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Critiques de Mathias Enard (1121)
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Boussole

Bigre, bigre, aurais-je autant de difficultés à écrire un très modeste commentaire sur ce "roman" foisonnant que j'en ai éprouvé à sa lecture? .....

Franz Ritter , Sarah .., éminents chercheurs l'un en littérature l'autre en musicologie font connaissance lors d'un colloque à Hainfeld en Styrie, dès lors leurs chemins ne vont cesser de se croiser ..Franz vit maintenant à Vienne, les années ont passé, la maladie l'a rattrapé et les nuits sont longues, très longues quand l'insomnie est là! Et les souvenirs défilent ,les villes ,les pays, les hommes et femmes du XIXème à nos jours, même des temps plus anciens, La Turquie, la Syrie, l'Iran , la Chrétienté, l'Islam, la Judaïcité, le Bouddhisme, l'Europe tout s'emmêle tout s'imbrique depuis des siècles.

Un propos magnifique, un regard différent et combien enrichissant sur des cultures qui nous semblent si lointaines mais dont nous sommes si imprégnés , un discours de tolérance et d'amour, voilà qui avait tout pour me plaire, mais un texte beaucoup trop encyclopédique pour que la lectrice lambda que je suis puisse s'y complaire sans avoir besoin de plonger dans le Larousse voir sur la toile tellement le vocabulaire utilisé est riche et précis; une avalanche d'informations plus érudites les unes que les autres qui m'ont souvent laisser "en bouche" comme un arrière-goût de trop plein! Quel dommage vraiment si la plume de Mathias Enard s'était faite plus légère ce pensum se serait transformé en bijou et le lecteur s'y serait promené avec délices .

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Prendre refuge

Deux histoires d'amour s'entremêlent, l'histoire que lit Karsten, celle d'une rencontre en Afghanistan, d'une écrivaine et d'une archéologue, et celle de sa rencontre avec une réfugiée syrienne. J'ai été surpris, de la part d'un auteur de Romans, Mathias Enard, que l'histoire soit racontée avant tout par les dessins et non par les mots, et c'est même précisément là que se situe la force de ce livre. le dessin de Zeina Abirached est en noir et blanc, tout en aplats. C'est constitué de moments saisis, impromptus, poétiques, de petits riens qui se télescopent, un ciel étoilé, une soirée entre amis, des visages qui se rapprochent... C'est un livre de rencontres, celle des histoires d'amour confrontée à celle de cultures différentes, des rencontres qui restent incomplètes, jamais abouties et pourtant très riches. le titre fait référence au bouddhisme, et s'accorde au rythme et à l'ambiance du récit, plein de sagesses. C'est beau, un peu langoureux, mélancolique. Ce livre peut être lu et relu, à des rythmes différents, en continu ou par bribes. Un livre qui peut trôner dans les étagères du salon avec les recueils de poésie...
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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Parle-leur de voyage, de pays lointain et de Bosphore.

Parle-leur de la ville à la beauté étincelante, aux formes généreuses, à la démarche poétique.

Parle-leur du Sultan, riche d'exigences et de caprices, de grandeur et de folie.

Parle-leur des danseuses envoûtantes aux regards denses, joueurs et complices.

Parle-leur de l'ami, celui qui sert et admire, dont la jalouse compagnie fait souffrir.

Parle-leur de l'artiste talentueux qui rêve d'immensité, de beauté, de légèreté et d'équilibre.

D'admiration et d'idolâtrie aussi.

Parle-leur de la difficulté d'aimer.

Parle-leur de peaux, de pierres, de ponts, de sillons, de parfums, de sens, d'essences.

Parle-leur d''essentiel.

Parle-leur de Michel-Ange.

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants.

Et dis-leur à quel point ce récit a touché mon coeur, bouleversé mon âme, animé mon être.
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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Peut-être une légère déception, dont je ne sais si elle n'est pas personnelle.

