Agile, la jeune fille monta sur l'estrade et se trouva coupée en deux par l'écran, comme ces femmes, dans les foires, à qui l'on soustrait des morceaux par effet de magie. Le médecin n'avait jamais remarqué ce détail. Et il rougit de constater que ses sens le trahissaient en le faisant s'intéresser à une réalité que toute éthique prohibait. Non. Non, il n'avait pas le droit de dépasser la ligne qui séparait le champ professionnel de la friche émotionnelle... Ses doigts, pourtant, avaient déjà pressé l'interrupteur.
Comme par enchantement, tout elle s'était subitement perdu dans l'obscurité, dans les limbes d'une incertitude qui était encore plus complète.
Curieux le silence et l'intimité où ils étaient ! Quel pouvait bien être le nom du parfum qu'utilisait la jeune fille ?
Cette pensée le fit frémir. Le médecin et l'homme se succédaient en lui d'un instant à l'autre. Et comme l'homme prenait les devants, le médecin mit prestement l'appareil en marche.
En tâtonnant dans la pénombre de l’aurore, il se leva, ouvrit la fenêtre, s’accouda au parapet et se mit à regarder. La lagune, couverte de brume, était comme un nuage de coton. La mer, au-delà des dunes, ronflait encore. La pinède, massive, ne donnait pas signe de vie.
Un jour comme tant d’autres, avec le même lever informe, humide et ralenti.
Immobile, Matilde continuait à regarder la plaine où le soleil, haut maintenant, touchait les chênes-lièges écorchés. Lui seul, généreusement, pouvait panser toutes ces plaies ouvertes.
Ana Maria Torres, traductrice de "Folles mélancolies" de Teresa Veiga nous parle de sa région de coeur Trás-os-Montes au PorTugal et de l'auteur qui en parla le mieux dans la littérature : le grand Miguel Torga. Merci à elle et bon visionnage !