AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Marie-Hélène Lafon (932)


Les deux tilleuls dans la cour, l’érable au coin du jardin, le lilas sur le mur, tout bruissait frémissait ondulait; c'était gonflé de lumière verte, luisant, vernissé, presque noir dans les coins d'ombre...
Commenter  J’apprécie          250
Elle respire sa ville aimée, sa seconde peau, elle hume le fumet familier qu'elle ne parvient pas tout à fait à démêler ; c'est, tout entassé, machine et chair, rouages et sueurs, haleines suries et parfums fatigués sur poussière grasse, c'est animal et minéral à la fois ; c'est du côté du sale et elle se coule dans cette glu, elle prend place s'insère dans le flot. Son pas résolu claque sur le sol dur, ses bottines à lacets et talon bobine sont lustrées comme de petits sabots de cavale d'apparat. La ville s'apprend par le corps et retrouve par lui, le pas sonne et claque comme il ne saurait le faire sur la terre souple de l'autre pays.
Commenter  J’apprécie          250
C'est difficile de toujours faire semblant.
Commenter  J’apprécie          240
Il entre dans la cuisine par la porte de la laiterie, il pose cinq œufs sur la table, il parle bas, entre ses dents, mais elle entend et elle sait toutes ses phrases, elle sait comment il tord la bouche ; même ça t'es pas capable de le faire, tu veux les laisser pourrir les œufs, tu préfères les acheter, avec l'argent des autres c'est facile, tu peux pas te baisser pour les ramasser, t'attends que les chiens les mangent. (p.44) […]
Il lit le journal, il dit que les Juifs et les Arabes se font la guerre à Jérusalem, que les juifs ont gagné, forcément ; il parle avec sa voix normale, sa voix pour les gens ; elle ne lui répond pas, elle ne lit pas les mêmes pages que lui dans le journal et aujourd'hui, elle ne l'a pas ouvert, elle n'a pas eu le temps. (p.45-46)
Commenter  J’apprécie          240
On se régalait surtout de la joie contagieuse qu’ils avaient toujours eue dans cette maison, c’était une bonne maladie quand on en connaissait tant de mauvaises, et cet André, né sans père, avait eu de la chance dans son malheur. Il avait transformé l’essai…
Commenter  J’apprécie          240
Le lendemain du grand orage, après une courte nuit hâchée de réveils solitaires auprès de Paul enfoncé dans un sommeil parfait, Annette s'était étonnée de retrouver chaque chose à sa place, les arbres de la cour, le portail du jardin, le toit du hangar, les brassées de phlox à peine chiffonnées, et plus loin vers le Jaladis, le friselis des bois impavides.
Commenter  J’apprécie          241
"Nous ne possédons réellement rien, tout nous traverse."
Eugène Delacroix, Journal
Commenter  J’apprécie          240
D'un autre côté, elle préfère vivre seule dans son trou. C'est difficile de toujours faire semblant.
Commenter  J’apprécie          230
André était mal parti, sans père, un accident, c'est le premier mot, et le seul que Gabrielle avait eu, un accident, pour décrire sa situation quand elle avait débarqué en août 1923 à la gare de Figeac, enceinte de plus de trois mois et apparemment très à l'aise.
Commenter  J’apprécie          230
André, posé au bord du lit, dans la chambre nue, s’était soudain senti très las, comme accablé d’un poids de silence et de secret qui était son lot de fils ; père inconnu et mère à double fond.
Commenter  J’apprécie          230
Paul racontait que la mort d’Armand avait acculé sa mère et sa tante à la religion, son frère Georges, même s’il n’avait que trois ans et demi, à la perfection, son père à l’ambition et lui à la sauvagerie. Gabrielle eût volontiers mêlé les deux derniers termes mais se taisait encore. (page 75)
Commenter  J’apprécie          230
Elle entend l'angélus du soir sonner au clocher de Chailly ; elle ne se découvre pas, elle ne joint pas les mains, elle n'incline pas la tête, comme on faisait tous du temps du père qui ne badinait pas avec ça, mais elle sait que quelque chose en elle s'immobilise, le temps est suspendu, elle sent des présences, et dans le champ de Santoire peut-être un peu plus qu'ailleurs parce qu'elle a toujours aimé ce bout de terre suspendu au bord du bois de Combes et couché sous le ciel immense.
Commenter  J’apprécie          230
[Ils] sortaient, pour faire trois pas et s'asseoir sur le banc de pierre grise dans l'ombre du tilleul, le dos collé au mur du jardin, histoire de prendre sans en avoir l'air la juste mesure de l'été qui flamboyait, jeté à cru sur toutes les choses tremblantes, mordues de soleil, éperdues. (…) On ne dirait plus rien ; ou pas grand-chose ; on attendrait qu'un morceau de temps passe avant de repartir chacun dans sa vie et dans le tournoiement des besognes toujours recommencées.
Commenter  J’apprécie          230
Dans les fermes où on se fait la guerre entre vieux et jeunes, c’est dur pour l’ouvrier qui se trouve sans savoir de quel côté se tourner quand l’un a dit blanc et l’autre noir. Joseph en a séparé des pères et des fils, ou des frères, ça s’empoignait au fond de l’étable ou à la grange, juste à côté de la trappe ouverte sur un escalier bien raide, il a reçu des coups perdus et ensuite on l’a regardé de travers parce qu’il avait vu ce qui doit rester caché dans le secret des familles. C’est la boisson qui est le pire. Tant que les parents sont là et en bonne santé pour aider, ils ont leur mot à dire et le fils continuera le fromage, le saint-nectaire, parce que la ferme est dans la zone d’appellation contrôlée, juste à la limite mais encore dans la zone ; dans une ferme organisée comme celle-là, on a besoin d’un ouvrier comme lui pour aider et on peut le payer uniquement si on transforme le lait ; mais tout le monde sait ce que le fils pense ; le fils pense qu’ils travaillent pour payer l’ouvrier, à cause des charges, et que c’est un système périmé.
Commenter  J’apprécie          230
La grange était saine, le bois n’y pourrissait pas, les métaux ne s’y corrompaient pas ; la grange était parcourue de vents cathartiques et d’hirondelles enivrées, de fragrances définitives et de touffeurs estivales ; la grange coiffait la maison et les corps, couvrait bêtes et gens, pesait sur eux, puissante altière incorruptible ; la grange était vaisseau, cathédrale, carapace mue obscurément, parcourue de craquements intestins, objet des soins constants du couvreur supplié ; on ne trahissait pas la grange et elle ne vous trahissait pas. Une grange effondrée, à bout, défaite, éventrée par les hivers et les arbres, comme on en avait beaucoup vu, comme on en voyait encore dans les pays hauts et perdus, une grange morte, était une plaie honteuse. Paul vivrait dans la grange tutélaire, il avait taillé dans sa lumière, tranché l’espace sous ses nervures de bois roux, monté les murs de parpaings grumeleux et ménagé une porte intérieure qui lui permettait d’accéder au théâtre de ses quotidiennes opérations sans passer par le territoire des oncles et de la sœur. Paul aimait la pièce, sa pièce, où l’on posait le corps recru après le gros travail, où l’on mangeait et vivait, où l’on était à soi. 
Commenter  J’apprécie          230
Il y a aussi et enfin la Sainte-Victoire [...]. Sa carcasse immémoriale est antédiluvienne, son échine longue est plissée, ses contreforts trapus. Son mufle, sa croupe, ses flancs, ses plis, ses replis et ses fentes, ses blancs et ses gris épuisent l'horizon. Elle est massive, elle est aérienne, elle est impérieuse et tient le pays d'Aix sous sa coupe. Elle hausse le ton, elle est en colère, elle n'est pas aimable, ni agreste, ni champêtre, ni pittoresque ; elle est comme elle est, sans ambages, sans chichis, sans fioritures. La Sainte-Victoire est une érection géologique, elle est dardée, elle s'enfonce et, parfois, le ciel lui résiste. Il se cabre, elle aussi, et ça devient épique, on ne sait plus où la montagne commence ni où le ciel finit, ça s'empoigne sévèrement, ça se renverse, ça s'éreinte dans les gris, dans les verts, et les arbres, les bois, tout le reste du paysage halète et fait ce qu'il peut. Elle borne le monde, elle est définitive et elle est impavide.

