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Citations de Marie-Hélène Lafon (931)


La capacité de recommencement des femmes, et des hommes parfois, me terrasse, et m’émeut. C’est là, c’est donné, il suffit de regarder et d’écouter. Les femmes surtout, certaines, comme elles sont vaillantes, comme elles veulent y croire, et paient de leur personne, de tout leur corps qui fabrique les enfants, et les nourrit ; et elles se penchent, vêtent, nouent les écharpes, ajustent les manteaux, consolent vérifient admonestent caressent, ça ne finit pas. Comme elles sont dévorées et y consentent ou n’y consentent pas ou n’y consentent plus mais peuvent encore, font encore, parce qu’il le faut et que quelque chose en elles résiste, continue. C’est chaque jour et au bout des jours ça fait une vie. 
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L’homme n’a jamais beaucoup parlé ni compris ce besoin que les femmes ont, souvent, pas toutes les femmes mais presque toutes, de mettre des paroles sur les moments, sur les choses et sur les gens, entre eux, à leur propos, de dire pourquoi et de dire comment, de justifier et d’expliquer, de raconter, de remonter aux sources, de comprendre, de juger, de condamner, d’absoudre, de pardonner, d’éreinter les phrases et les mots, toujours les mêmes phrases et les mêmes mots. 
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Il aimait les mots fou, folle, folie, s’affoler, follement, toute cette famille d’allumés que la psychiatrie officielle était en train de ravaler au rayon des insuffisants notoires et autres caricaturaux mal embouchés ; il les aimait pour le souffle, pour l’élan, pour l’éclat cru, parce qu’ils sont dansants et disent les choses et sont francs du collier ; fou était son préféré pour l’arrondi des lèvres qu’il suppose, comme un baiser tendre. 
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Pâles et cravatés, altiers, encadrant leur mère en grand deuil, escortés par leur tante non moins endeuillée, Paul et George Lachalme se sont tenus devant le caveau orgueilleux, dans le froid bleu et mordant du pays haut. Ils ont serré des mains, embrassé des joues, balbutié les formules d'usage, reconnu des visages vieillis, ravalé des sourires et masqué des perplexités dont ils se feraient plus tard l'aveu, entre frères, dans l'intimité de la maison douce et chaude.
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Je ne crois en rien, nous sommes seuls et nous ne serons pas secourus, mais j'aime les églises alanguies dans le creux des après-midi. Je ne parle pas des cathédrales orgueilleuses ni des basiliques perchées, ni de la Madeleine ni de Saint-Germain-des-Prés, ni de Saint-Etienne-du-Mont ni de Saint-Sulpice, je parle des églises sans qualité, des églises de semaine, assoupies, à peine frottées de catéchèse par des dames de bonne volonté que chapeaute de loin un prêtre encore jeune, expéditif et souriant. Même dans les villes, même à Paris, à l'heure du goûter, la trépidance ordinaire reflue dans le ventre des modestes églises de quartier ; la température y est à peu près constante, la lumière aussi, le temps s'y oublie, on y berce à bas bruit des douleurs irrémédiables, personne ne demande rien à personne, le confessionnel est vide, les araignées s'affairent, ça sent la poussière froide.
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Isabelle disait que le chant réparait, et consolait de tout parce qu’il montait du ventre pour se mélanger à l’air, à la lumière, à d’autres voix, à la musique ; elle disait que le chant inventait de la joie.
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Les trois prénoms reviennent toujours dans ses listes; trois enfants, trois prénoms, trente-trois hectares, trente ans.Elle s'accroche à ses listes.
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La cour est vide ; à cette heure les poules sont dans le pré, derrière la maison, et les chiens sont descendus à l’étable avec lui ; ils le suivent quand il se lève de sa sieste, ils lui obéissent, ils filent. Quand elle voit revenir les chiens, qui restent dans la cour et n’entrent pas dans la maison, quand les chiens passent devant le portail du jardin où se couchent derrière l’érable, elle sait qu’il n’est pas loin.
