Citations de Martin Page (537)
As prit Antoine dan ses bras et le serra fort contre son immense corps lumineux. En octo-syllabes, il lui dit combien il était heureux de le revoir. Antoine abandonna l'idée de se mettre en colère : ses amis n'avaient eu qu'une généreuse intention à son égard, même si c'était avec maladresse et au risque de le traumatiser, ils avaient voulu le sauver.
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D'une façon frappante, les êtres humains ressemblent à leur voiture. Certains ont une vie sans options qui roule tout juste, ne va pas très vite, cale et à souvent besoin de réparations ; C'est une vie bas de gamme, peu solide, qui ne protège pas ses occupants en cas d'accident.
D'autres vies ont toutes les options possibles : l'argent, l'amour, la beauté, la santé, l'amitié, la réussite, comme airbag, ABS, sièges en cuir, direction assistée, moteur 16 soupapes et air conditionné.
L'intelligence rend malheureux, solitaire, pauvre, quand le déguisement de l'intelligence offre une immortalité de papier journal et l'admiration de ceux qui croient en ce qu'ils lisent.
- J'en ai assez de compter sur toi. J'en ai assez de soupçonner ton intervention derrière chaque rôle que j'obtiens. Je voudrais que mon travail soit reconnu. J'aime jouer. Beaucoup d'acteurs font ce métier par narcissisme et vanité, mais moi j'aime le cinéma.
- Si tu aimes le cinéma, il ne fallait pas en faire, Zoé. Il fallait acheter un ticket et entrer dans la salle.
Avant, je voulais me suicider par désespoir, maintenant la principale cause de mon désespoir est que je n'arrive pas à me suicider.
Ceux qui s’intéressent à trop de choses, même aux sujets qui ne les intéressent pas a priori, en paient le prix par une certaine solitude. Pour échapper à cet ostracisme, il est nécessaire de se doter d’une intelligence qui a une fonction, sert une science, une cause, un métier ; à quelque chose.
J’ai découvert que l’alcool est lié à l’histoire de l’humanité, et compte plus d’adeptes que le christianisme, le bouddhisme et l’islam réunis.
« J'espère que le monde a un peu changé pendant mon absence. »
Qu'est-ce que tu deviens ? Il faut absolument que tu viennes manger à la maison
avec ta femme, que tu me parles de ton boulot, ça serait génial !
- Je suis célibataire et au chômage.
Il y eut un instant de silence à l'autre bout de la ligne.
Mais Xanadu n’espérait vraiment qu’une chose : que Margot se sauve elle-même. Quelques jours plus tôt, elle lui avait offert une vieille édition du Prométhée enchaîné d’Eschyle. Elle avait souligné cette phrase : « Aucune bonne action ne demeure impunie. » Oui, le plus important était que Margot se sauve elle-même. Le monde ne pardonne pas le bien qu’on lui fait.
Quand une main perça hors de la sépulture, il ne comprit pas. C'était trop irréel. La main tendit les doigts vers le ciel et se ferma en un poing. Mike n'arrivait pas à bouger. Une deuxième main apparue comme une nouvelle fleur grotesque et spontanée. Il entendit la sirène de la voiture des flics qui approchait. Quand une tête surgit du sol, il perdit connaissance.
Etre soi, c'est beaucoup trop de responsabilités, dit l'inconnu. Ce n'est à la portée de personne. Il faudrait de temps en temps, se permettre d'être quelqu'un d'autre.
C'est énervant, ces gens qui pensent que je suis drôle alors que je suis sérieux et qui pensent que je suis sérieux quand j'essaie d' être drôle
En se massant le front, Antoine réfléchit. Il regarda les autres clients du café et trouva qu'ils allaient parfaitement dans le décor. Ils avaient comme une familiarité, car même s'ils ne se ressemblaient pas, ils étaient tous de la même matière triste.
Je ne veux pas être totalement intégré, mais je ne veux pas non plus être désintégré.
Comme un sacerdoce, il appliquait la formule de Spinoza : "Ne pas déplorer, ne pas rire, ne pas détester, mais comprendre", cherchait toujours à ne pas juger, même ce qui voulait le blesser et le soumettre.. Antoine était le genre d'âme qui pourrait fabriquer un appareil dentaire pour requin et serait capable d'essayer de l'installer dans sa gueule. pourtant, s'il essayait de comprendre, ce n'était pas de cette manière religieuse qui consiste à tout pardonner avec condescendance. Exagérément peut-être, il voyait sous le vernis de la liberté et du choix la nécessité et la mécanique d'une machine se nourrissant des âmes humaines. En même temps, car il essayait d'être aussi objectif sur lui-même que sur les autres, il constatait qu'en essayant de tout comprendre, il avait appris à ne pas vivre, à ne pas aimer, et qu'on pouvait interpréter son extrémiste probité intellectuelle comme une peur de s'engager dans la vie et d'y occuper une place définie. Il en était conscient et cela participa de sa décision [de suicide].
Enfant, son ambition avait été de devenir Bugs Bunny, puis plus tard, plus mature, il avait voulu être Vasco de Gama. Mais la conseillère d'orientation lui demanda de choisir des études qui figuraient sur les documents du ministère.
- Bon Tony, c'est quoi ta vie ? Est-ce que tu es heureux ?
- Ce n'est pas le mot que j'emploierais, mais je ne suis pas malheureux non plus.
- Ni heureux, ni malheureux ? Y a pas pire. Ta vie c'est de la merde.
En tout cas, elle ne vivrait pas une vie qui ne serait pas la sienne, elle ne passerait pas à côté des choses qui comptent pour elle. Restait à savoir exactement ce qu'elles étaient, ces choses.
J’ai alors compris que l’art est lui aussi un crime, mais un crime contre la réalité. Par ses incessantes transformations, il remet en cause l’intégrité du monde et de la société, comme le meurtre remet en cause l’intégrité du corps d’une personne. Une œuvre d’art coupe le souffle, accélère notre cœur, change notre rapport aux formes, aux couleurs et aux sons. Nous ne sommes pas changés au point de mourir. Mais la réalité jusque-là connue meurt pour être remplacée par une autre, plus complexe, plus étrange. Plus belle également.