L'anecdote est peu connue, ou je ne la connaissais pas. L'entrelacement entre les rapports artiste/mécène ou puissant, la découverte d'un autre monde, la résistance de Michel-Ange à l'amour et l'ambiguïté de ses sentiments, le personnage du poète, est habille. Mais, pour moi, les personnages restent un peu "personnages de papier" et les descriptions, les listes de noms de plantes, de senteurs, de lieux ne sont pas arrivées à me transmettre la sensualité qui est recherchée
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Remonter l'Orénoque

Let me sail, let me sail, let the Orinoco flow…

Remonter l’Orénoque, c’est remonter à la recherche de soi-même.

C’est que fait Joana sur ce fleuve où son père vénézuélien qu’elle a peu connu, a disparu il y a longtemps.

Mais c’est aussi pour se retrouver elle-même, après avoir mis fin à sa relation toxique avec Youri, alcoolique et dépressif.

Le roman alterne la voix de Joana, comme en suspens sur ce bateau qui remonte l’Orénoque, et la voix d’Ignacio, son collègue qui a observé leur relation en dissimulant ses propres sentiments pour Joana.

On est tour à tour immergé dans la torpeur moite de l’Orénoque, et dans la canicule de 2003 vécue de l’intérieur de l’hôpital où travaillent Joana, Youri et Ignacio.

J’ai une grande admiration pour la superbe écriture de Mathias Enard, que je retrouve dans cette deuxième lecture, pour sa capacité à créer une atmosphère et à nous plonger dans l’âme de ses personnages.



Club de lecture février 2024 : "La PAL fraîche"

Challenge Globe-trotter (Venezuela)
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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

L'an passé j'ai lu Zone du même auteur... un gros roman, sans point, que j'ai mis des mois à lire... une véritable épreuve.

Et pourtant, celui ci me faisait le l’œil. Le titre m'intriguait beaucoup. J'ai fini par me laisser convaincre, en me disant que c'est un roman assez court, et donc s'il était aussi pénible à lire que le précédent, alors mon calvaire ne serait que de courte durée.

Et j'ai été totalement séduite. J'ai adoré.

L'histoire tout d'abord : les difficultés de la création et de la subsistance pour un artiste de la renaissance. Le contexte : Constantinople quelques décennies après la chute de Byzance.

Et le style : c'est parfois presque de la poésie. Ces petits chapitres d'inventaires peuvent se lire seuls sans forcement se raccrocher au reste du récit et c'est un pur plaisir.
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Boussole

Calvaire littéraire donc je suis assez heureux (et même fier) d'être arrivé à bout, grace à une persévéance de tous les instants. Je dois avouer que si je n'avais pas eu à ma disposition la version audio (lue par l'auteur lui-même, et fort bien d'ailleurs), je n'aurais pas eu la force mentale de surmonter la fatigue hypnotique qu'impose ce texte, bourré de références savantes.



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Boussole

"Boussole" est un roman français publié par Actes Sud en 2015 et couronné du Prix Goncourt. Il a donc eu une large médiatisation, comme on le voit aux nombreuses critiques et citations sur Babelio.





Comme tel, ce bon livre présente quelques tares qui l'ont rendu acceptable au public contemporain : passages de poésie facile en phrases nominales, récit invariablement à la première personne subjective, plein de "ressentis", clichés décoloniaux bien-pensants (relevés et copiés sur ce site par des lecteurs au flair infaillible) avec les personnages mythologiques habituels : tirailleurs sénégalais, bons musulmans, méchants occidentaux colonialistes, islamistes dont les atrocités sont de notre faute, etc. Bruno Lafourcade appelle drôlement ces manies culturelles "l'altérophilie", ou amour de l'Autre au détriment de soi. Comment entrer autrement chez Actes Sud (éditeur qui a donné à la France une ministre de la culture corrompue mais de gauche) et plaire aux têtes conformistes du jury Goncourt ?