(pages 23-24)
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La tante dit, en détachant bien chaque mot, on ne mélange pas les torchons avec les serviettes ; ou qui va à la chasse perd sa place, ou qui dort dine, ou qui sème le vent récolte la tempête, ou les chiens ne font pas les chats. Il sait par cœur toutes les phrases de la tante, surtout celles qu'il ne comprend pas, et les récite parfois, en silence, mot à mot, pour s'endormir, ou pour se calmer, pour se refroidir, comme maintenant, quand il sent qu'il voudrait sauter d'un seul bond les six marches de l'escalier et se poser sur l'épaule d'Antoinette, comme une hirondelle. La tante dit aussi, une hirondelle ne fait pas le printemps.
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Il faut que la jeunesse rie, elle soulignait cet adage de son index droit pointé, et appuyait sciemment sur le "e" final du verbe rire. Quand elle me faisait réciter mes conjugaisons, à l'école primaire, elle choisissait toujours des verbes joyeux, nous les appelions les joyaux de la couronne, récite-moi un joyeux joyau du troisième groupe Jeanne, et détache bien les lettres que je vois si c'est su ; nous avions des favoris, revivre, comprendre, résoudre, elle détestait conquérir et moudre ou traire, mais rire était notre préféré. Nous avions beaucoup ri avec Karim ; en cela aussi nous avions été jeunes. Aujourd'hui, dans le métro, dans le bus, ou dans la rue, ici dans l'avenue, devant le collège Courteline, il m'arrive encore de surprendre ces rires irrépressibles, cascadés, qui secouent à l'unisson et rassemblent une grappe mouvante de filles ou de garçons oublieux du monde sous le regard interrogateur, furibard, effaré des autres, des adultes, des vieux, des gens, des tristes, des assis, des rassis.
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Ils se sont mariés un 30 décembre et elle pense souvent qu’elle est entrée, en se mariant avec lui, dans une sorte d’hiver qui ne finira pas.
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Antoinette est rousse comme le renard qu'ils ont vu l'hiver dernier, sa mère et lui, en traversant le grand pré du haut, un soir de neige. Sa mère a serré sa main qu'elle tenait dans la sienne, ils se sont arrêtés, le renard aussi, saisis, les trois ; ensuite, le bois a avalé la bête, il n'est plus resté que ses traces à peine visibles sur la neige bleue et dure. Antoinette est un miracle, comme le renard.
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Sa grand-mère écoutait les questions, il fallait attendre, parfois elle répondait longtemps après. Il mangeait les tartines qu'elle préparait au fur et à mesure, trois tartines au plus, avec du beurre et du chocolat en poudre ; juste la bonne quantité de chocolat ; elle appuyait avec le couteau à bout rond pour que le beurre mou se mélange avec la poudre et que l'on puisse respirer en mangeant la tartine au lieu de se retenir par crainte d'éternuer à cause du picotement provoqué par le chocolat. Ils appelaient ça les tartines difficiles.
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Il y a de la douceur dans les routines qui font passer le temps, les douleurs, et la vie.
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Antoinette et Amélie craignent le père, tout le monde le craint, même Paul, les colères du père sont comme l’orage et le tonnerre, la maison tremble, la terre tremble, c’est la nuit en plein jour ; quand ça s’arrête, quand le père s’en va, on recommence à respirer.
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"[...] il n'y avait pas de paradis, on avait réchappé des enfances ; en elle, dans son sang et sous sa peau, étaient infusées des impressions fortes qui faisaient paysage et composaient le monde, on avait ça en soi, et il fallait élargir sa vie, la gagner et l'élargir, par le seul et muet truchement des livres."
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Quand on fane, il devient comme fou, il veut avoir fini plus vite que tout le monde, il voudrait avoir fini avant d’avoir commencé, il crie qu’il est seul pour tout faire, qu’elle est un boulet, un tas, elle est devenue un tas. Un gros tas. Il cogne dedans, dans les jambes, dans le ventre.
(page 32)
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Il dort sur le banc. Elle ne bouge pas, son corps est vissé sur la chaise, les filles et Gilles sont dans la cour. Ils sont sortis aussitôt après avoir mangé, ils savent qu’il ne faut pas faire de bruit quand il dort sur le banc. Claire a refermé derrière elle les deux portes, celle de la cuisine et celle du couloir. La table n’est pas débarrassée, elle s’en occupera plus tard, quand il aura fini la sieste.
(Incipit)
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Joseph ne s'ennuyait pas, il laissait passer de gros morceaux de temps.
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On ne revient pas du pays de l'éternel retour comme on y est entré et je ne cerne pas tout à fait les contours de cette incertitude.
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