AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de N. K. Jemisin (331)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Les livres de la terre fracturée, tome 3 : Le..

J’ai eu un peu plus de difficultés avec ce dernier tome qu’avec les deux précédents, mais je ne crois pas que la qualité (toujours excellente) y soit pour quoi que ce soit : j’ai plutôt l’impression que la densité de l’ensemble demande d’étaler un peu cette lecture dans le temps, ce que j’ai fait, mais peut-être pas assez. Lire une série demande un dosage délicat : trop vite, on sature, trop lentement, on oublie des éléments-clés…



À nouveau, trois points de vue s’entremêlent : celui d’Essun, cette fois désignée au « tu » plutôt qu’au « vous » à mesure que le narrateur devient plus familier avec elle (maintenant, je suis curieuse de voir comment c’est rendu dans la VO) ; Nassun, la fille d’Essun, toujours dans une narration à la troisième personne ; et enfin, le fameux narrateur, au « je », qui finit par dévoiler des pans de son histoire et de celle des Saisons.



Je crois d’ailleurs que ces passages ont été parmi mes préférés : la cité de Syl Anagist a un côté fascinant, presque inconcevable, qui garde toujours une part de son mystère puisqu’on en sait très peu sur elle. Cela vient titiller le sense of wonder alors même que ses bases abjectes sont très clairement exposées et dénoncées, d’où un malaise un peu ambigu.



C’est toujours satisfaisant, dans un dernier tome, de voir les pièces du puzzle s’emboîter peu à peu, de constater avec un peu de fierté qu’on en avait deviné une partie, et de se laisser surprendre par le reste, qu’on n’avait pas vu venir. La narration si particulière qui nous suit depuis trois tomes se trouve ici pleinement justifiée. La fin peut paraître un peu expédiée : on glisse vite sur l’après, le destin de certains personnages reste en suspens ; mais cela fonctionne parfaitement avec le parti pris narratif, que l’autrice a décidé d’assumer jusqu’au bout.



Superbe trilogie, tant par son worldbuilding, ses personnages, sa narration, ses thématiques qui se renforcent mutuellement (maternité, ostracisation/racisme, enjeux écologiques). Et même si on n’adhère pas à tout, on ne peut pas dire qu’elle ait volé ses trois prix Hugo.
Commenter  J’apprécie          530
Les livres de la terre fracturée, tome 2 : La..

Le deuxième tome de cette trilogie de fantasy post-apo souffre un peu du « syndrome du milieu », mais n’en reste pas moins d’une grande force et d’une grande qualité narrative qui n’a rien à envier au premier tome, en plus d’introduire de nouveaux éléments bien intrigants.



On y retrouve Essun (toujours désignée au « vous »), tiraillée entre son désir d’appartenance à une « comm » et sa volonté de retrouver sa fille. Celle-ci, Nassun, a désormais droit à son propre point de vue et se révèle bien plus qu’une simple demoiselle en détresse kidnappée par son père. Enfin, Schaffa, personnage déjà rencontré dans le premier tome, prend ici une direction inattendue et quelque peu ambigüe.



D’un côté, il m’a semblé qu’il ne se passe pas grand-chose dans ce tome, mais de l’autre, je n’ai pourtant pas eu l’impression de m’ennuyer au cours de ma lecture. On est un peu plus dans la vie quotidienne que dans l’action pure et dure, et d’une certaine manière, j’ai l’impression que c’était nécessaire de montrer cet aspect-là aussi.



Les thématiques sont toujours fortes et bien traitées, les caractères des personnages sont toujours aussi bien soignés, leurs relations également. Le narrateur se fait un peu plus présent en tant que narrateur et on commence à voir se dessiner quelques indices sur « pourquoi » il raconte cette histoire – et pourquoi il la raconte d’une manière aussi particulière.
Commenter  J’apprécie          523
Les livres de la terre fracturée, tome 1 : La..

Après trois ans à me promettre de lire cette série « bientôt », je me suis enfin décidée à la sortir du fond de ma PÀL. Bien m’en a pris, parce qu’elle me réconcilie avec un sous-genre de SF dont je suis peu friande, à savoir le post-apocalyptique.



Nous sommes dans un univers (sous-entendu, la Terre quelques milliers d’années dans le futur) où s’enchaînent les « fins du monde » à grands coups de séismes, d’éruptions volcaniques et/ou de tsunamis dévastateurs. La civilisation s’est radicalement transformée, la survie de l’humanité est la priorité n°1, avec tout ce que ça suppose de décisions pragmatiques. Et certains individus, les orogènes, sont capables de contrôler les mouvements de la terre, ce qui leur vaut la haine sans merci des « fixes ».



On suivra le destin de trois de ces orogènes, trois femmes : Essun, mariée et mère de famille, qui voit sa vie basculer quand son mari découvre ce qu’elle est réellement, tue leur fils de trois ans et kidnappe leur fille. Damaya, petite fille rejetée par sa famille, qui est confiée à la garde du Fulcrum, un organisme chargé de gérer les orogènes. Enfin, Syénite, jeune femme du dit Fulcrum, qui se voit chargée d’une mission sous la houlette d’un nouveau mentor. Parmi les trois, Essun a la particularité d’être désignée au « vous », un choix narratif dont la portée réelle apparaîtra au fil des tomes (le premier s’achevant sur la révélation de l’identité du narrateur).



Malgré un univers et des thèmes très durs, je n’ai pas ressenti l’impression que me laissent beaucoup de romans de post-apo, à savoir de tomber dans une surenchère de cruauté gratuite et écœurante. Ici, tout semble organique, les personnages et les relations qu’iels entretiennent sont décrits avec énormément de finesse. Certain·es lecteurices pourront les trouver froid·es, du fait de leur côté pragmatique, mais même la froideur se décline en plein de nuances intéressantes et émouvantes. J’ai adoré Essun et son rapport à la maternité (sujet délicat s’il en est). Mais s’il y a un personnage qui se démarque tout particulièrement, c’est celui d’Albâtre, le mentor de Syénite. D’ailleurs, la relation que les deux entretiennent et son évolution est particulièrement intéressante aussi.



Roman dur, où transparaît la rage face à l’injustice, face à la recherche systématique d’un bouc émissaire et face à la déshumanisation, sur fond d’enjeux écologiques. Il y a là-dedans beaucoup de finesse et de non-dits, qui n’atténuent en rien la puissance de l’histoire. La plume de l’autrice, très particulière, déroute beaucoup au début, mais relève d’une grande maîtrise narrative qui prend tout son sens au fil des tomes.



Je ne sais pas si je dois en conclure que l’attente valait la peine, ou si je regrette de ne pas m’y être attaquée plus tôt… mais clairement, le résultat était à la hauteur !
Commenter  J’apprécie          523
Les livres de la terre fracturée, tome 1 : La..

Tout simplement brillant



Sur des bases qui n’ont pourtant à priori rien d’original (une science-fantasy post-apocalyptique / de la Terre mourante où une caste de « magiciens / mutants » appelés Orogènes est discriminée), N.K. Jemisin bâtit un univers et un roman exceptionnels, en terme de cohérence, de richesse ainsi que de subtilité dans la narration et le traitement des thématiques (centrées sur la discrimination, la stigmatisation, le dogmatisme, etc). L’intrigue et la découverte progressive de ce supercontinent ravagé par l’activité sismique et volcanique, qui anéantit quasiment à intervalles réguliers (les fameuses cinquièmes Saisons -en réalité des hivers « nucléaires »-) la civilisation et l’humanité, se révèlent passionnantes. Mais c’est sa narration d’une très grande qualité (dans le style, l’immersion et la structure) qui achève de faire de La Cinquième saison un vrai chef-d’oeuvre, méritant totalement son prix Hugo et à lire absolument, un alliage d’une pureté inégalable entre dépaysement et réflexion.



Retrouvez l'argumentaire complet sur mon blog.
Lien : https://lecultedapophis.word..
Commenter  J’apprécie          412
Les livres de la terre fracturée, tome 1 : La..

Récompensée par plusieurs des prix littéraires les plus prestigieux pour ses romans aussi bien que ses nouvelles, Nora K. Jemisin est une autrice américaine dont la réputation n’est plus à faire, que ce soit aux États-Unis ou en France. Cela fait pourtant deux ans que ce premier tome des « Livres de la Terre fracturée » traîne dans ma PAL sans que je ne parvienne à rassembler suffisamment de motivation pour l’entamer, alors même que j’ai beaucoup apprécié les autres écrits de l’autrice (qu’il s’agisse de sa « Trilogie de l’héritage » ou du recueil de nouvelles « Lumières noires »). Confinement oblige, j’ai fini par prendre mon courage à deux mains, et s’il y a bien une chose que je regrette, c’est d’avoir autant attendu pour découvrir cette merveille ! Réputée pour avoir été récompensée trois années consécutives par le Prix Hugo (2016 pour le premier tome, 2017 et 2018 pour les suivants), la trilogie met en scène une planète Terre qui n’a plus rien à voir avec celle que nous connaissons aujourd’hui, tant sur le plan civilisationnel que géographique. L’environnement y est désormais résolument hostile aux hommes qui se sont réunis en petites communautés dont la seule et unique préoccupation est de se préparer à survivre à la prochaine « cinquième saison », une période de durée variable durant laquelle les conditions de vie se dégradent encore un peu plus suite au déclenchement de catastrophes naturelles allant du tsunami, aux éruptions volcaniques, en passant par les tempêtes, les tremblements de terre… De même, l’organisation sociale de ces communautés et leur degré d’innovation technologique n’ont plus rien à voir avec notre monde aujourd’hui (même si certains artefacts venues de civilisations disparues demeurent). Ce contexte général nous est exposé de manière un peu brute dans un (bref) prologue qui, en quelques lignes, posent les bases de ce nouveau monde qui nous est totalement inconnu et dont on peine pour le moment à comprendre les subtilités. A ces quelques pages de contextualisation à l’échelle d’un continent (le Fixe) succède une contextualisation à l’échelle d’un individu, et c’est là que l’autrice introduit ses personnages.