"Boussole", cependant, c'est un peu plus que cela. C'est la lecture de certaines chroniques assassines de Babelio qui m'a mis sur la voie. On reproche à Mathias Enard son "étalage prétentieux de culture", et même tel-le qui n'a jamais ouvert de thèse de sa vie, l'accuse d'en avoir écrit une, et non un roman. Ce qui déplaît tant ici ne peut pas manquer d'intérêt.





En gros, ce roman raconte la nuit d'insomnie d'un orientaliste, Franz Ritter ("chevalier" en allemand) qui craint pour sa santé et ressasse son amour malheureux pour une autre orientaliste, Sarah. Il revit pendant cette longue mille deuxième nuit ses rencontres et cet amour malheureux à travers le souvenir des multiples voyages, rencontres, colloques, lectures, stages et études, qui rythment la vie d'un grand chercheur universitaire, pour qui la culture n'est pas un objet d'étalage, mais la vie même. Comme Sarah (qui est bien plus engagée dans les sottises décoloniales que lui), il vit avec les auteurs et les musiciens, avec Goethe, Hafez, Beethoven, Omar Khayyam, Pessoa et tant d'autres. Il ne les "connaît" pas, ils forment la trame même de sa vie. Ce genre de personnage (et de personne) ne s'irrite pas de ses ignorances (comme sur Babelio), mais s'en réjouit : une ignorance est l'occasion d'une nouvelle découverte (et un motif de gratitude envers celui qui a ouvert cette nouvelle porte). Les malentendus de lecture que j'ai constatés s'enracinent dans la relation au savoir des lecteurs : pour les uns, ignorer est une humiliation, la perspective d'un pénible effort de prise de connaissance, et on a de la rancune envers le "prétentieux" qui en est cause ; pour les autres, ignorer est la promesse de nouveaux horizons, peut-être exaltants, une raison d'espérer.





Justement, comme le métier des personnages consiste à penser, chercher, découvrir, apprendre, bref à sortir de soi, le roman qui les décrit en action nous invite à la même démarche. "Boussole" n'est pas fait pour ceux qui n'attendent de la lecture que la confirmation de leurs idées reçues et la reconnaissance de leurs clichés (même si, par ailleurs, on en trouve à foison), pas plus que Sarah ou même Franz Ritter ne s'en contentent. Finalement, c'est un bon roman sur l'orientalisme, dans lequel personnages et lecteurs sont appelés à se dépasser et, même, qui sait, à se poser des questions sur leur repentance hypocrite. Franz Ritter (qui fait penser au chevalier de Dürer en compagnie de la Mort et du Diable) et Sarah ne sont orientalistes que pour cela : leur Orient est la chance de sortir de soi sans se haïr et d'aller au-devant de l'autre sans en faire un ange, en évitant ces pièges contemporains.
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L'alcool et la nostalgie

Quand le téléphone réveille Mathias au milieu de la nuit, que Jeanne ne dit qu'un mot Volodia.... le monde de Mathias s'effondre. Il accompagnera Vladimir jusqu'à sa dernière demeure un petit village au coeur de la Sibérie bien au-delà de Novossibirsk.

Le Transsibérien, trois jours et trois nuits de voyage. Mathias, Jeanne et Vladimir, trois poupées gigognes incapables de survivre si elles sont séparées. Vladimir, Jeanne et Mathias partageant alcool, drogue allant jusqu'au bout de leurs rêves ou essayant du moins. Jeanne, Vladimir et Mathias, un trio inséparable. Qu' y aura t'il au bout du chemin? Mathias reviendra t'il ? Peuvent ils survivre à la séparation d'avec l'Ami?

Un voyage psychédélique bercé par l'alcool et les drogues licites ou non. Un récit éblouissant, une écriture que je découvre avec émerveillement à chaque lecture.

Un récit très court mais inoubliable à mes yeux.
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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants



Déjà le titre fait rêver et le reste de ce court roman est dans la même veine.

A partir de quelques faits historiquement démontrables, Mathias Enard a fait vivre à Michel-Ange une parenthèse hors du temps à Istanbul, alors appelée Constantinople, au mois de mai 1506.



