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Citations de Mario Vargas Llosa (697)


Elle était mince, pieds et mains menus, les cheveux maintenant noirs et non plus clairs retenus par un ruban et lui tombant aux épaules. Et ce miel obscur au fond des yeux.
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Il ne le lui remit pas tout de suite (le dossier), mais le posa sur ses genoux et lui planta à nouveau dans les yeux ses pupilles de rongeur, où Enrique crut déceler à présent quelque chose de diffus, menaçant peut-être.
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Le dictateur si soigné de sa personne, si raffiné et élégant dans ses propos - un charmeur de serpents quand il se le proposait - pouvait, soudain, le soir, après quelques verres de cognac Carlos I, se répandre en énormes grossièretés, s'exprimer dans le jargon des sucreries, des bleds de la côte, ou celui des dockers d'Ozama, user du langage des stades ou des bordels, bref, parler comme parlent les hommes qui veulent affirmer haut et fort leur virilité.
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Le pire qu'il puisse arriver à un Dominicain, c'est d'être intelligent ou capable. Parce qu'alors, tôt ou tard, Trujillo l'appellera à servir le régime, ou sa personne, et quand il appelle, il n'est pas permis de dire non.
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Tout ça est clair pour moi, sauf que je ne sais pas encore le principal, dit Ceferino Arguello en avalant sa salive. Je sais bien que ma voix tremble, Riquiqui, et que je suis encore une fois mort de trouille. Parce que je n'ai pas les couilles pour affronter la vie comme toi. Je suis un trouillard et j'en suis fier. Je veux pas être un héros, ni un martyr, je veux seulement vivre jusqu'à la fin de mes jours, avec ma femme et mes trois enfants. Pourquoi tu me racontes tout ça, putain ? Tu vois pas que tu me mets dans la merde ? Maintenant que je me sentais enfin en sécurité, tu reviens me coller au poteau. On peut savoir ce que tu attends de moi, Riquiqui ?
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Alors que parents et amis l’accablaient de félicitations, Roger qui, les premières fois qu’il s’entendit appeler sir Roger avait été à deux doigts d’éclater de rire, fut saisi de doutes. Comment accepter ce titre accordé par un régime dont, au fond de son cœur, il se sentait l’adversaire, ce régime même qui colonisait son pays ? Mais, d’autre part, ne servait-ils pas lui-même comme diplomate ce roi et ce gouvernement ? Il n’avait j’aimais autant éprouvé qu’alors la secrète duplicité dans laquelle il vivait depuis des années, œuvrant ici avec zèle et efficacité au service de l’Empire britannique, et là voué à la cause de l’émancipation de l’Irlande ; d’autant qu’il se rapprochait de plus en plus, non pas des modérés qui aspiraient, sous la bannière de John Redmond, à obtenir l’autonomie (Home Rule) pour l’Eire, mais des plus radicaux, comme l’IRB, dirigé en secret par Tom Clarket, et dont le but était l’indépendance par les armes. Malgré tous ses doutes, il choisit, par une aimable lettre, de remercier sir Edward Grey de l’honneur qu’on lui faisait. La nouvelle fut diffusée dans la presse et contribua à accroître son prestige
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Tu ne comprends pas cela, Urania. Il y a beaucoup de choses de l'Ere que tu as fini par tirer au clair; certaines au début te semblaient inextricables, mais à force de lire , d'écouter, de comparer et de penser, tu es parvenue à comprendre que tant de millions de personnes, sous le rouleau compresseur de la propagande et faute d'information, abruties par l'endoctrinement et l'isolement, dépourvues de libre arbitre, de volonté, voire de curiosité par la peur et la pratique de la servilité et de la soumission, aient pu en venir à diviniser Trujillo. Pas seulement à le craindre, mais à l'aimer, comme les enfants peuvent aimer les pères autoritaires, se convaincre que les châtiments et le fouet sont pour leur bien. Ce que tu n'as jamais réussi à comprendre, c'est que les Dominicains les plus chevronnés, les têtes pensantes du pays, avocats, médecins, ingénieurs, souvent issus des meilleurs universités des Etats-Unis et d'Europe, sensibles, cultivés , expérimentés et pleins d'idées, probablement dotés d'un sens développé du ridicule, de sentiment et de susceptibilité, aient acceptés d'être aussi sauvagement avilis.