Le roman alterne entre le point de vue de trois personnages : trois femmes, et surtout trois orogènes. Orogènes ? Des individus capables d’entrer en contact avec la Terre et de manipuler les champs de force qui la traverse. Ces derniers sont autant capables de limiter l’ampleur d’un tremblement de terre ou d’une éruption par leur maîtrise, que de les provoquer par leur manque de contrôle. Pour cette raison, les orogènes (plus communément désignés sous le nom de « gêneurs ») sont craints et haïs par tous, au point d’être victimes de véritables lynchages lorsque l’un d’entre eux est identifié dans une communauté (leurs pouvoirs sont difficilement détectables si bien qu’il est impossible de les identifier tant qu’ils ne les exercent pas de manière visible). Le seul endroit où les orogènes peuvent vivre dans une relative sécurité est à Lumen, capitale de l’empire Sanze, au sein du Fulcrum, un centre d’apprentissage destiné aux « gêneurs » que l’on forme à contrôler et utiliser leurs pouvoirs. Les trois protagonistes sont donc des orogènes. La première Essun, voit sa vie basculer lorsqu’elle rentre chez elle et découvre sa fille enlevée et son fils mort, roué de coups par son père après que celui-ci ait compris que sa femme (et donc leurs deux enfants) étaient des orogènes. Bien décidée à se venger et à récupérer sa fille, la voilà qui quitte sa communauté pour entreprendre un dangereux voyage à la poursuite de son mari. La seconde, Syénite est une élève du Fulcrum qui est parvenue à monter peu à peu dans la hiérarchie et à qui on confie une mission à mener hors des murs de l’enceinte : libérer le port d’une ville côtière du corail qui empêche sa bonne utilisation. A priori rien de bien sorcier, sauf que le compagnon de route qu’on va lui imposer va totalement bouleverser sa vision du Fulcrum et de leur situation. Enfin, la dernière, Damaya, est une petite fille dont la famille vient de réaliser qu’elle est une orogène et qui, pour éviter que la communauté ne la tue, fait appel à un Gardien, un membre du Fulcrum chargé d’encadrer les « gêneurs » et de les conduire à Lumen. Le roman alterne entre le récit des unes et des autres de manière classique, avec une particularité dans le cas d’Essun puisque ses chapitres sont écrits à la deuxième personne du pluriel quand les deux autres sont rédigés à la troisième du singulier.



Avec deux paragraphes nécessaires rien que pour exposer (brièvement !) les faits, vous vous doutez bien que le roman se révèle particulièrement dense. Difficile d’ailleurs de le classer dans une quelconque catégorie tant il emprunte à différents courants. Ainsi, si l’aspect post-apo saute aux yeux dans la mesure où l’action prend place « après la fin du monde », le fait que l’on ne reconnaisse absolument rien de notre monde, ni sa géographie, ni son fonctionnement, ni son histoire, pourrait tout à fait nous inciter à croire qu’on se trouve dans un univers de fantasy à part. Un univers qui, il est vrai, se révèle classique par certains aspects, à commencer par ces individus dotés de pouvoirs et persécutés à cause de leur différence (le parallèle avec X-men est tentant, même si, dans le cas présent, l’autrice prend soin d’expliquer comment fonctionnent les capacités surnaturelles de ses personnages). Le roman fait cela dit aussi preuve de beaucoup d’originalité et se révèle particulièrement bien construit. L’autrice court en effet le risque d’entretenir pendant quelque temps la confusion du lecteur en le laissant dans le flou concernant la plupart des règles qui régissent ce nouveau monde, tout en en dévoilant suffisamment pour éveiller sa curiosité et lui apporter quelques repères. De nombreux aspects restent ainsi en suspens pendant une bonne partie du roman, avant que des éclaircissements ne viennent peu à peu expliquer, complexifier ou enrichir. L’autrice n’a également pas son pareil pour donner de la consistance à son univers grâce à une multitude de petits éléments qui pourraient paraître anodins mais qui permettent de mieux comprendre l’organisation sociale mise en place (avec les noms d’usage par exemple et la classification des individus en fonction de leurs capacités : Reproducteur, Dirigeant, Costaud…), ou le fonctionnement du Fulcrum (les différents « grades », les particularités des lieux…), ou encore l’histoire du Fixe, ce continent traversé siècle après siècle par des « saisons » de plus ou moins grande intensité et avec lesquelles les humains doivent composer. La menace omniprésente représentée par ces « saisons » participe à instaurer une ambiance « survivaliste », puisque toutes les ressources et toutes les décisions prises par les communautés visent à se prémunir contre la prochaine catastrophe. Cette inéluctabilité n’est évidemment pas propice à l’instauration d’un climat de confiance et de solidarité, aussi a-t-on affaire à un monde cruel, régit par des principes de bases et une doctrine (la lithomnésie) qui ne laisse aucune chance aux faibles.



Un univers passionnant ne sert toutefois pas à grand-chose si les personnages ne sont pas eux aussi à la hauteur, et, là encore, N. K. Jemisin ne déçoit pas. Car qu’on ne s’y trompe pas : même si l’autrice prend bien soin d’exposer en détail les spécificités de son univers (et elles sont nombreuses !), elle ne perd pour autant jamais de vue le coeur de son récit, à savoir le parcours de ces trois héroïnes. Et quelles héroïnes ! Une fillette abandonnée par les siens, une jeune femme qui voit son avenir lui échapper, et une mère meurtrie : trois femmes torturées, abîmées par la vie, vulnérables et pourtant tellement fortes. L’autrice signe ici trois portraits absolument bouleversants qui ne peut que susciter l’attachement immédiat du lecteur. L’identification avec Essun est d’ailleurs d’autant plus renforcé par l’utilisation du « vous » qui créé un lien plus étroit encore avec le lecteur. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, qu’ils aient un rôle positif ou négatif auprès des protagonistes. Albâtre, un orogène ayant atteint de plus haut degré de maîtrise du Fulcrum et rongé par toutes les horreurs dont il a été témoin, est sans aucun doute le plus marquant et le plus bouleversant de tous, mais on s’attache aussi à Hoa, l’étrange petit garçon qui va s’attacher aux pas d’Essun, tandis qu’on ne peut s’empêcher d’être pris d’une fascination presque malsaine pour le redoutable Gardien Schaffa. Cet attachement que l’on porte aux personnages rend d’autant plus douloureuses les épreuves qu’ils ont à traverser. Le roman est résolument sombre, presque désespérant par moment, et comporte des scènes à vous retourner l’estomac ou vous briser le cœur. Une scène de torture, en particulier, est difficile à supporter, mais la disparition d’être chers aux héroïnes est également vécue comme un vrai déchirement. Cela peut parfois mettre le lecteur mal à l’aise, voire lui donner envie de reposer le livre pour se mettre en PLS, d’autant que l’autrice n’offre pour le moment aucune lueur d’espoir (ce serait même l’inverse). Il serait néanmoins dommage de renoncer à découvrir cet univers et ces personnages qui valent incontestablement le détour, de même que la construction du roman. Celle-ci figure en effet parmi les (nombreux) points forts de l’ouvrage, puisqu’elle permet à l’autrice d’enchaîner les retournements de situation totalement inattendus, soit parce qu’ils rebattent totalement les cartes, soit parce qu’ils nous amènent à voir les personnages différemment.



Avec ce premier tome des « Livres de la Terre fracturée », Nora K. Jemisin signe un roman remarquable qui vous laisse à la fois émerveillé et abasourdi. L’univers mis en scène est captivant (et n’a pas encore livré tous ses secrets), mais ce sont surtout les personnages et la construction du roman qui témoignent le mieux du talent de l’autrice qui possède un talent de conteuse incroyable. Nul doute que la suite sera du même acabit, aussi ai-je hâte de m’y atteler. Une pépite, à découvrir absolument !
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
Commenter  J’apprécie          370
La trilogie de l'héritage, tome 1 : Les cent ..