Ce prix Goncourt des lycéens 2010 oscille entre le roman et le conte. Des chapitres très courts, quelques vers par ci par là, la découverte d'une ville symbolique à travers les yeux d'un artiste phare de la Renaissance... le récit m'a presque envoûtée.

Michel-Ange est constamment entre deux rives; entre les deux morceaux de Constantinople qu'est supposé relier le pont qu'il doit dessiner, entre le Pape Jules II pour qui il doit construire un tombeau et le sultan Bayazid qui lui a commandé un ouvrage d'art sur le Bosphore, entre l'Italie et l'Empire Ottoman, entre Dieu et Mahomet, entre le désir d'une mystérieuse danseuse et l'amour d'un gentil poète, entre un petit singe et un éléphant... Et c'est tout cela que Mathias Enard a caché dans moins de 150 pages, avec une économie de mot qui apporte une réelle densité au propos. Une lecture certes atypique mais une jolie lecture quand même...
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Prendre refuge

C'est la première fois que je lis ce genre d'ouvrage et je ne suis pas déçue. J'avoue tout de même avoir été déroutée au début car ce n'est pas un genre auquel j'ai l'habitude. Entre la BD et le roman, ce livre laisse place à l'interprétation c'est à dire qu'il y a peu de mots et on trouve notre ressenti de lecteurs à travers les dessins. Le regard, les gestes, les expressions de visage... J'adhère complètement au parti pris du noir et blanc, il n'y a pas besoin de plus. Ce bel ouvrage imposant (oui il faut le dire) nous parle d'amour, d'amitié, de la guerre, des réfugiés... N'être bien nul part lorsque l'on est chassé de son pays, devoir se battre, ne pas avoir le choix et abandonner ceux qu'on aime le plus.. Bref, c'est un roman graphique spécial et original qui est plein de poésie et de mélancolie. (...)



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Boussole

Quel ennui, mes amis, mais quel ennui... Et il y a tromperie sur la marchandise, ceci n'est pas un roman. Un amalgame de résumés de thèses de doctorat, peut-être, un condensé de critiques de musique, d'essais sur l''influence de l'Orient sur la peinture occidentale, que sais-je.

Tant d'érudition frôle la pédanterie, dans une langue sinueuse, des phrases à n'en plus finir. Mais qui dit roman, dit intrigue, habituellement. Ah oui, c'est vrai, Franz, insomniaque , pense à Sarah. Tant mieux pour lui. Il pleut à Vienne. Bon. Le voisin sort le chien. Bien. Mais il fait ce qu'il veut, le voisin, après tout. Et Franz aussi. Parce qu'il n'a pas réussi à m'embarquer dans son périple.

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Rue des voleurs

"J'étais sonné par la vitesse avec laquelle un monde peut changer."

Lakhdar, dont le prénom, donné par sa pieuse famille, porte le vert du Coran, se retrouve à la rue après avoir été surpris nu en compagnie de sa cousine Meryem. Du jour au lendemain, ce jeune Marocain "sans histoire", ce "musulman passable" "avide de liberté", après avoir été SDF tel "un détritus vicieux esclave de ses instincts", revient sur Tanger et grâce au Cheick Nouredine devient libraire "du groupe pour la diffusion de la pensée coranique".

La librairie devient le QG du groupe durant le révolution de printemps.

