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Claire Cayron (Traducteur)
EAN : 9782714308993
128 pages
José Corti (14/11/2005)
4.2/5   5 notes
Résumé :

Senhor Ventura est écrit à cent à l'heure. Depuis la Pérégrination de Fernao Mendes Pinto et les Lusiades de Luis de Camoes, classiques fondateurs de la littérature portugaise, les récits n'ont pas manqué dans ce pays, qui racontent " des existences frappées d'ubiquité, divisées, perturbées... ". Senhor Ventura s'inscrit dans cette lignée. Dès le début de cette fable menée &#x... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Offert par une amie à sa parution en décembre 1991- Librairie Epigramme- rue de la Roquette- Paris

*Gros, gros coup de coeur !


(***..un peu enragée...venant de rédiger une chronique de ce livre, elle a brutalement disparu, avec une coupure brutale de connexion !! Je dois la recomposer une seconde fois..)

Je débute cette chronique avec les mots de l'écrivain concernant ce texte, qui aurait pu ne pas arriver jusqu'à nous; et cela aurait été franchement dommageable !

"Cher lecteur,

Je ne sais en quels termes te présenter ce livre, même après le remaniement qu' il a subi. Écrit d'une seule traite il y a plus de quarante ans, à l'âge où les audaces tiennent lieu d'arguments, en lui j'ai laissé à nu la fantaisie échevelée et la maladresse d'expression dont impunément dispose la jeunesse.Mais je me suis vu tellement embarrassé, lorsqu'à l'âge mur je l'ai relu, que j'ai fait mon possible pour l'oublier et qu'on l'oublie.Aujourd'hui, pourtant, sur ce versant de la vie où l'on regarde avec lucidité et bienveillance les verdeurs du jeune âge, j'ai résolu de le reprendre. Patiemment, je l'ai nettoyé de ses principales scories, j'ai retouché les situations les plus insensées, tenté enfin de le rendre visible.Je l'ai fait pour lui et pour moi.Pour lui,car, malgré tout, il raconte une histoire vraisemblable pour nous Portugais, qui sommes les errants du monde, capables ici et là du meilleur et du pire."


Poursuivant tris et rangements de ma bibliothèque qui ne cesse de s'étendre, je donne, offre et fait voyager mes livres, pour le plaisir, certes , et dans un même temps, la nécessité de gagner un peu d'espace pour les nouveaux arrivés !

Je me désole toutefois que ce roman picaresque de Torga soit resté, de façon bien inexplicable, aussi longtemps en attente et délaissé, sur mes rayonnages ; d'autant plus que cet écrivain-nouvelliste- diariste- médecin se trouve dans le " peloton de tête " avec Albert Camus, de mon petit Panthéon personnel !

"Senhor Ventura, dit aussi l'homme de Penedono ou l' Alentejano"(...) est un mélange de " picaro" et de Don Quichotte, mais à la portugaise, c'est-à-dire dans la migration et l'écartèlement : aventurier en Orient et redresseur de torts à Penedono, sensuel et sentimental, trafiquant et honnête homme, cupide et généreux, solitaire et solidaire (...)" ( ***Introduction)

Senhor Ventura décide de quitter sa terre natale de
l' Alentejo , ainsi que ses parents, gens de la terre, pour aller courir le monde...Ce qu'il va faire sans réserve: de Macao à la Chine, en passant par la Sibérie....Escroc patenté, marchand d'armes en Chine,responsable d'un restaurant avec son meilleur ami et compagnon de fortune, Pereira, fabricant d' héroïne, directeur d' une société de taxis, puis de réseau de machines à sous, etc. Et la liste n'est pas exhaustive.!!...

Notre Senhor Ventura nous reste, en dépit de ses erreurs, magouilles et escroqueries multiples, sympathique à plus d'un titre: son amitié fidèle pour Pereira, compagnon loyal, trop vite disparu, son amour malheureux pour Tatiana, l'aventurière russe...son adoration pour son fils unique, Sergio, son enracinement mental à sa terre portugaise, en dépit de sa bougeotte incessante, son projet généreux et désintéressé, cette fois, pour ses compatriotes agriculteurs et journaliers, etc.