Les Cent Mille Royaumes (The Hundred Thousand Kingdoms) est un roman de fantasy de l'écrivaine afro-américaine N.K. Jemisin publié en 2010. Il est le premier tome de la Trilogie de l'héritage (avec Les Royaumes déchus et le Royaume des dieux)

Ce roman a reçu le prix Locus du meilleur roman en 2011.



Cette trilogie est depuis très longtemps dans ma Pal. le challenge multi-auteures de la SFFF a été l'occasion de le découvrir. Fifrildi me l'a choisi comme pioche de fin d'année. Et ce fut une bonne pioche.

C'est l'histoire de Yeine, jeune ennu (chef) du peuple Darène et aussi la petite-fille de Dekerta, dirigeant suprême des Cent mille royaume. Il appartient à la famille Araméris qui tient sa légitimité d'Itempas, le dieu de l'ordre et de la lumière en opposition à Nahadoth dieu de l'ombre et du changement. Ce dernier s'est retrouvé prisonnier de lui-même depuis la fin de la guerre des dieux. Trois dieux principaux sont nés du Maelstrom, Nahadoth l'aîné, puis Itempas et leur soeur Enefa.

C'est Yeine qui faisant irruption sur la scène politique en tant qu'héritière de son grand-père face à ses deux cousins aussi pourris l'un que l'autre, va donner un grand coup de pied dans la fourmilière.

Jeune femme, guerrière, formée par un peuple matriarcal, Yeine ne trouve pas sa place parmi les Arameris dont sa mère est issue. Mais justement ce métissage fera que les dieux eux-même se remettront en question.

L'auteur nous créée une histoire centralisée dans une grande ville Ciel fief des Araméris, qui les met à part des autres habitants du monde. Ils régissent le reste du monde avec tout leur mépris et leur hauteur.

Mais ce sont les dieux les véritables protagonistes de cette histoire. Avec un Nahadoth versatile, changeant et charismatique au possible ainsi que Sieh son fils, très touchant, affectueux et parfois cruel tel l'éternel enfant qu'il représente. Tous deux très attachés à Yeine pour ce qu'elle représente. Mais je ne vous en dirai pas plus !!! ;-)

N.K. Jemisin a une belle écriture, la structure du roman et son style donne une bonne dynamique. A la fois, fantasy, guerre de pouvoir, amour, cosmologie, ce roman fut un très bon moment de lecture. Les deux autres tomes feront partis de mes lectures 2021
Commenter  J’apprécie          367
Les livres de la terre fracturée, tome 1 : La..

Oeuvre se situant entre SF et Fantasy que je ne tenterai même pas de résumer, tant l’univers décrit est « Autre », imprégné de ce « sense of wonder » qu’on ne rencontre plus que rarement dans la production SFFF récente.

Il est vrai que pénétrer (abasourdi) dans et sur La Terre fracturée a exigé un peu d’effort, or, dès que j’avais -réellement- fait connaissance avec les personnages principaux féminins de cette histoire, j’étais entraînée dans leurs récits et leurs vécus... douloureux.

Ces femmes ne possèdent pas seulement un très fort caractère (caractères que je ne développe pas parce que je ne veux pas « spoiler » la vérité cachée derrière leurs personnalités)... mais également un grand pouvoir de « magie lithosphèrique », ressenti comme une menace par les habitants « normaux » de ce continent continuellement secoué par des séismes et éruptions volcaniques.



L’auteure dévoile avec talent, et très progressivement, l’histoire et les configurations sociétales directement liées à la structure géographique de ce monde minéral et... violent. Violence qui découle d’un constant mobilisme tectonique, d’une société de communautés perpétuellement en alerte et en mouvement et la politique discriminatoire d’une caste dirigeante ayant su tirer profit de légendes « historiques ».



J’ai autant apprécié ce dévoilement progressif, (assimilant ainsi plus aisément les étrangetés et comportements parfois étonnants des personnages principaux) que les thèmes abordés... la différence (si préjudiciable !), la quête de l’identité (féminin) et l’espoir de liberté... un jour... peut-être.

L’autre « force » de ce texte réside dans l’écriture, travaillée, ciselée et parfaitement maîtrisée.

Un coup de coeur pour ce Prix Hugo 2016.

Commenter  J’apprécie          350
La trilogie de l'héritage, tome 1 : Les cent ..

L’auteur afro-américaine Nora Keita Jemisin se lance dans une trilogie fantasy dont le 1er tome présente des allures de Dallas fantasy, donc a forcément "Les Princes d’Ambre" de Roger Zelazny dans le rétroviseur. Mais les vibes ne sont pas du tout les mêmes puisqu’on remplace l’anti-héros Corwin par une ado rebelle YA à la "Hunger Games", "Divergente" et cie… (d’ailleurs la relation Yeine / Dekarta présente de faux aire de la relation Katniss / Coriolanus Snow)





Depuis le coup d’Etat d’Itempas le Lumineux, qui lors de la Guerre des Dieux tua sa sœur la Déesse de l’Aube et du Crépuscule et qui asservit son frère le Seigneur de la Nuit, ses adorateurs arameris règnent sur le monde depuis le Palais de Ciel qui flottent majestueusement dans les cieux… Mais nous sommes dans la fin de règne du patriarche Dekarta Aremeri, et la sa petite-fille métisse Yeine est appelée à Ciel pour être intronisée héritière aux côté de son oncle Relad et de sa tante Scimina… A la fin il n’en restera qu’un, mais cette dernière n’a qu’une idée en tête : découvrir qui a assassiné sa mère Kinneth et assouvir sa vengeance ! Princesse rebelle métisse ou Emily Thorne afro-américaine (remember la série télé "Revenge" ^^) ?

On sent que l’auteure veut dire beaucoup de choses : le pays de Darrène d’où est originaire l’héroïne est clairement une Afrique revisitée (d’ailleurs elle utilise les langues africaines pour le naming et ses citations "VO" ^^). La Guerre des Dieux, c’est la victoire du monothéisme occidental sur le polythéisme africain, Ciel c’est la Maison Blanche, le Consortium des nobles c’est l’ONU et dès qu’un des 100000 royaumes n’obéit pas on lui tape dessus directement ou indirectement. C’est un New World Order dans lequel les dieux asservis s’occupent des OPérations Extérieurs, voire remplissent le rôle d’Armes de Destruction Massive. Les Arameris suprématistes veulent le pouvoir mais pas les responsabilités qui vont avec : c’est tout naturellement qu’ils ont des armées de subordonnés pour gouverner à leur place, car rien ne peut se faire contre eux ou sans… Bref, d’insupportables « gendarmes du monde ».

Ciel lui-même à avec ses dirigeants, ses courtisans et ses intrigants flatteurs ou pédants est un archétype de lieu de pouvoir à la Versailles, mais avec ses nobles sang-purs, ses domestiques demi-sangs et ses travailleurs quarterons, on sent bien qu’on est dans une plantation du Vieux Sud. D’ailleurs l’auteure met les relations entre maître et esclaves au cœur de son roman, les passages à Ciel permettent d’évoquer le racisme et la ségrégation tout comme le métissage, et les passages au Darrène permettent d’évoquer les thèmes de l’acculturation, de la déculturation et de la contre-acculturation tout comme ceux du tribalisme et les loyautés ethniques…



Tout cela est très intéressant, mais le roman reste trop court pour développe l’univers et les thèmes qui lui sont propre. Mais surtout, l’ensemble reste très girly… Les apartés déco, mode et maquillage ne sont pas prégnants, et la relation fille-mère entre Yeine et Kinneth est bien développée (même si on s’attarde sur les problèmes de mariage, de maternité et de grossesse). Par contre je ne suis jamais arrivé à situer l’âge et la maturité de Yeine qui ressent de l’attirance sexuelle pour Nahadoth et de l’amour maternelle pour Sieh. Si on lit entre lignes, on aperçoit les thématique du viol, inceste et pédophilie y compris, de l’esclavage sexuelle, des mutilations génitales, mais au final l’héroïne en pince immédiatement pour le mâle alpha bad boy contre lequel tout le monde y compris lui-même la mette en garde… J’ai été obligé de lire en diagonale car passé un cap Yeine ne s’intéresse plus ni à sa vengeance, ni à la protection de son pays, ni même à sa propre survie alors qu’elle n’a plus qu’une semaine à vivre… Non, ce qui l’intéresse c’est sa romance charnelle avec le Seigneur de la Nuit qui lui propose de la chevaucher 24 heures d’affilée, d’où la multiplication des scènes de cul parfois assez étranges (les Japonais diraient « hentai »)… Je ne sais pas si on est plus proche du "Dit de la terre plate" de Tanih Lee ou des "Joyaux noirs" d’Ann Bishop, mais soupirs quoi… (L’auteure n’est pas dupe en plus : cahier des charges ou fanservice pour le public cible ?).

