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Critiques de Mazarine Pingeot (321)
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Se taire

Surfant sur la vague du « #Metoo », ce roman explore avec finesse et profondeur l’omerta qui entoure les agressions sexuelles.



Si le viol et ses circonstances sont hélas tristement banals, une jeune femme et un prédateur, celui-ci agissant avec l’impunité que son statut social particulièrement privilégié (un Nobel de la Paix!) lui octroie, sa proie ne tire de sa situation familiale elle aussi exposée aux commentaires publics, qu’une entrave de plus.



C’est ce que met en lumière le roman : la souffrance de la victime, qui ne pourrait s’atténuer que par une reconnaissance, est au contraire niée, sacrifiée sur l’hôtel de la bienséance , et rien ne doit éclabousser l’entourage. Certes il s’agit de la protéger, et on constate lorsqu’elle sort partiellement de ce silence emmurant, les dégâts collatéraux et le cauchemar d’une blessure réouverte.



Le constat est clair : il est impossible ni de garder le secret, ni de le conserver. C’est toute sa vie affective qui pâtit de l’impasse au fond de laquelle elle est terrée.



L’auteure va plus loin et suggère que l’histoire même du viol était inscrite de tout temps, et cela en raison des contraintes que suscite la notoriété, qui fait des célébrités des cibles pour la meute hurlante qui n’a rien d’autre à faire que de se saisir de faits divers vaguement inconvenants, et surtout amplifiés par la bêtise et le pouvoir délétère des réseaux sociaux, puisqu’il est impossible d’en faire abstraction.



Une histoire malheureusement ordinaire, dans le contexte particulier d’une victime médiatique, celui ne simplifie pas les choses pour se reconstruire. Le savoir-faire et la culture de l’écrivain transparaissent à travers ces pages, et peut-être aussi l’expérience de n’être pas anonyme parmi les anonymes
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Bouche cousue

Troisième livre que je lis de Mazarine Pingeot, et que j'apprécie. Il s'agit de comprendre les souvenirs de cette femme, fille cachée du président François Mitterrand, à l'enfance compliquée, et les conséquences de cette filiation. Elle fait des jeux de mots, et j'en suis friande, mais elle est dure quand elle s'assimile à une "Mite errante".



Future maman, elle s'interrogeait justement sur l'héritage immatériel qu'elle allait laisser à son enfant. Besoin de comprendre sa propre vie avant de donner la vie.



J'apprécie son style, à la fois touchant, efficace et authentique, et en dehors de toute position politique, je suis entrée en profonde empathie avec elle, j'ai ressenti dans mes tripes la souffrance de l'enfant et le cataclysme de la révélation de son identité à 20 ans. Passer aussi brutalement de l'ombre à une lumière qui lui a brûlé les yeux ne fut pas sans conséquences, elle qui n'est qu'une femme comme les autres et le revendique.

J'ignorais également ce qu'elle avait pu vivre de terriblement douloureux et qui m'a encore plus émue.
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Se taire

Hasard du calendrier, ce livre réservé à la médiathèque depuis plusieurs semaines m'est arrivé en pleine tourmente médiatique au sujet du viol et de la parole des victimes, avec l'affaire « Matzneff ».



L'histoire est malheureusement trop courante, un abus de pouvoir d'une personne haut placée, ici un prix Nobel de la Paix, sur une jeune fille qui n'a pu se défendre et s'est fait violer, acte défini comme un crime.



Issue elle-même d'une famille bourgeoise et intellectuelle, où la politique s'invite souvent dans les conversations, elle s'est d'abord bâillonnée, sous état de choc, et n'a pu révéler l'indicible.



Se taire n'est plus la seule issue, à l'heure où toutes les victimes, quelles qu'elles soient, sont exhortées à parler, à révéler, à formuler avec les mots justes, de ceux qui appellent un chat un chat, et un viol un viol. (La loi détaille parfaitement toutes les définitions).



Mazarine Pingeot, qui le précise, n'a jamais subi cette infamie, a su analyser avec finesse toute la problématique de la victime, qui d'abord se sent injustement coupable, puis se confie à ses proches, pour finalement se taire, trop longtemps. Longtemps, c'est le temps nécessaire pour se rendre compte que la gangrène progresse insidieusement, dans le corps, dans la tête, et tue peu à peu.



D'un style assez agréable, et tout à fait accessible, ce roman décrit bien la vie d'une femme qui a connu un « avant » et un « après ».



Oser porter plainte quand il n'y a pas prescription, faire face au scandale s'il s'agit d'une personnalité haut placée, s'exposer à subir la désapprobation de certains, l'épreuve est loin d'être aisée.



Ne plus se taire, révéler, témoigner, dénoncer, se libérer d'un secret létal : telle est l'injonction actuelle.

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Bon petit soldat

J'ai découvert la plume de Mazarine Pingeot en lisant « Se taire », j'avais beaucoup aimé. En voyant ce titre exposé sur une étagère de ma médiathèque préférée, je me suis dit pourquoi pas en lire un autre. J'aime assez découvrir plusieurs titres quand un auteur me plaît.



Elle parle de son enfance, de la difficulté à vivre cachée, de la problématique de ce secret vue de son côté. Qu'a ressenti l'enfant puis l'adolescente qu'elle a été ? Très émouvant quand on essaye réellement de se mettre à sa place.