On s'attache inévitablement à ce personnage complexe et torturé, aventurier, escroc, et homme aussi au grand coeur, n'ayant jamais guéri d'avoir perdu son unique ami, Pereira, cuisinier talentueux, et compagnon bien précieux de bon nombre des premières pérégrinations de notre Homme de Penedono, dit l'Alentejano...

Torga , peu content de ce texte finit par le reprendre et le remanier quarante ans après sa " première bouture", très heureusement , car cette fiction- fable interroge sur l'universelle condition humaine : la quête de sens, la curiosité, la volonté de " dévorer " et de parcourir le monde , la condition de " l'Émigré ", du " Nomade perpétuel ", le goût insatiable de " L' Ailleurs",etc.

Une pépite que ce texte picaresque...où certaines opinions libertaires de Senhor Ventura doivent être en écho avec celles de l'écrivain dont cet éloge du Déserteur... ...

"C'était avec la même tendresse que depuis vingt ans il dessinait ce substantif où il avait mis tous les rêves de sa jeunesse." Déserteur ", lisait-il à la fin, avec à la bouche le goût d'un péché pour lequel il valait le coup de mourir. "
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Ce récit est le plus portugais des récits de Miguel Torga. Une réponse en creux au célèbre aphorisme d'Alphonse Allais : « Ce n'est pas parce que les Malais sont laids, les Portugais gais, les Colombiens biens, que les Espagnols sont gnols.»
Le lecteur méfiant, hésitant à s'engager dans la lecture de Senhor Ventura, relancera la vieille polémique entre les deux idiomes ibériques : comment se fait-il que le nh de senhor ait la même fonction que le ñ de señor ? Vaste débat sur lequel des générations de linguistes se sont fait les dents, à défaut de les avoir affutées sur un chorizo sec et dur comme de la pierre, sur lequel le Ribeira de Duero ou le Rioja ne font que ruisseler, ce qui rapproche les deux nations.
Nous ne rentrerons pas dans ces considérations transpyrénéennes et préférerons nous rendre à l'avis de deux éminents critiques figurant sur la 4ème de couverture.
Pour Antoine Gaudemar de Libération, le récit est mené à un train d'enfer, ce que je confirme volontiers, alors que pour Patrick Kéchichian de le monde, il est vif et enlevé, ce que je confirme une fois de plus et encore volontiers.
L'histoire du jeune Ventura, un garçon de la bourgade de Penedono, dans la plaine portugaise de l'Alentejo, nous est conté par un narrateur (Torga lui-même ?) qui affirme à l'évocation de ce personnage : « Dans sa personne, je mets la réalité de ce que je suis et la nostalgie de ce que j'aurais pu être ».
Nous voilà embarqué dans la lecture de 85 tableaux de 12 lignes à quatre pages chacun, (Dans la préface, Claire Cayron, la traductrice, parle de séquences), qui donnent sa couleur au livre : une palette démesurée de nuances toutes plus chatoyantes les unes que les autres ; son rythme (le train d'enfer vif et enlevé du tandem Gaudemar-Kéchichian), et sa dimension picaresque. Ventura se joue des vicissitudes de la vie comme un fabuleux prestidigitateur.
Le roman paru en 1943, connaîtra la censure du régime de Salazar, et ne sera exhumé par Torga lui-même qu'en 1985, avec de nombreux avertissements de l'auteur sur ce « péché de jeunesse » dont il dit dans le prologue qu'il écrivit à Coimbra :
« J'ai fini par m'apercevoir qu'au lieu de couvrir d'anathèmes certaines erreurs, il vaut mieux les comprendre dans leur contingence et tenter de les atténuer. »
Une sagesse rétrospective que n'aurait pas reniée Senhor ventura !
Ce jeune berger devenu laboureur va quitter son village de Penedono pour Lisbonne où l'appelle son devoir de citoyen « les yeux comme des sangsues posées sur toutes choses, Senhor Ventura, trouvait le chemin de la caserne.»