Ce qui m’a enquiquiné aussi, c’est que Yeine se croit unique et spéciale, est persuadée d’avoir raison et tous les autres torts, d’avoir des valeurs morales et les autres aucune (syndrome de l’ado cabocharde ?). Bref, elle est pleine de certitudes, sûre de sa force et de son intelligence, alors qu’en fait elle se fait rouler dans la farine par à peu près tout le monde et ne voit jamais venir les manipulations et les trahisons des différentes factions de Ciel. Ainsi jusqu’à la fin elle accuse son grand-père d’avoir empoisonné sa mère alors qu’en fait SPOILER. Le fait qu’elle soit à côte de la plaque sur l’assassin et son mobile est assez signifiant : à aucun moment elle pose les bonnes questions aux bonnes personnes (elle ne se pose pas trop de questions en fait ^^). De la même manière, sa tante Scimina veut sa peau, ou la faire souffrir elle et tout ce à quoi elle tient, bref une caricature grimdark de méchante de shojo, pétasse narcissique cruel et sadique à souhait, mais à aucun moment du roman elle ne songe à se tourner vers son oncle Relad ou pour s’allier ou pour jouer l’un contre l’autre… Pourquoi ? Parce que Relad est un mâle, ou plutôt il n’est pas un mâle alpha, donc un gros naze… Soupirs quoi…





Heureusement que le dénouement entre apothéose et apocalypse, inspiré des mythologies et des cosmogonies africaines, rattrape vraiment bien le tout, parce que même si je ne fais pas partie du public visé j’aurais quand même bien ragé… Le roman peut se lire indépendamment puisque le destin de Yeine se termine ici (d’ailleurs le roman tout entier est presque une analepse, la narration à la 1ère personne lui permettant de reconstituer les événements qui l’ont conduite à ce dénouement). L’équilibre est rétabli au ciel certes, mais la tempête du changement souffle sur les royaumes des hommes : l’auteur continue donc d’explorer son univers et ses thématiques avec d’autres personnages dans les tomes suivantes de son cycle.
Commenter  J’apprécie          351
Némésis de la cité

Le premier assaut de la cité lovecraftienne a été repoussé par New York et ses différents quartiers. Euh.. vous ignorez que dans Mégapoles de N.K. Jemisin les grandes villes ont en quelque sorte une âme et s’incarnent dans des avatars humains ? Arrêtez là votre lecture de cette chronique et allez vite lire celle de Genèse de la cité qui constitue le premier volume indispensable de ce diptyque. Si vous avez compris de quoi je parlais, vous pouvez découvrir la suite de mon avis juste après la couverture colorée de ce roman qui va vous secouer.



Les lecteurices attentifs auront remarqué que j’ai parlé de diptyque à propos de Mégapoles. Or, originellement, ce cycle devait se composer de trois romans. Mais, une fois de plus la Covid est passée par là. Et aussi, une réalité plus dingue que l’imagination. Pour la pandémie, inutile de revenir sur les dégâts qu’elle a causés. Y compris dans le domaine de l’imaginaire. Ces derniers temps, j’ai l’impression que nombre d’ouvrages qui sortent actuellement ont été touchés d’une manière ou d’une autre par les conséquences de ce phénomène mondial. Dernièrement, John Scalzi en a parlé dans La société protectrice des kaijus puisqu’il n’est pas parvenu à écrire le roman qu’il avait commencé ; Robert Jackson Bennett dans Les terres closes. Et à présent N.K. Jemisin qui est « passée dangereusement près de renoncer » à donner une suite à Genèse de la cité. La faute donc à cette saleté de virus, mais aussi à la réalité qui a rattrapé l’autrice. Elle imaginait faire intervenir « un président monstrueux » et « Trump est arrivé le premier ». Bon, on le sait, N.K. Jemisin n’est pas toujours une adepte de la nuance. Mais, elle a fini par se lancer dans la rédaction de ce finalement dernier volume de cette trilogie transformée en diptyque. Et sincèrement, je suis content qu’elle ait trouvé le courage de s’y mettre. D’autant que Némésis de la cité m’a paru meilleur que le précédent. Voyons en quoi.



Le premier tome avait présenté le contexte et le concept. Nous avions fait connaissance avec Niik, l’avatar de la ville de New York dans son intégralité. Mais aussi de Padmini (le Queens), Brooklyn (inutile de préciser), Manny (Manhattan), Bronca (le Bronx). Et Ainslyn, l’incarnation de Staten Island qui a choisi le camp de la cité ennemie de R’lyeh et sa si dangereuse Dame Blanche. Les cartes étant ainsi disposée, ce deuxième roman part directement en terrain connu et peut se contenter de régler la question de l’intrigue. Et pour ça, N.K. Jemisin est plutôt bonne. Pas de temps mort dans ce volume. On se dirige allègrement vers l’affrontement final que la Dame Blanche, comme tout bon méchant qui se respecte (voir Le Syndrome Magneto), appelle de ses vœux. Mais là aussi, j’ai trouvé l’autrice plutôt maligne. Elle nous conduit à la conclusion inévitable et assez attendue (pas de réelle surprise ici), mais évite le feu d’artifice grandiose et un peu lourd à digérer parfois (Robert Jackson Bennett, par exemple, n’a pas fait dans la dentelle dans Le Retour du hiérophante et encore moins dans Les terres closes). On a ce qu’il faut pour clore le diptyque en beauté, mais sans excès. Et ça, j’ai apprécié. Je pense tout de même que des spécialistes en effets spéciaux pourraient s’en donner à cœur joie s’ils devaient porter à l’écran cette œuvre. Car N.K. Jemisin nous offre de beaux moments et des images frappantes. Par exemple, quand chaque quartier se retrouve en danger et doit puiser dans son identité profonde, en extirper un concept capable de blesser et de repousser l’Ennemie. De bonnes trouvailles et des moments pleins de peps.



J’ai apprécié également la tonalité de chaque personnage. La traductrice émérite, Michelle Charrier, a dû bien s’amuser pour retranscrire au plus près les particularités linguistiques et les tics verbaux de chacun d’entre eux. Cela ressort plutôt bien en français, mais j’adorerais être bilingue et lire cela en V.O. L’effet doit être plus fort, plus saisissant.



Enfin, l’outrance du premier volume est un peu moins forte et passe plus facilement ici. Les mâles blancs hétéros etc sont toujours en immense minorité dans les personnages représentés. Et quand ils apparaissent, c’est plutôt du côté des méchants. Mais les attaques sont un peu moins caricaturales et cela devrait passer plus facilement pour certains lecteurs qui se sont sentis agressés par Genèse de la cité. Rassurez-vous, N.K. Jemisin n’a pas limé ses griffes et ça vole encore en direction des racistes, sexistes et autres « istes » persuadés d’avoir le bon droit pour eux quand ils gardent dans leur besace le meilleur et ne comprennent pas pourquoi les autres protestent. Les héroïnes et héros ne correspondent définitivement pas à ceux des bouquins et films des années cinquante du siècle précédent. Mais ils sont tout aussi attachants, sinon plus. Et l’autrice leur donne une vie, une force d’enfer. Impossible d’y rester indifférent. En tout cas, moi, j’ai accroché dès les premières pages et n’ai pas lâché l’affaire avant les remerciements.



Passer d’une trilogie à un diptyque n’a finalement peut-être pas été une si mauvaise affaire pour nous. N.K. Jemisin a resserré son intrigue, allant à l’essentiel, gagnant en rythme et en efficacité. Résultat, un roman qui se lit d’une traite et qui clôt les arcs narratifs ouverts dans le premier volume. Et des moments de grande jouissance devant les saines colères de certains avatars confrontés à l’injustice de notre monde. Surtout quand ils répliquent avec leurs nouvelles armes. Tremblez, faquins, New York arrive !
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          340
How Long 'til Black Future Month?

J'ai lu The Ones Who Stay and Fight, une nouvelle de Jemisin que l'on peut retrouver dans ce recueil, ou bien gratuitement ici (en anglais) :

https://www.lightspeedmagazine.com/fiction/the-ones-who-stay-and-fighth



Il s'agit (encore) d'une réponse à "Ceux qui partent d'Omelas" de Ursula Le Guin, que l'on peut trouver ici en français:

https://monsieurphi.com/2020/01/03/ceux-qui-partent-domelas-ursula-k-le-guin/



Encore une fois, c'est une expérience de pensée philosophique sous le couvert d'une nouvelle de science fiction.



Encore une fois, c'est excellent!



Plutôt qu'une ville utopique où un enfant est torturé pour le bonheur de tous, on a ici une ville utopique où cela n'est pas nécessaire. Mais cette ville à aussi des appareils qui lui permettent d'entendre la radio et la télévision de notre monde et les autorités (des travailleurs sociaux) se demandent : peut-on empêcher leur haine de déferler chez nous? Et à quel prix?
Commenter  J’apprécie          300
Les livres de la terre fracturée, tome 1 : La..

Un avis délicat à formuler tant ce livre m'a retourné le cerveau !!

Certaines scènes, notamment au début, sont assez difficiles à supporter, il vaut mieux être prévenu. La construction en trois parties dans lesquelles on va suivre trois personnages féminins d'âge et de caractère différents et leur entremêlement rend le récit dynamique. Le lien entre ces trois femmes une fois révélé... comment dire c'est juste un tour de force extraordinaire de la part de l'autrice. Tout s'imbrique merveilleusement.

