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Citations de Mohamed Mbougar Sarr (1042)


N’essaie jamais de dire de quoi parle un grand livre. Ou, si tu le fais, voici la seule réponse possible : rien. Un grand livre ne parle jamais que de rien, et pourtant, tout y est. Ne retombe plus jamais dans le piège de vouloir dire de quoi parle un livre dont tu sens qu’il est grand. Ce piège est celui que l’opinion te tend. Les gens veulent qu’un livre parle nécessairement de quelque chose. La vérité, Diégane, c’est que seul un livre médiocre ou mauvais ou banal parle de quelque chose. Un grand livre n’a pas de sujet et ne parle de rien, il cherche seulement à dire ou découvrir quelque chose, mais ce seulement est déjà tout, et ce quelque chose aussi est déjà tout. 
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Mohamed Mbougar Sarr
Faire le deuil de quelqu’un n’est pas se morfondre dans un chagrin stérile, autotélique ; non : faire le deuil de quelqu’un , c’est tenter de transformer son propre chagrin en un moyen de connaissance, en une voie pour reconstruire en nous le monde du défunt, le rebâtir comme un temple ou n palais, et en arpenter ensuite les couloirs perdus, les passages dérobés, les pièces secrètes, pour y découvrir des vérités auxquelles nous étions aveugles lorsqu’il vivait.

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L’exilé est obsédé par la séparation géographique, l’éloignement dans l’espace. C’est pourtant le temps qui fonde l’essentiel de sa solitude : et il accuse les kilomètres alors que ce sont les jours qui le tuent. J’aurais pu supporter d’être à des milliards de bornes du visage parental si j’avais eu la certitude que le temps glisserait sur lui sans lui nuire.
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Un grand livre ne parle jamais de rien, et pourtant tout y est.
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Quelle est donc cette patrie ? Tu la connais : c'est évidemment la patrie des livres : les livres lus et aimés, les livres lus et honnis, les livres qu'on rêve d'écrire, les livres insignifiants qu'on a oubliés et dont on ne sait même plus si on les a ouverts un jour, les livres qu'on prétend avoir lus, les livres qu'on ne lira jamais mais dont on ne se séparerait non plus pour rien au monde, les livres qui attendent leur heure dans une nuit patiente, avant le crépuscule éblouissant des lectures de l'aube. Oui, disais-je, oui : je serai citoyenne de cette patrie là, je ferai allégeance à ce royaume, le royaume de la bibliothèque. [...]