Devenu le matricule 158, il s'impose très vite comme un «prodige» : « lorsque se présentait un cas difficile à résoudre, un câble de TSF à fixer sur le toit, une mitrailleuse à dégripper, la corvée la plus dure à faire, quel nom venait aussitôt à l'esprit ? Celui de Senhor Ventura.»
Hélas, au Portugal, comme ailleurs, si l'on encense les prodiges on sait aussi leur attribuer toutes les misères du monde.
Ventura exilé à Macao, à défaut de se voir condamné pour le délit suprême, va se retrouver «marin à bord d'un bateau qui faisait du cabotage sur la mer de Chine. Un rude travail, c'était, mais qui avait ses charmes.»
Après cinq ans passées en mer, et la disparition d'un douanier britannique dans des circonstances non élucidées, « L'obscurité était tombée sur le navire comme un manteau complice et silencieux », Ventura se retrouve « employé dans un garage Ford, à Pékin.»
La rencontre avec Pereira, un autre exilé portugais qui «savait faire la cuisine» ravive en Ventura la nostalgie du pays et des affaires. «La gargote» qu'ils ouvrent dans «un quartier mal famé» s'emplit très vite «d'un fumet si appétissant que quiconque n'était pas séduit par les nids d'hirondelles et le riz chow-chow fermait les yeux et entrait.»
«...la morue à la Gomes de Sa, le chispe, les haricots à l'oreille de porc, la chanfana, la meia desfeita et autres délices du palais figurèrent aux menus...»
Ce bonheur commercial et culinaire est de courte durée, mis à mal par des marins américains de passage, grossiers et sûrs de leur bon droit. Une nouvelle fois, c'est l'exil. le malheur, venu des USA, apporte son lot de consolation, montrant ainsi les contradictions paradoxales qui caractérisent ce pays souvent présenté, à juste titre, comme un Eldorado : « Or, précisément, Ford avait vendu deux cents camions au gouvernement chinois sous condition de les livrer au front, et de monter des stations-service dans le désert de Gobi. Donc...»
«La traversée de la Chine par des chemins où le Christ n'est jamais passé ; puis le désert, immense, brûlant, épuisant l'eau, et jusqu'au sang de qui imprudemment s'y abandonnait.»
« l'ambiance de coups de feu et de risque avait enivré l'Alentejano »
Fin de la première partie.
Le narrateur se manifeste à nouveau :
« Je sais bien que chez nous il n'est pas d'exploit sans la marque fatidique du sexe et que, telle étant notre condition, il est bien qu'il en soit ainsi.»
S'il est un prodige en mécanique, TSF, juments, mitrailleuse grippée, corvées, affaires, trafics en tous genres, Ventura n'a jamais fait preuve des mêmes dispositions géniales en matière d'amour et de sentiments :
« A ces mots, la voix de Senhor Ventura trembla. Et sa compagne (Tatiana) observa que ce chêne brûlé par le soleil pouvait frémir comme un arbuste.»
«La chair que sa volupté dévorait sentait tout à la fois la femme et le danger.»
Alors qu'il n'avait jamais nommé «danger» les tribulations dont il s'était toujours sorti avec brio, Ventura le sent dans le corps de cette femme, mais ne s'en défie pas.
Autant ses aventures le menèrent de sommets en sommets, de Lisbonne à Macao à Pékin en Mongolie, autant ses tentatives pour fonder un foyer avec Tatiana, et une famille, le tirent irrémédiablement vers des abîmes qu'il ignorait.
« Elle était froide et tragique cette séparation. Froide et tragique mais sans remède. Elle la voyait comme un soulagement ; lui l'éprouvait comme un cauchemar.»
Fin de la deuxième partie.
«L'Alentejano s'en revient tout droit à Penedono.» « Ce n'est pas visiblement notre célèbre saudade qui l'a poussé de l'orient vers l'occident, et il ne paraît pas non plus avoir conscience d'une indestructible solidarité entre la pierre qui roule et le rocher dont elle s'est détachée.»
« A présent, donc, qu'il était redevenu paysan, Tatiana avait pris pour lui une signification nouvelle. L'épanouissement de sa propre humanité l'avait faite, elle aussi, plus humaine.»