Le style est tout simplement magique et complètement immersif. Les descriptions de cet univers dévasté, des différentes sociétés qui y vivent, la religion, les groupes sociaux, les interactions, les capacités psychiques des fameux Orogènes et le lien de ces femmes avec les autres personnages, antagonistes ou non. Tout est merveilleusement dosé, pensé. Il y a des phrases incroyables, dignes de superbes citations.

Découvert en version audio, je vais me le procurer en physique pour pouvoir le relire, l'annoter, le décortiquer. Et surtout m'empresser de lire les tomes suivants après cette fin qui laisse un suspense incroyable.

Un vrai coup de coeur !!!
Commenter  J’apprécie          247
Far Sector

Je n'ai jamais aimé les Green Lanterns. J'ai essayé. J'ai passé une partie de novembre/décembre 2021 à lire les comics des listes des "meilleures histoires de Green Lantern".



Rien n'y a fait.



Et là je vois que Jemisin, la brillantissime autrice de SF, vient d'en publier une. Je devais essayer. Et c'était absolument brillant. Une excellente première lecture de 2022.



Far Sector, donc, est une histoire plutôt détachée de l'univers DC. Le titre le dit, ça se déroule dans le recoin le plus éloigné de la galaxie. On y suit la lantern Mullein, qui en est à sa première mission.



Le lieu : Une planète où, après des milliers d'années de guerres à échelle apocalyptique, les différentes races ont convenu de s'installer des puces mentales pour bloquer toute forme de sentiment.



La mission : Résoudre le premier meurtre qui y a lieu depuis des siècles. Causé, croit-on, par une nouvelle drogue qui inhibe la puce et permet de vivre ses émotions.



On y parle de justice sociale, de justice raciale. Du fait que les plus puissants vont toujours utiliser les émotions des plus vulnérables pour les décrédibiliser. Les puissants ont toujours le monopole de la raison.



On y parle de paix. Paix qui, pour les plus vulnérables, est un processus de réconciliation et de reconstruction. Paix qui, pour les plus puissants, ne signifie que l'absence de conflit par la force.



Ajoutez à cela des éléments cyberpunk plutôt disjonctés, des illustrations magnifiques et l'ébauche d'une "philosophie des memes". Le résultat est une grande BD.
Commenter  J’apprécie          230
Les livres de la terre fracturée, tome 2 : La..

Presque aussi bon que La cinquième saison



Lu en VO en raison du prix très élevé de la version électronique française (87 % de la version physique, à comparer avec les 45-50 % pratiqués par Bragelonne et l'Atalante).



La porte de cristal est le second tome de la trilogie Les livres de la Terre fracturée, après La cinquième saison. Comme son prédécesseur, il a obtenu le prix Hugo, et deux consécutifs pour un même auteur, deux années successives et pour les bouquins d’un même cycle, ça n’arrive tout de même pas tous les quatre matins. Et quand on sait que le tome 3 est également nominé cette année… Même si ce deuxième opus, donc, a été couronné à l’égal du premier, on peut tout de même légitimement se demander s’il est du même niveau de qualité (le tome intermédiaire d’une trilogie étant rarement à la hauteur des deux autres). La réponse est, de mon point de vue, oui, ce qui est d’autant plus remarquable que cette fois, l’auteure ne bénéficie pas de l’effet de surprise, puisque nous connaissons déjà l’univers, qui, à mon sens, constituait un des points forts (mais pas le seul et peut-être pas le principal) de La cinquième saison.



Attention : si vous n’avez pas encore lu le tome 1, il est possible que ce qui suit contienne des spoilers sur l’intrigue de ce dernier.



Situation, structure, personnages



Nous allons, cette fois encore, suivre trois personnages, deux de façon majoritaire, et le troisième essentiellement par les yeux d’un des deux premiers. Le point de vue minoritaire est celui du Gardien Schaffa, qui, suite aux événements du tome 1, n’est plus tout à fait le même, et les deux majeurs sont ceux d’Essun, d’une part, et de sa fille Nassun, d’autre part.



Alors qu’une cinquième saison vient de se déclencher (suite aux actions de vous-savez-qui), et que, d’après Essun, elle durera dix-mille ans, notre héroïne s’installe à Castrima, la comm souterraine abritée dans une géode géante dont les systèmes de ventilation, d’éclairage ou de plomberie sont alimentés par l’orogénie, et dont la simple survie dépend d’une zone de calme sismique impulsée par les orogènes. Dans une civilisation où ces derniers sont tués dès que leur nature est découverte par les Fixes, Castrima fait donc figure d’exception, d’utopie, dont on verra qu’elle se révélera plus théorique ou metastable que réelle et pérenne. C’est une inversion des archétypes installés dans le tome 1 : ici, les Orogènes ne veulent pas quitter les Fixes, fuir ailleurs à la première occasion. Et plus on va avancer dans le roman, et plus Essun va assumer un rôle de leader, des orogènes d’abord, mais pas que.



Pendant les trois premiers quarts, en gros, Essun va cependant se faire en partie voler la vedette par sa fille, Nassun, dont on découvre l’odyssée aux côtés de son père, après qu’il ait massacré son petit frère en découvrant que c’était un Orogène. Il va ensuite la conduire dans une lointaine comm antarctique, où se trouveraient des gens capables de supprimer l’orogénie. La jeune fille (nous la suivons de 9 à 11 ans) se révèle très intéressante, notamment dans la façon dont elle est tiraillée entre ses sentiments pour ses parents et les nécessités de la survie en tant qu’Orogène en pleine Saison, et aux mains de quelqu’un (son propre père) prompt à tuer les personnes dans son genre.



L’évolution d’Essun est, dans un genre différent, également très intéressante : n’étant plus focalisée sur la traque de sa fille, dont elle a perdu la trace, elle s’implique dans la vie politique de sa comm d’adoption, devenant la figure de proue des orogènes. A cette occasion, pour défendre son « peuple », elle montrera un côté encore plus déterminé et impitoyable que celui qu’on lui connaissait déjà, se transformant en quasi-dictateur à deux doigts de régner par la terreur et le meurtre, un peu dans une perspective mais vous allez finir par vous aimer les uns les autres, bordel de merde… 😀



Signalons que les flashbacks sont minoritaires (un chapitre pour Schaffa, un ou deux pour Nassun, de mémoire, dont un qui nous explique pourquoi Jija a tué son fils mais épargné sa fille), et que l’intrigue s’étend sur quelque chose comme deux ans. Et bien sûr, qui dit moins d’aller-retours entre points de vue et temporalités dit roman plus simple et fluide à lire.



On retrouve aussi d’autres personnages issus du tome précédent (Tonkee, Hoa, Antimoine, Albâtre, Schaffa, etc), ainsi que de nouveaux qui font leur apparition dans celui-ci.



Genre et world- / magic-building



Malgré le fait que N.K. Jemisin présentait le tome 1 comme une oeuvre de Fantasy, à la lecture, on avait plus l’impression d’être au minimum dans de la science-fantasy, et peut-être même de la SF post-apocalyptique déguisée. De plus, les facultés des orogènes semblaient relever au moins autant d’un pouvoir type super-héroïque que de sorcellerie classique, ce qui fait qu’il était difficile de se faire une idée.



Ce tome 2 apporte plus de réponses, parle explicitement de magie en parallèle de l’Orogénie, clarifie la nature des Obélisques, celle des Gardiens (qui sont au centre de l’intrigue, et c’est tout ce que je dirais à ce sujet), des Mangeurs de pierre, explique l’absence de Lune dans le ciel, les causes des saisons, nous montre un faible aperçu de civilisations très anciennes, bref répond à pas mal de questions. Sauf que… d’une part les réponses apportées entraînent bien plus de nouvelles interrogations que celles qu’elles résolvent, et que je me demande dans quelle mesure certaines révélations ou explications sont fiables, et dans quelle mesure l’auteure ne cherche pas à nous mener en bateau pour mieux nous surprendre dans le tome 3.



Intrigue, thématiques



Les deux points de vue principaux sont assez opposés : alors qu’Essun est statique (elle ne bouge pas de Castrima de tout le bouquin), Nassun va parcourir tout le chemin de Tirimo, sa comm natale, jusqu’à une comm antarctique. Les deux vont cependant devoir faire face au racisme anti-orogènes, développer de nouveaux et spectaculaires pouvoirs et, à la fin, faire preuve d’une résolution sans faille, sanglante et impitoyable dans le but d’atteindre leurs objectifs.