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Une moitié, leurs parents les envoient pour qu’ils ne soient pas bandits, dit Gamboa. Et l’autre moitié, pour qu’ils ne soient pas pédés.
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C'était un petit homme maigrichon, à moitié perdu dans des vêtements trop amples qu'il s'achetait, semble-t-il, exprès pour nager dedans, et avec des yeux de tortue qui hésitaient entre la veille et le sommeil.
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Les bons, les grands romans n’ont pas l’air de nous raconter une histoire, ils nous la font vivre et nous la ont partager, si fort est leur pouvoir de persuasion.
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Mario Vargas Llosa
Il n'y a rien de mieux qu'un roman pour faire comprendre que la réalité est mal faite, qu'elle n'est pas suffisante pour satisfaire les désirs , les appétits, les rêves humains.
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Parce que la félicité était temporelle, individuelle, exceptionnellement à deux, très rarement à trois et jamais collective, municipale. Elle était cachée, perle dans sa coquille marine, dans certains rites ou activités cérémoniales qui offraient à l'humain des éclairs et des mirages de perfection. Il fallait se contenter de ces miettes pour ne pas vivre dans l'angoisse et le désespoir, en tendant les mains vers l'impossible.
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Au fond de son âme, la belle a toujours été fascinée par la bête, comme le rappellent tant de fables et de mythologies, et il est rare que dans le cœur d'un gracieux jouvenceau ne niche quelque chose de pervers. Aucun de mes amants n'a jamais regretté de l'avoir été.
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Nous serons là tous les trois, paisibles, patients, attendant l'artiste à venir qui, éperonné de désir, nous emprisonnera dans ses rêves et, nous ravissant sur sa toile avec son pinceau, croira nous avoir inventés.
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Dans l’extrait ci-dessous un juge d’instruction tente d’éclaircir l’affaire du viol d’une mineure en interrogeant la mineure elle-même. La jeune fille se révèle bien différente de ce qu’il attendait :

L’entrée de Sarita huanca Salaberria illumina l’austère bureau du juge d’instruction. En homme qui avait tout vu, devant qui avaient défilé victimes ou meurtriers, toutes les bizarreries, toutes les psychologies humaines, le Dr Don Barreda y Saldivar se dit, cependant, qu’il se trouvait devant un spécimen authentiquement original. Sarita Huanca Salaberria était-elle une fillette ? Certes, à en juger d’après son âge, et son petit corps où pointaient timidement les turgescences de la féminité, elle en était une, sans parler des tresses de ses cheveux, de sa jupette et du tablier d’écolière qu’elle portait. Mais, en revanche, dans sa façon de se déplacer, si féline, et de se tenir debout, jambes écartées, déhanchée, les épaules rejetées en arrière et les petites mains posées avec une désinvolture aguichante à sa taille, et surtout par sa façon de regarder, avec ses yeux velouteux, et de mordiller la lèvre inférieure avec ses petites dents de souris, Sarita Huanca Salaverria semblait avoir une vaste expérience, une sagesse séculaire.