Aller au paysage, p.110.
Commenter  J’apprécie          221
Le langage est notre sol, notre chair. Je me représente toujours le chantier comme un creux, une ouverture du sol, et l’avancée d’un texte, sa progression, comme une marche en montagne. 


Valère Novarina,
entretien sur L’Animal imaginaire,
2019. »
Commenter  J’apprécie          220
Marie-Hélène Lafon
Fièvreux et languissant, il pensa à des navires, à des envols de grives aussi, aux premiers matins mordus d'automne, quand s'ouvre le faste temps de la chasse. Il devint attentif à la voix, grave voilée chaude moirée veloutée. Il épuisa ses adjectifs. Il s'appliquait, les yeux fermés, divagant et ramassé dans sa peau. Granuleuse, peut-être, la voix de Mademoiselle Léoty, mais pas rocailleuse, ni éraillée; caressante; non, pas caressante, le contraire, presque le contraire, ça vous passait dessus, vous passait au travers, vous rentrait dedans, vous touchait à l'intérieur, sous la peau.
Le troisième jour, le mercredi, il s'arrêta sur chaude et granuleuse, et sur exactement à quel point c'était aussi sexuel.
Commenter  J’apprécie          220
L'homme sombre ne parle de rien, à personne. À qui parlerait-il et de quoi. Rien n'existe, ça reste tapi sous les mots, engorgé dedans, au fond du corps.
Commenter  J’apprécie          220
Les filles surtout sont désagréables, tout leur est dû il faudrait tout commander sur la catalogue acheter sans fin des tenues nouvelles pour les mettre deux ou trois fois parce que ci parce que ça et elles font les princesses et ça voudrait rester au lit le matin et des heures dans la baignoire et elles sont trop grosses c'est de famille c'est la nourriture et elles veulent s'épiler et ça se maquillerait ça fumerait si on laissait faire ça répond ça vous parle mal elles sont tranquilles pourtant on s'occupe de tout pour elles dans la maison le linge le ménage tout elles aident à peine c'est rare elles ont du travail elles doivent étudier mais ça claque les portes on comprend rien on y connaît rien on a jamais rien vu elles écoutent des musiques en anglais elles lisent des revues de chanteurs elles collent des posters de groupes sur le papier peint neuf qu'elles ont choisi dans les études comment les suivre elles auront le bac. Elles auront des métiers.
Commenter  J’apprécie          220



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs de Marie-Hélène Lafon Voir plus

Quiz Voir plus

Histoire du fils

Qu’a entraîné la mort d’Armand Lachalme en avril 1908 ?

Un accident de chasse
Un accident de la route
Un accident domestique

19 questions
14 lecteurs ont répondu
Thème : Histoire du fils de Marie-Hélène LafonCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..