Citations de Michèle Gazier (162)
Il a dit:"Cette enfant crève de silence."Et j'ai eu le sentiment qu'il parlait aussi de lui.
« Après sa mort, je dormis pendant quelques mois dans le lit de mon père. Il eût été dangereux de laisser ma mère toute seule. Je ne sais pas comment j’en vins à jouer le rôle d’ange gardien. Elle pleurait beaucoup et je l’écoutais pleurer. Je n’arrivais pas à la consoler, elle était inconsolable. Mais quand elle se levait et allait se poster à la fenêtre, je sautais de mon lit et me postais à côté d’elle. Je la ceinturais de mes bras et ne la lâchais plus. Nous ne parlions pas, ces scènes étaient parfaitement muettes. Je la serrais fort, et si elle avait voulu sauter par la fenêtre, elle n’aurait pu le faire qu’en m’entraînant avec elle. C’était au-dessus de ses forces. Je sentais son corps se relâcher, la tension s’évanouissait et c’est moi qu’elle retrouvait en se détournant de sa résolution désespérée. » Histoire d’une jeunesse, Elias Canetti (1978)
Je me sentais un peu comme un renard dans un poulailler. Une position que j'aimais assez. J'ai toujours aimé les renards la nuit sur le bord des routes de mes Cévennes natales, leurs yeux dans la lumière scintillent comme des étoiles.
La jalousie est la bêtise des hommes.
Le dimanche, il aimait aller au marché qui se tenait autour des halles. Il en revenait les bras chargés de livres d'occasion qu'il achetait au poids à un camelot surnommé Camembert, lequel a plus fait pour la lecture que bien des bibliothécaires et des enseignants de l'époque. Camembert m'impressionnait, il me faisait un peu peur avec ses cheveux en bataille, ses chemises claires portées sous des gilets de tailleur ouverts sur son ventre rebondi. Une foule se pressait toujours autour de son stand et il permettait à ses fidèles clients, dont mon père, de rendre les livres achetés la semaine précédente et d'en reprendre d'autres pour à peine quelques centimes en sus. Mon père aimait dire qu'il avait fait sa culture chez Camembert. Il aimait les romans policiers et d'aventure, les biographies, les histoires exemplaires, l'Histoire. Lire le confortait dans sa manière de penser et de voir le monde, de combattre l'injustice. Il y trouvait le plaisir de l'ailleurs que l'on rejoint, immobile, de l'évasion sans bouger de sa chaise. Le plaisir de la connaissance aussi.
Ecrire dans l'immédiateté de l'événement relève à mes yeux plus du journalisme que de la littérature.
L'art, la littérature, la poésie ont toujours eu sur elle un effet apaisant.
La lecture n'est pas une ingurgitation à jet continu mais une dégustation. Et chacun sait que le rythme de la dégustation dépend totalement de celui qui déguste et de ce qu'il déguste.
"Que d'autres se targuent des pages qu'ils ont écrites ;
moi je suis fier de celles que j'ai lues."
écrivait-il (Alberto MANGUEL) dans le beau poème "Un lecteur".
Il est des âges de la lecture comme il est des âges de la vie. Ainsi, relire peut-il être un grand bonheur, une redécouverte, ou simplement une déception.
On ne dira jamais assez la jouissance enfantine de la répétition,
la jouissance adulte de la relecture.
Le désir se nourrit de distance.
Mes mots allaient dépasser ma pensée. Belle expression, totalement hypocrite. Les mots ne dépassent jamais la pensée, ils sont la pensée. Ils sont parfois comme la lave du volcan, parce qu'ils viennent de loin, du plus profond de soi, alors ils brûlent et détruisent.
Mariée, un petit garçon de deux ans. "Tout pour être heureuse", disent les imbéciles. Elle pense que ce n'est même pas une vie de chien, juste une vie de rien. A effacer d'un coup de tampon comme un trait de feutre sur le tableau blanc. Circulez, y a rien a voir.
Je viens de comprendre qu'on ne se pose pas impunément sur une branche d'arbre généalogique. Au départ, on aime une jeune fille au point de ne plus pouvoir supporter l'idée de la quitter un jour. Elle vous aime aussi. On en fait sa compagne, sa femme. Puis, parce qu'elle attend un enfant de vous, autour d'elle s famille s'agite. De ce mouvement désordonné des sentiments et es craintes émergent des fantômes. Et vous comprenez alors, sans être autrement inquiet, que ce fils né de votre amour est aussi l'héritier d'une histoire que jusqu'alors vous n'aviez pas même soupçonnée......
Tout m'est difficile et l'idée même du bonheur ne cesse de s'éloigner. Les méchantes voix de mon adolescence me tiennent réveillée. Oh ! dormir... dormir... et ne plus se réveiller.
Drôle de voyage de noces où la grande chose du lit est bien morne, comparée à l'exaltation de nos lectures et à la fougue de nos conversations littéraires.
-Je sais bien que grand-mère Paula est morte, mais c'est pas grave, elle était très vieille.
Et eux, sonnés par la froideur d'une telle remarque, n'avaient pas osé répondre, ni protester. Alors, devant air ébahi et gêné, elle avait ajouté en éclatant de rire :
- Ce que vous êtes drôles. Vous ne savez pas que les enfants devinent tout ?
[…] elle avait pioché dans la littérature des phrases qu’elle s’était appropriées. Comme si les textes des grands écrivains exprimaient au plus juste ses propres sentiments. Elle y retrouvait exactement ce qu’elle avait à dire, ce qu’elle ressentait
La lecture démultiplie notre réalité forcément limitée, et nous permet de pénétrer les époques éloignées, les coutumes étrangères, les cœurs, les esprits, les motivations humaines,etc. Comment s’arrêter alors que s’annonçait là une chance d'échapper à un environnement par définition limité ? La liberté se trouvait à portée de main, il s'agissait de lire, de lire encore et encore, pour espérer échapper à son destin.