Pour le reste, d'un président à l'autre, d'un François à un autre, la politique ne m'intéresse pas plus que ça, mais la symbolique pour elle est forte. Elle fait malgré tout partie de l'Histoire, même si elle tend à nous prouver qu'elle est comme tout le monde !

La photo de couverture est tout aussi symbolique, une fille séparée de son papa Président par une chaîne… qui l'enchaîne.



J'ai envie de lire « Bouche cousue », maintenant !
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Magda

Que faire lorsqu’on est maman et qu’on apprend que sa propre fille se retrouve en prison, accusée de terrorisme ?

Sa propre fille qu’on ne voyait plus beaucoup, engagée qu’elle était dans une ferme-communauté anarchiste, gauchiste ou quelque chose comme ça, de toute façon contre la société, là-bas en Lozère.

Sa propre fille qui a elle-même une petite fille de 8 ans, et dont il faut s’occuper, pauvre gamine.

Que faire lorsqu’on se rend compte que sa propre fille a suivi les pas de ses parents, ceux-ci ayant toujours voulu nier la société, ne pas dépendre d’elle, ne rien lui devoir, et donc se construire une vie dans un minuscule village des contreforts des Pyrénées, quasi en autarcie ?





Que faire ? Eh bien, digérer tout cela, faire face à la horde des journalistes, assumer la tête haute. Continuer. Vivre.

Magda en est-elle capable ? Oui, apparemment, oui. Elle est dure, Magda. Faut dire qu’elle est allemande, et qu’elle a quitté subitement son pays à 23 ans, pour n’y plus revenir. Jamais.

Et son secret, elle ne l’a jamais révélé à son mari français dont elle est tombée amoureuse il y a quarante ans.

Alors là voilà, avec son mari et leur fils malade mental, en charge de leur petite-fille, qu’il faut protéger sans rien lui cacher, car Magda, malgré son secret, est pour la vérité. Dire. Discuter.





Curieux assemblage, que cette Magda. Une maîtresse femme qui encaisse mais dont la construction intérieure se délite. Jusqu’à la révélation finale... (à vrai dire, cette révélation ne m’a pas surprise outre mesure, je l’avais devinée très tôt).



Mazarine Pingeot signe ici un roman très psychologique, où nous assistons pas à pas aux réactions d’une femme face à ce qui ne devrait pas être. Et pas seulement : sa vie, son comportement, ses idées sont bien expliquées. Les thèmes comme l’autonomie, la liberté parsèment toute l’histoire, et en font même le ciment principal.

Comment résister à l’Etat, ou plutôt comment faire en sorte qu’il n’existe plus dans notre propre existence ? La résistance doit-elle être active, quitte à adopter la violence ? Ou passive, en vivant en accord avec la nature, en refusant toute intervention intempestive de la société des hommes, brutale, mondialiste, médiatique ?

Comment éduquer un enfant à l’autonomie en le laissant libre de ses choix même si ceux-ci ne nous agréent pas ?





J’ai beaucoup aimé ce roman aux phrases toutes au présent, telles des flèches fichées dans la trame des jours.

Magda est une femme au présent, mais lorsque la vérité et le mensonge s’emmêlent et qu’il faut agir, le passé peut ressurgir...



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Magda

Un matin, la télé est allumée. Magda apprend que sa fille Alice, son compagnon et des membres de leur communauté sont accusés d'avoir commis un attentat contre l'installation d'un futur TGV.

C'est le drame pour Magda et Guillaume le père d'Alice. Ils se mettent en route pour aller récupérer Rosa leur petite-fille.

Démarre alors tout un cheminement de pensées culpabilisantes pour Magda qui vient d'Allemagne et n'a jamais voulu retourner dans son pays.

De plus, leur mode de vie proche de la nature, en totale autarcie, Magda, ses lectures de Marx et autres ont probablement influencé Alice qui est devenue réactionnaire et non pacifiste comme eux.

Par la petite Rosa, nous faisons la connaissance de leur fils Ezéchiel , schyzophrène. Ils le soignent à domicile près de chez eux. Il communique toujours très bien grâce au contrôle des médicaments.

Ils vont devoir affronter les médias, la police, défendre leur fille et tout à la fin, nous aurons droit à un coup de théâtre qui dormait quelque peu car elle était bien taiseuse sur son passé, Magda et insistait beaucoup sur le fait de tout recommencer lorsqu'elle avait quitté l'Allemagne.

Un beau roman, très bien écrit, très finement.

J'ai apprécié le fond de l'auteur qui nous glisse ses connaissances philosophiques pour illustrer le mode de vie de Magda qui avait apporté ses livres dont celui de Marx. Elle demandera à Guillaume de brûler ses livres pour ne pas attirer les soupçons de la police.

Un très beau roman avec un peu de lenteur toutefois, qui part de faits réels. De là, Mazarine Pingeot élabore tout son roman , très riche.

Bon d'accord, Alice a continué le mode de pensée de ses parents en y ajoutant ses connaissances universitaires et sa réaction très vive mais elle aurait très bien pu aussi adopter un tout autre mode de vie que ses parents et devenir une consommatrice acharnée. Là, ma fantaisie prend le dessus mais j'ai vu pas mal d'enfants réagir à leur milieu familial et mener leur vie tout à fait d'une autre façon que leurs parents.

