Citations de Martin Page (537)
La salle se vidait; poignées de main, embrassades et cartes de visite s'échangeaient comme la seule devise d'une salle des marchés agitée du cours de la valeur de chacun.
La gentillesse, utilisée avec habileté, reste le plus efficace des lubrifiants inventés par l'industrie relationnelle.
On n'a pas toujours été végane. On observe celui qu'on était quelques années plus tôt, mangeant une côte de boeuf, des sardines, du crabe, portant un blouson en cuir, achetant un portefeuille en peau de veau, des chaussures en peau d'agneau. On est incrédule.
Il est important de garder en mémoire notre propre expérience de la profondeur de l'aliénation. ça permet de comprendre que, sur d'autres sujets, nous sommes encore aveugles. ça invite à l'humilité.
p. 76
Ce qu'on peut faire c'est arrêter d'encenser la prédation comme philosophie et comme morale, arrêter de croire à une supériorité des carnivores sur les herbivores. Il y a quelque temps, je racontais à un ami que j'avais donné de l'argent à un refuge pour les lapins (qui accueille les lapins blessés, handicapés, les soigne et les nourrit). Il a rigolé. Je suis sûr que si j'avais dit que je donnais de l'argent pour un refuge accueillant les loups, il n'aurait pas ri. Il aurait posé des questions, il s'y serait intéressé.
p. 222
La pluie nous tombe dans les bras, nous embrasse et nous quitte. Telle une maîtresse, intermittente par nature, elle vient quand on ne l'attend pas; elle abolit les heures tristes. La beauté de la pluie tient à son imprévisibilité. Chaque fois, son contact me surprend, ma peau se hérisse. Il n'y aura pas de divorce. Compagne fidèle, la pluie nous accompagne partout. A la fin de la vie, on la retrouve dans le goutte-à-goutte de l'hôpital.
La pluie tombe comme nous tombons amoureux: en déjouant les prévisions.
( " De la pluie")
« Tu vas peut-être trouver ça choquant, mais Émeline mérite ce qui lui est arrivé. La violence venait d’elle, simplement elle était moins spectaculaire. Elle n’était pas physique. » (p. 30)
« Le vrai luxe, c’est de pouvoir rester chez soi parce qu’on le désire et non parce qu’on est obligé. La meilleure raison de sortir, c’est donc de savoir qu’on va rentrer chez soi. » (p. 120)
Elle riait de plaisir en volant (…).Elle fendit les mille ciels de la planète, elle entendit des myriades de langues différentes. (…). Elle allait là ou elle désirait aller. Elle réalisait ses rêves d’enfants amatrice de livres d’images
Etre un écrivain, c'est aussi ne pas écrire. Marcher, lire, prendre des notes, convoquer nos personnages dans notre esprit, divaguer...(p.65)
Ce gâteau resplendissant, comme entouré d’une aura magique, m’a rendu instantanément heureux.
"Je suis en sécurité dans la passé. Je travaille à lui faire coloniser mon esprit pour atténuer les images du présent. Le passé est mon médicament."
Je m’emballe dans mon costume de travail. La cravate est le ruban du paquet cadeau que j’offre chaque jour au capitalisme mondial. C’est très frustrant car je suis un cadeau que personne ne déballe
La pluie tombe comme nous tombons amoureux : en déjouant les prévisions.
C’est ce que je veux ! martela Antoine en frappant le comptoir de son petit poing. Je n’ai plus la force d’être moi, plus le courage, plus l’envie d’avoir quelque chose comme une personnalité. Une personnalité c’est un luxe qui me coûte trop cher. Je veux être un spectre banal. J’en ai assez de ma liberté de pensée, de toutes mes connaissances, de ma satanée conscience !
... je vais essayer, et communier, oui, communier dans ce grand esprit que l'on nomme "opinion publique". Je veux être avec les autres, pas les comprendre, mais être comme eux, parmi eux, partager les mêmes choses...
Quand j'imagine la Terre avec mon télescope intérieur [...] chaque rire, pleur et cri de douleur, chaque pensée, rêve et sentiment est un atome de ce monde en expansion. Autant dire que c'est un sacré bazar, essayez d'imaginer une mappemonde avec ça.
Il y a peu d’expériences aussi douloureuses qu’une rupture. La séparation est vécue comme un attentat méticuleusement élaboré, car la bombe a été placée dans notre cœur : impossible d’échapper à la violence de la déflagration.
Un premier livre est une manière de commencer à construire son pays. Il y a une carte vide, couverte de bleu comme un océan, alors on invente des continents, des îles.
Je pense qu'être intelligent est pire que d'être bête, parce que quelqu'un de bête ne s'en rend pas compte, tandis que quelqu'un d'intelligent, même humble, le sait forcément.