Rejeté par les siens, manipulé avec son copain Bassam (devenu terroriste), après sa rencontre avec une étudiant espagnole Judit "plus belle que Cameron Diaz" et différents petits boulots de serveur pour une compagnie maritime à laveur de cadavres dans une entreprise de Pompes funèbres, il va fuir, sans titre de séjour mais sous mandat de recherche,vers Barcelone et sa Rue des voleurs.L'intérêt de ce roman outre sa trame historique( attentats au Maroc, victoire de l'islam en Tunisie et en Egypte,insurrection et grèves en Espagne) sur fond de violence et de haine, est de nous montrer que tout change d'un coup. Dans ce récit conté par Lakhdar devenu "l'intellectuel de La rue des voleurs", le lecteur se rend compte de l'obscurantisme qui rend aveugle des "hommes bien" (comme le père de Lakhdar)et pousse à la haine, ainsi que du fanatisme qui pousse à tuer. Lakhdar est écartelé entre son modernisme de jeune de vingt ans désirant de jolies filles et inscrit sur face-book et "l'océan" des beautés du Coran récité en vrille (son seul repère).Pris dans la tourmente de sa rage intérieure et de la mort qui le touchera de près,il y perdra son âme, se pensant courageux et se prenant pour l'un des "flics de romans noirs" qu'il a toujours rêvé d'être (telle est mon interprétation car je ne m'attendais pas à cette fin)

Est-il si facile de passer de la réalité à l'imaginaire, d'une paisible vie en famille au vide absolu? semble interroger l'auteur.

Mathias Enard, auteur habitué aux récompenses (La perfection de tir a obtenu le prix des Cinq Continents de la Francophonie, Remonter l'Orénoque a été adapté au cinéma, Zone a reçu le prix Décembre 2008 et le prix Livre Inter 2009, Parle-leur de batailles,de rois et d'éléphants a eu le prix Goncourt des lycéens 2010) obtiendra-il une énième récompense.

Je l'espère car Rue des voleurs est un beau portrait d'homme fragile cherchant désespérément l'amour et l'amitié, un roman fort, qui bouleverse, écrit de manière sobre et percutante à la fois!
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Déserter

Deux fils narratifs, qui jamais ne se croiseront, constituent ce roman. Chacun a un ton qui lui est particulier. Les deux se rejoignent dans une certaine exigence formelle.



Le premier nous immerge dans un paysage méditerranéen aride et violent : la guerre y fait des ravages et les humains qui restent sont impitoyables. Un déserteur d'une armée qui ne sera jamais nommée cherche à fuir cette contrée, où il est né et qu'il connaît comme sa poche. Le style de cette narration est puissant, à la manière du "Hussard sur le toit" si l'on veut en donner une petite idée. Une attention particulière est portée à la faune, la flore et à la nature dans ce qu'elle a de plus minéral et indomptable.



Le second est consacré à l'existence d'un mathématicien allemand (fictif), Paul Heudeber. Il aura traversé une bonne partie du xx° siècle. Il formait avec Maja un couple fusionnel alors qu'ils étaient le plus souvent séparés par le Mur de Berlin. Paul était resté fidèle à ses convictions socialistes et Maja avait choisi l'ouest... Leur fille, Irina, se souvient d'un congrès qui s'était tenu en 2001, la veille des attentats terroristes de New-York.



J'ai l'habitude de lire en parallèle plusieurs livres différents, donc cette construction inhabituelle ne m'a pas décontenancé. On peut tout de même s'interroger sur ce choix... Mathias Enard est assez doué pour l'imposer et s'en sortir avec les honneurs.
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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Un livre assez passionnant.

Istanbul, la Renaissance, Miche-Ange....

D'un auteur que j'imaginai difficile à lire , voici un livre court et tout à fait passionnant qui nous replonge en pleine Renaissance. L'érudition de l'auteur (que l'on sent très réelle) se fait ici discrète et l'on suit cette belle histoire avec un grand intérêt. J'ai été sensible à l'exotisme du sujet, à un grand dépaysement à la fois historique et spatial, et au style "littéraire" et puissant de son auteur.
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Rue des voleurs

Difficile de conjuguer l’islam avec les galipettes : Lakhdar en fait la cruelle expérience lorsqu’il est chassé de chez lui par ses parents après avoir folâtré avec sa cousine Meryem. S’ensuit une longue errance et une vie de sans-abri qui prendra fin lorsque Lakhdar fait connaissance du Groupe musulman pour la Diffusion de la Pensée coranique et de son chef, le charismatique Cheikh Nouredine. Mais Lakhdar est plus passionné par les romans policiers que par la parole du prophète et il échappe à l’endoctrinement, contrairement à son copain Bassam. Cependant le spectre du terrorisme pousse Lakhdar à fuir en Espagne pour y retrouver Judit, une jeune catalane étudiante en arabe.