Merci à mes amies babeliotes pour leurs critiques qui m'ont ouvert la voie de la lecture de "Magda" . Latina se reconnaître certainement.



Challenge plumes féminines
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Magda

Je remercie Babelio et les éditions Julliard pour l'envoi de ce livre. Je l'avais sélectionné en masse critique car le résumé m'intriguait et me faisait penser à un roman policier. En définitive, celui-ci est bien loin de mes lectures habituelles mais j'en ai très apprécié la lecture. Je connaissais l'auteur de nom mais je ne savais pas qu'elle était écrivaine. Elle a un style très intéressant en tout cas.



L'écriture est vive, des phrases courtes la plupart du temps mais également des phrases plus longues rythmées par des virgules donnent une impression d'urgence et qu'il faut lire vite les pages pour en connaître le dénouement. On suit principalement le point de vue de Magda mais également celui de Guillaume, les grand-parents de Rosa et les parents d'Alice, qui vient d'être arrêter à grand renfort de médias pour acte de terrorisme avec son compagnon. Est-ce la vérité? Quelle va être l'issue finale ? Comment Magda va réagir par rapport à son propre passé qu'elle dévoile difficilement ?... Ce roman est inspiré de faits réels que je ne connais pas, je l'ai donc découvert en total ignorance de l'histoire d'origine. Mais quelle histoire !! Je ne pensais pas arriver à un final comme celui-ci même si je me doutais que Magda portait un lourd passé sur les épaules. La façon d'écrire de l'auteur est originale, surtout pour les dialogues mis bout à bout. D'habitude, ça me choque mais avec le personnage de Magda qui se dessine, femme forte et fragile à la fois, qui mène sa barque suivant un passé que personne ne connaît, ça n'empêche aucunement la lecture. Très bon roman que je suis très contente d'avoir découvert par le biais de la masse critique et un auteur que je n'oublierai pas.



Comme vous l'aurez compris, malgré une erreur de jugement à la lecture du résumé, j'ai passé un excellent moment en compagnie de Magda, de sa famille et de son passé. Un livre sur une histoire dramatique, aussi bien dans le passé que dans le présent, et sur un captivant portrait de femme à travers les générations. Que vous soyez ou non amateurs de ce type de roman, je vous conseille très fortement de découvrir cette histoire et la façon si singulière qu'a l'auteur de la raconter. Pour ma part, ça m'a subjugué d'un bout à l'autre de ce roman et je compte bien découvrir un peu plus de la bibliographie de Mazarine Pingeot.



Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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Magda



Mazarine Pingeot nous offre avec "Magda" un très beau roman sur le rapport parents-enfants et la transmission. Douzième roman de l’auteur mais première lecture pour moi. J’étais resté sur Mazarine Pingeot la fille d’un ex-président, et je découvre un écrivain.

Partant d’une histoire inspirée par « l’affaire de Tarnac » où des jeunes vivant dans une petite communauté avaient été accusé de terrorisme pour avoir saboté des installations SNCF. L’auteur nous livre, à travers l’histoire de Magda, Guillaume, Alice et Rosa, une réflexion sur les liens familiaux, ce qu’on transmet à ses enfants, comment vivre avec un secret mais aussi sur le poids de l’engagement politique.

Un roman qui se lit facilement, un sujet très intéressant, une écriture agréable malgré quelques longueurs. Une belle découverte !

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Le cimetière des poupées

Ma critique ne va pas être objective, puisque Le cimetière des poupées est un vrai coup de cœur pour moi!

Autant le dire tout de suite je partais avec une tonne d’à priori : Mazarine Pingeot est une personnalité publique alors est-ce que son écriture allait être à la hauteur de mes attentes? De plus les critiques que j'avais lu n'étais pas très élogieuses et pour finir j'ai déniché ce roman sur les étagères poussiéreuses et bancales d'un emmaüs dans une petite ville de campagne au fin fond de ma Picardie natale! Autant vous le dire, ça s'annoncer mal!



Et bien je me trompais sur toute la ligne. L'auteur déjà à une plume magnifique, dès les premières lignes, j'ai été captivé et surprise d'avoir ici affaire a une auteure au grand talent.



De ce roman on ne sort pas indemne. L'histoire s'inspire de l'affaire Véronique Courjault, qui à fait la une des médias il y a quelques années. A travers une lettre a son mari, la narratrice essaie d'expliquer l’inexplicable. Comment cette mère de famille, cette épouse a pu cacher sa grossesse, son accouchement, tuer son enfant et le placer dans un congélateur. Au fil des pages, on n'en apprend plus sur cette femme, sur son enfance, sur sa vie de couple ou elle n'est que l'ombre d'un mari tyrannique, sur cette mère aimant ses enfants. Un livre que je recommande.
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Et la peur continue

Feel bad Book



Mazarine Pingeot poursuit son exploration des maux de nos sociétés en dressant le portrait d’une femme qui vit dans la peur. Une peur qui contamine sa famille, son travail, son pays. Un drame de notre temps.



