a préparé. Que s’est-il passé dans cet autrefois pourtant proche ? Et pourquoi le souvenir en est-il consigné dans cette revue qui me semble comme réservée, détentrice d’un secret très retenu ? Rétrospectivement, je me dis que cette mémoire m’est parvenue à travers les pages d’une publication communiste, forte de toute son intransigeance. Sans doute ai-je accédé ce jour-là, par la voie émotive, à une première notion de ce que l’on appelle l’Histoire, non pas les sagas médiévales ou les romans de mousquetaires dont j’avais déjà tâté, mais le récit d’une proximité révolue affectant des vivants. J’ai remis le magazine dans le porte-revues et suis sorti dans le jardin de mon grand-père, un peu étourdi sous la lumière soudain étrange d’un juillet de province, la quiétude d’une cité ouvrière où les visages des aînés, se saluant de clôture à clôture, recelaient peut-être les silences d’un monde d’avant, les abysses d’un effrayant passé.
Je vois ce que mon père ne verra plus, ou verra dans une teinte d’adieu, je le vois avec le luxe de la vie qu’il m’a donnée. Il m’appartenait de la disperser, de l’embellir, de la gâcher
" - Non, vraiment, vous allez visiter une planète où les fous ne sont jamais que temporairement chloroformés. Sans compter qu'ils s'obstinent à assassiner leur atmosphère. La planète a besoin d'oxygène, pas d'hydrogène. Un garçon de dix ans sait ça, donc on devrait impérativement renvoyer à l'école tous les chefs d'Etat. "
" - Ne me parlez plus de cela, larmoya Albert. Notez que je la connais bien, cette planète, puisque j'y ai été allemand, apatride, suisse et américain. Ce que c'est de naître à Ulm et de disparaître à Princetown... "
" - Tout de même, ajouta l'intrépide Greta, j'ai une question qui me tourmente. L'un de mes compatriotes, Alfred Nobel, a créé un prix que vous avez reçu. Or il était l'inventeur de la dynamite, qui est un explosif très méchant. Je me repens pour lui.
- Mon enfant, rétorqua Madiba, ce n'est pas l'origine qui compte, mais la destination. J'ai transformé des explosifs en bouquets de roses. Si je l'ai fait, d'autres le feront. "
Poursuivie par les miasmes du havane odorant, elle retint deux leçons de cet entretien singulier : pour certains hommes, la félicité réside dans un cigare. Et ils traitent les méchants moustiques de cochons fascistes, ce qui restent offensant pour les cochons. Les grandes personnes sont bien étranges.