Par la voix de Lakhdar, jeune tangérois de 20 ans, Mathias Enard livre ici un constat très sombre, celui d’un monde en crise sur tous les plans, une crise religieuse ayant le Printemps arabe en toile de fond et une crise économique qui frappe l’Europe de plein fouet et l’Espagne au premier plan.

C’est au travers des errances de Lakhdar que l’on découvre cette actualité brûlante et multiforme que Lakhdar traverse sans cependant s’impliquer, un chaos international qui gronde et menace.

Malgré quelques longueurs, j’ai bien aimé suivre les péripéties et les états d’âme de Lakhdar et j’ai surtout beaucoup aimé l’écriture de Mathias Enard, pleine de verve, de violence et de poésie.

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La Perfection du tir

Ce roman est vraiment très noir. Les premières pages m'ont fait penser au roman de J.Kessel "Une balle perdue" car dans les deux récit on rencontre un jeune homme, engagé dans une guerre civile en tant que snipers. Pourtant très rapidement le narrateur de la perfection du tir se différence du premier .Avec Kessel nous avons à faire à un personnage gorgé d'idéal et qui souffre par son incapacité à accepter la réalité qui l'en éloigne.Ici,notre " héros" tue par besoin personnel, comme le seul échappatoire possible à son mal être. Il est addicte à ses tirs et abat n'importe qui sans état d'âme, froidement avec le seul soucis de la performance technique. Ses émotions sont toujours en décalage avec ce qu'on attendrait et choque en permanence de façon violente....comme la guerre. Au cours des pages se construit un monstre qui confond respect et sentiment de peur. L'arrivée de Myrna,gamine de quinze ans qu'il embauche pour s'occuper de sa mère qui est folle,laisse espérer qu'une faille s'ouvre et laisse émerger un peu d'humanité. De fait elle va fragiliser ce colosse au pied d'argile mais l'espoir n'est pas permis dans ce roman. Pourtant, aussi tragique soit t'elle,la fin m'a apaisée car paradoxalement elle redonne figure humaine au monstre en révélant ses blessures...
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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

11 mai, voile latine, tourmentin, balancine, drisse, déferlage.

Voilà un extrait du carnet usé dans lequel Michel-Ange consignes des trésors. Des mots, de simples mots, ses dépenses, ses fournitures... Tout ce qui croise son chemin.



Mathias Enard s'attarde sur un fait de l'histoire tombé dans les limbes de la mémoire : la conception de ce pont sur la Corne d'Or à Constantinople et le voyage du sculpteur Michel-Ange sur les terres du sultan Bajazet.



À travers de très courts chapitres, autant de traits au fusain sur une feuille de papier, l'auteur nous dépeint ce monde qui s'affronte, cette fracture entre l'Orient et l'Occident qui finissent par se rencontrer dans un équilibre précaire. Par de fins coups de crayons, Constantinople vibre et respire, abritant petits et grands dans son giron.



12 mai, garcette, cabestan, varangue coupée, carlingue.



Le talent de Michel-Ange est loué et reconnu, mais cela ne lui assure pas une vie sauve. Les puissants restent les puissants, en Orient, en Occident ou ailleurs, et son départ de l'Europe ne manque pas de contrarier ceux qui pensaient l'avoir sous sa coupe.



13 mai 1506, étoupe, amadou, briquet, mèche, cire, huile.



Rien n'est dit, tout est dit. L'auteur évoque par effleurements cette réalité qui inspire et expire en évitant de trop attirer les regards. L'adaptation difficile, la langue, ces coutumes différentes, ces peuples qui cohabitent, les expulsés de l'Andalousie qui cherchent leur place, l'amour... Cette danseuse andalouse, ou peut-être est-ce un danseur, à la voix envoûtante qui va hanter les nuits de l'artiste. La fidélité de son traducteur qui est aussi poète.