Déjà dans son précédent roman, Se taire, Mazarine Pingeot confrontait une femme avec la difficulté d’exprimer sa souffrance, voire avec le déni de cette dernière. Mais cette fois la chose est beaucoup plus insidieuse. Car, à priori, Lucie a tout pour être heureuse. Dans le TGV Brest-Paris-Montparnasse qui ramène la famille après les vacances, elle pourrait se féliciter de l’amour que lui portent Vincent, son mari et leurs enfants, Mina et Augustin. Mais son imagination lui fait plutôt envisager que le train heurte à pleine vitesse un sanglier qui traverserait les voies. Ses idées noires viendraient-elles de la mauvaise nouvelle apprise quelques jours plus tôt par sa mère Violaine? Louis, son ami d’enfance est mort. «Mort seul, dans son appartement parisien, quand tout le monde était encore en vacances». Mort comme sa cousine Héloïse. Fini le trio formé durant leur enfance en Dordogne, fini le clan de l’été 1984. Ne reste que Lucas, le frère de Louis, le petit amoureux. Mais aux dernières nouvelles, il serait en Australie. D’où cette sensation de vide, de solitude, d’où cette peur qui, depuis les attentats, semble ne plus la quitter.

D’autant que Vincent est parti en mission au Yémen, la laissant «seule à porter ses enfants, sa maison, son travail…» Et justement, au travail ça ne va pas fort non plus. La moitié des rédacteurs et documentalistes ont été licenciés pendant l’été. Alors, malgré ses compétences reconnues, elle risque d’être emportée par la prochaine vague. Comment dans ces conditions rédiger sereinement les articles sur la physique quantique qu’on lui a demandés? Elle est en questionnement permanent. «elle n’est plus sûre de rien, ni même de sa colère».

Au fil des pages, Mazarine Pingeot détaille ce mal insidieux qui comme un serpent, se love autour de Lucie, l’empêchant de respirer, voire de penser. Les signes positifs s’effacent, les signes négatifs prennent de plus en plus de place. La spirale infernale semble sans fin. Et les solutions qui pourraient exister ne font qu’aggraver le problème. Les parents de Lucie pourraient garder les enfants durant l’été pour la décharger un peu. Sauf que sa mère «ne s’embarrasse pas d’enfants quand elle peut l’éviter.» Vincent pourrait être cette force sur laquelle elle va s’appuyer. Mais Vincent est maladroit, proposant à Lucie d’aller voir un psy. Qui ne pourrait que confirmer son mal-être.

Seule consolation, mais bien maigre, dans ce pays il semble bien que cette peur se soit installée durablement, notamment chez les femmes. Une peur archaïque, une peur viscérale. Voilà un premier feel bad book. Il ne devrait pas rester bien longtemps le seul de sa catégorie.




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Se taire

Plusieurs fois, j’ai été tenté par un des livres de Mazarine Pingeot. Seulement, en la voyant intervenir dans des émissions culturelles, j’avais une certaine appréhension face à cette enseignante en philosophie. Je craignais que son écriture et ses résonnements soient un peu trop élitistes pour le simple lecteur que je suis.



J’ai très vite été rassuré. Même si elle traite de sujets de société qui font énormément débat, « Se taire » est un simple roman. Aucune digression, aucune analyse complexe, juste une histoire. Elle nous raconte la vie de la narratrice après une agression dont elle a été victime. On la suit dans tous ses déboires amoureux, amicaux et familiaux. On se retrouve au cœur de son quotidien. Mais bien sûr cette aventure n’est ni futile ni innocente. Elle aborde les différentes facettes des conséquences d’un drame traumatisant. C’est donc le lecteur lui-même qui va lancer ses propres réflexions.



Les thèmes abordés mettent en lumière les tabous qui règnent encore dans notre société moderne. Le poids de la notoriété, l’impunité des puissants, le statut de la victime sexuelle et plus globalement de la femme, le texte regroupe l’ensemble des préjugés qui ont perduré dans le temps et qui créent encore de l’injustice. Le silence apparaît alors comme la seule solution à la vindicte populaire.



Je suis ravi d’avoir dépassé mes préjugés pour découvrir le style Mazarine Pingeot. L’écriture de l’écrivaine est de haut rang et en même temps très agréable à lire. Le personnage de Mathilde est attachant et son destin chaotique est passionnant. Loin d’être larmoyant, il se présente comme une vision objective des mentalités d’aujourd’hui, avec leurs faiblesses et leurs incohérences.



Le travail vers un monde plus juste est encore long mais ce livre peut être considéré comme une pierre de l’édifice du changement. Romanesque et utile !
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Bouche cousue

Mazarine Pingeot nous livre une partie de sa vie d'enfant puis de jeune fille longtemps cachée car « fille illégitime de… », un lourd secret qui lui a fait connaître une vie coupée du monde due à son ascendance peu banale. Elle décrit « son histoire », une vie particulière avec ses deux parents, dont beaucoup parlent sans vraiment savoir. Le côté père plus ou moins présent, toujours discret, continuellement secret, l'a manifestement déstabilisée. On retrouvera les questions de transmission et de filiation dans ses futurs romans.



Le livre se lit vite et ne présente pas vraiment d'intérêt car la situation de l'auteur est d'une extrême banalité, excepté le fait que le père soit un homme connu et que la situation financière soit particulièrement aisée. On n'apprend rien sur François Mitterrand qu'elle s'autorise à partager à travers ce court livre, et défend au-delà des polémiques concernant l'homme publique.

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Se taire

#Metoo mission ou démission?