Si le racisme reste au centre des thématiques, il est aussi rejoint par le coming-out et la façon de coexister avec des gens qui méprisent tout ce que vous êtes : Jija considère que l’Orogénie de sa fille est une maladie, dont il recherche le traitement sur la moitié d’un super-continent de la taille de la Pangée. Dans un miroir du coming-out d’un homosexuel ou d’une personne atteinte du SIDA, il n’accepte pas sa nature ou son état, allant même jusqu’à recourir à la violence contre la chair de sa chair. Une phrase est très significative : il déclare « je veux retrouver ma petite fille », ce à quoi, craignant les coups, voire la mort, Nassun se garde bien de répondre à haute voix, mais pense pourtant « je ne suis allée nulle part ». Traduction : l’orogénie fait partie de moi, que tu le veuilles ou non, et le fait que tu la conçoives comme une abomination n’enlève rien au fait que je suis ta fille et toujours la même personne que tu as autrefois aimée. Mais le dégoût n’est pas le seul facteur qui entre en compte : j’avais déjà relevé des convergences avec le traitement des Mutants chez Marvel, mais là aussi, c’est la peur du père des pouvoirs de son enfant qui l’empêche de l’aimer.



La dynamique de la façon dont Nassun considère ses parents est d’ailleurs fascinante : elle déteste, au début, sa mère pour sa dureté, voire ce qu’elle perçoit comme de la cruauté, mais idolâtre son père, malgré les regards ou actes meurtriers qu’il est susceptible de lui jeter à la figure du simple fait de sa nature d’orogène, bref quelque chose qu’elle n’a pas choisi et qui n’est pas sous son contrôle. Et plus le livre avance, plus elle est conduite à reconsidérer ces paradigmes, notamment lorsqu’elle considère son mentor dans la comm antarctique comme un père de substitution l’aimant bien plus sincèrement, pour ce qu’elle est et pas ce qu’il voudrait qu’elle soit (ou pas), tout ce qu’elle est, que son véritable géniteur. Un Jija qui, d’ailleurs, présente lui aussi une évolution psychologique, schizophrénique, même, fascinante.



Si le survivalisme était déjà bien présent dans La cinquième saison, il passe ici une vitesse de plus : la saison est bel et bien là, et la Loi saisonnière est appliquée sans états d’âme. Celui qui ne veut pas participer aux travaux nécessaires à la vie de la communauté, ou qui sabote les installations vitales de celle-ci, est puni sans pitié. On ne peut pas, de plus, être enceinte sans permission, car un bébé met des années à être d’une quelconque utilité à la communauté, un temps pendant lequel il consomme, au contraire, des ressources vitales pour des éléments productifs. Si la viande vient à manquer, le cannibalisme sera pratiqué parce que c’est nécessaire. Il est vraiment fascinant de voir à quelles extrémités ces comms sont prêtes à aller pour assurer la survie d’un fragment de race humaine alors que les pluies acides tombent, que le ciel est d’un gris incessant torpillant la photosynthèse, alors que les changements climatiques et géophysiques catalysent des transformations meurtrières chez certains animaux, alors qu’un nouvel empire Sanze pille les ressources de toutes les comms trop faibles pour résister à des armées fortes de centaines de soldats qui, de plus, pratiquent un impitoyable eugénisme. Un comportement qui se conjugue donc à l’impérialisme d’une cité mineure soudain propulsée sur le devant de la scène historique par les actions du responsable de la saison en cours.



Et c’est d’ailleurs là un des autres thèmes majeurs du livre : l’eugénisme est présent à de multiples niveaux, qu’il s’agisse de celui pratiqué par les Gardiens, par les Fixes contre les Orogènes, par les Sanze contre ceux qui n’ont pas leur phénotype, par certains Mangeurs de pierre contre les humains.



Via l’entraînement qu’Albâtre fait subir à Essun, on aborde aussi la thématique de l’endoctrinement (du Fulcrum, ici), du formatage de la vision du monde conforme à une doctrine mais qui, du coup, prive une personne de tout un pan d’une réalité bien plus riche, complexe.



Bref, nous avons là encore affaire à un roman qui est non seulement riche, mais qui, plus encore, est subtil dans sa façon de traiter les nombreuses et profondes questions de société abordées.



Globalement, je l’ai trouvé un tout petit peu moins prenant que son prédécesseur, dont la construction narrative très habile participait à l’intérêt. sans compter celui de la découverte d’un monde à la fois assez original et très minutieusement et astucieusement construit. Je dirais aussi que l’empathie est, à partir d’un certain point, moins forte pour Nassun, voire Essun, qu’elle ne l’était pour le trio de protagonistes dans le roman précédent. Toutefois, globalement, ce tome 2 est aussi intéressant, que ce soit sur le plan des réponses apportées sur le world-/magic-building, sur l’exploitation des thématiques ou même sur le plan de l’action et de la pyrotechnie. S’il n’y a pas à proprement parler de cliffhanger, certaines révélations nous font entrevoir un tome 3 passionnant, où la mère et la fille vont se retrouver alors qu’une grande absente va faire son spectaculaire retour.
Lien : https://lecultedapophis.com/..
Commenter  J’apprécie          220
Les livres de la terre fracturée, tome 1 : La..

L’histoire se déroule sur un continent unique, le Fixe. Quelques éléments disséminés ici et là, n’écartent pas la piste de la Terre, mais rien n’est moins sûr… En effet, le Fixe connaît une activité sismique et volcanique très importante, la tectonique des plaques travaille la planète dans ses tréfonds engendrant raz de marée, tsunamis, tremblements de terre, explosions des volcans. Pourtant, la vie existe. Hélas, le terrible Dieu local, Le Père Terre est régulièrement d’humeur massacrante, et déclenche une Cinquième Saison : un hiver apocalyptique.



Malgré les forces dévastatrices à l’œuvre les humains survivent d’épreuve en épreuve (ils sont coriaces ces bougres!). Proches de l’éradication lors des épisodes les plus durables, ils survivent en se regroupant en comm (pour communauté).



Les seules structures centralisées et continentales sont des lieux de savoir ou de maîtrise technique telle la 7° Université ou Le Fulcrum . Ces deux centres accueillent des étudiants afin de les former. Si l’université a un périmètre classique, ce n’est pas le cas du Fulcrum.



I



l existe une catégorie méprisée, tenue à l’écart, et souvent tuée en bas-âge : les orogénes. Leur tort : ils vivent en symbiose avec la terre.



Ce système de magie, à défaut de meilleur terme, est tout à fait original et captivant.



Les orogénes ressentent secousses, mouvements de terrain et points chauds. Rien d’extraordinaire en cela; non seulement ils y sont sensibles mais ils possèdent la capacité de puiser cette énergie pour la transformer. Quand un orogène adulte maîtrise son talent si particulier, il peut l’utiliser pour atténuer voire gommer des secousses, ou geler le carreau d’une arbalète; après tout, ce n’est qu’une transformation de l’énergie par la voie calorique…



L’enfance est bruit, joie et chamaillerie. Une période pour se découvrir. Un jeu un peu brutal, une raillerie ou une contrariété peut révéler un don caché, et mettre au ban de la comm les enfants ainsi découverts. Dans le meilleur des cas, ils sont recueillis par le Fulcrum, dans le pire abattus sur place. Cette institution ne ressemble pas à un internat ou un orphelinat, le camp de redressement s’apparente davantage à la vie millimétrée et calibrée des élevés orogénes.



Ces artificiers de la terre ne sont pas les seuls possédant des aptitudes particulières. Ils sont encadrés par des Gardiens dotés d’un champ de nullité. Leur affectation à leurs pupilles s’opère dès le « recrutement » et pour la vie. Ils exercent un contrôle sur eux dès cet instant, et cette emprise tient à la fois de la manipulation que de la maltraitance psychologique (et physique).



L’auteur nous propose de suivre la vie de divers personnages. Une enfant, deux femmes, et un homme, pour l’essentiel. C’est surtout l’occasion de brosser les conditions de vie à différents stades et dans différentes conditions de l’orogéinité. L’enfant Damaya voit son secret découvert lors d’une chamaillerie, un Gardien la « recueille », commence son apprentissage entre douceur, prévenance et cruauté, et l’escorte jusqu’au Fulcrum où elle va poursuivre sa formation.



Si cette jeune fille, douée et solitaire nous évoque d’autres figures de la littérature (Hermione, par exemple), ce n’est pas le cas de Syénite, une jeune femme, 4 anneaux (hiérarchie propre au Fulcrum) entêtée, tout aussi solitaire, avec un potentiel très intéressant.



Son caractére est affirmé et acerbe, et bien qu’elle fasse profil bas au sein de cette institution, le lecteur sent un volcan qui couve sous les cendres. Une mission d’importance lui est confiée, doublée d’une requête précise. A son grand déplaisir, un mentor supervisera sa tâche, un 10 anneaux du nom d’Albâtre, et l’étalon qui doit lui donner un enfant… La double mission ne sera pas de tout repos (et pour cause), alors que tous deux se détestent au premier regard.



La dernière femme centrale du récit est Essun « vous« , qui vivez à Tirimo avec deux enfants et un mari, dissimulant votre différence… jusqu’au jour ou votre conjoint s’en aperçoit et massacre votre fils sous vos yeux…



Le récit alterne entre ces trois personnages principaux. La procédé narratif est habile, peu courant et peut surprendre initialement. Une fois plongé dans la lecture, et s’appropriant Essun, « vous« , l’immersion est totale; l’histoire est vécue avec les entrailles, les vôtres et celle de la terre. Il est évident que les trames possèdent une résonance entre elles, et qu’elles sont destinées à se rejoindre, mais le voyage en compagnie de ces tranches de vie éclaire le cas des orogéne avec précision et compassion.