La tristesse, la débauche, l'alcool qui coule à flot.



14 mai, dix petites feuilles de papier lourd et cinq grandes, trois belles plumes, un encrier, une bouteille d'encre noire, une fiole de rouge, mines de plomb, porte-mine, trois sanguines.



Les lettres que Michel-Ange envoie en Europe dans l'espoir de son retour ponctuent le récit. Le Pape sait-il où il se trouve ? Qu'en est-il de l'argent qu'on lui doit ?



Le rythme est lent, aussi envoûtant que cette voix qui berce Michel-Ange et les évènements n'en sont que plus violents.



Deux ducats à Maringhi, ladre, voleur, étrangleur.

Heureusement la mie de pain er le charbon sont gratuits.



J'ai beaucoup aimé cette lecture, cette immersion dans ce monde qui se construit. Je comprends pourquoi ce petit roman a été primé : une lecture forte dont l'intelligence et la sobriété des mots sert à merveille le récit.


Lien : http://lelivrevie.blogspot.f..
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Prendre refuge

Karsten est un jeune allemand, un peu taciturne et solitaire. Il fréquente une bande d’amis berlinois. Ils ont l’habitude de passer des soirées chez une amie commune, Elke, qui est aussi la confidente de Karsten, pour discuter de tout et de rien. A la fin de la soirée, Karsten qui est passionné par l’île Moyen Orient, emprunte un livre à son amie Elke. Le titre est « Pendre Refuge ». Le livre raconte l’improbable rencontre de l’aventurière et écrivaine suisse Annemarie Schwarzenbach qui voyageait en Afghanistan accompagnée par Ella Maillart (Voyage raconté par Ella Maillart dans son livre La VoieCruelle) et de Ria et Joseph Hackin, alors célèbre archéologues français qui travaillaient sur le site des Bouddhas de Bâmiyân. Karsten participe alors a une kermesse en vendant des hot-dog et rencontre une jolie Syrienne, Neyla. Neyla est perdue à Berlin. Elle est réfugiée et tente d’apprendre l’allemand. Elle est ingénieure astronome, a un doctorat mais son statu d’étrangère et la barrière de la langue font qu’elle est sans emploi. Karsten tombe sous le charme de la jeune femme et décide de lui venir en aide pour apprendre l’allemand et s’intégrée à Berlin. Entre deux rencontres, Karsten continue la lecture du livre. Annemarie et Neyla sont attirée mutuellement et deviennent amoureuses. Amour éphémère. La guerre gronde, Hitler s’apprête à envahir la Pologne. Neyla, quant à elle, fait de rapides progrès en Allemand. Karsten et elle se rapprochent de plus en plus mais Neyla souffre du mal du pays. Annemarie et Ria aussi vont devoir se séparer car la guerre est déclarée et l’Europe s’apprête à vivre cinq année d’horreur. Neyla fait le rapprochement entre Berlin détruite pendant la seconde guerre mondiale et sa ville, Alep, qui n’est plus que ruine face à la folie des hommes qui ont perdu leur humanité…