En imaginant une fille de bonne famille se faire violer par un Prix Nobel de la paix, Mazarine Pingeot entend montre dans un roman éclairant qu’il est difficile de lutter contre «des décennies de servitude féminine et d’acceptation du silence.»



https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/dans-son-prochain-livre-mazarine-pingeot-evoquerait-elle-le-viol-de-sa-niece-par-un-celebre-homme-politique_431921



Commençons par évacuer cette polémique que la presse people s’est empressée de relayer. Il faudrait voir dans ce roman l’histoire de Pascale Mitterrand, la petite fille de l'ancien président. Elle serait l’auteur de la plainte à l’encontre de Nicolas Hulot et les faits relatés par Mazarine Pingeot seraient inspirés par ce qu’elle a vécu. Outre le fait que la romancière et son éditrice rejettent ces allégations, il faut une fois encore dénoncer un faux procès et laisser aux romanciers leur liberté, le droit de s’inspirer de témoignages et de faits divers pour construire une œuvre de fiction plausible, réaliste.

Le personnage de Mathilde Léger, jeune fille de vingt ans, est au cœur du roman. Fille «du plus grand chanteur français, artiste engagé, et image de la France» et d’une intellectuelle féministe, petite-fille d’un écrivain membre de l’Académie française et également conscience morale du pays, elle a choisi d’être photographe. Parmi ses premiers mandats, elle se voit confier la réalisation d’une série de portraits du Prince de T., Prix Nobel de la paix qui vient de perdre sa fille. Dès les premières minutes du rendez-vous, elle sent que le regard du «grand homme» est bizarre, mais reste fixée sur le travail qu’elle a à faire. C’est alors que les choses dérapent : «Il prend mon visage dans sa main, le serre, […] il pose ses lèvres violemment contre les miennes, et me mord, et cherche ma langue, quand la deuxième main s’enfonce dans mon jean, puis ma culotte et enfin mon sexe, qu’il tient fermement […] il me pousse sur le lit, me traite de petite salope, baisse violemment mon pantalon et s’enfonce en moi, il y reste peu de temps. […] il me dit que je suis belle, qu’il aime ma beauté, qu’il m’a déjà vue dans des magazines, quand j’étais plus petite, qu’il m’avait repérée, que ça faisait longtemps qu’il en avait envie, il est content, il me remercie, mais maintenant il a du travail à terminer, si je pouvais le laisser. »

Malgré le choc et la sidération, Mathilde fait les photos qu’elle était venue réaliser et qui bientôt paraîtront en une du magazine qui l’a engagée et qui lui vaudront de vivres félicitations. Mais pour la jeune fille, ces clichés seront d’abord une marque d’infamie et le douloureux rappel d’une scène qu’elle veut oublier. Parce qu’elle a «été programmée pour ne pas faire scandale. Le Prix Nobel l’a bien compris.»

Car ici, contrairement au roman de Karine Tuil qui aborde aussi la question du viol et de ses conséquences, il n’est pas question de porter plainte. Le premier réflexe de la jeune fille, c’est de nier la chose, de laisser le silence recouvrir la chose: «Cette scène n’a pas eu lieu, j’en suis le seul témoin, les photos n’en montreront rien.»

Mazarine Pingeot montre fort bien combien il est difficile de vivre avec une telle épreuve. Car on ne se sent pas seulement souillée, on se sent aussi responsable…

«Depuis le Nobel, tout chez moi est coupable, le corps, le manque d’appétit, la fatigue, encore elle, demeurer auprès des miens, les quitter, l’approche de la nuit, le réveil. Les mots comme le silence. Tout s’équivaut, la valeur a failli. Son idée même. C’est dire. Et moi qui préférais l’image, ça me semblait plus vrai, plus fort. Je me raccroche aux mots que je ne dis pas. Je n’ai plus aucune confiance ni dans les formes ni dans les couleurs. Je n’ai plus confiance en ce que je vois.»

Au poids pesant d’une famille qui refuse le scandale vient s’ajouter «des décennies de servitude féminine et d’acceptation du silence.»

Seule Clémentine, la sœur de Mathilde, lui prête une oreille attentive, compréhensive, essayant de la soutenir, de lui changer les idées, de faire que le mal passe.

Sa rencontre avec Fouad marquera-t-elle la fin du traumatisme? Maintenant qu’elle a trouvé un homme avec lequel elle n’éprouve pas de crainte, avec lequel elle a envie de se construire un avenir, avec lequel elle se confie. Et qui l’encourage, bien des mois plus tard, à porter plainte.

Le fera-t-elle? Sera-t-elle prête à accepter le procès? À reprendre cette histoire douloureuse? C’est tout l’enjeu de la fin de ce roman, aussi surprenante que réussie.


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Magda

Lorsque Magda voit le visage de sa fille à la télé, elle ne comprend pas, ce sont les mots qui la foudroient « Terrorisme », « Déférée au parquet », « Ministère de l’intérieur », « SNCF ».

Quel est le lien entre ces phrases sans suite et sa fille ? C’est pourtant bien sa maison qui envahit l’écran.

Peu à peu l’univers de Magda et de son mari Guillaume est bouleversé. Ils sont devenus les parents d’une terroriste, le regard des voisins devient suspicieux, et les journalistes envahissent leur quotidien les obligeant à vivre barricadés derrière leurs volets.



Même si J’ai eu plaisir à retrouver la plume de Mazarine Pingeot que je n’avais pas lu depuis plusieurs années, je dois reconnaître que ce roman m’a déroutée. Je m’attendais à plus d’action, or, l’histoire « prend son temps », l’auteure préférant mettre l’accent sur la vie du couple et de Rosa, leur petite fille qu’ils accueillent après l’arrestation de sa maman.