Mais j'ai l'impression que chaque phrase, chaque mot frappent à côté de ce que je désire te dire. Je m'acharne et exige autre chose : plus de profondeur, de précision, de justesse. Les mots m'esquivent, ou s'esquivent : ils se dérobent à leur propre vérité. Ils fatiguent, s'affadissent dans la répétition de ma tyrannie. Chaque nouvelle tentative creuse un peu l'écart entre leurs possibilités réelles et la réalité de l'expérience intérieure. Mais ce n'est pas tant moi qu'eux-mêmes que les mots trahissent. Les mots se suicident.
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J’avais ma poitrine et je ne craignais ni de la montrer ni de voir ce qu’elle suscitait : admiration, jalousie, fantasme, envie, désir, peur, répulsion. On me demandait si elle était naturelle. Si je n’étais pas déjà nue, je déboutonnais mon haut, faisais glisser les bretelles de mon soutien-gorge sur mes épaules et la présentais au nez du curieux ou de la curieuse en ne lâchant pas ses yeux. Puis j’observais un silence de trois mots : « Dites-le-moi. » Ou : « Voyez vous-même. »
(pages 281-282)
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J'ai dit que dans un pays comme le nôtre, le suicide était un mode d'action politique horrible mais efficace, efficace parce que horrible, peut-être la seule protestation encore audible de nos dirigéants. Le suicide fait parfois basculer l’histoire : regarde Mohamed Bouazizi en Tunisie en 2011, regarde Jan Palach en Tchécoslovaquie en 69, regarde Thîch Quàng Dûc au Vietnam en 63, et je ne te parle pas, ici, du suicide mythique des femmes de Nder, qui ont préféré se tuer par le feu dans une case plutôt que de se rendre aux colons. Tous ces suicides qui ont provoqué un retentissement, frappé les esprits, eu une signification politique. Peut-être qu’il ne reste que ça aux populations de nos pays désespérés. Peut-être que c’est ce que les jeunes doivent faire : se suicider, puisque leur vie n’est pas une vie.
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La tristesse qui monte en moi maintenant ne traduit pas mon sentiment devant l'achèvement de mon livre, mais devant son inachèvement. Je ne finirai pas. J'ai cent deux ans et il m'aura manqué du temps. Le futur me manque. Ainsi finit tout devin : dans la nostalgie du futur. Ainsi finit le voyant : dans la mélancolie de l'avenir.
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J'entends quelquefois dire qu'il faut rester fidèle à l'enfant qu'on a été. C'est la plus vaine ou funeste ambition qu'on puisse avoir au monde. Voilà un conseil que je ne donnerai jamais. L'enfant qu'on a été jettera toujours un regard déçu ou cruel sur ce qu'il est devenu adulte, même si cet adulte a réalisé son rêve. Cela ne signifie pas que l'âge adulte soit par nature damné ou truqué. Simplement, rien ne correspond jamais à un idéal ou un rêve d'enfance vécu dans sa candide intensité. Devenir adulte est toujours une infidélité qu'on fait à nos tendres années. Mais là réside toute la beauté de l'enfance : elle existe pour être trahie, et cette trahison est la naissance de la nostalgie, le seul sentiment qui permette, un jour peut-être, à l'extrémité de la vie, de retrouver la pureté de jeunesse.
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Nous formions un curieux couple, sous ce manguier : une folle nue et un sorcier aveugle, côte à côte en face d’un cimetière. C’était suffisant pour effrayer les indiscrets et les intrus.
(page 141)
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Béatrice Nanga a trente ans et un fils dont elle partage la garde. Elle est d’origine camerounaise. J’ignore si elle est belle, mais une lourde aura de sensualité l’enveloppe en permanence. L’ample tessiture de sa voix me fige les cellules. La vue de son généreux corps me renverse le cours du sang.
(page 64)
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L’exilé est obsédé par la séparation géographique, l’éloignement dans l’espace. C’est pourtant le temps qui fonde l’essentiel de sa solitude ; et il accuse les kilomètres alors que ce sont les jours qui le tuent. J’aurais pu supporter d’être à des milliards de bornes du visage parental si j’avais eu la certitude que le temps glisserait sur lui sans lui nuire. Mais c’est impossible ; il faut que les rides se creusent, que la vue baisse, que la mémoire flanche, que des maladies menacent. 
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… les termes de la terrible alternative existentielle qui fut le dilemme de sa vie, l’alternative devant laquelle hésite le cœur de toute personne hantée par la littérature : écrire, ne pas écrire.
(page 457)
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Il était un avertissement qu’on n’a pas su entendre. Cet avertissement disait, à nous écrivains africains : inventez votre propre tradition, fondez votre histoire littéraire, découvrez vos propres formes, éprouvez-les dans vos espaces, fécondez votre imaginaire profond, ayez une terre à vous, car il n’y a que là que vous existerez pour vous, mais aussi pour les autres.
(page 422)
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Un journaliste influent, spécialiste des littératures francophones, l’avait chroniqué en mille deux cents caractères espaces compris dans Le Monde (Afrique). Il émettait quelques réserves sur mon style, mais sa dernière phrase m’avait accolé la locution redoutable, voire dangereuse, diabolique même, de « promesse à suivre de la littérature africaine francophone ». J’avais certes échappé à la terrible et mortelle « étoile montante », mais sa louange n’en demeurait pas moins assassine.
(pages 25-26)
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On ne se débarrasse jamais de son histoire quand celle-ci nous fait honte. On ne l'abandonne jamais en pleine nuit comme un enfant non désiré.
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C’est ça notre vie : essayer de faire de la littérature, oui mais aussi en parler, car en parler est aussi la maintenir en vie, et tant qu’elle sera en vie, la notre, même inutile, même tragiquement comique et insignifiante, ne sera pas tout à fait perdue. Il faut faire comme si la littérature était la chose la plus importante sur terre….
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Je remercie et porte la calebasse aux lèvres. J’ai perdu l’habitude de ce goût brut du lait de vache frais, encore tiède, probablement trait une ou deux heures plus tôt. Enfant, lorsque je venais passer quelques jours de vacances dans le village de mes parents, je tirais moi-même le lait du pis de génisses qu’un de mes oncles élevait, et le buvais aussitôt avec gourmandise.
(page 432)
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Ma mère avait connu l’oppression politique en Haïti. Elle me disait toujours qu’espérer qu’une dictature devienne moins violente parce qu’on ne lui résistait pas était une illusion suicidaire doublée d’une lâcheté.
(page 384)
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Qui était-il ? Un écrivain absolu ? un plagiaire honteux ? un mystificateur génial ? un assassin mystique ? un dévoreur d’âmes ? un nomade éternel ? un libertin distingué ? un enfant qui cherchait son père ? un simple exilé malheureux, qui a perdu ses repères et s’est perdu ? Qu’importe, au fond.
(page 326)
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