Ce livre est surprenant. Il commence par une fête frivole et anodine, puis le récit est coupé par l’histoire des deux femmes aventurières de 1939. Au début, j’a été un peu déstabilisé par ce chassé croisé entre aujourd’hui et le passé. Un fil rouge : la guerre et la folie des hommes. Un symbole fort, les Bouddhas de Bâmiyân, pourtant classés au patrimoine de l’UNESCO et détruits par les Talibans en 2001. Un autre fil rouge : l’amour. Amour rendu compliqués par la situation violente de l’époque, celle de la seconde guerre mondiale mais aussi celle de notre époque, qui provoque un afflux exceptionnel de migrants avec tous les drames humains que ça crée. Si je commençais par le graphisme. Il semble naïf, épuré, simple. Pas de couleur, pas de nuance, du noir, du blanc. Le graphisme ainsi épuré, l’absence de détail vous laissent vous concentrer sur les deux histoires parallèles. Le texte aussi est dépouillé. Pas de légende, juste des dialogues minimalistes. J’avoue qu’au début, j’avais du mal à accrocher à cette histoire mais tout en douceur, les auteurs épicent le récit d’émotions, de sentiments. Ils traduisent de façon efficace le drame des réfugiés, sans tomber dans la mièvrerie. L’absence de nouvelle des familles restées dans le pays en guerre, sous les bombes, l’isolement, la barrière de la langue, le choc des cultures, le regard méfiant des autochtones qui vous voient comme d’étranges étrangers. (Pour faire référence au si beau poème de Prévert). En quarante aussi, l’amour semble compliqué. Juste celui d’un instant, entre deux femmes, dont une mariée. Amour interdit. Attention, la rencontre d’Anne-Marie et de Ria est romancée. Et la guerre qui sévit. La première victime des conflits ne serait pas l’amour ? C’est ce que semble nous dire ce livre. Il nous apporte un autre regard sur le drame des réfugiées que trop d’entre nous voient comme de simples envahisseurs. Non, ils ne sont pas là pour leur plaisir mais pour survivre avec comme principale ambition de retourner vivre chez eux, un jour, quand enfin, la paix se sera de nouveau installée. A la fin, les auteurs dessinent la destruction des Bouddhas. L’ouvrage monte graduellement en émotion et c’est touché, presque boulversé, que j’ai terminé ce magnifique, sensible et humaniste livre. Lu en format KINDLE. La numérisation est bonne mais ne permet pas de profiter des doubles pages, petit bémol. Peut-être que si je l’avait téléchargé sur IZNEO ou iTunes, j’aurais pu en profiter. Si vous avez cette expérience, soyez gentils, faites le moi savoir.

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Boussole

Passées les injonctions médiatiques des prix et de la rentrée littéraire, et après avoir lu le très beau "Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants", j'ai voulu découvrir un peu plus de l'écriture de Mathias Enard. Je me décidais pour "Boussole ".



Franz Ritter vit à Vienne, il est musicologue et passionné par l'Orient musical. Une nuit dans sa chambre, se sachant atteint d'une maladie grave et en proie à l'angoisse, il va passer une nuit d'insomnie. Les heures passant, son esprit va se délester de souvenirs épars, réminiscences de lectures, de voyages, de destins de femmes et d'hommes partis à la découverte de l'Orient et au travers de celui-ci, d'une grande part d'eux-mêmes.

Et puis, il y a la belle Sarah, éprise elle aussi d'Orient, compagne érudite de ses voyages, de ses rêves...



Difficile de rendre tout à fait compte de ce livre de Mathias Enard.

"Boussole" est un roman dense, plein d'une érudition remarquable, imprégné de l'orientalisme, ce courant littéraire et artistique né en occident à la fin du XIXème siècle.

De là, les lieux aussi réels qu'imaginés : Istanbul, Damas, Téhéran, Palmyre, Alep,... Les très nombreux personnages, fictifs et réels, attirés, avec des fortunes diverses, par cet ailleurs, par cet orient idéalisé, empli de promesses et plus tard de désillusions : le diplomate autrichien Joseph Von Hammer-Purgstall, Franz Liszt, Eugène Fromentin, Margar d'Andurain, Anne-Marie Schwarzenbach,...

Si la lecture de "Boussole" est par moments quelque peu ardue (les arguments suppléent parfois le rythme et l'intrigue souvent se perd dans le propos), elle n'en demeure pas moins foisonnante, vraiment passionnante.

Cette lecture agit comme un opium doux, des saveurs et un climat dans lequel l'esprit aime se retrouver.

"Boussole" est un roman ambitieux, un roman d'amour, humaniste, qui réaffirme, dans notre époque heurtée où les civilisations d'Orient et d'Occident sont tentées par le repli identitaire et religieux, que l'altérité, est le plus sûr chemin vers soi-même.

Une belle lecture .
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