Le Dr Don Barreda y Zaldivar avait un tact extrême pour interroger les mineurs. Il savait leur inspirer confiance, user des détours pour ne pas blesser leurs sentiments, et il lui était facile, avec douceur et patience, de les amener à aborder des sujets scabreux. Mais son expérience cette fois ne lui servit pas. A peine eut-il demandé en termes voilés à la mineure s’il était vrai que Gumercindo Tello l’embêtait depuis longtemps par des propos mal élevés, Sarita Huanca se mit à parler avec volubilité. Oui, depuis qu’il vint vivre à la Victoria, à toute heure, en tout endroit. Il allait l’attendre à l’arrêt de l’autobus et la raccompagnait chez elle en disant : " J’aimerais sucer ton miel ", " Tu as deux petites oranges et moi une petite banane " et " Pour toi je dégouline d’amour ". Ce ne furent pas les allégories, si inconvenantes dans la bouche d’une enfant, qui chauffèrent les joues du magistrat et entravèrent la dactylographie du Dr Zelaya, mais les actes pour lesquels Sarita se mit à illustrer les harcèlements dont elle avait été l’objet. Le mécanicien essayait toujours de la toucher, ici : et les deux menottes s’élevant se gonflèrent sur sa tendre poitrine et s’employèrent à la chauffer amoureusement. Et ici aussi : et les menottes tombaient sur ses genoux et les parcouraient, et elles montaient, montaient, froissant la jupe, le long des (naguère, encore impubères) petites cuisses. Battant des cils, toussant, échangeant un rapide regard avec le secrétaire, le Dr Don Barreda y Saldivar expliqua paternellement à la fillette qu’il n’était pas nécessaire d’être aussi concrète, qu’elle pouvait s’en tenir aux généralités. Et il la pinçait aussi ici, l’interrompait Sarita, se tournant à moitié et tendant vers lui une croupe qui sembla subitement pousser, se gonfler comme une bulle. Le magistrat eut le vertigineux pressentiment que son bureau pouvait devenir d’un moment à l’autre un temple de strip-tease.
Faisant un effort pour surmonter sa nervosité, le magistrat, d’une voix calme, incita la mineure à oublier les prolégomènes et à se concentrer sur l’acte même du viol. Il lui expliqua que, bien qu’elle dût rapporter avec objectivité les événements, il n’était pas indispensable qu’elle s’arrêtât aux détails, et il la dispensa de ceux qui – et le Dr Don Barreda y Zaldivar se racla la gorge, avec une pointe d’embarras – pourraient blesser sa pudeur. La magistrat voulait, d’une part, abréger l’entretien, et de l’autre, le rendre décent, et il pensait qu’en rapportant l’agression érotique la fillette, logiquement choquée, allait se montrer expéditive et synoptique, prudente et superficielle.
Mais Sarita Huanca Salaverria, en entendant la suggestion du juge, ainsi qu’un coq de combat à l’odeur du sang, s’enhardit, exagéra, se lança toute dans un soliloque salace et une représentation mimicoséminale qui coupa le souffle du Dr Don Barreda y Zaldivar et plongea le Dr Zelaya en un trouble corporel franchement malséant (et peut-être masturbatoire ?). Le mécanicien avait frappé à la porte ainsi, et dès qu’elle avait ouvert, il l’avait regardée comme si, et parlé comme ça, puis il s’était mis à genoux ainsi, se touchant le cœur comme ça, et il lui avait adressé une déclaration comme ci, en lui jurant qu’il l’aimait comme ça. Ahuris, hypnotisés, le juge et le secrétaire voyaient la femme-enfant battre des ailes comme un oiseau, se dresser sur les pieds ainsi qu’une danseuse, s’accroupir, se redresser, sourire et se fâcher, changer sa voix et la doubler, s’imiter elle-même et Gumercindo Tello, et, finalement, tomber à genoux et déclarer (lui, elle) son amour. Le Dr Don Barreda y Zalvidar allongea une main, balbutia que cela suffisait, mais déjà la victime loquace expliquait que le mécanicien l’avait menacée d’un couteau comme ci et s’étendant sur elle comme ça, et lui saisissant la jupe comme ci, et à ce moment le juge – pâle, noble, majestueux, courroucé prophète biblique – bondit de son siège et rugit : " Assez ! Assez ! Ca suffit ! " C’était la première fois de sa vie qu’il élevait la voix.
Du sol où elle s’était étendue en arrivant au point névralgique de sa graphique déposition, Sarita Huanca Salaverria regardait effrayée l’index qui semblait fulminer contre elle.
- Je n’ai pas besoin d’en savoir plus, répéta-t-il, plus doucement. Relève-toi, remets ta jupe en place, retourne vers tes parents.
La victime se releva en acquiesçant, avec un petit visage libéré de tout histrionisme et impudeur, fillette à nouveau, visiblement contrite. Faisant d’humbles saluts de la tête elle recula jusqu’à la porte et sortit. Le juge se retourna alors vers le secrétaire et, d’un ton mesuré, nullement ironique, il lui suggéra de cesser de taper à la machine car est-ce qu’il ne voyait donc pas que la feuille de papier avait glissé à terre et qu’il tapait sur le rouleau ? Cramoisi, le Dr Zelaya bégaya qu’il avait été troublé par ce qui s’était passé. Le Dr Don Barreda y Saldivar lui sourit :
- Il nous a été donné d’assister à un spectacle hors du commun, philosopha le magistrat. Cette enfant a le diable au corps et, ce qui est pire encore, elle ne le sait probablement pas.