De ce roman, écrit selon Torga, « à l'âge où les audaces tiennent lieu d'arguments.» nous retiendrons cette morale que nous livre le narrateur :
« Maintenant arrivé en l'urbaine Europe, et en route pour sa maison, Senhor Ventura est-il rien d'autre que l'effet irrémédiable d'un tropisme coulant dans notre sang et nous rappelant de n'importe quelle partie du monde vers cette pauvre étable lyrique et inconfortable, tellement absurde et tellement humaine à la fois ? Ah ! je crois bien que cette fidélité inconsciente au granit, au clair de lune et aux bruyères, renferme une grande leçon de vitalité et de singularité.»

Lisez Senhor Ventura !




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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Introduction de Claire Carayon

Son patronyme- titre (*Senhor Ventura) constitue à lui seul un programme vital,et romanesque : " ventura", c'est à la fois le hasard, le bonheur et la malchance, la fortune et le risque, la racine de l'aventure et l'aventurier.
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Introduction de la traductrice, Claire Carayon

Senhor Ventura , dit aussi " L'Homme de Penedono ou l' Alentejano", " carcasse de fer et coeur d'acier", est un mélange de
" picaro" et de Don Quichotte, mais à la portugaise, c'est-à-dire dans la migration et l'écartèlement : aventurier en Orient et redresseur de torts à Penedono, sensuel et sentimental, trafiquant et honnête, cupide et généreux, solitaire et solidaire, soumis à ses passions et révolté contre la tyrannie du milieu ".
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Mais Tatiana n'était pas de celles qu'on fait plier avec des coups. Ses yeux, qui devant un verre de champagne lançaient des feux d'une pureté sans tache, devenaient, dès qu'une discussion s'engageait entre eux, de lugubres puits.
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Cher lecteur,

Je ne sais en quels termes te présenter ce livre, même après le remaniement qu' il a subi. Écrit d'une seule traite il y a plus de quarante ans, à l'âge où les audaces tiennent lieu d'arguments, en lui j'ai laissé à nu la fantaisie échevelée et la maladresse d'expression dont impunément dispose la jeunesse.Mais je me suis vu tellement embarrassé, lorsqu'à l'âge mur je l'ai relu, que j'ai fait mon possible pour l'oublier et qu'on l'oublie.Aujourd'hui, pourtant, sur ce versant de la vie où l'on regarde avec lucidité et bienveillance les verdeurs du jeune âge, j'ai résolu de le reprendre. Patiemment, je l'ai nettoyé de ses principales scories, j'ai retouché les situations les plus insensées, tenté enfin de le rendre visible.Je l'ai fait pour lui et pour moi.Pour lui,car, malgré tout, il raconte une histoire vraisemblable pour nous Portugais, qui sommes les errants du monde, capables ici et là du meilleur et du pire.
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La vue de Penedono, surgissant au loin, lui rendit soudain le courage perdu.La blancheur du village, caressé par le faible soleil du soir tombant,si elle n'était pas l'image du triomphe, lui donnait au moins le témoignage d'un très ancien courage dans la lutte, jamais démenti.
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Video de Miguel Torga (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Miguel Torga
Ana Maria Torres, traductrice de "Folles mélancolies" de Teresa Veiga nous parle de sa région de coeur Trás-os-Montes au PorTugal et de l'auteur qui en parla le mieux dans la littérature : le grand Miguel Torga. Merci à elle et bon visionnage !
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