On sent au fil du récit que la vie de Madga est lourde d’un secret jamais avoué. D’origine allemande, elle n’a jamais voulu retourner dans son pays et refuse de parler de sa vie d’avant.

C’est en toute fin de récit que tout nous sera révélé dans un final aussi inattendu que spectaculaire.



J’ai passé un agréable moment avec ce livre bien qu’il ne m’ait pas totalement conquise.



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Le salon de massage

Que peut-on attendre de la vie, lorsqu'on coche déjà toutes les cases ?



Souheila, vingt-huit ans, enseignante dans une école du XIIème arrondissement à Paris, aime Rémi - le "gendre idéal" : beau, jeune, intelligent, avec lequel elle partage un appartement... Et Rémi souhaite un enfant. Mais Souheila éprouve un sentiment étrange, une forme de tristesse. Ses amis, lors d'une soirée un peu arrosée, lui conseillent d'entamer une psychanalyse. 50 € la séance, si elle s'adresse à un professionnel qualifié....pour aller s'allonger... Aller s'allonger ? Pourquoi pas.. L'idée fait son chemin... Par hasard, Souheila passe devant un salon de massage proche de chez elle, ouvre la porte... Et c'est ainsi qu'elle devient la cliente d'un salon de massage thaïlandais, qu'elle s'offre une parenthèse clandestine dans son quotidien, qu'elle échappe, le temps d'un massage, à son entourage, à son ami, qu'elle s'évade au prix de 50 € ; le prix du bien-être retrouvé, d'un nouvel équilibre.



Un jour, à son arrivée, elle trouve le salon fermé. La police la convoque, des inconnus avaient placé des caméras dans les salles de massage pour filmer les dos et les jambes des femmes nues. Une plainte est déposée par quelques clientes. Le monde de Souheila vole en éclats alors qu'elle doit expliquer à Rémi - intraitable - sa présence dans le salon. De plus, la jeune femme va se trouver entraînée un peu malgré elle dans un collectif de femmes déterminées et organisées - un collectif dans lequel elle ne se reconnaît pas. Rien ne va plus, alors qu'un procès se dessine.



Je dois avouer que je connaissais de nom Mazarine Pingeot, romancière, philosophe et enseignante. J'avais lu Zeyn ou la reconquête, sans en garder un souvenir précis. J'ai eu envie de découvrir ce roman au titre un peu étrange - de quoi allait-on parler, que pouvait nous apprendre cette couverture représentant le bas de deux jambes, nues, sur un tapis rouge ?



J'ai beaucoup aimé suivre Souheila dans ses balades parisiennes, dans ses errances, la nuit, le casque sur les oreilles, alors qu'elle écoute Billie Eilish sur Spotify. Souheila ressent intuitivement que sa vie personnelle si réussie n'est qu'un faux-semblant. Elle a besoin du temps consacré aux massages pour prendre de la distance, exister pour elle-même. Le salon - lieu qui va bientôt être fermé - va la conduire bien plus loin qu'elle ne l'aurait imaginé. Alors qu'elle tourne une page de son histoire, qu'elle fait de nouvelles rencontres décisives, elle va se retrouver brusquement face à ses origines, dans un pays étranger. Mais les lieux et les acteurs sont-ils si différents ?



L'écriture soignée du roman m'a beaucoup plu ; page après page, je suis partie, avec Souheila, à la découverte de sa vérité. Lorsque le roman se termine, je garde à l'esprit une belle histoire, des personnages convaincants, des paysages, des odeurs et des lumières...



Je remercie Masse Critique, de Babelio, et les Editions Mialet Barrault de m'avoir adressé le salon de massage, de Mazarine Pingeot pour en faire la critique.



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Se taire

Mathilde, dont la famille est particulièrement célèbre ( père chanteur, grand père écrivain) est photographe pour un prestigieux journal du haut de ses 20 ans.



Un jour elle doit réaliser le portrait du prix Nobel de la paix tout juste endeuillé du suicide de sa fille. Victime d'une agression violente par cet homme, c'est la vicitime qui va devenir bafouée et se sentir coupable de cette terrible épreuve.



Mazarine Pingeot , qui n'a pas toujours été défendu dans ses colonnes, nous offre un nouveau roman intéressant, qui surfe parfaitement sur la vague du « #Metoo »,

Son roman sonde le poids écrasant du secret tant les vicitimes doivent apprendre à se taire ne pas faire de vagues.



Un peu comme "Le Malheur du bas » d'Inès Bayard l'an passé, "Se taire" est le portrait au scalpel dans l'intimité d'une femme qui a subi un tél événement.

Mazarine Pingeot montre bien les souffrances au quotidien le cheminement moral qui découle de cet acte, et la souffrance de la victime, qui se trouve sacrifiée par le déni et les conventions.




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Et la peur continue

Je me suis intéressée à ce roman de Mazarine Pingeot par le thème évoqué en quatrième de couverture : La peur à travers une femme, Lucie, la quarantaine, mère de deux adolescents, mariée à Vincent, rédactrice dans une revue scientifique ayant traversé plusieurs vagues de licenciements et dont il ne reste que 6 personnes. J'avais envie de découvrir comment était traité ce thème qui nous touche, tous, plus ou moins dans différentes circonstances et parfois de façon très présente, pour la moindre petite chose. Où la peur prend-elle sa source, de quoi se nourrit-elle etc....