- Est-ce cela que les Américains appellent une Lolita, monsieur le juge ? tenta d’accroître ses connaissances le secrétaire.
- Sans aucun doute, une lolita typique. – Et faisant contre mauvaise fortune bon cœur, loup de mer impénitent qui même des cyclones tire des leçons optimistes, il ajouta : - Réjouissons-nous, au moins, de savoir que dans ce domaine le colosse du Nord n’a pas l’exclusivité. Cette aborigène peut souffler son mâle à n’importe quelle Lolita yankee.
- On comprend qu’elle ait fait sortir de ses gonds le bonhomme et qu’il l’ait violée, divagua le secrétaire. Après l’avoir vue et entendue, on jurerait que c’est elle qui l’a dépucelé.
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Mario Vargas Llosa
Il m'arrive bien rarement d'éprouver le désir pressant de connaître personnellement l'auteur des livres qui m'émeuvent ou m'émerveillent. Je dois dire que j'ai eu sur ce point quelques terribles déceptions et, d'une façon générale, je pense qu'il est préférable de s'en tenir à l'image idéale qu'on se fait des écrivains qu'on admire, plutôt que de se risquer à la confronter à la personne réelle.
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« - Es-tu Pajeu ? demanda-t-il à la fin.
- Oui, acquiesça l'homme.
Aristarco demeurait derrière lui comme une statue.
- Tu as fait autant de ravages sur cette terre que la sécheresse, dit le baron. Avec tes vols, tes crimes, tes pillages.
- C'était autrefois, répondit Pajeu sans ressentiment, avec une pitié secrète. J'ai commis dans mon existence des péchés dont j'aurais à rendre compte. Maintenant je ne sers plus le Chien mais le Père.
Le baron reconnut ce ton: c'était celui des prédicateurs des Saintes Missions, celui des sectes itinérantes qui arrivaient à Monte Santo, celui de Moreira Cesar, celui de Galileo Gall. Le ton de la certitude absolue, pensa-t-il, celui de ceux qui ne doutent jamais. Et pour la première fois, il sentit la curiosité d'entendre le Conseiller, cet individu capable de transformer un coquin en fanatique.
- Pourquoi es-tu venu ? Que veux-tu ?
- Brûler Calumbi, dit-il d'une voix neutre.
- Brûler Calumbi ?
La stupeur changea l'expression, la voix et l'attitude du baron.
- La purifier, expliqua le caboclo lentement. Après avoir tant sué, cette terre mérite le repos. »
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Les pruneaux avaient rendu son estomac aussi ponctuel qu'un train anglais.
p.236
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Qu'il était beau! Je ne devrais pas le dire ainsi,mais il est certain que je n'avais jamais vu un être aussi harmonieux et doux, aux formes si parfaites, à la voix si subtile.C'est à peine si je pouvais le regarder: chaque fois que mes yeux se posaient sur ses tendres joues, sur son front éclatant ou sur les longs cils de ses grands yeux pleins de bonté et de sagesse, je sentais sur mon visage une aube chaude. Est-ce cela magnifié à tout le corps, ce que ressentent les jeunes filles quand elles tombent amoureuse?
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Doña Margarita Bergua est une grenouille de bénitier, toute menue, plus ridée qu'un raisin sec, et qui sent curieusement le chat ( il n'y a pas de chats dans la pension ). Elle travaille sans relâche de l'aube jusqu'à la nuit, et ses évolutions dans la maison, dans la vie, sont spectaculaires, car, ayant une jambe plus courte de vingt centimètres, elle porte un soulier comme une échasse, avec une plate-forme en bois comme celle qu'utilisent les cireurs dans la rue, que lui fabriqua il y a de cela bien des années un habile sculpteur de retables d'Ayacucho, et qui en se traînant fait trembler le plancher.
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