Malgré leurs défauts, leurs caprices parfois, ils sont globalement attachants, voire très attachants, bien travaillés pour avoir de la consistance. Même les personnages secondaire gardent des traits de personnalité propres qui leur permettent de ne pas se fondre dans la masse des stéréotypes habituels.



La Cinquiéme saison est un roman captivant, proposant un univers torturé et une lutte pour exister savoureuse. L’auteur nous offre un récit alliant divertissement, frissons, et fond. Un prix Hugo mérité. L’envie de lire la suite est impérieuse…



Critique plus compléte sur mon blog
Lien : https://albdoblog.com/2017/0..
Commenter  J’apprécie          220
Les livres de la terre fracturée, tome 3 : Le..

Et voilà, l’heure est déjà venue de faire nos adieux à Essun, Nassun, Albâtre, Hoa et tous les autres. Récompensé comme ses prédécesseurs par le Prix Hugo (un sacré exploit), le troisième et dernier tome des « Livres de la Terre fracturée » s’est également vu décerner les Prix Locus et Nebula, soit trois des plus grandes distinctions qu’un ouvrage de SF ou de fantasy peut se voir attribuer. Un hommage amplement mérité pour ce qui concerne l’ensemble de la série, même si cet ultime opus est à mon sens le moins réussi. [Comme d’habitude lorsqu’il s’agit d’une suite, si vous n’avez pas encore eu l’occasion de lire les premiers tomes, je vous conseille de sauter ce paragraphe au risque de vous voir inévitablement révéler plusieurs pans de l’intrigue des précédents volumes.] L’action repart sur les chapeaux de roue après les événements marquants qui avaient mis un terme à « La porte de cristal ». On retrouve donc Essun et les Castrimiens sur la route, leur seule chance de survie résidant désormais dans un long périple devant les mener aux ruines de la cité de Rennanis, dont ils viennent de vaincre les anciens habitants. Seulement prendre la route en pleine Saison, même lorsqu’on possède un groupe nombreux, qui plus est composé de plusieurs orogènes, cela reste extrêmement périlleux, et tous ont bien conscience qu’ils risquent de subir d’énormes pertes. Essun, elle, a d’autres préoccupations en tête : outre les questions qui demeurent en suspens depuis qu’elle est parvenue à utiliser la puissance de la porte de cristal, c’est à nouveau le sort de sa fille qui la tourmente. Car si Nassun, qu’elle croyait perdue à jamais après avoir été enlevée par son père, est bel et bien toujours en vie, son sort paraît encore plus incertain que celui de sa mère. D’abord parce qu’elle vient de commettre un acte terrible qui la hantera toute sa vie. Ensuite parce qu’elle est désormais en compagnie d’un homme qu’Essun connaît bien et qu’elle a toutes les raisons de redouter. Et surtout, surtout, parce que la petite fille de dix ans fait preuve d’une maîtrise de l’orogénie absolument stupéfiante, au point de risquer de contrecarrer les plans de sa mère et l’avenir de l’humanité.



Nora Jemisin tient ici toutes ses promesses et s’attelle, page après page, à enfin apporter des réponses aux nombreuses interrogations qu’avait suscité la découverte de cette « Terre fracturée » et du mode de vie extrêmement rude de ses habitants. Pour se faire, l’autrice donne la parole à un « nouveau » (quoi que…) narrateur, qui nous permet d’avoir une vue plus globale de la situation et de comprendre comment les conditions de vie sur Terre ont pu se dégrader à ce point. Aux chapitres narrés à la troisième personne (Nassun), et à la seconde (Essun), viennent donc s’en intercaler d’autres, à la première cette fois. Ce retour au origine s’accompagne d’un grand nombre de précisions scientifiques assez poussées dont j’ai, pour ma part, eu beaucoup de difficulté à saisir le sens, ce qui explique sans doute pourquoi ce troisième opus m’a moins captivée que les précédents. Car cette complexité nuit à mon sens au récit, puisqu’elle a une incidence inévitable sur le rythme qui se fait ici beaucoup plus lent. Tout comme dans le précédent tome, force est de constater qu’il ne se passe pas énormément de choses dans cet ultime volume qui explique plus qu’il ne met en scène (contrairement au premier tome qui, lui, laissait les explications complètement de côté et nous plongeait directement au cœur de l’action, sans forcément nous fournir tous les codes dont nous avions besoin). Le roman comprend cela dit son lot de scènes marquantes, comme la traversée du désert par les Castrimiens, ou encore le voyage de Nassun en véhimal, si bien qu’il serait malgré tout erroné de parler d’ennui. Bien qu’on ne se lasse pas en suivant les pérégrinations de l’une et l’autre des héroïnes, on passe malgré tout une bonne partie du roman dans une posture d’attente. Or, les événements que l’on sait inévitables, et qu’on espère ou redoute depuis le premier tome, arrivent tardivement et se révèlent finalement assez courts, ce qui ne manque pas de susciter étonnement et frustration. La conclusion, pour logique et émouvante qu’elle soit, paraît ainsi un peu bâclée : tout s’arrête soudainement, alors qu’on aurait aimé avoir tellement de précisions sur l’impact des événements qui viennent de se produire, aussi bien sur la Terre en général que sur les personnages en particulier.



Cette légère déception concernant la conclusion de la série, elle s’explique aussi et surtout par l’attachement profond qu’on éprouve pour les personnages, et c’est pourquoi, malgré les défauts précédemment mentionnés, ce troisième tome nous fait malgré tout passer un excellent moment de lecture. Essun est en effet le genre d’héroïne qu’on oublie pas, non pas pour ses exploits ou des qualités exceptionnelles, mais au contraire pour ses failles et sa vulnérabilité. Que ce soit en tant qu’amie, amante, ou surtout en tant que mère, le personnage passe son temps à se tromper, à regretter, à souffrir, et puis à recommencer à avancer, de plus en plus abîmée par le vie mais aussi de moins en moins seule. Notre héroïne est en effet désormais entourée d’une sacrée galerie de personnages qui, eux aussi, laisseront pour longtemps leur marque dans l’imaginaire du lecteur (pour ma part je ne risque pas d’oublier Albâtre de sitôt, tant il est rare qu’un personnage de fiction me touche à ce point). Nassun, la fille d’Essun, est elle aussi remarquable, son jeune âge la rendant peut-être même encore plus attachante que sa mère. Difficile de ne pas être bouleversé par les épreuves endurées par la fillette, de même que par l’amour inconditionnel qu’elle en vient à éprouver pour Schaffa, ou encore par le profond sentiment d’injustice qu’elle en vient à développer. Il s’agit d’ailleurs d’un autre des gros points fort de la série qui aborde avec intelligence et subtilité des sujets aussi graves et complexes que le racisme, le génocide, mais aussi le rapport des humains à la vie et à la terre, ou les éléments qui fondent une communauté. Il convient également de saluer la qualité de la plume de l’autrice qui fait preuve de beaucoup de délicatesse pour nous dépeindre les sentiments de ses personnages, sans jamais tomber dans la sensiblerie ou le voyeurisme.



Bien que légèrement déçue par ce troisième et dernier tome, c’est avec une grande tristesse et l’impression d’avoir vécu une formidable aventure aux côtés de personnages inoubliables que je termine ma découverte de ces « Livres de la Terre fracturée », série incontournable pour tout lecteur d’imaginaire qui se respecte. Une référence, à lire et relire.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
Commenter  J’apprécie          210
Mégapoles, tome 1 : Genèse de la cité

N.K. Jemisin est connue pour sa trilogie des Livres de la Terre fracturée, dont chaque volume a reçu le prix Hugo. Pas mal, non ? Va-t-elle connaître le même succès avec sa nouvelle trilogie des Mégapoles ? Pas sûr. Car si la lecture du premier opus de cette série, Genèse de la cité n’est pas désagréable, elle souffre d’un côté un peu brouillon de la narration et de quelques lenteurs. Mais il ne faut pas s’arrêter à ces légers défauts. Ce roman cache pas mal de raisons de s’y plonger.



L’idée de base : les villes, quand elles parviennent à une certaine maturité (Taille ? Nombre d’habitants ? Cela reste peu clair), prennent vie, en quelque sorte. Elles deviennent une entité autonome, avec une volonté. Et elles ont besoin de s’incarner dans un être humain, pour se défendre surtout. Elles n’organisent pas un casting pour choisir leur représentant. Elles le choisissent sans lui demander son avis. Et c’est tout sauf anodin. Tout d’abord, cela se produit sans avis, sans préparation. Et peu à peu, les individus concernés comprennent que quelque chose à changé : ils se sentent différents, ont des visions, ressentent ce que vit la ville. Et le problème principal, c’est qu’ils n’ont pas le temps de s’habituer à cette nouvelle situation. Car un ennemi puissant rôde. Un de ces monstres gigantesques tout droit sortis de l’univers maladif d’H.P. Lovecraft. Des monstres atroces, au nom imprononçable, à la vue traumatisante et, bien sûr, aux tentacules nombreux. Pour eux, les nouvelles villes sont des colonisateurs en puissance, des meurtriers (pour comprendre les tenants et aboutissants, je vous laisse lire, histoire de ne pas trop divulgâcher) qu’il convient d’annihiler tant qu’elles ne sont pas encore trop puissantes. Ce roman est le récit de la naissance de la ville de New York et de son combat pour sa survie.