S'il fallait résumer ce roman, il est pour moi plus un roman sur la charge mentale d'une femme même si l'on sent dès les premières pages, avec l'annonce de la mort de Louis, un ami d'enfance, alors qu'elle rentre à Paris après les vacances, ce décès survenant un an après la mort de sa cousine et amie, Héloïse, sourde et muette . Ces deux disparitions (suicides) vont faire ressurgir chez Lucie des souvenirs d'enfance, en particulier en Dordogne, dans la maison de sa grand-mère et surtout de la complicité qui la liait à Héloïse dont elle servait d'interprète, partageant avec elle le langage des signes mais aussi avec Louis et Lucas, son frère aîné.



J'ai eu beaucoup de difficultés avec cette lecture car comme je l'indique un peu plus haut, il est question du quotidien de l'héroïne, de la rédaction d'un article sur la notion de Temps dans la physique quantique, de ses recherches à travers entre autre Bergson, article qu'elle doit rendre sous une semaine et qu'elle n'arrive pas à rédiger, perturbée qu'elle est par l'annonce du décès de Louis et par des souvenirs qui refont surface par bribes, ici ou là, et que l'on comprend très vite qu'ils sont liés à un événement survenu alors qu'elle avait 9 ans.



J'ai trouvé la lecture assez longue, fastidieuse car se focalisant sur la vie de cette femme et de ses questionnements par rapport à ses enfants, Mina née d'une précédente relation et Augustin, du détail et de l'organisation au sein du foyer en particulier quand son mari s'absente pour partir en mission à l'étranger et où elle se retrouve seule avec ses enfants. La solitude est un sentiment qu'elle éprouve depuis son enfance, fille de médecins urgentistes très investis dans leur domaine et qui "l'abandonnaient" très souvent seule dans l'appartement pour rejoindre l'hôpital.



Tout au long de ma lecture je me demandais quand elle allait aborder, franchement, le thème annoncé de la peur, car je ne voyais dans les 3/4 du roman qu'un récit qui oscillait entre obligations familiales, courses alimentaires, inquiétudes professionnelles, réflexions philosophiques sur le temps, le marécage et la vase dans lesquels s'englue le personnage, disgressions continuelles peut-être à l'image des pensées de la narratrice mais qui n'arrivaient pas, pour moi, à entrer et se concentrer sur la véritable sujet et ses motifs (même si j'ai très vite compris d'où venait le mal-être).



Je n'ai pas réussi à m'attacher au personnage, à compatir à sa détresse très intériorisée dans un premier temps, j'aurai peut-être plus aimé en savoir un peu plus sur la relation entre les deux cousines que j'ai trouvé trop "effleurée", l'une étant presque la voix de l'autre. Mazarine Pingeot a pris l'option de plus s'axer sur la notion de temps, de celui qui court, celui d'une vie menée tambour battant, à nier jusque là les blessures parce que niées par elle mais aussi par son entourage,  même quand la dépression devient omniprésente et qu'elle écrase le personnage qui tient grâce un mantra répété à plusieurs reprises : "volonté, volonté, volonté" et dans une ville, Paris, où les notions de rythme et anonymat sont les leitmotiv :



"La vie dans les capitales aujourd'hui est objectivement dure. Il y a quelque chose comme ça qui vous soumet... Ca vous soumet à un ordre et à une contrainte diffuse ; et la principale dynamique c'est le mouvement perpétuel, la vitesse, la compétition... (p112)"





En résumé j'ai trouvé que le thème est noyé dans le flux, qu'il est certes suggéré mais pas réellement approfondi, Mazarine Pingeot nous livre un récit de vie en nous montrant les impacts de traumatismes de l'enfance et comment ils vont dérégler ses facultés et profondément l'handicapée mentalement et presque physiquement en la menant au bord du précipice.



J'avais tenté sans succès par le passé de lire cette auteure, je ne me souviens d'ailleurs plus de quel roman il s'agissait, mais j'avais déjà été gênée par l'écriture, le milieu décrit, un côté un peu intello-bobo et n'avait pas eu envie depuis de lire ses romans. Cette lecture est loin de m'avoir convaincue, je n'avais qu'une hâte c'est d'arriver au bout et comme il l'est à plusieurs évoqué dans le récit, je me suis engluée dans la vase des mots, des idées, tout se télescopant parfois mais sans jamais atteindre le but escompté et répondre à mes attentes.



Peut-être suis-je passée à côté, compris la démarche de l'auteure, peut-être que d'autres apprécieront....
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Le salon de massage

Qui s’occupe de mon corps ?



Mazarine Pingeot s'est emparée d'un fait divers, la captation à l'insu des clientes de leurs séances de massage et la vente des enregistrements, pour évoquer ses sujets de prédilection, le rapport au corps, le machisme ambiant et le statut de la femme dans notre société. Un roman qui frappe fort et sonne juste!



Souheila peut être satisfaite de sa vie. Elle a réussi à sortir de sa banlieue. Après avoir enseigné à Nevers, elle a réussi à se faire muter à Paris et à s'installer dans l'appartement parisien de Rémi. Un compagnon agréable et attentionné. Qui a même noté que depuis quelques temps elle avait l'air un peu triste. La raison de ce vague à l'âme est à chercher dans la routine qui s'est installée au fil des jours et ne lui offre guère de liberté. A tout prendre, sa vie était plus exaltante quand ils se voyaient le week-end, entre Nevers et Paris. «Nous pouvions profiter l’un de l’autre les fins de semaine et, de fait, c’était comme si nous n’avions partagé que des vacances ensemble: marché le samedi, promenade le long du canal Saint-Martin, expo parfois, cinéma, restaurant ou dîner à la maison après avoir préparé minutieusement et ensemble un poisson coûteux, faire l’amour. Tel était le programme: enviable.»

Désormais, il lui fallait se battre pour trouver des plages de solitude, des instants de liberté.

Après un dîner entre amis et une discussion sur l'utilité ou non d'une psychanalyse, elle s’amuse à lister ce qu'elle pourrait faire avec l'argent des séances. C'est peut-être le prix du massage – 50 euros – qui l'a décidée à accepter de confier son corps à une asiatique pour un massage à l'huile. Et de souscrire dans la foulée un abonnement pour dix séances. Chaque semaine, ce soin fait du bien à son corps et à sa tête. Un petit jardin secret qui va voler en éclat le jour où la police la convoque pour lui expliquer qu'elle est victime d'un trafic. Les propriétaires du salon filmaient les séances de massage et vendaient les enregistrements à des clients pervers.

Aux côtés de l’enquêteur, elle doit visionner le film et confirmer sa présence. «Certes, il ne m’était pas agréable de m’être fait blouser. Mais cet instant de trouble que j’avais éprouvé assise à côté du policier, épaule contre épaule, à regarder ensemble mon corps de dos, mes fesses et mes bras abandonnés continuait de m’habiter et de me mettre dans un état second.»

Alors dans ce cas, est-il légitime de porter plainte? Après tout, elle ne s’est pas vraiment sentie victime. Qu'en penserait Rémi? Et les autres femmes qui fréquentaient le salon de massage?

La seconde partie du roman va chercher les réponses à ces questions, va confronter Souheila a d'autres points de vue. Et l'obliger à chercher sa propre vérité.

La confrontation avec les autres clientes filmées durant leurs séances de massage et la création d’un collectif de victimes est une partie passionnante de ce roman, car elle permet de découvrir qu'il y a bien des manières d'aborder cette affaire et qu'il n'y a pas en la matière une vérité qui s'imposerait à toutes et à tous. Les unes sont féministes, radicales, les autres plus mesurées. En fonction de sa vie, de son passé, des circonvolutions de son histoire familiale, un même événement peut être perçu avec une tout autre sensibilité. Souheila ira même jusqu’à se rapprocher du mari de l’une des plaignantes, psychanalyste et observateur discret de ce gynécée. Une manière aussi d’affirmer son indépendance, de laisser libre voie à ses désirs.

C'est en creusant vers ses racines au Maroc que Souheila trouvera finalement une forme d’apaisement.

C'est la finesse d'analyse et l'absence de manichéisme qui fait la richesse de ce roman. Et si pour Souheila ce scandale marque certes un point de bascule, il ouvre aussi quelques perspectives, dont certaines vous surprendront. Avec ce nouvel opus qui s’inscrit dans la droite ligne de Se taire, Mazarine Pingeot réactualise l'antienne un corps sain dans un esprit sain.

À l'instar de Maria Pourchet avec Western, elle fait souffler un vent de liberté iconoclaste sur la France post #metoo.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Malaise dans la langue française

Un remarquable ouvrage dont je m’étonne qu’il n’y ait aucun commentaire à ce jour, sur un site destiné à la lecture !

Tout lecteur ne peut ignorer la déferlante de folie apportée par les néo féministes ou autres ultra qui veulent abattre les règles de notre intelligible grammaire et prônent et imposeraient volontiers comme impératrice l’´écriture inclusive au risque de rendre incompréhensible et stupide notre langue extrêmement précise et séculaire.

La Cancel Culture ou wokisme ici sont décortiqués et expliqués de même que les différentes évolutions de la langue au cours des siècles, les raisons de tel ou tel choix, le point de vue des plus grands linguistes et grammairiens.

Un panel de grands noms ont participé à ce parfait ouvrage pour expliquer à ceux qui en doutent encore que la langue n’est pas politique qu’elle n’a pas de SEXE, mais qu’elle est neutre. et que les questions ou problèmes, extravagances et exigences d’extrémistes dangereux et stupides doivent être relégués aux oubliettes et définitivement.

Où va la France ?
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Et la peur continue

Premier livre que je lis de Mazarine Pingeot et ce qui est sûr, c’est que cette autrice a un véritable style.

Elle sait manier sa plume et chaque mot et savamment sélectionné.

En revanche je n’ai pas été embarqué par l’histoire, on a très vite compris le dénouement. Et ici l’important n’est pas l’atterrissage mais bien la chute.

Cette chute est à mes yeux trop longue, trop répétitive, trop assommante.

Je vais quand même essayer de me procurer une autre de ces œuvres en espérant que l’histoire me porte plus!!!
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Mazarine Pingeot

Sa discrète mère, conservateur de musée, a travaillé longtemps dans un musée qui fête ses vingt-cinq ans :

Le Musée Grévin
Le musée d'Orsay
La Pinacothèque de Paris

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