Pour enrichir son propos et mettre en lumière ses thèmes de prédilection, N.K. Jemisin ne donne pas à New York une seule incarnation, mais plusieurs : une pour la ville et une pour chaque quartier. Manhattan, bien sûr, le Bronx, le Queens, Brooklyn et Staten Island (que je ne connaissais pas et, d’après le roman, je ne suis pas le seul). Chacun est représenté par une personne typique de ses habitants, de ses modes de vie, de ses origines. Et c’est là que le bas blesse. Et c’est là que réside l’originalité et l’intérêt de Genèse de la Cité. Cette confrontation entre les différentes visions de la ville de New York. Tous ces habitants, venus (eux ou leur parents ou leurs grands-parents ou davantage encore) de pays plus ou moins lointains, aux cultures différentes, qui font le sel et la richesse de la cité, mais aussi l’origine de nombreux conflits : jalousies, rancœurs, justifiées ou non. Tout cela forme un terreau propice à la dissension et donc à la perte de puissance face à l’ennemi, fort et sûr de son bon droit.



C’est l’occasion pour l’autrice de mettre en avant la force des différences, mais, surtout, la place qu’on leur impose. N.K. Jemsisin se bat pour que les minorités (que ce soit de couleur de peau, de genre, d’orientation sexuelle, etc.) soient plus visibles et obtiennent des droits qui leur sont souvent refusés. Sa littérature n’est pas là que pour distraire (même si elle le fait très bien), elle est également là pour éveiller les consciences, nous montrer une situation qui nous crève les yeux, mais reste enfoncée sous les habitudes, car dérangeante. On peut trouver qu’elle en fait trop : les blancs sont quasiment tous des méchants, vendus à l’ennemi tentaculaires, des ordures qui n’hésitent pas à menacer, à humilier, à tabasser. Mais la mise en avant de toutes ces personnes cantonnées aux seconds rôles, mineurs, souvent détestables et enfermés dans des clichés, est salutaire. Cela rappelle le roman de Charles Yu, Chinatown, intérieur : l’auteur y met en scène l’enfermement des Américains d’origine asiatique dans des rôles préconçus et terriblement limités par une société aveugle, trop préoccupée par la couleur de la peau. Davantage que par les qualités personnelles.



Genèse de la Cité est un roman un peu trop long à démarrer, à mon goût, mais ensuite entraînant et vecteur d’un questionnement plutôt sain, à mon avis. Et, en plus, cela donne sacrément envie de visiter New York et ses quartiers si divers, que ce soit en personne (pour ça, il faudra attendre, car entre le Covid et le budget, ce n’est pas pour tout de suite) ou grâce à Internet et aux livres.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          202
Les livres de la terre fracturée, tome 3 : Le..

Relecture" audio mars 2023 : 3,5⭐ et même avis avec une approche facilitée par la lecture précédente mais avec le constat que si la compréhension n'est pas là il est très difficile de "relire" en audio !



💧 💧 💧



Ce qui est embêtant avec les séries c'est qu'en voulant faire un petit résumé du début du volume, on spoile le précédent ! Donc pas de résumé détaillé.



Essun a senti par les obélisques que sa fille Nessum est en vie et cherche à la retrouver et régler le problème de cette Cinquième Saison qui risque de durer des milliers d'années donc d'anéantir les humains quels qu'ils soient !



Ce volume devient plus « scientifique » mais à la façon de ce monde imaginé ! C'est une bonne chose parce que ça nous permet de comprendre la genèse de son état actuel mais ça complique grandement la compréhension du texte pour quelqu'un qui, comme moi, est une buse en sciences ! Mais comme j'ai cessé de me battre pour essayer de traduire, j'ai eu malgré tout une idée du pourquoi et du plaisir à voir venir le dénouement.



Chapeau l'auteure, à la lumière de mon faible savoir j'ai l'impression que ça tient la route. de plus la curiosité est attisée à chaque instant et fait qu'il est difficile de poser le livre. Une relecture sera nécessaire pour goûter toutes les subtilités de l'univers que N.K. Jemisin a créé !



CHALLENGE MULTI-DEFIS 2020

CHALLENGE PAVES 2020

CHALLENGE MAUVAIS GENRE 2020

Commenter  J’apprécie          200
Les livres de la terre fracturée, tome 1 : La..

En Résumé : J’ai passé un excellent moment de lecture avec ce roman qui nous offre un premier tome intelligent, percutant efficace et qui ne manque pas d’originalité. Déjà l’univers nous plonge sur une terre instable où des mouvements géologiques occasionnent des catastrophes plus ou moins graves. L’humanité se retrouve ainsi continuellement à s’adapter, avec peu de chances de survies. Au milieu de tout cela se trouve les orogènes, magiciens qui peuvent influencer ces mouvements géologiques. Un univers original, qui ne manque pas d’attrait et que l’auteur développe de façon efficace, captivante et maîtrisée. Mais surtout cet univers ne laisse pas indifférent que ce soit dans la façon dont il a évolué, dans son aspect politique comme dans son aspect social. On se retrouve ainsi à réfléchir et à se poser des questions comme par exemple sur les règles, leurs survies ou encore sur les orogènes considérés comme des monstres pour mieux les maîtriser. Cela se ressent dans le destin des trois femmes que l’on suit tout du long, où l’on découvre des héroïnes fortes, charismatiques, humaines avec leurs forces et leurs faiblesses qui doivent faire face à un monde qui ne les comprendre, ne cherche pas à les comprendre et ne les accepte pas. Le récit nous fait aussi réfléchir sur de nombreux sujets comme la notion de choix, l’amour, la sexualité, le rejet de ce qui est différent et d’autres encore et surtout le fait de façon efficace et percutante. La plume de l’auteur est soignée, efficace et même si un ou deux passages m’ont paru un peu long elle nous happe très facilement dans son récit. Une excellente introduction qui donne envie de lire la suite.





Retrouvez la chronique complète sur le blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
Commenter  J’apprécie          202
Les livres de la terre fracturée, tome 1 : La..

Les livres de la terre fracturée de N.K.Jemisin

Tome 1 La cinquième saison

Prix Hugo 2016 du meilleur roman

Roman dystopique



Une 4e de couverture plutôt vendeuse, des critiques dithyrambiques, un prix prestigieux, il en fallait pas plus pour me dire: Vas-y fonce!

Mais malheureusement cette lecture a été une déception pour ma part. Je n ai pas plonger dans l'ambiance, aucune empathie pour les personnages. J'ai subit la lecture, je n'ai pas compris la façon de procéder de l'auteure. On passe d'un vouvoiement nous incluant dans l'histoire, ensuite l'auteur change de procédé, et choisi de prendre ses distances avec le lecteur.

On passe d'un personnages à l autre sans distinction, un lexique en fin de roman qui aurai été mieux en début, enfin bref.

Commenter  J’apprécie          198
Les livres de la terre fracturée, tome 1 : La..

"Relecture" audio mars 2023 : 4,5 ⭐ et même avis avec une approche facilitée par la lecture précédente.



📌 📌 📌



Voici un livre que je voulais lire depuis longtemps et je l'ai enfin mis sur le dessus de la pile pour valider des items des trois Challenges.



Une terre qui n'est pas notre terre, un seul continent régulièrement mis à mal par des cataclysmes qui détruisent cités et civilisations et créent la Cinquième Saison, celle dont peu de personnes se relèvent !



3 récits se côtoient dans des événements durs, inhumains pour nous, des mots qui n'ont de sens que sur cette terre. J'ai mis longtemps à rentrer pleinement dans le livre, comprendre pourquoi ces 3 récits ! Avec bien souvent l'impression que l'auteure s'était égarée dans les méandres de son imagination ! Mais elle a su éveiller ma curiosité et j'ai poursuivi ma lecture, tant et si bien que j'ai attaqué le second livre.



Orogènes, mangeurs de pierre, gardiens, magie, science-fiction et fantastique se mêlent et s'emmêlent et il faut un peu de persévérance pour y trouver de l'intérêt.



CHALLENGE MULTI-DEFIS 2020

CHALLENGE PAVES 2020

CHALLENGE MAUVAIS GENRE 2020

Commenter  J’apprécie          190




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de N. K. Jemisin Voir plus

Quiz Voir plus

Quand les enquêteurs parlent...

— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie

Arsène Lupin
Hercule Poirot
Rouletabille
Sherlock Holmes

13 questions
58 lecteurs ont répondu
Thèmes : romans policiers et polars , humour , enquêteursCréer un quiz sur cet auteur

{* *}